cauchemar à l hôtel bellegarde streaming

cauchemarà l'hôtel bellegarde streaming. by | Jun 1, 2022 | معرفة نوع الجنين من فصيلة الدم | romain goisbeau lebouseuh | Jun 1, 2022 | معرفة نوع الجنين من فصيلة الدم | romain goisbeau lebouseuh Paris- Nice - 2e étape : Les Bréviaires - Bellegarde (163,5 km) du lundi 11 mars 2019 en replay sur France 3. Ici vous trouverez tous les programmes. Ici vous trouverez tous les programmes. 2e étape : Les Bréviaires - Bellegarde (163,5 km) du programme Paris - Nice est diffusé par France 3 le lundi 11 mars 2019 à 15:20 heures. Cauchemarà l'hôtel n'est pas disponible en streaming. Laissez-nous vous avertir quand vous pourrez le regarder. Signaler une offre manquante ou incorrecte 1 épisodes S2 E1 - L'hôtel-restaurant de l'Agriculture à Bellegarde (Loiret)) Casting Philippe Etchebest Philippe Etchebest Regarder Cauchemar à l'hôtel saison 2 en streaming CampingAvec Piscine Clair Matin à Allevard, Ville Où Il Y A Le Plus De Délinquance , Film Jésus 1979 Streaming Vf, Achat De Maison à Villetaneuse, Foire De Nantes Novembre 2019, Recours Gracieux Université Campus France, Hôtel Bellegarde Cauchemar En Cuisine, Météo Fiable Palma De Majorque, Larboretum Dans La Forêt De Mormal A Locquignol Photos, 2èmeépisode de la saison1! abonne toi pour ne rien louper! Site De Rencontre Senegalais En France. See other formats Digitized by Google Digitized by Google Digitized by Google MONTMARTRE Cuciit. — lmp. M. Loisxoa, Paul* Dcrosi et C, rue du Buc-d'Asnières, li. Digitized bÿ Google L’ABBESSE D E MONTMARTRE ROMAN HISTORIQUE p a n HENRI AUGU & GULLAUD n LES ASSASSINS DU ROI E. DENTU, EDITEUR LIBRAIRE UK J,A SOCIÉTÉ DES DE LETTRES PALAIS-ROYAL, 17-19, GALERIE D’ORLÉAYS L’ABBESSE D E MONTMARTRE DEUXIÈME PARTIE LES GRANDS CONSPIRATEURS I LA FOIRE DE SAINT-GERMAIN. Nous sommes en 1602, au mois de février. La célèbre foire de Saint-Germain est dans tout son éclat, dans tout son ourvari. C’est un vacarme à ne pas s’entendre, un tohubohu étourdissant. Tout fourmille, tout frétille, s’ébat et crie. Ici, le marchand s’égosille à appeler ses chalands ; là, en se disputant, on joue aux quilles et au tourniquet ; ailleurs, des bateleurs, des jongleurs, des acrobates provoquent les applaudissements du populaire. Des charlatans préconisent leur orviétan et leur poudre “ ’ i Digitized by Googl 2 L’ABBESSE DE MONTMARTRE de perlimpinpin, ou arrachent les dents à quelques ba- dauds. Plus loin, on montre des chiens et des singes savants. Pendant longtemps, pour ces derniers, on avait perçu, au passage du Petit-Châtelet, quatre deniers de droit d’entrée, ce dont les jongleurs purent se dispenser dans la suite, en faisant gambader leurs singes devant le péager. De là est venu le proverbe Payer en monnaye de singe. Aux cabarets de la foire on boit et on chante. De mignards cordeliers et prescheurs, des abbés musqués, comme il y en avait alors, vont d’une loge à l’autre, riant et secouant leurs mouchoirs frisés. Puis ce sont des éco- liers turbulents ou des pages faisant mille niches aux pai- sibles bourgeois. On voit aussi circuler des groupes avinés, composés pêle- mêle de lansquenets, de laquais et de pères frapparts, dodelinant de la tête et barytonant, » comme eût dit feu le plaisant Rabelais. Tout Paris s’est donné rendez-vous au faubourg Saint- Germain. Henri IV et sa cour n’ont eu garde de ne pas venir s’é- jouir au grand ébattement. Le Béarnais aimait à voir l’allé- gresse populaire. , Mais voici encore nos vieilles connaissances, les com- mères que nous avons vues deviser, à Montmartre, sur la procession de Saint-Denis . C’est Jehanne la Jocette, Mar- the là Louvète et dame Perronnelle la Bidaude. Jean Guillê, le quéreur de pardons, n’y a pas manqué non plus ; il les accompagne. Seulement le diseùr de chapelets avait prospéré on le devinait à ses chausses et à son pour- point de drap neuf, et surtout à sa volumineuse montre-hor- I6ge, suspendue au cou. L’usage de ces montres s’établit à Paris sons le règne de Henri IV. — Jamais, disait la Jocette, la foire Saint-Germain ne fut aussi belle, n’est-ce pas, père Guille t Digitized by Goo E’ ABBESSE DE MONTMARTRE 3 — Elle est redevenue ce qu’elle était avant la Ligue, ré- pondit le quéreur de pardons. — Est-ce un mal ? demanda la Louvète. — C’est un vrai lieu de perdition, dame Marthe. Ou y perd son argent, sa raison et la vie parfois. Hier encore, m’a-t-on dit, des écoliers mutinés se sont pris de querelle avec des laquais. Plusieurs furent tués, et l’un de ces der- niers coupa les deux oreilles à un clerc de la Basoche çt les lui mit dans sa pochette. . — Quelle horreur ! Mais pourquoi y venez-vous doue , saint homme? — C’est que... c’est que, dit le cafard ligueur assez èm- barrassé, dame Jocette l’a voulu, et je... — Taisez-vous, Jean Guille, interrompit Jehanne qui, grâce aux poulardes et autres friandises de son échoppe, dont elle le bourrait, avait conquis sur le vieux garçon, de- venu riche, une influence presque... légitime. Taisez-vous! vous ne vous faisiez déjà pas tant tirer l’oreille. — Et puis, fit observer Perronnelle, voyez tous ces révé- rends pères ils ne se montrent nullement scandalisés. — De plus, ajouta la Louvète, cette foire fait gagner maint teston et escu soleil à tous ces cabaretiers, comédiens, jouailliers, marchands de toiles, de draps, menus négoces et autres affiquets. — C’est pourtant vrai, père Guille. Parce que vous avez arrondi votre sac, en faisant des prières et momeries pour les autres, il ne faut pas condamner ce qui peut garnir l’es- carcelle de tant de pauvres gens vendant marchandise plus profitable. — La Louvète ! vous sentez l’hérésie.,. — Mais non le roussi. On ne brûle plus les hérétiques... heureusement. Notre bon roi Henri a mis ordre à cela. — Il devrait bien aussi mettre ordre à votre langue. — Père Guille ! dit Jehanne , vous plairait-il de nous ra- Digitized by Google 4 L’ABBESSE DE MONTMARTRE conter, vous qui savez tant de choses, l’histoire de cette foire Saint-Germain. — Volontiers. Après les troubles sous Charles VI et Charles VII, l’abbé et les religieux de Saint-Germain-des- Prés, qui avaient éprouvé de grandes pertes, obtinrent du roi Louis XI, comme dédommagement, le droit d’établir une foire franche en ce lieu, où s’élevait autrefois l’hôtel de Navarre. — Là ! vous voyez bien. Ce sont les moines de Saint- Germain qui ont créé ce que vous appeliez un lieu de per- dition. — La durée de la foire, poursuivit sans se déconcerter Jean Guille, était d’abord de huit jours. Elle se continua ensuite pendant tout le carnaval et une grande partie du carême, pour ne finir qu’aux Rameaux. — En plein carême ! fit encore remarquer la Louvète. Preuve que nos rois et nos moines n’y regardaient pas de si près. — On construisit, continua le ligueur, cent quarante loges en 1486, qui furent plus tard, en 1511, rétablies soli- dement par l’abbé Guillaume Briçonnet. Elles firent l’ad- miration de la cour et de la ville. Vous les avez là devant vous, ces belles constructions en charpente, à la suite les unes des autres, au bout desquelles se trouve le Champ crotté, pour la vente des bestiaux. — On entend d’ici beugler les bœufs. — Malgré la parade qui vient de commencer à la loge des Gelosi, s’écria la Jocelte. Ah I Voyez donc les belles dames italiennes et leurs compagnons sur les tréteaux! — Et à côté, ajouta le père Guille, à la loge des comé- diens français, voilà le pitre qui prélude sur le tabourin. — Mais le roi et sa cour ne sont-ils pas chez les comé- diens, à entendre une farce ? on nous le disait tout à l’heure. — Le Béarnais y écoute la Farce joyeuse de Toanon. L’ABBESSE DE MONTMARTRE — La reine y est-elle? — Elle s’est gardée d’accompagner le Béarnais cette fois, comme il y a huit jours à l’hôtel de Bourgogne elle savait que la marquise de Verneuil avait été invitée. — Mademoiselle Henriette d’Entragues ! — La seconde reine. Marie de Médicis en est jalouse, et il y a de quoi. — Le roi n’avait-il point promis le mariage à la mar- quise, après la mort de cette pauvre Gabrielle empoi- sonnée ? — Il le lui avait promis par écrit, malgré Rosny. Les Italiens, réunis sur les tréteaux, devant leurs loges, avaient commencé leur ampoulé boniment, avec force mu- sique de flûtes et de cimballes, et à grand renfort de grosse caisse. A leur côté, pour faire concurrence, quelques-uns des co- médiens français, tandis que l’on finissait la représentation dans l’intérieur par Mirtil , bergerie d’Abradan, entrepre- naient une grosse farce sur leurs tréteaux à eux, afin d’atti- rer les Parisiens. Tout cela faisait un tintamarre discordant de cris et de sons à se boucher les oreilles. Mais cette cacophonie, loin de chasser les promeneurs, les badauds, comme déjà Ra- belais avait nommé nos pères, les faisait accourir de toutes parts. Nos commères entraînèrent maître Guille, pour jouir de la double parade. Aux Italiens, où l’on jouait la pantomime, se voyaient le Milanais Scaramouche, gourmand, paresseux et menteur, c’est-à-dire le Pierrot enfariné de nos jours ; je Vénitien Pantaleone ; l’Arlequin bergamesque, toujours vainqueur de son infortuné rival; le Polichinelle napolitain el signor Pulcinella ou le mauvais sujet. A ces types du mime italien, s’étaient joints des per- sonnages indigènes le malheureux et beau Léandre; le Digitized by 6 L’ABBESSE DE MONTMARTRE père Cassandre, toujours conspué et battu, et la charmante et légère Colombine. A la loge des comédiens français, qui, ce jour-là, repre- naient leurs jeux, suspendus pendant une semaine par suite des prétentions des Maîtres ou Confrères de la Passion , lesquels avaient invoqué leurs privilèges, on admirait sur- tout les comédiens Legrand, Gros-Guillaume et Gauthier- Garguille. Le premier, sous le nom de Turlupin d’où tur- lupiner et turlupinade, préludait alors, sur les tréteaux fo- rains, à ses succès futurs de l’hôtel de Bourgogne, berceau du Théatre-Français. Asescôtés, on applaudissait aussi Père La Rancune, le rai- sonneur ; Ragotin, qui remplissait en robe de chambre les grands rôles, les Ajax et les Agamemnon ; le superbe Floridor, l’amoureux; la tendre Isabelle, qui faisait les jeunes princesses, et la belle Eléonore dans ses rôles de co- quette. Bientôt la grosse farce, avec les bouffonneries de Gau- thier-Garguille et les robineries de Turlupin, l’emporta, chez les descendants des Gaulois, sur la pantomime italienne, et les manières plus affétées d'el signor Pulcinella et de sa compagnie. Nos commères s’étaient rapprochées de la loge des Fran- çais, et n’avaient plus d’oreilles que pour les turlupinades. La farce qui servait de boniment était fort plaisante et provoquait de fous rires. Gros-Guillaume remplissait le rôle d’un lansquenet alle- mand, malheureux dans son ménage. Sa femme Gretchen , le trompait avec le beau Floridor, et Turlupin se gaudissait de lui avec' force grimaces et joberies. Dans la foüle, on se désopilait la rate. Un seul des spectateurs ne riait point. Il regardait et écoutait, à quelques pas de Jean Guille et de ces dames ; les mains derrière le dos, fronçant de plus Digitized by GoogI L’ABBESSE DE MONTMARTRE T en plus ses sourcils gris, il grommelait de temps en temps des paroles inintelligibles. Cet homme était arrivé à la foire d’un pas lourd, consb- dérant tout avec flegme, mais paraissant néanmoins cher- cher quelqu’un. Sa tournure, sa corpulence et sa mise avaient fait sourire maint Parisien. Devant la baraque des comédiens français, l’accoutrement et la physionomie de Gros-Guillaume l’avaient frappé, et il s’était arrêté. — Diens ! diens ! s’était-il dit, c’êdre un bays, ça... un Landsknecht!... Et il me ressemble un beu. Effectivement, Gros-Guillaume, le célèbre farceur, était un franc ivrogne, bourgeonné, gros, gras et ventru. Il n’ap- paraissait jamais sur la scène que garrotté de deux ceintures, l’une au-dessous du nombril, et l’autre sur la poitrine. Ces deux ceintures, disent les chroniqueurs du temps, le met- taient en tel état, qu’on l’eût pris pour un tonneau. Une cruelle maladie dont il était atteint, le venait quelquefois attaquer si rapidement au milieu de son rôle, qu’il en jetait des larmes ; et ces traits de douleur, imprimés sur son vi- sage, faisaient souvent partie de la farce. Quant au personnage qui s’était arrêté devant la loge, et qui trouvait qu’il y avait quelque ressemblance entre lui et le lansquenet Gros-Guillaume, sa ventrosité et son habille- ment étaient encore plus remarquables que ceux de l’ancien boulanger Robert Guérin, c’est-à-dire de Gros-Guillaume. C’était ce qu’on pouvait appeler un vrai bedon, aussi membru et fort de carrure que haut de taille. Sa rouge trogne sans barbe, aux joues bouffies et au tri- ple menton qui écrasait son rabat, était encadrée par une chevelure fauve et inculte sur laquelle avait peine à tenir un petit casque à plume de coq. Sur son gambesou de peau était passée une cuirasse médiane, et ses chausses, égale- ment de peau, s’enfonçaient dans de larges houseaux de cuir, garnis -d'éperons. Digitized by Google 8 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Une formidable épée à poignée monstrueuse, qui devait dater de l’époque de Philippe- Auguste, était attachée à un baudrier derrière le dos ; la pointe en louchait presque les talons, tandis que la poignée atteignait l’épaule. D’épais gants de daim complétaient ce costume d’un hobereau de province ou d’un capitaine d'aventuriers. Gros-Guillaume, dans son rôle de lansquenet d’outre- Rhin, venait de surprendre le galant Floridor contant fleu- rette à sa femme, et l’appelant sa chère Gretchen. — DerTeufel! marmotta le géant pansu. Il l’avre abbelé engore Gretchen... C’être le nom de mongoguine de femme Est-ce qu’ils gonnaîtraient mes malheurs de ménache ?.. Ah ! mein Gott ! Là-dessus, il poussa un soupir à écorner un bœuf. Le lansquenet Gros-Guillaume, de son côté, était entré dans une grande colère, criant, menaçant, gesticulant et ba- ragouinant l’allemand. — Der Teufel! rognonna de plus belle l’homme aux chausses de peau. Che grois gu’il me gontrefait celui-là!... Egudons... ia, égudons! Floridor se sauve à l’autre bout des tréteaux, et le lans- quenet le poursuit. Survient le rousseau Turlupin, qui se glisse en rampant devant l’Allemand et le fait tomber le nez contre terre. Les rires éclatèrent tout autour de notre gros spectateur. — Est-ce gu’ils rient de moi ? se demanda celui-ci en re- gardant à la ronde. O ho ! nus allons voir un beu. Et d’un coup d’épaule, il fit passer sa grande épée en avant. Le lansquenet s’était relevé, aidé par le facétieux Turlu- pin, qui l’époussetait et le consolait de sa mésaventure avec une commisération ironique. L’Allemand se tenait le nez en hurlant. Pendant ce temps, le beau Floridor avait rejoint Gretchen et l’embrassait. Voyant cela, toute sa colère revenait au mari, qui, en ba- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 9 ragouinant de plus belle, voulut s’élancer sur le godelu- reau. Mais Turlupin le retint brusquement par la casaque. Le lansquenet se retourne furieux, mais voit Turlupin qui paraît niaisement occupé à attraper des mouches. Il veut se précipiter de nouveau; il se sent retenu encore, fait volte-face et aperçoit toujours le niquedouille gobant des mouches. Cette scène se renouvelle plusieurs fois, au milieu de l’hUarité générale. — Tarteiffle! s’écrie enfin le lansquenet en francisant le jurement tudesque, et il veut asséner à Turlupin un gros coup de poing, que celui-ci esquive, mais qui, donné dans le vide, fait perdre l’équilibre au pauvre mari. Nouvelle scène de condoléance jouée un instant par Tur- lupin. Mais le lansquenet, entendant un gros baiser appliqué sur la joue de Gretchen, bondit sur le groupe amoureux, qui s’efface, et le malheureux fait une troisième culbute dont s’ébouffent tous les assistants. Cette farce, comme on voit, était bien dans les mœurs de l’époque. — Ah ! der Teufel ! s’écria enfin tout haut, de sa voix la plus grosse, l’homme à la cuirasse. Ça ne se bassera pas comme ça, Donner und Hagel ! Il avait déjà tiré son énorme épée et, bousculant ceux qui se tenaient devant lui, il cherchait à fendre la foule pour courir vers les tréteaux et venger son compatriote le lans- quenet, ou plutôt son propre honneur, qu’il croyait attaqué par cette scène bouffonne. Mais on l’entoure, vingt bras s’avancent et le retiennent. Furieux, il veut jouer de son épée. On le désarme, non sans peine, toutefois. Il pousse des jurements si sonores qu’on les eût dit passés par un porte-voix, et adresse en al- lemand des malédictions sans nombre à la perfide Gret- chen. La coquette Eléonore, frappée d’une terreur réelle à la vue Digitized by Google 10 * L'ABBESSE DE MONTMARTRE le cet autre Allemand, un vrai Allemand, qui voulait, l’épée à la main, la punir, elle, son Floridor et le complice Turlu- pin, s’était enfuie dans l’intérieur de la baraque, en jetant les hauts cris; tandis que le lansquenet, ou plutôt l’inoffen- sif Gros-Guillaume, demeurait là la bouche béante, et ne comprenait point ce secours inappelé qui lui venait si in- tempestivement. Les cris d’Éléonore Gretchen avaient fait lever toutes les têtes dans la loge. Le roi lui-même, qui avait ri comme un bossu à la Farce joyeuse de Toanon,e t qui écoutait maintenant tout attendri, les vers d’Abradan, célébrant les amours pastorales dans sa bergerie de Mirtil, le roi lui-même s’était retourné. Il ne faut nullement s’étonner que Henri IV et sa cour se soient plu à assister à une représentation dans ce théâtre forain. Nos pères étaient faciles à contenter, et les pièces que l’on jouait à l’hôtel de Bourgogne ne valaient pas mieux que celles de la foire. Les farces et les sotties formaient encore en grande partie le répertoire du futur Théâtre-Fran- çais, bien que Hardy se fût engagé à fournir six tragédies par an; mais quelles tragédies! S’étant enquis de la cause du tumulte devant la loge et de la frayeur de la coquette Eléonore, à laquelle il ne dédai- gna pas de sourire, ce qui fit froncer les sourcils à la mar- quise de Verneuil, assise à ses côtés, le roi se tourna vers sa suite — Monsieur de Fontaine et vous, Castaignac, dit-il, allez donc voir quel est l’auteur de pareille algarade... Vous ar- rêterez ce malotru qui ose interrompre le spectacle donné pour l’amusement de mon bon peuple. Marcel et le Gascon sortirent et aperçurent le ventripo- tent Allemand se débattant au milieu de la foule. — Hé, milladious! s’écria Castaignac, j’ai déjà vu quel- que part cette tête de Silène et cette grosse panse. — Que vois-je? disait en même temps Marcel. Mes yeux Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 11 ne me trompent-ils pas ? Est-ce bien lui ?... Lui , à Paris , — Qui donc, monsieur de Fontaine ? — Mon brave et cher maître, le capitaine Gargantua ! Notre jeune homme fendit la foule, suivi du Gascon, et voulut sauter au cou de l’énorme personnage, qu’à la vue de l’uniforme de l’officier des gardes les bourgeois avaient lâché. Mais le reître, ne reconnaissant pas d’abord son ancien élève, et croyant qu’on voulait lui mettre la main au collet pour l’arrêter, repoussa Marcel en laissant échapper un formidable juron. — Mais c’est moi, mon bon capitaine, lui dit l’officier. — Gui vus ? — Marcel, que vous fîtes tant sauter et ferrailler à Us- son. — Ah! meiti Gott!... s’écria Gargantua, dont le visage passa subitement du rouge cramoisi à une pâleur relative... je... je... me sens dut trôle. Il en était effectivement tout saisi, le gros reître; il ou- vrait de grands yeux, frappait sur sa cuirasse et semblait suffoquer de joie. Enfin il ouvrit ses bras, Marcel s’y jeta, et Gargantua fail- lit l’étouffer en le serrant contre sa poitrine bardée de fer. — Mais gue vus êtes donc choli comme ça, et crand!... bas gros burdant... c’est bas gomme moi, dit le capitaine d’une voix aussi flûtée que possible, après avoir écarté de lui le jeune homme, comme pour bien l’admirer. — Par quel hasard êtes-vous à Paris, mon cher capitaine ? demanda Marcel. — Oh ! ce n’êdre bas un hasard du tut. Che venais t’a- pord bur le roi... et buis bur vus, mon bedit ami. — Le roi ? — la, ia , che le cherche. Us m’ont tit gomme ça au Louvre, qu’il êdre à cette foire avec vus. Digitized by Google 15 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — En effet, il est là-dedans à écouter la fin de la repré- sentation. — En ce gas nous avons le demps de poire un bedit cup... gar, voyez-vus, ça m’avoir tonné pien soif de vus voir et de vus embrasser gomme ça... Le goeur, il m’avre dourné, der Teufel!... Denez! voilà un gabaret. — Merci. Le roi pourrait sortir pendant ce temps. Et que voulez-vous à Sa Majesté ? — Lui tonner cette lettre de madame Marquerite. C’est drès-bressé et drès-imbordant ! — Une lettre de la reine Marguerite ! Donnez ! je vais la remettre. Demeurez en compagnie de M. de Castaignac. — Du Casgon ! Diens ! che le regonnais maindenant. — Enchanté, capitaine, interrompit le cadet tandis que Marcel entrait dans la loge avec la lettre. Hé ! moi aussi, cadédis, je me disais que votre bonne figure ne m’était point inconnue. Vous n’avez point maigri, mon brave. — C’est la véridé. La nurridure, il être apondante à la burg t’Usson, et le vin bas mauvais... Ah! ch’yavre eu mon gondent... Mais vus n’avez bas encraissé, vus! Les cham- bes, il êdre gomme des éjalas de vigne. — Que voulez-vous, mon cher? C’est la guerre... — Oh ! la querre, il être une pien driste chose. Ch’aime mieux la baix, lieber Gott! et y êdre pien dranguille tevant une ponne dable. — Mais vous aviez de la barbe autrefois, capitaine? — Che ne tis pas, mais che suis tevenu un homme hon- nêde et baisible... et puis, matame Marguerite, une ponne maîdresse! il m’avre tit que che ressemblais à un borc- ébic. — Pourtant, capitaine, puisque vous êtes devenu d’une humeur si douce, après avoir été tant batailleur, pourquoi ce casque, cette armure et cette gigantesque épée ? — Oh ! bur la rute seulement. Ch’avre fini bar truver ça à la salle d’armes d’Usson, mais bas sans beine. Digitized by Googl L’ABBESSE DE MONTMARTRE 13 — Je le crois, avec votre corpulence. — Le gasque est un beu bedit. Dut est maindenant drop bedit bur moi, même les vidregomes. Quand je beux, che pois au donneau dans les auperches. — Cela ne fait pas l’affaire du cabaretier. — Dant bis ! A un villacbe on m’a jerjé guerelle bur ça. Ils avre voulu domber sur moi, gui suis si bon et si baisi- ble. — Et, vous vous êtes laissé rosser ? — Ch’avre grié un beu. — Hé! milladious, je m’en souviens vous avez une voix de tonnerre. — N’est-ce bas ?... Mais chavre dapé aussi avec mon schwert. — Vous vous êtes rebiffé ? — Oh! beu de chose ! Ch’avre fendu la dête à un, gupé le pras à un autre, et le reste... ' — Le reste s’est sauvé ? — la, ia. Ils s’êdre gâché dans un crenier, où ch’avre mis le feu. — Quel paisible homme vous faites! — Mais che m’en êdre pien rebendi, mossié de Gastai- gnac. — A la bonne heure ! — Dans un gouvent du voisinache, chavre brié le bon Tieu, allez ! — A l’église ? — Dans la gave, avec le bère cellérier... un pien prave homme ! Il m’avre mené là, bur me convesser. Ch’aimais au- dant ça. — Et vous vous confessâtes si bien l’un à l’autre, je gage, qu’on vous trouva dans une sainte extase, couchés devant une futaille ? ’ — la, ia. Il me tisait gomme ça, le bère, que son vin êdre béni. Digitized by Google U L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Ah çk! pourquoi avez-vous quitté Usson? Le roi, si je ne me trompe, vous y donnait à protéger la reine Mar- guerite. — C’est vrai, mais elle m’a tit gomme ça Va brévenir le roi qu’il brenne carde à sa gouronne !» Et ça m’a décité un si pon roi qui m’a fait mancher un chur un feau tout entier!... Bensez donc un beu! — Quelle bombance! je m’en souviens, cadédis! Tout le veau y passa. — Et buis ch’avais dant envie de voir mon bedit ami Marcel. — Dont vous avez fait l’éducation militaire. — la, iar, et que ch’avre bien bleuré guandil est bardi... Bendant huit chours, ch’avrc noyé mon jagrin. — Pas dans l’eau, je gage. — Matame Marguerite m’avait gonflé la glé de la gave. — Alors vous ne protégiez plus la reine ? — Une pieuponne maîdresse ! Elle m’a menacé de me faire bendre, quand ch’ai vulu rebrendre le gommandement dans la burg. — C’est qu’elle s’était bien trouvée de votre semaine de séjour à la cave. — Faut groire... la, ia. — Et vous avez cédé ? — Tame! elle m’a tonné à choisir endre être bendu et les clés du cellier et de la gave. — Et vous avez préféré celles-ci. — Moi, che veux bas êdre bendu, der Teufell — Je sais cela, milladious! Or çà, narrez-moi donc un peu pourquoi. — Oh! c’êdre un bedit hisdoire de mon bays de Brande- bourg. Mais che ne beux bas la gonder ça me fexe drop. Des cris enthousiastes venaient d’éclater dans la foule — Vive le roi ! vive notre bon Henri ! » Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTHE 15 C’était effectivement le roi, suivi de sa cour, qui sortait de la comédie. — Où est-il, le capitaine ? demandait le Béarnais, tenant à la main la lettre que Marcel lui avait remise. — Brésent ! fit Gargantua en s’avançant. — Yentre-saint-gris ! te voilà avec une bedaine plus grosse que mon cousin de Mayenne. Tu arrives d’Usson? — Et bien gondent bur voir mon bedit ami Marcel. — Mais ta consigne ? — Ma gonsigne! c’est vrai... Tame! la reine Marguerite, elle m’a tit gomme ça Va brévenir... » — Allons! tranquillise-toi, tu ne seras encore pas pendu cette fois. Je te pardonne en faveur du bon avis que tu m’apportes... L’excellente créature, tout de même que cette Margot! Le roi se tourna vers Rosny — Savez-vous ce qu’elle me mande? dit-il. Tenez, li- sez! Rosny prit la missive, et la parcourut en fronçant ses épais Sourcils. — C’est très-grave, en effet, fit observer le surintendant des finances. Marguerite signalait au roi une conspiration formidable ourdie entre le dépravé comte d’Auvergne, fils de Marie Touchet, et le remuant duc de Bouillon, et dans laquelle trempait de nouveau le maréchal de Biron, à qui Henri avait pourtant pardonné une première fois, après la guerre de Savoie. Elle avait eu vent de cette conspiration par les propos de plusieurs seigneurs auvergnats, Saint-Hérem, Canillac et Nérestan, qu’on avait tentés. Elle ne pouvait donner des renseignements plus précis sur cette affaire, disait-elle, mais sûrement l’Espagne et le duc savoyard devaient y être pour quelque chose, et elle Digitized by Google 16 • L’ABBESSE DE MONTMARTRE ' avait pensé qu’il était de son devoir d’ancienne épouse et de loyale sujette d’avertir le roi. — Ventre-saint-gris ! dit encore le Béarnais à Rosny en reprenant la lettre, ma grosse Margot est toujours la même mauvaise tête, mais bon cœurl — Sire! il faut prendre des mesures, insinua le ministre. — Sans doute il s’agit de saisir les fils. — Faire arrêter le maréchal est essentiel. — Ne brusquons pas ! Je le verrai d’abord rien ne presse. Croient-ils que la France se donnera si facilement à eux ? Je ne pense pas, du reste, que le comte d’Auvergne, le frère de ma mie, ait donné là-dedans. Ayant jeté les yeux sur la marquise de Verneuil, qui pa- raissait s’impatienter de ce long colloque, bien qu’elle fût entourée d’une foule de courtisans empressés, il fit un signe de la main au reître. — Capitaine Gargantua, merci! lui dit-il. Retournez à Usson, pour y bien soigner cette bedaine comme par le passé. — Ah ! che ne tis pas on manche pien, et on poit pien à Usson, che ne m’en blains bas. Mais c’est écal che my ennuie. — Pourquoi donc ? — A gause de mon bedit Marcel, que ch’aime dant. Main- denant que che l’ai revu, che ne voudrais blus le guitter. Et buis, là-pas, à Usson... — Qu’y a-t-il à Usson ? — On me tit duchurs que che serai bendu. — C’est Marguerite qui te menace de la sorte ? — la, guand che veux exéguder la gonsigne gue vus savez. — Ah ! oui... la nuit, comme dans le temps. — Guand che grie drop fort. — C’est que tu as un fier gosier... Oui, oui, je com- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 17 prends. Ventre-saint-gris! Margot sera la meme jusqu’à son dernier soupir. — Comme vous, Sire! fit tout bas le grondeur Rosny. Le Béarnais se mit à rire au nez de son ministre, puis cria à sa suite • — Messieurs, allons faire la partie chez maître Jonas!... Rosny, vous me prêterez votre bourse. Là-dessus, le roi se dirigea vers une des académies de jeux, établies à la foire, où il joua aux cartes pendant plus d’une heure, au grand chagrin de son trésorier. On se livrait, à cette foire, à un jeu effréné, et il fallait que ceux qui tenaient les académies de jeux fissent de grands profils, puisque l’Estoile rapporte que maître Jonas payait, pour la loge qu’il occcupait, un loyer de 1,400 li- vres pendant quinze jours. Le Parlement finit par défendre de jouer à la foire Saint- Germain, tant aux caries et aux dés, qu’aux quilles et aux tourniquets. Un jour, Henri IV y avait perdu sept cents écus, en jouant à trois dés avec monsieur de Villars. Comme on l’a vu par ce qui précède, de grands change- ments avaient eu lieu depuis les événements racontés dans notre deuxième partie. Il y avait nombre d’années que Henri IV était séparé de fait de Marguerite de Valois, sa femme, dont la conduite avait motivé et justifiait assez encore cet éloignement. Cependant il lui fallait un héritier, et l’on sait qu’après l’entrevue avec Marie de Beauviliiers à l’église de Mont- martre, il s’était décidé à poursuivre activement son divorce à la cour de Rome. Le roi devint libre, Marguerite ayant du reste donné son consentement. Mais quelle serait la nouvelle reine? C’était là la question. Gabrielle d’Estrées fut à la veille de s’asseoir sur le trône. Il 2 Digitized by Googl 18 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Elle avait intéressé tout un parti à son élévation pro- chaine Mayenne, Chiverny, Sillery, le légat môme étaient pour elle. Malgré Rosny, malgré de Thou, malgré son engagement pris envers l’abbesse, Henri allait peut-être céder à ses secrets penchants, et renoncer pour Gabrielle à l’alliance offerte par les Médicis. Une catastrophe décida tout. Le jeudi-saint 8 avril 1599 la favorite, dînant dans la maison de Zamet, se trouva mal, après avoir goûté d’une orange ; elle accoucha le lendemain d’un enfant mort, et expira au bout de trente-six heures d’affreuses convulsions. On pensa toujours qu’elle avait été empoisonnée. Le désespoir de Henri fut grand, mais court. Bien qu’il écrivît à sa sœur Catherine La racine de mon amour est morte, elle ne rejettera plus 1 , » il s’éprit bientôt d’une nouvelle beauté, avec tous ses entraînements d’autrefois. Le cœur du Béarnais était aussi inflammable à quarante- six ans qu’à vingt. Il est vrai que l’intrigue était habilement préparée de- puis quelque temps, comme on sait, par deux ou trois courtisans que nous avons nommés; car cette beauté nou- velle n’était autre que Henriette d’Entragues, femme ambi- tieuse et adroite s’il en fut. Elle commença par se faire donner trois cent mille livres, que Rosny compta en beaux écus sonnants, non sans’ re- chigner, ainsi que le marquisat de Verneuil. Mais, toujours maîtresse d’elle-même et rusée en diable, elle ne céda définitivement qu’après avoir obtenu de l’a- inoureux Béarnais une promesse de mariage par écrit. Il devait l’épouser, si elle avait un enfant. Rosny, qui eut la promesse en main, la déchira à Fon- tainebleau. Le roi prit la peine de la refaire, et la remit à la marquise, Heureusement que le roi devint encore libre cette fois, par un accident imprévu. / Digitized by Google L’ABBESSE DÉ MONTMARTRE 19 Le tonnerre étant tombé dans la chambre d’Henriette d’Entragnes, de frayeur la marquise accoucha avant terme, elle aussi, d’un enfant mort. Le mariage fut alors décidé avec Marie de Médicis, nièce du grand-duc de Toscane et du pape. Les noces furent célébrées à Lyon le 40 décembre 1600, et neuf mois après naquit un dauphin qui devait être Louis XIH. La marquise de Verneuil conçut de ce mariage un pro- fond ressentiment, dont nous verrons bientôt les effets. Toutefois, comme le Béarnais, qui avait épousé la reine sans amour, n’avait cessé d’adresser ses protestations au cœur hautain de Henriette d’Entragues, celle-ci s’était en apparence montrée consolée. Étant de nature dominatrice, elle avait consenti à être la favorite en titre du roi, afin d’avoir sa cour, et aussi pour humilier celle qu’elle prétendait lui avoir volé le trône ; aussi usait-elle de son pouvoir en plein scandale. Quelque chose servait, il est vrai, d’excuse au roi. La reine, jalouse et bigote, de beauté commune et d’es- prit vulgaire, entourée d’intrigants florentins ou, qui pis est, de galants suspects, parmi lesquels se distinguait Concini, n’avait rien qui pût retenir un mari peu fidèle, et, par ses brouilleries et ses façons mausades, ne rame- nait pas Henri. Les Mémoires de Sully sont pleins des confidences du roi et des hardis conseils, des résolutions décisives, prises et entravées sans cesse, pour débarrasser la cour de la double influence des intrigantes politiques et des aventuriers ultramontains. Mais d’autres dangers pressaient davantage et parvenaient à en distraire. Quoi qu’il en fût, Henriette d’Entragues était installée dans un des appartements du Louvre. Les deux femmes s’étaient retrouvées enceintes à la fois. La marquise disait à qui voulait l’entendre, que c’était elle qui devrait être la reine, et non cette grosse banquière. » Digitized by Google L'ABBESSE DE' MONTMARTRE 20 Ges aigres paroles revenaient à Marie de Médicis, qui s’en vengeait en faisant au roi des querelles furieuses. Le Louvre était un enfer. Quant aux autres principaux événements qui eurent lieu pendant la période que nous avons dû laisser de côté pour ne point trop allonger notre récit, voici peut-être, attablés devant un des cabarets de la foire, deux hommes qui nous en instruiront. Ces deux hommes s’entretiennent avec un certain mys- tère, tout en buvant bouteille, et lorsque le roi et sa cour avaient passé devant eux pour se rendre au jeu de maître Jonas, ils avaient jeté sur le Béarnais un regard oblique, en prononçant tout bas le nom de Biron. L’un est Laffin, l’autre Reuazé dit Fin-Kobin. — Vous le voyez, M. de Laffln, disait ce dernier; il est plus ingambe et plus puissant que jamais. — Un vrai roi, vive Dieu ! Quel dommage qu’il paye si mal ses serviteurs ! Je quitterais volontiers le petit Savoyard et Biron, pour être des siens... Biron, surtout ah ! l’iras- cible et orgueilleux personnage! — Je vous suivrai, si vous changez de maître, mon gentilhomme. — Il est vrai que tout s’est renoué à merveille, et que, si l’on réussit cette fois, j’aurai cinquante mille livres du duc Charles-Emmanuel, et un régiment du maréchal. Chauffons donc, maître Renazé ! — Mais si M. de Biron fait encore comme l’an passé, au cloître des Cordeliers à Lyon ? — Oui, il avoua au roi qu’il avait recherché en mariage une des filles du duc, et conçu de mauvaises intentions contre son service, par rancune du refus de la citadelle de Bourg après la guerre de Savoie, où le Béarnais fut si promptement vainqueur. U implora son pardon, avec marques de grande repentanee. — Mais il ne dit pas tout. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 21 — Le moins qu’il put. Il se garda surtout de faire con- naître le mauvais dessein qu’il avait eu au fort de Sainte- Catherine. — Où il devait amener le roi sous l’arquebuse de ce lansquenet roux, Claude le Lorrain... — Qu’en compagnie de plusieurs chenapans 'j’ai em- bauché dans le temps, et qui est au service du Savoyard... Mais le maréchal est pins que jamais dans la conspiration, avec d’autres que le rusé Charles-Emmanuel, pendant son séjour à Paris, avant la guerre, avait choyés, flattés et ga- gnés à ses vues. — Qui sont toujours celles de l’Espagnol. — Le comte de Fuentès, gouverneur du Milanais, se tient prêt. Il a avec lui les jésuites, qui, du reste, ont si bien endoctriné Biron, qu’on ne voit plus celui-ci que disant le chapelet. — Si pourtant le comte savait que les jésuites tiennent séquestrée sa fille, pour avoir un jour sa fortune! Nous avons conduit la poulette au monastère de Sainte -Agathe, à Novare. — La jeune Alice ! je m’en souviens. Un jour, à Turin, frère Gilles m’a confié que cette jeune fille était aimée d’un brave officier des gardes, M. de Fontaine, que je connais... Est-elle encore à Novare ? — Je le pense, monsieur de Laffin, d’autant plus qu’il n’y a pas plus de six semaines, j’y ai vu le révérend père Daubigny. — Chut ! maître Renazé, on s’attable à nos côtés. — Tudieu ! quelle bedaine et quel souffle !... On dirait un taureau. Deux personnes venaient effectivement de prendre place à une table voisine. L’une d’elles, en s’asseyant, avait fait craquer le banc. Quant à l’autre, Laffin la reconnut aussitôt. — Monsieur de Fontaine ! s’écria ce dernier en se levant Digitized by Google 82 L’ABBESSE DE MONTMABTRE pour aller serrer la main à Marcel. Que je suis aise de revoir un si bon et généreux gentilhomme ! — Pour faire plaisir à ce brave capitaine, mon digne maître ès armes, je viens un peu m’humecter les lèvres. — Moi, tonna le reltre, en frappant sur la cuirasse qui recouvrait son vaste abdomen, che poirai au moins teux bintes... der Teufel! ch’avre soif. Et, de fait, le cabaretier ayant apporté deux brocs au ventre rebondi, Gargantua, sans se donner la peine de verser dans un gobelet, prit le vase aux cercles de cuivre et but à même longuement. Le petit bleu s’ingurgitait dans son large œsophage avec un glouglou guttural qui se mêlait au bruyant renâclement du nez, seule voie respiratoire en disponibilité pendant cette absorption bachique. — Ah ! mein Golt ! se mit à dire ensuite Gargantua, avec un délectable soupir. Gue cela fait dupien ! — Cet argenteuil vous plaît donc, capitaine ? demanda Marcel, heureux de la sastisfaction que témoignait son cher professeur. — Ça ne vaut bas mon bedit chanturge d’Usson , mais ça beut se poire dut de même. — Enchanté alors, puisque vous ne retournez pas en Auvergne. — Ah ! la ponne nouvelle que vous m’avez abbordée là! — Le roi s’est rendu à vos vœux et à ma prière. Au fait, m’a-t-il dit, puisqu’il est devenu inutile à Usson, malgré son rude gosier, qu’il demeure à Paris avec vous, Marcel. D’ailleurs, Margot l’y rejoindra peut-être nous aviserons à cela. » Laffin avait profité de ces paroles échangées entre Marcel et Gargantua , pour souffler à l’oreille de son com- pagnon — Il m’est venu une idée. Buvez, amusez un peu ce gros biberon, tenez-lui tête si vous pouvez. J’ai à causer avec l’officier. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTE 23 Le gentilhomme bourguignon s’assit alors aux côtés du jeune homme, tandis que Fin-Robin se mit à choquer son gobelet contre le deuxième broc plein, sur lequel déjà Gargantua avait porté une main empressée. II LA PETITE HISTOIRE DU CAPITAINE GARGANTUA. — Monsieur de Fontaine, dit Laffin, vous ne paraissez guère avoir avancé en grade, depuis que vous m’avez fait rendre à la liberté sur la butte Montmartre. — Le roi a daigné promettre l’an dernier, mais... — Mais promettre et tenir sont deux... surtout chez le Béarnais. — Ne dites point de mal de Sa Majesté, monsieur de Laffin. — Qui ne s’en plaint pourtant pas ? On entend chaque jour ses Gascons crier contre la ladrerie de celui qu’ils ont servi avec tant de dévouement. — Ces messieurs sont toujours à quémander. — Et le roi fait sans cesse la sourde oreille... Voyons, convenez-en Henri IV n’est prodigue qu’envers ses maî- tresses. — Hélas ! fit Marcel avec un soupir. Laffin fut trompé par cette exclamation. Il pensa que secrètement le jeune officier était mécontent, comme tant d'autres, et qu’il lui serait facile de le gagner à la cause qu’il servait. Ce qui avait seul fait soupirer l’ancien confident de Digitized by Google 24 L' ABBESSE DE MONTMARTRE Henri, c’était la faveur scandaleuse dont jouissait en ce moment Henriette d’Entragues. Quoique souvent, au regard haineux que lui lançait la vindicative marquise, il eût pu comprendre qu’elle n’avait point oublié l’indifférence du jeune homme à son égard, il prenait peu de souci de l’influence qu’elle pouvait exer- cer sur le roi en ce qui le concernait personnellement. Ce qui l’inquiétait par-dessus tout, c’étaient les consé- quences. morales et politiques que pouvait avoir la fatale passion du monarque. En effet, cette liaison n’élait-ellc pas capable de nuire aux grands desseins conçus, desseins dont le Béarnais depuis quelque temps ne lui parlait plus, paraissant, au contraire, lui battre froid par moments ? Laffin s’apprêtait à profiler du mécontentement qu’il sup- posait à Marcel. Que risquait-il du reste en faisant des ou- vertures à celui-ci ? Il connaissait la loyauté chevaleresque du jeune homme. Cependant, pour plus de sûreté, et dans le cas où ses propositions ne fussent point agréées, il crut devoir préa- lablement s’assurer de la discrétion de l’officier des gardes. Se rapprochant encore davantage de celui qu’il voua’>it tenter, Laffin lui dit — Me baillez-vous votre parole d’honneur, monsieur de Fontaine, que vous ne répéterez rien de ce que je vais vous confier? — Je n’engage jamais ma parole légèrement, monsieur de Laffin. — Mais si, en revanche, je vous apprenais une chose qui, de votre oreille, irait droit h. votre cœur ? — Que voulez-vous dire ? — Que je pourrais vous donner des nouvelles de certaine demoiselle, qui fut enlevée de Paris en 1598. Marcel bondit sur son siège, et saisissant vivement la Digitized by L’ABBESSE DE MONTMARTRE ar, » main du gentilhomme, s’écria avec un tremblement dans la voix — D’Alice L... Oh! parlez, monsieur de Laffin... Où est-elle? — Votre parole d’honneur, monsieur, que vous ne révé- lerez jamais rien de ce que je me sens disposé à vous apprendre, dans l’intérêt même de votre fortune, qui pourra devenir plus briilaute , et cela plus rapidement qu’au service du roi. — Dites où est Alice ? répéta le jeune homme, qui ne songeait plus qu’à la charmante orpheline, pour laquelle son amour n’avait fait que croître depuis qu’on l’avait sé- parée de loi. conduite ? — Ainsi, vous me promettez le secret ? — Sur l’honneur, je vous le promets ; mais de grâce, qu’a-t-on fait de cette malheureuse jeune fille, ma fiancée? — Écoutez d’abord ce que j’ai à vous faire connaître et à vous proposer. — Parlez, monsieur de Laffin ! — Monsieur le maréchal de Biron et monsieur de Tu- renne, duc de Bouillon, sont les plus grands personnages du royaume. — Assurément, grâce au roi, qui combla d’honneurs surtout le premier. — Le maréchal ne se dit pourtant pas satisfait. — Comment! on l’a fait maréchal, duc et pair, et gou- verneur de Bourgogne, une des plus belles provinces ! Que peut-il demander encore ? — Il prétend que le Béarnais lui doit sa couronne, et que le roi est ingrat envers lui. — Que lui faut-il donc ? — Une souveraineté. — Ah ! une couronne ? — Une souveraineté qui lui permette de mieux traiter et récompenser ses amis, que ne le fait le Béarnais. 2 . Digilized by Google 56 L’ABBESSE DE MONTMÀBTKE — Continuez, monsieur de Lafftn, dit Marcel, qui com- mençait à prendre un vif intérêt aux confidences du gen-* tithomme. défendre. — Mieux vaut s’éloigner sans combattre, et mettre la frontière entre les jésuites et vous. — Vous ne nous suivez donc pas à Paris, l’ami ? — Ah ! je le voudrais de tout mon cœur, mais je ne le puis. — Pourquoi ? — Pour deux raisons. La première, il me faut la taire ; je n’ai jamais pu, dans mes voyages, aller que jusqu’à Dijon, parce que monsieur de Biron y est. — Vous vous occupez de politique ? — J’espère ne plus avoir à m’en mêler désormais le père Daubigny est mort. Et si vous pouvez obtenir du roi Henri IV un sauf-conduit pour moi, je retournerai à Paris. — Vous l’aurez je vous dois bien cela. Et l’autre rai- son ? — Pour le moment, je ne dois pas quitlter le pays. Si je fuyais, les jésuites me soupçonneraient... — De quoi ? — Oubliez-vous qui je viens de frapper ? — C’est juste. Mais ils ne pourront vous poursuivre jusqu’en France, étant bannis par le Parlement. — Ils y ont toujours des affidés... Bientôt, d’ailleurs, ils comptent y rentrer. — Impossible 1 le roi ne commettra point cette faute. Frère Gilles haussa les épaules. — Remontons ! dit-il ensuite. Vos compagnons vous attendent. Moi, je vous accompagnerai jusqu’à Verceil. Il se pencha vers le jeune homme, pour lui souffler ces mots à l’oreille — Chemin faisant, je vous dirai ce qui s’est passé à Gand, Digitized by Google K M 0 NT M A H T B F, 13'! quelques hanaps bleins, bur oublier mes bedits jacrins... la, ia, c’est ça. Et en attendant la chute du jour, le digne capitaine se mit à vider plusieurs brocs, de la valeur au moins d’un rubbio environ six pintes. Ce nouvel exploit bachique n’eut pour effet que de donner un peu plus de vermillon au nez de notre reître, et de stimuler son humeur batailleuse. — Donner ound Hagel! se dit-il, le chour est drop long. Che veux rendrer dans Durin... Ils ne me mancheront bas, der Teufel !... Groient-ils que ch’avre beur, moi, Karkan- toua?... T’ailleurs, gomme me l’avre regommandé mon liedit Marcel, che me diendrai bien troit sur ma cheval. Aussitôt dit, aussitôt fait. Il jeta au cabaratier deux lire pour son rubbio, remonta à cheval et prit le chemin de Turin. • Il eut soin, toutefois, en se tenant bien droit en selle, d’enfiler les petites rues pour se rendre chez monsieur de Vie. Malheureusement pour lui, comme il traversait la con- trade {contrée ou quartier la plus populeuse de la ville, que, dans sa naïveté, il avait prise à cause de ses rues étroites, son nerf olfactif, quoique assez peu délicat, fut chatouillé agréablement par un fumet de boudins et de grillades s’échappant d’une osteriaccia. En même temps il entendit des cris de détresse qui le firent sourire. — Oh ! oh ! se dit-il, on due un gochon tans cette au- perche... Ah ! mein Gott! che me sens de l’abbédit. Le régal était tentateur en diable. D’ailleurs, le dîner était déjà si loin! Marcel avait garni l’escarcelle du reître de ire et d’écus-soleil, et Gargantua tenait plus à son ventre qu’à sa bourse. Il attacha son cheval à l’anneau ad hoc, et fit gravement son entrée dans l 'osteriaccia. n 9. Digitized by Google iu I/ABBESSE DE MONTMARTRE C’était une grande salle, avec une haute cheminée. Ort y salait les quartiers d’un porc déjà tué, on faisait de la charcuterie et du boudin, et sur le gril crépitaient les car- bonnades. Par la porte du fond, Gargantua voyait, en outre, flamber un autre malheureux, compagnon de saint Antoine. Enfin, l’on saignait plus loin un troisième vêtu de soie. — Ponchur! dute la compagnie! tonna de sa grosse voix le capitaine Gargantua. Ch’arrife pien, chè grois. — Qu’y a-t-il à votre service, signore? demanda le maître . de 1 ’osteriaccia. — Dut ce gue vus vudrez, bourvu gu’il y en avre beau- gup... Ch’avre drès pon abbédit, moi. — Je n’ai pas de peine à le croire, signore! repartit l’homme en mesurant des yeux la panse reboridie du visi- teur. — Et che pois pien aussi; merci, prave homme! — Je le suppose, répondit l’hôtelier à l’aspect de la rouge trogne... Seulement, il y a un malheur. — Un malheur! A h oui, un ledit malheur burlegochôn ces bauvres pètes n’aiment bas ça. — Non, pour vous, signore ! — Bur moi ? Oh ! vus vulez rire che ne suis pas un gochon, moi ! — Vous ne comprenez point. Je veux dire que... — Oh! ch’avre de l’archent bur bayer, s’écria Gargan- tua en s'attablant sans façon. Denez! voilà un bedit plat dë budins dout guits tonnez-moi ça — Cher sig7iore, nous avons une noce, et c’est le plat de prédilection du père de la mariée. — Ah !... Eh pien ! bassez-moi ces criplettes. — Ces criblettes sont la friandise des jeunes époux. — Et cette crosse échinée endrelartée? — Elle est pour le signore podestà. La moutarde commença à monter au nez de notrë reître. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONT MAKTRE 135 — Donne r ound Hagel! s’écria-t-il, boussez-moi alors cette assiedde de gouennes. — Buono Dio! c’est le mets favori du signore curato curé. Pour le coup, la patience de Gargantua était épuisée. Il se leva en vociférant — Der Teufel ! ils ne mancheront burdant bas un gochon dut entier gomme moi. — Comine vous ! dit l’aubergiste en riant. — Hé! oui, gomme moi... Ch’avre pien manchéun feau. Et il y a engore teux autres godions dans la gour. — Tout est pour la noce, qui est nombreuse. — Et ces champons aussi ? Addrabbez-moi un de ces champons ! Gargantua venait d’apercevoir toute une rangée de jam- bons pendus au plafond. — C’est que, signore , reprit le eabaretier, la salle est retenue, et je 11e puis vous servir, malgré toute ma bonne volonté. La noce va venir... • • — Ah ! du m’ennuies, doi, aupercbiste de malheur ! Che veux ce champon-là. Il montrait le plus gros. — Impossible, signore! — Ah! du 11e veux bas inè fendre don champon? Eh pien, je le brends. A ces mots, Gargantua monta sur une chaise, décrocha la pièce convoitée; puis, sans se préoccuper du reste, sans songer à payer, courut à son cheval, se mit en selle et s’éloigna tranquillement, en marmottant der Teufel ! et en mordant dans son jambon. Mais cela ne faisait nullement l’affaire du eabaretier, qui, après le premier moment de surprise, cria Au voleur! en se jetant à la poursuite de l’audacieux larron. Les passants firent chorus, et Gargantua crut prudent d’éperonuer son cheval. Mais des sbires, attirés d’une rue Digitized by Google L’A BB ESSE DÉ MONTMARTRE iu» voisine par ces clameurs multipliées, barrèrent le passage au reître. Celui-ci voulut alors tirer son schwert sa gourmandise le perdit. Le jambon, qu’il ne voulait point lâcher, le gêna dans ses mouvements, et les hommes de police se rendirent maî- tres de lui et le désarmèrent. Malgré ses jurons, il fut con- duit à la maison de justice, située sur la place du Castello. Là, devant le giudice juge, Gargantua se calma enfin, offrit de payer le jambon qu’il disait n’avoir pris que parce* qu’il avait faim et qu’on refusait de le servir. Il se réclama ensuite de la protection de l’envoyé français, M. de Vie, pour qu’on le lâchât, et montra la lettre de Marcel. On allait le rendre à la liberté, lorsqu’un homme qui s’était enquis dans la foule de ce qui venait d’arriver, et qui, dans la description qu’on lui avait faite du voleur, avait reconnu le personnage arrêté, se présenta devant le juge. Cet homme n’était autre que le lansquenet Claude le Lorrain, revenu à Turin. — C’est ce reître qui a tué le frère Basilio! dit-il au juge. Cette dénonciation donna à l’affaire une tout autre tour- nure. Gargantua eut beau invoquer le patronage de M. de Vie; on lui répondit qu’il s’agissait d’un crime, que la question se viderait peut-être entre le duc et l’envoyé, mais qu’en attendant on lui ferait son procès. En conséquence, les sbires lui attachèrent les menottes, et remplacèrent les petites cordes dont ils l’avaient lié par de plus grosses et bien solides. Ainsi fagoté, le reître fut conduit à la vieille prison sénatoriale. Ayant levé la tête au moment d’y entrer, le malheureux Brandebourgeois aperçut un appareil qui lui fit pousser un soupir navrant. Digitized by Google L’ABBESSE DE 51 ON TH A R T U E 137 — La bodenee ! murmura-t-il, et il se souvint de la pré- diction de la vieille sorcière. Un frisson parcourut ses membres, quand il vit à quel- que distance le lansquenet qui ricanait, en le regardant, la main sous le menton et la langue tendue. — Ah î der Teufel ! Ce fut sa dernière protestation. Il se soumit dès lors à son malheureux destin, et répon- dit d’un air assez résigné au juge qui vint le voir plusieurs fois dans son cachot. Quinze jours se passèrent pour l’infortuné Gargantua, Dieu sait comment. A l’affreuse perspective de se voir pendu, s’ étaient jointes les non moins cruelles privations de la prison, auxquelles surfont devait être sensible son bon et solide estomac, Il avait eu beau alléguer au juge que l’homme tué par lui voulait frapper M. de Fontaine d’un perfide coup de stylet; en vain s’était-il réclamé de l’envoyé français, rien n’y fit. La procédure avait marché son train. Toutefois, on lui avait épargné la question, puisqu’il ne niait pas son crime. En ce temps-là, il n’y avait pas de débats judiciaires publics, et une fois l’information terminée, les juges pro- nonçaient la peine à huis clos, hors de la présence du coupable. Celui-ci n’apprenait son sort que la veille de l’exécution. Un commis greffier avait assisté le juge dans ses inter- rogatoires. Mais le jour où la sentence fut rendue, le si- gnore Matteo Ruffio, c’est-à-dire le greffier en chef ou cancellerie, résolut d’aller en personne annoncer au capi- taine Gargantua qu’il allait subir la peine de la corde. Il avait ses motifs pour cela, le prudent et vaniteux maître Ruffio! On sait qu’il joignait à ses diverses fonctions celle de carne fice, ou bourreau. Digitized by Google 138 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Donc, la nuit venue, le signore Matteo se rendit à la pri- son sénatoriale. Le carceriere ou geôlier, en l’apercevant, salua son in- specteur en chef, en lui souhaitant le bonsoir. Mais en sa- luant, il faillit trébucher. — Accidente ! lui dit Matteo, vous voilà encore dans les vignes du Signore , maestro Nicolo! — Hé! répondit l’aviné carceriere, ze... ze... n’ai pour- tant bu qu’un demi -rubbio... Les nuits sont froides, si- gnore, et ça... ça... réchauffe. — Ze le sais bien, per Cristo ! mais il vaut mieux faire comme moi et se couvrir d’un ample mantello, avec un bon cappucio. — Et vous ïtous rendez auprès de ce pauvre diavolo, si- gnore ? — Mais oui, pour le préparer à aller en l’autre monde aussi àllegramente que possible. — Ze vais... vais vous conduire. — Hé ! vous ne pouvez plus ni parler ni marcher, mon bon carceriere ! Donnez-moi les clefs. — Les... les voilà, dit le geôlier, qui ne demandait pas mieux que de rester dans la geôle, auprès de son brasero , où le charbon était allumé. Vous... vous connaissez la pri- gione oscura ? — bene, bene, la dernière porte, n’est-ce pas? — La... la plus solide, signore ! Matteo Ruffio, muni de la lanterne du geôlier, se rendit au cachot où gémissait le malheureux reître. 11 ouvrit la porte avec le moins de bruit possible, le doux carnefice ! Il ne voulait point agacer les nerfs du pauvre condamné. — Buona sera ! bonsoir, caro amico ! dit-il de sa plus mielleuse voix, en entrant et en accrochant sa lanterne à un clou. Les clefs, il eut soin de les attacher à sa ceinture, à côté de son stylet. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 13 » — Ah!... ah! lieber Gott! se mit à geindre Gargantua, couché sur la paille, dans un coin. — Corne State comment allez-vous, mon très-zer? — Ah!... ah! fit encore l’infortuné capitaine, sans lever la tête. Matteo s’approcha du triste Brandebourgeois. ' — Povero!... povero capitano ! murmura-t-il en con- templant un instant le captif. Hélas ! le régime de la prison avait produit son effet dé- sastreux... Gargantua était méconnaissable. Son réjouissant embon- point avait disparu presque complètement. Ses joues flas- ques, son ventre absent, ses mollets tibulant dans ses trop larges houseaux, la ceinture de ses haut-de-chausses re- tombant, lâche et disgracieuse, sur ses hanches déplora- blement amaigries tout témoignait de l’abstinence forcée qu’on lui avait fait subir. — Quel dommaze, ne put s’empêcher de dire encore le sigrwre Ruffio, ce devait être oune bien bel homme ! La persistance de cette figure noire à l’inspecter de la sdrte, commença à impatienter un peu notre reître. — Ah çà ! qu’a-t-il à paraquouiner gomme ça ! mur- mura-t-il en se retournant vers la muraille. Les autres me guestionnaient au moins. — Oui, dommaze ! poursuivit Matteo. D’oune haute sta- tura, comme il est, avec le bel embonpoint qu’il avait, m’a-t-on dit, et sa carnagione rosea , bien fleurie, il aurait si bien figuré au zibet!... Quel onore pour moi!... Dom- maze ! grand dommaze ! — Avez-vous pientôt vini fos manières, l’homme noir? demanda enfin Gargantua de sa plus grosse voix, en se mettant sur son séant et en regardant fixement l’importun personnage. Un bruit de fers retentissant avait accompagné ce mouvement. Les rayons de la lanterne donnèrent alors en plein sur Digitized by Google L’ABBESSE DK MONTMARTRE lio la figure osseuse du Brandebourgeois, dont la barbe n’avait guère eu le temps de pousser depuis Paris. A l’aspect de ce visage réduit par le jeûne à ses dimen- sions normales, et en entendant cette voix de stentor, le signore Matteo Ruffio ne fit qu’un bond jusqu’à la porte. — Accidente! s’écria-t-il. Qu’est-ce que ze vois? Qu’esl- ce que z’entends? — Eh pien! abrès? hurla le reitre. M’avez-vus assez dé- visaché gomme ça, der Teufel ! — C’est loui ! — Gui... lui? demanda Gargantua. Che ne vus gonnais bas, moi, et che ne veux bas vus gonnaître. L’instinctive frayeur qui avait saisi de prime abord le Maltais, se changea bientôt en une joie diabolique, qu’il ne put réprimer. — Il sera pendu, per Cristo ! s’écria-t-il en frappant ses mains l’une contre l’autre. Et pendu par moi ! — Bendu ! fit Gargantua en retombant avec désespoir sur sa couche de paille. Bendu ! — Hé ! oui, mon très-cer, pendu dommatina, demain matin, au soleil levant. % - — Mais che ne veux bas êdre bendu, moi! témoigna en se lamentant le reître désespéré... Ah! Gretchen!... Gret- chen, mon bauvre femme... bardon! bardon, mon Gret- chen ! Matteo se rapprocha du condamné, mais avec précaution, en posant lentement un pied devant l’autre, et en s’assu- rant, au moyen de la lanterne qu’il avait décrochée, si Gar- gantua était bien attaché. Le malheureux avait aux pieds une chaîne fixée à un an- neau de la muraille. Un autre anneau, à une hauteur de plus de six pieds, retenait une deuxième chaîne qui abou- tissait à un carcan ceignant le cou du prisonnier. Le Maltais/ complètement rassuré, avait repris son sou- rire le plus agréable, son regard le plus bénin. Digitized by Google L’ABBESSE JE MONTMARTRE I il — Mon très-cer et lieber Fritz Grobschelm ! lui dit-il de sa voix redevenue caressante. — Hein! fit Gargantua en écarquillant les yeux. Voilà gu’il m’abbèle du nom de mon bays ! — Ne me reconnaissez-vous pas, caro amico ? En même temps le Maltais élevait la lanterne au niveau de son visage moitié hyène, moitié renard. — Der Teufel ! s’exclama le trop brutal mari de Gret- chen. Gu’est-ce que c’est gue ça? Un retenant! — Comme il vous plaira, carissimo! — Ah ! mais non, che ne veux bas de ça, moi !... Vus êdre mort, et vus devez resder mort... Ce n’èdre bas de cheu, ça ! — Je suis ressuscité, mon bon. — On ne toit bas ressuscider. C’est dévendu. — Oune piscatore m’a repêché dans les eaux de la Sprée et m’a rappelé à la vie... Ah! z’en souis bien aise, mon cer. — C’est divérent alors. Eh pien? dant mieux bur vus. — Pour vous plutôt, amico mio! — Bur moi ! gombrends bas. — C’est pourtant facile, puisque c’est moi qui dois vous pendre, carissimo. — Ah ! Der Teufel ! — Voyons ! il s’azit d’être ensemble comme oune bonne paire d’amis. Vous n’aurez nullement à vous en repentir, ze vous le zure. Ze n’ai plus pour vous le moindre ressen- timent fi donc ! la haine est oune zose indigne d’oune galant homme. Soyons donc amis! — Mais che veux pien, moi ! s’écria le bon Allemand, qui, dans sa candeur, croyait que le Maltais avait abjuré toute rancune comme lui. Aussi reprit-il, de l’air d’un homme qui ne demande qu’à causer tranquillement, mais du passé et du présent Digitized by Googl L’A H HESS K DE MONTMARTRE 142 seulement, le futur l’inquiétant un peu, et pour cause Y — Ah çàl rnossié l’Italien, vus en avre fait de pelles dans le demps chez le margraf de Brandebourg. Ch’avre su ça, en guittant le pays. Vus avre volé le crostiainant delagou- ronne. — Z’aime tant les bizoux, et ce diamant avait de si ça- toyants rayons. — Ah ! vous aimez les pichoux ! Diens ! c’est gomme moi. — Ze les aime plus que zamais. Z’en raffole. Aussi... — Aussi? — Ce beau diamant ne me quitte plus. Tenez 1 le voici... Le Maltais avait sorti de son sein un petit sac de cuir, d’où il tira un parangon de la plus belle eau, qu’il fit res- plendir avec amour sous les rayons de la lanterne. — Ah! que c’est tonc choli, ça! dit le reître avec une joie enfantine. — N’est-ce pas, mon zer? Le marchese actuel du Bran- debourg, le petit-fils de celui que z’ai servi, donnerait ze ne sais quoi pour le ravoir, m’a-i-on dit. Il en parle tou- zours. — Vraiment? — Il s’appelle Sigismond, et son grand-père, en mourant, lui a fait zurer de ne rien néglizer pour rentrer dans sa possession et punir celui qui l’a pris. Z’ai su cela par oune voyazeur. — Ne craignez-vous bas gu’on vus déguvre? — Ze ne portais pas le nom de Huffio, alors, répondit le Maltais en remettant le précieux sachet, avec le diamant, sous sou pourpoint noir ; z’avais pris celui d’Angelo Uneste, pour inspirer de la confiance... Mais il se fait tard, mon zer, et il est temps que ze vous parle de l’obzet intéressant qui m’a amené vers vous, bien que votre compagnie me soit des plus agréables. Le signore Matteo avait pris un ton encore plus câlin qu’avant, et Gargantua répondit Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE i-u — Vus êdes pien honnête, mossié... gomment vus abbe- lez-vus lécha? — Matteo Ruffio, pour vous servir, le carnefice de mon- signore le dura. — Gu’est-ce gue c’est gue ça? - C’est comme qui dirait le bourreau, ne vous déplaise ! — Gomment ! mais ça ne me blaît pas du tut. — C’est pourtant moi qui dois vous pendre, mon très* zer. — Ah ! Der Teufel! mais che ne voutrais bas être bendu, moi. Che vus l’aidéchà tit. — Pourtant il le faut, caro amico! , — Burquoi ça? Che n’en vois bas du tut la nécessité. — Parce que vous êtes condamné... Allons ! soumettez- vous volentierik lazose, et surtout sans ostinazione et sans colère, bien au contraire... — Gomment ! au gontraire... — Hé ! ze Sais bien qu’on a touzours pour cette céré- monie si auguste oune antipatia invincibile mais il faut se faire oune raison et s’y prêter de bonne grâce, et alors cela va tout seul, souvent gratamente, fort agréablement. — Mais che ne suis bas te cet avis-là. — Vous verrez, cer amico. Sonzez du reste, carissimo, qu’il y aura là oune compagnie nombreuse et zoisie... Mon- nignore le duca, peut-être. — Gu’est-ce gue ça me fait, à moi? t — Mais cela doit vous faire beaucoup et flatter votre amour-propre oune si grand personnaze!... Per conse- quenze, mon cer, si vous voulez que tout aille bien, aggra- ziamente et senza dolore , sans la moindre douleur, comme aussi avec onore pour yous et pour moi, il faut vous lais- ser faire. — C’est pon à tire, ça ; mais on n’aime bas se laisser faire gomme ça, der Teufel ! Digitized by Google Ui L’ABBESSE ÜE MONTMARTRE — Oh ! pas de ces vilains zurements surtout ! Si vous sa- viez comme cela fait mal pour les spectatori. — Mais che m’en mogue bas mal de vos speddadori. Ch’aime pien mieux gu’il n’y ait bersonne che me sau- verais. — Vous sauver! Ah! santa madonna! mais vous feriez manquer l’ezécution. — Ça m’irait choliment... la, ia. — No, carissimo! Croyez-en votre ami bien sincère si vous ne vous y prêtez pas, non-seulement le spectacle sera gâté dinetto, mais encore vous vous montrerez vilmente, lâchement, et vergognosamente, honteusement... — Ah! c’est vrai, der Teufel , et ch’avre duchurs édé prafe. — In oltre, de plus, vous souffririez molto più, affreu- sement, et vous feriez la plus brutta, la plus laide grimace, les contorsions les plus burlesques... — Che ne veux bas, moi; non, che ne veux bas. — Per consequenze, mon très-cer, lasciate vous faire. Allez même au-devant de mes petits services, et prêtez- vous y destramente, adroitement. — Mais gomment gu’il faudra faire ? demanda Gargantua, qui commençait à se rendre aux raisons spécieuses du Maltais. — La zose est des plus faciles, et si vous vouliez me promettre d’être bien tranquille, je vous montrerais en per- sonne comment il faudra vous y prendre, pour que cela se fasse le plus facilmente. — Che veux pien, buisqu’il n’y a blus d’autre esboir, vnein liber Gott! dit le retire avec un soupir étouffé. Le signore Matteo Ruffio posa sa lanterne à terre et se débarrassa de son manteau. Puis il détacha de sa ceinture une longue et solide corde, dont il passa le bout par l’an- neau, à hauteur d’homme, auquel était tîxée la chaîne du collier de fer du condamné. Digitized by Google LABBESSE DK MONTMARTRE tiâ Les deux extrémités pendaient presque à terre. Puis le Maltais, toujours avec son sourire gracieux et ses mouvements mignards, se plaça le dos contre la muraille. Il prit une des extrémités de la corde, et, aussi agilement qu’adroitement, y pratiqua un nœud coulant. Gargantua, accroupi sur la paille, regardait de son air simple et naïf. VIII KIIITE ET POURSUITE, BALLES ET BOULETS. — Vous voyez, mon cer, ce nodo conente, dit le com- plaisant bourreau, en ouvrant le nœud coulant avec scs dix doigts étendus, qui déjà s’agitaient d’aise. Le seul simulacre d’une pendaison transportait de bon- heur notre ingénieux carnefice, amoureux de son art. — Admirez, carissimo, reprit-il. Cela zoue et glisse tout seul. — la, ia... Che le vois pien, der Teufel! — Ora , maintenant, supposez que vous soyez devant moi et que ze vous invite doucement, en passant ainsi le nodo conente sous votre visaze, à avancer le menton. — Prrr ! fit Gargantua, ch’en avre la chair de boule. — Santa madonna gardez-vous, mon très-zer, de faire ce vilain movimento ! . .. Il faut, al contrario, avec oune air heureux et satisfait, yracioso même et piano, mettre la tête en avant... pouis demeurer immobile, sans le moindre gesto qui pourrait déranger ce zarmant nodo conente. Digitized by Google ut; L'ABBESSE DE MONTMARTRE — C’est pon à tire çà, mais... Qu’est-ce que vus ferez ensuite ? — Le reste me regarde, amico mio , et vous allez voir. — Voyons, der Teufel ! — Oune fois que le nodo sera bien placé, ze commence par prendre l’autre bout de la corda, ze tire d’abord ada- dio... bien adagio, pour ne pas vous effaroucer, carissimo. — Karisimo, karisimo! marmotta le retire. Chusgu’à brésent, ça va assez pien, mais ensuite ? — Ensouite, ze vais crescendo... rinforzando, un peu plus fort... Enfin, mon très-zer... — Enfin ! Ne vus arrêderez-vus bas ? — Bien au contraire... Subito, ze tire liberamente, pres- tamente , et... — Non bas, non bas... c’est trop fort! hurla le reître, qui avait suivi des yeux toute la pantomime du Maltais ; et il fallait voir avec quels gestes, quelle ardeur, quel enthou- siasme, ce dernier avait fini par faire le fatal simulacre. Il y mettait à la fois l’exaltation et la frénésie du fana- tisme, et le raffinement qui double la jouissance. — Et, ajouta-t-il avec le souffle saccadé et le regard inspiré de l’adepte philotechnique qui vient enfin de ter- miner heureusement son œuvre, vous vous balancez dans l’air agréablement, leggier ameute, senza dolore, sans la moindre douleur ni grimace... Ah! c’est ouue spectacle adorabile! — Der Teufel! on .voit que vous en avez l'habitude , s’écria Gargantua stupéfait et presque gagné à la cause plaidée si habilement par le bourreau-avocat. — Oh ! fit le signore Matteo Ruffio avec un petit air mo- deste, ze ne souis pas sorcier, mais z’ai cultivé beaucoup. — Sorcier! s’écria le reître brandebourgeois en tressail- lant. Sorcier!... Ah! verdammte H exe! Il venait de songer k la prophétie de la vieille sorcière. Mais presque aussitôt une idée, prompte comme l’éclair. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE T47 lui traversa l’esprit. Le jeûne forcé, qui avait causé de si affreux rayages sur le corps du prisonnier, lui rendait l’es- prit plus prompt et plus délié. La matière domptée lais- sait l’intelligence plus libre. — Tu seras pendu, avait dit la prophétesse, à moins que tu n’arrives à pendre à ta place celui qui doit te pendre. » — Ah ! der Teufel ! grommela à part lui Gargantua, si c’édait bossible... — Vous êtes surpris, n’est-ce pas, mon zer, combien facilmente et gratamente on peut faire, avec oune peu de bonne volonté, les çoses les plous difficiles en apparence? demanda Matteo avec un sourire de contentement, car il croyait le reître complètement persuadé Cosi, mon zer, tout ira bien demain matin vous avez parfaitement vu ? — la, ia, répondit Gargantua, ch’avre vu, mais che vu- drais pien voir engore. — Vous resterait-il encore quelque appréhension? N’avez- vous pas remarqué en tous points comment?... — En dus boints, ia... Mais guand vus avez clissé le mendon sur la gorde, il me semble que vus avez fait aussi un bedit muvement de dravers, vus ! — Oh ! pas possible. — Si fait, si... et che burrais remuer te même. Vus te- vriez pien regommencer ça. — Volontiers, mon zer. Il n’est rien que ze ne fasse, caro amico mio , pour que demain le spectacle se passe à votre entière satisfaction et à la mienne. Observez bien cette fois, carissimo ! — la, ia, ch’obserfe. Et Gargantua, avec le moins de bruit de chaînes possible, pour ne pas effaroucher à son tour le complaisant amico, se rapprocha du Maltais et du bout de corde qui pendait au Digitized by Google L’ ABBESSE DE MONTMARTRE * K 14S mur, tandis que Matteo, tout entier à son œuvre chérie, arrondissait de nouveau le nœud coulant. — Vous y êtes, mon cer? demanda Ruffio avant de se passer la corde au cou. — la... ia... ch’y suis. Allez! Tout doucement, pianissimo, l’aimable bourreau mit la tête dans le nœud, et tout doucement aussi Gargantua étendit la main vers la corde flottante. — Adagio... adagio! fit le Maltais. — la... ia, continua le reître, rinforzamenle — Pas encore, mon cer... — C’est ça, blacez bien le nœud. — Là... zuste au-dessus de la glotte. — Ça y est-il? demanda Gargantua. — Considérez bien, carissimo, et regardez la mine gra- cieuse et souriante que ze prends. — Ah! voyons, der Teufel! Gargantua se mit sur ses genoux et parut avec les deux mains s’appuyer contre le mur, afin de mieux voir. — Et soubito brestissimo va-d’en au tiaple! hurla le reître, en tirant la corde avec une sorte de rage. — Ohi... ohi me... po... povero... santa ma... a... a... Le reste s’étrangla dans le gosier de Matteo, qui gesticu- lait cette fois dans le vide, la nuque collée à l’anneau même qui supportait la corde. — la... ia, marmottait Gargantua en attachant le bout de cette corde à l’anneau inférieur. Va duehurs!... Ça y est. Pendant cinq minutes, le reître contempla le pendu, dont les contorsions diminuaient peu à peu. — Tieu des tieux! disait-il, gomme ça vous rend trôle tut de même... On chicotte gomme un labin... Et tire gue c’édre moi gui tevais chicotter gomme ça, mein Gott! Quand les derniers spasmes eurent cessé, Gargantua sai- Digiiized by Google L'ABBESSE DE MOX T MAlt T K K li! sit le pendu par la obeville des pieds et tira encore de toutes ses forces. Puis il se dressa du mieux qu’il put, pour atteindre le trousseau de clefs pendant à la ceinture. — Che gonnais ces glés, dit-il. Avec une des bedites, le cheôlier m’avre mis les gadenas aux bieds et au gou. Il chercha, essaya et finit par trouver celle qui allait aux cadenas. Bientôt il se vit débarrassé de ses chaînes. — Ah! fit-il en se mettant debout, che me sens blus lécher... la, ia, beaucoup blus lécher!... Mais ce n’est pas dut il faut sortir de là maindenant. Malgré ses abstinences et sa maigreur, il sentit avec l’es- poir les forces lui revenir. U se couvrit du manteau noir et du capuchon du Maltais, puis se dirigea vers la porte. — Ah! der Teufel ! dit-il en se ravisant. Et le pichou, le tiamant du margraf! Retournant vers le pendu, dont l’agonie n’avait point encore cessé, il fouilla sous son pourpoint et prit le sachet de cuir, où était le parangon de la couronne des margraves de Brandebourg. Il eut soin de bien reverrouiller la porte, quand il fut hors du cachot. La lanterne à la main, il arriva à la geôle, par laquelle il fallait passer pour gagner la rue. 11 hésita un instant en apercevant le cerbère auprès du brasero, mais le voyant assis à une table, devant un broc, et levant le coude, cela le détermina. — Ah!... ah!... si... si... signore Matteo, bredouilla l’ivrogne, vous êtes resté bien longtemps. — Hé!... hé !... bianissimo! fit le reître, en contrefaisant la voix du Maltais. En même temps il fit semblant d’éternuer, pour n’être point obligé d’en dire davantage. — Ne... ne me ferez-vous point l’ho... o... onneur de il 10 Digitized by Google 150 L’ABBESSE DE MONTMARTRE trinquer avec moi ce soir? Vous êtes en... enrhumé, signore. — Hé... hé! ber Pacco. Et le reître éternua de nouveau. — Voici un ve... ve... verre ! — Il est bien bedit, marmotta Gargantua. Néanmoins il déposa la lanterne et les clefs, choqua et but. 11 allait demander à recommencer et se trahir peut- être, lorsque, heureusement pour l’imprudent, un valet guichetier, qui dormait sur un banc dans un coin, se se- coua avec bruit. — Ah ! der Teufel ! grommela Gargantua, et il sortit pré- cipitamment. , — Buona notte, si... si... signore, lui cria Nicolo, le porte-clefs. Mais le fauxMalteo était déjà loin. — Per Bacco! se dit le geôlier, il si... si... signore Ruffio me paraît avoir molto grandi... Hé! que ze souis bête, ze crois que ze vois double... Baste! Gargantua aspira avec délices le grand air, lorsqu’il s’arrêta enfin dans sa course. Mais il s’agissait maintenant de sortir de la ville, et de quitter au plus vite ce pays mau- dit, où le macaroni était si bon, mais la police si méchante. Il attendit le jour près de la porte de Suze, et dès qu’il vit s’ouvrir le guichet, il le franchit. En passant devant un albergo, sur la route, il entendit hennir un cheval qui saluait le soleil. — Voilà mon affaire, mein Gott! pensa-t-il. S’étant glissé dans la cour de l’auberge, il vit avec joie que le cheval était tout sellé et attendait son maître. Il en- fourcha la bête, qui était un fringant gris-pommelé, ma foi! et la mit au galop. De temps en temps il retournait la tête, croyant à chaque moment avoir à ses trousses tous les sbires de Savoie. Fournissant une course furieuse, il put atteindre Suze dès le soir, mais le gris-pommelé tomba mort. Digitized by Google L’A BUES SU DE MONTMARTRE 151 Ce fut à peine si, dans une osteria écartée, il se donna la peine de manger. La peur du gibet contre-balançait sa voracité. Il remplaça le cheval par une mule, qu’il s’appropria comme il l’avait fait du cheval, gagna Novalèse au milieu de la nuit; et, le clair de la lune étant magnifique, il gravit le mont Ceuis et arriva sur le plateau au point du jour. Il dévala le versant occidental avec une rapidité vertigi- neuse. A Aiguebelle seulement, il se sentit le courage de faire un temps d’arrêt et songea à se réconforter à l’aise. La rivière d’Arc, limpide et pure comme un miroir, cou- lait devant le cabaret. Comme il menait sa mule à l’écurie, le hasard voulut qu’il jetât les yeux sur l’onde cristalline. Il y vit une image qui le remplit de terreur. Il se retourna se croyant espionné; mais il n’y avait personne. — Iiens ! fit-il, c’être trôle... Burdant ch’avre aberçu tans ce bacli ruisseau un crand esgocriffe... Mein Gott , gu’il édait laid !... maicre gomme un hareng. Le naïf Gargantua se pencha et regarda de nouveau dans la rivière. Il tressaillit c’était encore la figure efflan- quée de tout à l’heure... Il se mit à considérer l’image plus attentivement, et finit par reconnaître un casque et des houseaux de la mêmd forme que les siens. — Ah ! lieber Gott, fit-il avec effroi, c’êdre pien moi ! Il examina alors sa propre personne dans tous ses détails, sa terreur le long du chemin l’ayant empêché de le faire. Il ne voulut pas reconnaître d’abord ces bras décharnés, ces tibias sans forme, ce ventre fondu. Mais il fut bien forcé enfin de constater sa déplorable identité. Sa colère fut grande. — Ah ! queux te Safoyards ! s’écria-t-il en se retournant vers le Piémont et en montrant le poing. Voilà ce que vus avre fait d’un si choli homme !....Ah ! mein Gott, gomme il Digitized by Google 152 L'ABBESSE DE MONTMARTRE me faudra mancher et poire maindenant, bnr raddraper ce que j’avre berdu... Ah ! goguins ! vus me le bayerez. Il renouvelait ainsi, à sa manière, le serment d’Annibal S’étant remis en selle aussitôt après avoir mangé une bouchée seulement, il ne fit, pour ainsi dire, qu’une traite jusqu’à la frontière. Il ne s’arrêta qu’au beau milieu du bourg français de Pont-de-Beauvoisin, devant cette même auberge de l’Ecit de France où, quelques semaines auparavant, il avait passé une si agréable soirée avec son petit Marcel et son ami Gros-Micbel. Il fit retentir la cour de l’hôtellerie de ses jurons, pour réclamer sans tarder un souper pareil à celui de cette soi- rée si chère à sa mémoire. — Mais, seigneur capitaine, lui dit l’hôtelier, vous n’avez qu’à entrer dans la salle, vous y retrouverez votre compa- gnie. — Ma gombagnie ! s’exclama lereitre. Guelle gombagnie, der Teufel ? — Votre compagnie de Savoie. — Engore les spires et les pourreaux tu Safoyard !... Donner ound Hagel ! Gargantua se précipitait déjà vers l’écurie où l’on venait de conduire sa mule, pour mettre une nouvelle distance entre lui et ses persécuteurs, lorsque deux voix amies frap- pèrent agréablement ses oreilles. — Capitaine ! capitaine ! venez donc le souper vous at- tend. Fut-ce la vue de Marcel et du pâtre d’Auvergne qui rem- plit le cœur du retire de la plus douce joie, ou bien le sens délectable de ces paroles de bienvenue ? Le fait est que Gargantua s’arracha presque aussitôt des bras de ses amis, pour ne faire qu’un bond jusqu’à la table chargée de mets fumants et d’un broc rempli jusqu’aux bords. Digitized by Google L ’ A B B K SSE DR MO N TM A R TR K ] "».i Peu s’en fallut même qu’il ne renversât la table avec tout ce qu’il y avait dessus, en l’attirant brusquement à lui. Ses yeux dévoraient avant sa bouche. On eut beau s’exclamer sur sa maigreur et sa chiche face ; en vain le questionna-t-on, il ne répondit que par monosyllabes inintelligibles, tant ses bouchées et ses rasa- des se suivaient avec rapidité. Il mangea le souper presque à lui seul. Si habitués qu'ils fussent au monstrueux appétit du reître, ses compagnons se regardaient stupéfaits. Une pareille faim-valle les inquiétait. — Engore ! grommelait Gargantua, quand il ne vit plus rien à sa portée. Engore ! Et il attachait de si gros yeux dévorants sur l’aubergiste, que celui-ci recula effrayé. — Mais vous allez vous rendre malade, mon pauvre ca- pitaine, lui dit Marcel. — Non. .. Engore ! Ce fut tout ce qu’on put tirer de lui, et il se remit de plus belle à se bourrer avec un quartier de venaison froide, que venait de poser l’hôtelier sur la table. Un deuxième, un troisième broc de vin de Saint-André y passèrent égale- ment. Enfin, il s’arrêta, après s’être ingéré par-dessus tout cela un grand verre de l’excellent ratafia que nous connais- sons. Alors seulement des idées plus gaies revinrent à Gargan- tua. Il éclata même d’un rire si sonore, que les vitres en frémirent. Michel crut enfin le moment venu de demander des explications. — Oh! oh ! fit le reître, ch’êdre gondent maindenant. — Content de quoi? — Ch’avre fentu la dête à l’un, ch’avre bendu l’autre... Eh pier. ! ia, che suis gondent. — Racontez-nous donc, capitaine, ce qui vous est arrivé en Savoie. * n 10. Digitized by Google L’A H B ES SE DE MONT AI A HT HE 15 i — Oh ! eh’avre laissé un pou suvenir tans ce bays, et ch’en avre embordé un autre. — Un autre souvenir? — Ce sera bur mes vieux churs... ia, ici, on me le baiera un pon brix...Che me gombrends. — Dites-nous donc ce qui s’est passé? Le capitaine lit à ses amis le récit de ce qui lui était sur- venu à Turin ; seulement il crut devoir se taire sur le dia- mant. Mais au moment même où il leur dépeignait les contor- sions du pendu, en se félicitant d’avoir enfui, si heureuse- ment pour sa personne, accompli la prédiction de la sor- cière, il s’arrêta soudain en portant la main à son abdomen. — Qu’avez-vous, capitaine? lui demanda Marcel. — Oh ! rien... ça me crouillait seulement un beu dans le fendre. Et il se remit à imiter les mouvements spasmodiques de Matteo Ruffio s’agitant le long de la muraille. Bientôt même, en se tenant les côtes, il fit la hideuse pantomime avec une telle vérité, que Gros-Michel ne put s’empêcher d’en rire à gorge déployée. Mais le visage du relire était devenu cramoisi, et bientôt Gargantua tomba à la renverse sur sou siégé. Marcel s’élança pour le secourir. — Vous êtes malade, capitaine ! lui dit le jeune homme. Vous avez mangé avec trop de précipitation après une si longue abstinence. , — A al me in Gott... ia... ia... là... là! répondit avec effort le pauvre diable , en montrant le creux de son estomac. Heureusement Marcel avait encore sur lui son élixir de la Grande-Chartreuse. Grâce à cette liqueur biehfaisaule, l’indigestion se calma. On coucha le capitaine dans un hou lit, et le lendemain au point du jour, au moment de retourner à Turin avec Digitized by Google L abuesse de Montmartre iss Gros-Michel, Marcel trouva Gargantua dans uu état qui le rassura sur les suites de la crise de la veille, mais non sur celles d’accidents à venir, car le reître ne lui parut nulle- ment disposé à renoncer aux moyens gastronomiques les plus prompts pour reconquérir ses belles formes. L’officier des gardes franchit de nouveau le mont Genis et regagna Turin promptement. Dans Yosteria , en face de l’hôtel de l’envoyé français, il trouva Laffin et son secrétaire Renazé, qui l’attendaient. — En route, monsieur de La Nocle ! cria-t-il au gentil- homme repentant. Voici le pardon royal ! — Vous l’avez obtenu, mon cher monsieur de Fontaine? — Le roi n’était point revenu de son voyage dans les provinces de l’ouest, quand je suis arrivé au Louvre. Je dus patienter quelques jours. Enfin, il revint du Poitou... — Il y avait déjà de l’émotion dans cette province le duc de Savoie en parlait hier avec joie. — Sa joie sera de courte durée. La présence du roi a mis fin à ce commencement de sédition. Les impôts que je lève, a dit Sa Majesté il s’agissait du sou par livre sur toutes les denrées des villes closes, ne sont point pour en- richir mes ministres et mes favoris, comme a fait mon prédécesseur, mais pour supporter les charges nécessaires île l’Etat. Si mon domaine eût été suffisant pour cela, je n’eusse rien voulu prendre dans la bourse de mes sujets; mais puisque j’y emploie le mien tout le premier, en ven- dant les terres de mon patrimoine, il est bien juste que vous y contribuiez du vôtre. Je désire avec passion le soulage- ment du peuple, et ce n’est plus pour bâtir des citadelles dans vos villes, comme on l'a dit, que j’ai besoin de subsi- des, mais pour d’autres desseins plus grands et plus élevés dont vous connaîtrez un jour les effets. Pour moi, les meil- leures citadelles sont dans le cœur de mes sujets. » — Et nous partons pour Paris, monsieur de Fontaine? Digitized by Google L'ABBESSE DK MO N TM ART B K — Immédiatement. Le roi vous attend avec impatience au château de Fontainebleau. Marcel et son compagnon ne se donnèrent le temps que de prendre un léger repas, pendant lequel Laffin et Renazé lirent seller leurs chevaux. Au moment où il se levait de table, Marcel vit s’appro- cher de lui un homme enveloppé dans sa cuculle. — Frère Gilles! s’écria-t-il. — Je vous ai vu entrer dans i’osteria, répondit, avec une émotion mêlée d’inquiétude, l’ancien marchand d’Ambert. Mais j’aurais patiemment attendu votre sortie, pour vous rappeler votre promesse, si je n’avais à vous avertir que... — Votre sauf-conduit ? Le voici. — Ah ! merci, fit l’ex-ligueur avec joie. Je pourrai un jour retourner... Un regard de Michel le fit arrêter court. — A Paris, reprit frère Gilles, pour achever sa pensée. — Mais ne parliez-vous pas, demanda Marcel, d’un aver- tissement que vous aviez à me donner? — L’osteria est observée. Veillez et prenez vos sûretés pour le retour. — Observée par qui ? — Par des sbires du duc. Elle l’était même avant que vous fussiez arrivé, et il y a un quart d'heure à peine des cavaliers, avertis par un des sbires, sont sortis au galop du château ducal. — En ce cas, monsieur de Laffin, ce serait pour vous. — Le duc en est bien capable, répondit tranquillement La Nocle en inspectant ses pistolets. — Merci, l’ami ! dit Marcel à frère Gilles. Quand vien- drez-vous à Paris ? L’affidé des jésuites prit tout à coup un air sombre, et répondit sourdement. — Je ne sais, — Le père Danbigny se remet-il de ses blessures? Digitized by Google L’ABlîESSEDE MONTMARTRE — Trop... pour mon malheur. — Que voulez-vous dire? Frère Gilles serra les poings et baissa les yeux, en mur- murant — Cet homme est le génie incarné de l’enfer. — Vous crûtes un moment l’avoir renvoyé dans sa de- meure éternelle? — Plût au ciel que j’eusse réussi ! La même occasion ne -e représentera peut-être jamais. . . et je n’aurai sans doute plus le même courage. Le familier de Daubigny ne prononça ces dernières pa- roles qu’à voix basse et en tremblant. — Il ne vous soupçonne toujours pas ? demanda encore Marcel. — Seule, mère Béatrice sait que c’est moi. — Et aujourd’hui vous paraissez trembler rien qu’en son- geant à lui ? — Il me domine et me fascine. — Ne pouvez-vous secouer un pareil joug, vous sous- traire à une telle influence ? — Je ne le puis, dit frère Gilles d’une voix étreinte. Il m’a jeté comme un sort... Ah ! j’ai peur. — Peur de quoi ?... — De l’avenir. A ces mots, sans plus regarder celui qu’il savait être son fils, l’ancien ligueur, devenu l’affidé et l’aveugle instrument des jésuites, se couvrit le visage des deux mains et sortit de Vosteria à pas précipités. — Singulier homme ! dit Marcel. On dirait que le bien et le mal se disputent son âme. Y a-t-il donc réellement un bon et un mauvais génie qui président à certaines destinées ? — Cet homme, intervint gravement l’ancien pfitre de Pailhat, a peut-être un horrible passé et de grandes fautes à expier. Les tortures de son âme, jetée par le fanatisme Digitized by Google 158 L’ARBESSE IE MONTMARTRE hors de la voie du Seigneur, le placent sans force sous une influence mauvaise. Puis il ajouta mentalement î — Ah ! s’il m’était permis de laisser agir l’autre in- fluence!... Mais non, c’est impossible ! Nos quatre voyageurs quittèrent l’hôtellerie, après avoir examiné chacun ses pistolets, et prirent la route des mon- tagnes. Kien de suspect ne se montra pourtant à eux jusqu’à No- valèse, où ils se mirent à gravir les rampes escarpées. Trois des chevaux faisaient merveille. Malgré la route déjà parcourue, les nobles bêtes avançaient d’un trac d’en- trepas, sans la moindre bronchade. Seul l’alezan brûlé de. Renazé choppait à tout moment et battait à la main en le- vant et en baissant la tète coup sur coup. C’était un vrai terragnol, qui avait peine à lever le devant et allait terre à terre. Souvent il était en arrière. — Quel ramingue j’ai là! disait le secrétaire de Laffln l’éperon n’y fait rien! Et, voyez, un panard s’il en fut, avec ses pieds tournés en dehors ! — Vous jouez de malheur, maître Renazé ! fit observer La Nocle. Pour notre fugue d’aujourd’hui surtout, vous aviez besoin de ce vif gris-pommelé, auquel vous teniez tant ? — Ah ! si jamais je rattrape le maraud qui me l’a volé il y a quelques jours, dans cette auberge, devant Turin, où nous déjeunions, je lui en découdrai, je le jure. — A moins qu’il ne soit plus fort que vous. — Un si bel animal ! Je l’avais acheté la veille de notre départ de Paris, sur le marché aux chevaux des Tournelles, et payé en beaux doubles ducats d’Espagne à deux têtes, baillés par .qui vous savez, M. de Laffin. — Ne parlons plus de cela, maître Renazé, dit vivement le gentilhomme. Cet or-là brûle les mains. Durant la première heure de la montée, tout alla bien. Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 159 Mais le voie devient difficile quand on approche des chaumines de Ferrières, site effondré par les ravines et hé- rissé de rochers à pic. Un torrent roule, à grand bruit, des cailloux au travers d'une vallée stérile et resserrée de tous côtés. Une gorge profonde, que masquaient de noirs sapins à la droite de nos cavaliers, attira tout à coup l’attention de Marcel, dont l’œil scrutateur avait vu reluire quelque chose au fond des arbres. — Voilà une embuscade, fit observer l’officier des gardes, ou je ne m’y connais guère. — Oserait-on tirer sur vous? dit Michel. — Je ne le pense pas, répondit Laffin. Tant que la guerre, n’est pas déclarée, le prudent Savoyard se gardera bien de tenter quelque chose contre un envoyé du roi de France... Et puis, voyez !... nous avons passé les sapins. — C’est qu’on veut nous couper le chemin du retour, ré- pliqua Marcel. Le véritable piège est plus loin. — Comment faire ? — Puisque nous voici avertis, ne nous amusons pas à battre la chamade pour parlementer inutilement... Pre- nons subitement toute l’allure de trot que la montée nous permet, et passons à leur barbe, si c’est possible. — Et s’ils nous arquebusent? — Nous leur répondrons à la manière des Parthes, en leur lâchant des coups de pistolet sans ralentir notre course... En nous élançant, messieurs, distançons-nous de droite à gauche, pour offrir un but moins compacte. — Monsieur de Fontaine, dit Laffin, on voit que vous avez été à bonne école. — Et maintenant, reprit Marcd, en avant, à la grâce de Dieu ! Les quatre cavaliers partirent à la fois, et bien ils firent... En effet, à peine eurent-ils dépassé une crête de roche, Digitized by Google IbO L’ABBESSE DE MOIS T MARTHE qu’un Diavolo ! de dépit se fit entendre à quelques pas derrière eux„ En se retournant, les fugitifs aperçurent une dizaine de chevau-légers ducaux, qui s’élançaient du pied du rocher sur la voie, mais avec quelque peine, à cause des difficultés -du terrain. Plus loin, derrièreceux-ci, vers la gorge boisée, d’autres cavaliers, ceux dont Marcel avait vu briller les ar- mes au milieu des sapins, avaient déjà barré la route. — En avant toujours! cria Marcel. Maître Kenazé, piquez votre bête. — Ne tirez que sur les chevaux, commanda le capitam. C’est l’ordre du duca ! — Ah ! on veut bien respecter nos personnes, dit Laffin en riant. Gare les balles, ma pauvre bête ! L’escopetterie commença. Mais les chevau-légers étaient armés de pétrinaux ou poitrinaux, espèce de mousquets dont nous avons parlé déjà, et que l’on tirait en appuyant la crosse sur la poitrine, ce qui empêchait de viser ; aucun des premiers coups ne porta. Il est vrai que les pistolets des fugitifs ne firent pas de mal non plus aux cavaliers savoyards. — Toujours en avant ! dit encore Marcel. Et ne nous amusons pas à recharger nos pistolets ! Malheureusement pour Renazé, il n’obéit pas à cette re- commandation. En bourrant le canon de son arme, il laissa son alezan, déjà si traînard, ralentir encore sa marche, et deux ou trois chevau-légers avaient pris les devants. L’un de ces derniers planta une balle dans le train de derrière de l’alezan, qui en bondit de douleur et renversa son cavalier. Renazé fut fait prisonnier, tandis que Jes trois autres voyageurs fuyaient au loin. Dans la soirée du lendemain, Marcel, Laffin et Gros- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 101 Michel atteignaient Pont-de-Beauvoisin, à la grande joie de Gargantua, qui pourtant avait fait de l’hôtellerie de PJ Écu de France ses délices de Capoue. — Je vois, capitaine, lui dit Marcel, que vous avez tenu compte de mes exhortations. Je vous retrouve en bonne santé. — la, ia, ça va pien, mon bedit, répondit Gargantua en montrant le ceinturon moins lâche sur son ventre. Tieu merci! che rebrends dut ducement. — Vous n’avez pas trop mangé à la fois? — la, ia, ch’avre manché un dut bedit beu à la fois. — A la bonne heure. — Mais gondinuellement... et che m’en blains pas. Nos cavaliers traversèrent le Lyonnais et sa capitale, et entendirent avec plaisir, dans cette grande ville, fredonner quelques-uns des airs populaires de l’époque, tous en l’hon- neur du Béarnais. Les forts Saint-Jean et de Pierre-Encise, sur les deux rives de la Saône, ainsi que les remparts de François I er , qu’on avait bastionnés pour les mettre en rapport avec les progrès remarquables que l’artillerie avait accomplis dès les premières années du règne de Henri IV, voyaient flotter à leurs tours l’étendard de France et de Navarre. — Une ville et un gouverneur fidèles ! fit observer Marcel. — Oh ! là n’est pas le danger, dit Laffin. C’est la Bour- gogne qu’il faut voir. La Bourgogne commençait au Charolais, c’est-à-dire presque aux portes de Lyon. En remontant la Saône par les coteaux du Maçonnais, Marcel et ses compagnons commencèrent à remarquer un mouvement peu ordinaire, et ce mouvement ne leur parut qu’accroître à mesure qu’ils approchaient de Châlon. Sur les routes, le long des vignes, c’étaient des chevau- chées de gens d’armes et de carabins, des bandes de lans- i * u Digitized by Google 1G2 L’ABBESSE DE MONTMARTRE quenels et d’arquebusiers, le tout bien fourni de guidons, de tabarins et de Jleustes tambours et flûtes. Les châteaux devant lesquels on passait, semblaient sur le qui-vive, avec leurs piquiers aux échauguettes, leurs couleuvrines, faucon- neaux, obusiers et pétards, qui montraient leurs gueules de bronze menaçantes dans les créneaux. — Vous le voyez, monsieur de Fontaine, dit Laffin tout est prêt... On dirait qu’on n’attend qu’un signal pour des- cendre des donjons l’étendard tleurdelysé. — En effet, répondit l’officier des gardes. Et ce qu montre surtout, à mon avis, qu’on se prépare au combat — pour quelle guerre ? la plus affreuse, la guerre civile — c’est la présence de nombreux aventuriers, accoutrés de mille manières, que je remarque parmi les bandes discipli- nées... Ah ! M. de Biron! — Nous ne pouvons faire autrement que de passer par Dijon. Ne faites donc semblant de rien, je vous prie, si vous m’entendez parler aux officiers du maréchal, et au maré- chal lui-même, comme si vous et moi nous étions tout dé- voués à la conspiration. — Un pareil rôle me répugne, dit Marcel. — U le faut pourtant, dans l’intérêt du roi et le nôtre, ar on nous arrêterait indubitablement, si l’on savait ce c ue nous allons faire à Paris, et la conspiration éclaterait qvant que le roi eût pu en saisir les fils. — Il importe de nous presser, monsieur de La Nocle entre la mine et la mèche allumée, il n’y a certainement plus que l’épaisseur d’un souffle. — Celui du maréchal donnant l’ordre... Mais c’est mon avis aussi, qu’il faut nous presser, et pour une autre cause. — Laquelle, je vous prie ? — C’est que le duc de Savoie, m’ayant su échappé à la poursuite de ses chevau-légers, aura incontinent expédié un homme à lui pour prévenir Biron, et cet homme doit nous suivre de près. i* Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 163 — Vous avez raison. — Hâtons-nous donc !... Ah! voici la haute flèche de la cathédrale de Dijon, et le Jacquemart flamand de Notre- Dame sonne midi. • — A côté, la tour carrée du Palais, dont la plate-forme domine la ville. Philippe le Hardi et Jean-sans-Peur, qui dorment dans l’église de Sainte-Bénigne, ont brillé avec leur cour dans ce palais gothique, et monsieur de Biron vou- drait y trôner à son tour. — Belle et formidable ville à la fois, avec ses nombreux clochers et ses tours sur les remparts ! Ancienne capitale des ducs souverains, elle présente fièrement son front, qu’on dirait ceint d’une couronne. — Quel est le drapeau qui ventile sur cette porte, mon- sieur de Laffin? — Ses ondulations sous la brise empêchent de distin- guer... Ah! je vois c’est l’écu du duché, bandé d’or et d’azur de six pièces, à la bordure de gueules. » — Biron aurait-il déjà abattu le drapeau de son roi ? de- manda Marcel en frémissant. — Rassurez-vous ! j’aperçois encore le blason de France et de Navarre au milieu le quatrième d’azur semé de fleurs de lis d’or. » — Tant mieux, je respire Biron n’a pas encore donné le signal de la guerre civile. — J’ai eu peur un instant comme vous. — Mais ne point , monsieur de Laffin, qu’aussitôt après avoir reçu l’avis du duc de Savoie, le ma- réchal ne lève l’étendard de la révolte? — C’est à craindre, monsieur de Fontaine. — J’en tremble. — Silence ! on nous a aperçus. Une sentinelle venait en effet de crier aux cavaliers de s’arrêter, et bientôt un officier se présenta pour leur de- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE lu mander qui ils étaient, et ce qui les amenait dans la ca- pitale de la Bourgogne. — C’est une précaution qu’on ne prenait point il y a quelques jours, fitobserver Marcel, car j’ai passé sous les portes de Dijon pas plus tard que la semaine dernière. — Possible, monsieur ! mais il y a des ordres. — Vous voyez, du reste, qüe je suis officier des gardes de Sa Majesté, et ces messieurs sont de ma compagnie. — Et moi, der Teufel! ne put s’empêcher de crier Gar- gantua, je suis capitaine de reîtres... — En disponibilité pour le moment, murmura Gros- Michel. — Messieurs, veuillez m’accompagner auprès de mon- sieur le baron de Lux, qui se trouve en ce moment au vieux château de Louis XI. — Quoi! demanda Laffin, le baron a quitté son gouver- nement de la ville de Beaune, pour venir à Dijon? — Il remplace monsieur le maréchal et duc, parti pour Fontainebleau. Marcel et Laffin firent un mouvement. Ces nouvelles les étonnaient, surtout après avoir été témoins de l’aspect du pays sur la route qu’ils venaient de poursuivre. Cependant, on comprend qu’ils durent en être heureux. Le maréchal étant auprès du roi, le danger ne pressait plus autant. Marcel et Laffin trouvèrent le baron de Lux, le confident intime, i'alter ego du duc de Biron, dans le massif château carré, flanqué de quatre grosses tours rondes, dont Louis XI commença la construction, lorsqu’il prit possession de la Bourgogne après la mert de Charles le Téméraire. Le baron était occupé, près d’une fenêtre qui donnait sur l’avancée de la porte Guillaume, à examiner avec impatience la route de Paris, qui y aboutissait alors. Il interrogait l’ho- rizon de scs regards inquiets. — Que je suis donc aise, monsieur le baron, dit Laffin Digitized by GoogI L’ABBESSE DE MONTMARTRE lfi” avec an empressement parfaitement joué, de vous rencon- trer à Dijon. — Quoi ! c’est vous, monsieur de La Nocle ! fit de Lux en se retournant vivement... Ah î plût au ciel que je fusse toujours à Beaune! — Pourquoi, monsieur ? — Parce que je ne remplacerais pas céans le maréchal. — En effet, on nous a dit que monsieur de Biron était à Fontainebleau... — Mandé et pressé par le roi, il est parti en poste. D’Escures, puis le président Jeannin, venus de la part de Henri IV, ont eu beau le rassurer moi, j’ai peur, et vous me voyez précisément dans la plus vive anxiété. — En effet, baron, je commence à penser comme vous... — Je crains qu’il ne soit arrêté. En partant, il m’avait assuré qu’il serait de retour avant quatre jours, ou qu’il m’enverrait un chevaucheur porteur d’un ordre. — Quand est-il parti? demanda Laffin avec animation. — Nous sommes au cinquième jour de son absence, et vous le voyez, je guette... Je m’attends même à voir appa- raître, à sa place, une troupe royale avec un héraut d’armes. — Le maréchal aura nié, rassurez-vous !... Et quel ordre devait vous apporter le chevaucheur ? — Le signal du soulèvement. Car tout est prêt... Ah ! ils seront bien reçus, les gens du roi, je vous le promets. — En effet, moi et mon ami que voici, nous arrivons de Savoie, et dans tout le Méconnais, le Châlonnais et le Dijon- nais nous avons remarqué des préparatifs non équivoques. — Avez-vous observé les canons sur les remparts?... Et tenez, vous pouvez voir, sur les murs de ce château, des bombardes de calibre, pouvant lancer des boulets de 500 li- vres, sans compter les canons de bronze et les bombes à grosses grenades. — Voici, en effet, un formMale rempart devant nous ! Digitized by Google 166 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — De ce fer à cheval je balayerais la route jusqu'à l’émi- nence boisée que vous apercevez au loin. — Souffrez, baron, puisque le maréchal n’est plus ici, que nous nous remettions promptement en route pour Fon- tainebleau. J’y dois porter des communications du plus pres- sant intérêt. — De la part du duc de Savoie? — Si le maréchal est encore libre, il les accueillera cer- tainement avec émotion, et des ordres vous seront proba- blement expédiés promptement. — Oui, allez ! Vous trouverez auprès du duc son secré- taire Hébert... Adieu, messieurs ! Laffin et Marcel retrouvèrent dans la cour leurs deux compagnons, et se hâtèrent de franchir le pont qui rattachait le château à la ville. On n’écouta point cette fois Gargantua, qui réclamait à grands cris un quartier de bœuf gras du Morvan, assaisonné de moutarde de Dijon, avec du fromage d’Epoisse. — Quand nous aurons mis quelques lieues entre le baron de Lux et nous, dit Laffin, nous songerons à déjeuner. Ils prirent par une ruelle, le long des remparts, jusqu’à la porte Guillaume, qu'ils franchirent, et bientôt ils trot- taient sur le chemin de Paris. Une montée fit ralentir l’allure à leurs chevaux. — Ah ! s’écria Laffin, voici l’éminence boisée dont m’a parlé le baron de Lux. Ses bombardes portent loin, si elles atteingnent le sommet. La montée étàit d’un quart de lieue au moins ; seulement, elle était peu sensible. Arrivé presque au haut du long mamelon, Laffin, qui marchait en avant avec Marcel, s’étant retourné par hasard du côté de Dijon, poussa un cri strident et enfonça l’éperon dans le ventre de son cheval. il venait d’apercevoir, sur les remparts du château de Louis XI, plusieurs éclairs suivis de fumée. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE !07 Presque au même instant des boulets sifflèrent aux oreil- les de nos cavaliers, les uns balayant la route devant eux, les autres s’enfonçant dans le bois à leur côté, en coupant avec un bruit sec les troncs des arbres et leurs branches. Les détonations des canons ne leur arrivèrent que quelques secondes après, au faîte même de l’éminence. Gargantua poussait des der Tenfel sans nombre , en épe- ronnant son coursier à la suite de Michel. IX ARRESTATIONS. — Mort de Dieu ! s’écria Laffin, ce sont les bombardes de M. de Lux. Ventre à terre ! et que le pli du terrain nous couvre... Mais, en même temps que nos fugitifs avaient entendu les premières détonations, de nouveaux boulets sifflaient en ricochant, à leurs côtés, et étaient suivis d’autres explo- sions. Heureusement qu’ils en furent quittes à peu près pour quelques éclaboussures. Seul, Gargantua reçut un éclat de pierre dans le dos. — Ah I der Teufel ! hurla-t-il, se croyant louché par un des projectiles. Mais, comme il put dévaler ainsi que les autres, et sans choir, l’éminence fatale par son versant opposé, il se sentit bientôt rassuré. On était à couvert, et l’on n’avait désormais plus rien à Digitized by Google 108 L'ABBESSE DE MONTMARTRE craindre de l’artillerie dijonnaise. Aussi, tout en galopant, Gros-Michel plaisantait-il le reître sur la peur qu’il avait eue. — Oh ! non, bas beur, moi ! répondit avec flegme le Bran- debourgeois. Le sort brédit bar la maudite sorcière, il êdre rombu maindenant ch’avre bendu l’autre. Mais... — Mais vous n’avez pas moins, capitaine, poussé un juron d’axiété. — la... ia. Ch’avre graint seulement de ne bas buvoir técheuner, et ch’avre si pon abbédit, mein Gott ! Laffin, de son côté, se félicitait d’avoir quitté Dijon si promptement. — C’est à n’en pas douter, dit-il à Marcel. Le messager du duc de Savoie nous marchait sur les talons, et il a remis sa lettre à de Lux... Renazé aura cédé aux menaces et parlé. Nous saurons plus tard ce qui était arrivé à maître Renazé. Quant à la cause de la canonnade, c’était bien celle devinée par Laffin. A peine, en effet, nos cavaliers eurent-ils disparu, à Dijon, dans la petite rue qui les avait menés à la porte Guillaume, qu’un chevaucheur savoisien, couvert de pous- sière, s’était présenté devant le vieux château. On avait introduit ce messager auprès da gouverneur par intérim, qui poussa une exclamation de fureur en lisant la lettre du duc. — Comment ! s’était écrié le baron, Laffin nous trahit. — C’est indubitable, monseigneur, répondit le messager pqisqu’il s’est mis en route pour Fontainebleau avec le favori du roi. D’ailleurs, son secrétaire Renazé... — Oui, oui, le duc me le mande... Holà ! qu’on appelle le capitaine des boute-feux ! L’officier d’artillerie s’étant présenté, de Lux lui avait ordonné de lâcher des bordées sur les quatre cavaliers. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE lt>9 — Comment vous nomme-t-on, l’ami? demanda le baron au messager. — Claude le Lorrain. Je suis lansquenet. — Vous n’en portez point le costume ? — Ces cavaliers ne doivent point me reconnaître, car je me rends à Fontainebleau comme eux. — Pour y voir le maréchal? — J’ai une autre mission. Le révérend père Daubigny m’a chargé d’une lettre pour la marquise de Verneuil. — Henriette d’Entragues ! Serait-elle aussi du complot? — Je l’ignore, monseigneur. — Dans tous les cas, son frère, le comte d’Auvergne, est des nôtres, et, bien qu’il soit également à Fontainebleau, il brûle de faire lever les boucliers à ses partisans en pro- vince. La canonnade n’ayant abattu aucun des quatre cavaliers, le baron de Lux fit monter à cheval une vingtaine d’hommes de la compagnie de gens d’armes affectée alors à chaque prince, officier de la couronne et gouverneur de province. Mais cela demanda du temps, et la troupe dut revenir au bout de quelques heures d’une poursuite infructueuse. Nos quatre compagnons atteignirent Fontainebleau le surlendemain dans la soirée. Comme ils approchaient du château, un gentilhomme à cheval, en tenue de voyage et suivi d’un écuyer, déboucha d’une avenue voisine. Ce gentilhomme se dirigeait comme eux vers la résidence royale. En. l’apercevant, Gargantua poussa un cri de surprise. — Ah 1 je le gonnais, celui-là, ajouta-t-il. C’est mossié t’Aupigné. — Monsieur d’Aubigné! s’écria Marcel à son tour. Il re- viendrait vers le roi ! — Ah ! che me rabbelle, der Teufel ! Au châdeau d’Us- son, il me menaçait te me bendre. Mais che ne le grains blus... Bonchur, mossié t’Aupigné! il. Digitized by Google 170 L 1 ABBESSE DE MONTMARTRE Le gentilhomme calviniste salua et dit — Mais, si je ne me trompe, c’est le capitaine Gargantua. — la, ia, et voici le bedit Marcel... vus savez, le bedit Marcel du pourg de Pailhat. — Mais je connais parfaitement monsieur de Fontaine. Je l’ai revu à Fontaine- Française, où il a sauvé le roi. — Monsieur d’Aubigné, je ne l'ai jamais quitté, dit Mar- cel, du moins volontairement. — C’est un reproche, je crois. Mais tranquillisez-vous, je viens me ranger de nouveau à ses côtés. — J’en bénis le ciel, monsieur. — Pour deux causas. J’ai su, à mon château de Maille- zais, que, me croyant prisonnier à Limoges, il avait mis à part quelques bagues de la reine pour payer ma rançon, et je n’en veux pas, d’autant plus que je n’aj jamais été pri- sonnier, bien que j’eusse bataillé là-bas dans les dernières émotions. Ensuite, à cause de ces émotions mêmes et des complots dont j’ai entendu parler, je viens lui offrir mes services, quoiqu’il ait abandonné la vraie foi pour aller à la messjd, /— C’est ce qui s’appelle agir en gentilhomme loyal et dévoué. — Par la Passion! répliqua vivement le rigide religion- naire, ce n’est pas le roi apostat que mon bras servira, mais l’aini seulement. D’Aubigné fut accueilli à bras ouverts par son royal com- pagnon de guerre, qui lui avait écrit jadis jusqu’à quatre lettres, sans pouvoir le décider à revenir à la cour. Dès lors il rie quitta plus Henri IV. Marcel s’était fait annoncer aussitôt chez le roi, qui le reçut avec Laffin. — Sire, s’écria ce dernier en se jetant aux pieds de Henri, pardon ! pardon ! — Ah ! fit le roi en levant les yeux au ciel, que je vous Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 171 * drais donc que le maréchal me criât cela du fond de son cœur. — Il est trop orgueilleux, Sire ! dit Laffin en se rele- vant. — Las ! c’est vrai. Je n’en puis rien tirer depuis qu’il est ici. Je l’avais pourtant embrassé à son arrivée... Je voudrais le sauver, et ce sont toujours les mêmes colères de sa part, la même obstination, les mêmes paroles hautes et fières. En effet, le maréchal avait reçu très-froidement les ca- resses de son souverain, ce qui déplut beaucoup à ce der- nier. Dès lors, Biron ne vit plus autour de lui que des visages glacés. Peu de gens l’abordaient ; on lui parlait à peine. Un autre se serait cru perdu; mais il était si présomp- tueux ! La comtesse de Rossi, sa sœur, lui écrivit de s’enfuir, s’il en était temps encore. Henri lui offrit un moyen plus honorable de se sauver. Il était disposé à user de clémence à son égard, pourvu qu’il fît lui-même l’aveu de son crime. La veille, il l’avait mené dans les jardins du château. Après quelques propos assez indifférents, il entama le dis- cours sur les sujets de mécontentement qu’il avait du maré- chal, et lui dit que, pourvu qu’il ne déguisât rien, il en se- rait quitte comme la première fois à Lyon, pour le repentir de ses fautes. — Si je vous exhorte, ajouta le roi, à déclarer vous- même tout ce que vous avez fait contre mon service, c’est pour empêcher que d 'autres ne prennent connaissance d’une affaire qui vous serait désavantageuse. » ' * C’était un avertissement. Ces autres , c’étaient Messieurs du Parlement. Mais le maréchal, qui était loin de s’imaginer que Laffin le trahissait et que celui-ci pouvait d’un moment à l’autre revenir de Savoie, répondit avec arrogance Digitized by Google 172 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Je suis venu, non pour me justifier, mais pour con- naître mes accusateurs. Je n’ai nul besoin de pardon, attendu que ne suis pas coupable... J’espère même, Sire, que vous ferez justice de mes calomniateurs; autrement, je la ferais moi-même. » Quoique cette réponse altière aggravât encore l’offense, Henri se borna à lui dire avec bonté — Pensez-y mieux, maréchal! Vous .prendrez un meil- leur conseil. » Après souper, le comte de Soissons l’exhorta encore, de la part du roi, à lui confesser la vérité, il conclut par cette sentence — Monsieur, sachez que le courroux du roi est le mes- sager de la mort. » Biron avait toisé le comte -de la tête aux pieds, et lui avait répondu avec plus de fierté encore qu’il n’avait répondu au souverain. Laffin fit connaître au roi le plan définitif de la conspira- tion. Le royaume de France devait être démembré. Le duc de Savoie aurait la Provence et le Dauphiné; Biron la Bourgo- gne et la Bresse, avec la troisième fille de ce duc en mariage et cinquante mille écus de dot; quelques autres seigneurs, comme le comte d’Auvergne et Bouillon, d’autres provinces avec la qualité de pairs. Tous ces petits souverains eussent relevé du roi d’Espagne. Pour parvenir à ce résultat, les Espagnols, jetteraient une puissante armée dans le royaume, et le Savoyard une autre. Non-seulement les gouverneurs de province dans le complot,. afa signal donné par Biron, lèveraient l’é- tendard de la révolte, mais oh ferait aussi remuer ceux des huguenots qui avaient encore sur le cœur l’abjuration du roi. En même topips, on réveillerait plusieurs mécontents en divers eud roi ts, et l’onsusciterait et animerait lesipopula- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 173 lions, qui étaient fort irritées contre la pancarte dont il a été question, et qui consistait, comme on sait, dans l’impôt d’un sou par livre sur toutes les denrées des villes fermées. — Et vous avez les preuves de tout cela, M. de Laffin ? demanda le roi. — Les voici, Sire, écrites de la propre main du maréchal. Laffin tendit au roi les pièces qu’il avait soustraites au feu, lors de sa dernière entrevue avec le maréchal, à Di- jon. — Vous déposeriez contre lui devant le Parlement, n’est- ce pas ? — Renazé, mon secrétaire, le ferait comme moi, si les gens du duc Savoie ne l’avaient retenu prisonnier, ainsi que vous le racontera M. de Fontaine. — C’est bien, monsieur. Vous allez vous retirer dans le logement qui vous est préparé, et ne point vous montrer au maréchal. J’espère en- core qu’on n’aura pas besoin de vous pour le confondre devant le Parlement... Je vais revoir Biron, je ferai sem- blant encore de ne rien savoir, pour lui laisser le mérite des aveux qui seuls peuvent le sauver. C’est un dernier effort que je tente. Le roi, demeuré seul, appela son capitaine des gardes. — Où est le maréchal, M. de Vitry? — Sire, il est au jeu de la reine, qui vient de commen- cer. — Dites-lui que je l’attends au jardin. Quelques minutes apès, le roi conjurait Biron, pour la se- conde fois, de lui avouer la conspiration. Il employa les remontrances, les prières et les assurances d’un pardon complet; mais le maréchal n’en fut pas plus ému, et finit par dire que, s’il connaissait ses calomnia- teurs, il leur romprait le cou. En parlant ainsi, les yeux du maréchal, enfoncés dans sa petite tête, lançaient des éclairs sinistres. Digiiized by Google 174 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Enfin le roi, ennuyé de ses rodomontades et de son opi- niâtreté, le quitta brusquement en lui disant — Eh bien! il faudra apprendre la vérité d'ailleurs. Adieu, baron de Biron ! » Baron ! c’était là le seul titre qui lui fût venu de sa fa- mille. Ce mot fut comme un éclair avant-coureur de la foudre. Le roi, dégradant par là Biron de tant d’éminentes dignités dont il l’avait honoré, montrait qu’il allait l’abaisser autant qu’il l’avait élevé. Mais rien ne servit. Biron, se croyant certain qu’aucune preuve ne pouvait déposer contre lui, retourna chez la reine, où il se mit à jouer à la prime avec le comte d’Au- vergne. Celui-ci eut tout à coup un soupçon, en voyant M. de Vi- try paraître sous la porte et fixer les yeux sur lui et sur le maréchal. Il se pencha sur la table et dit tout bas à Biron — Il ne fait pas bon ici pour nous. — Bah ! répondit le maréchal, on n’osera jamais. Et le jeu continua. Le roi étant entré, vers minuit, chez la reine, fit cesser les jeux et ordonna à tout le monde de se retirer. Vitry se tenait immobile, épiant la sortie du roi, comme s’il n’attendait que ce moment pour exécuter quelque ordre secret. Mais Henri hésitait. Il était tout pâle... Au moment de quitter la salle, il se retourna encore brus- quement, et, appelant Biron, l’entraîna vers son cabinet. Vitrv suivit. — Au nom du ciel, dit le roi à Biron d’une voix émue, confessez votre faute. — Ma faute! répliqua le maréchal de sa voix toujours ar- rogante et irritée. Voulez-vous parler. Sire, des services que je vous ai rendus ? Mon père a souffert la mort pour met- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 115 tre à Votre Majesté la couronne sur la tête, et moi j’ai reçu quarante blessures pour l’y maintenir... » Voyant qu’il n’en tirerait encore rien, après tant d’essais infructueux, le roi le congédia. M. de Vitry et ses gardes attendaient dans l’antichambre ; il y avait aussi là quelques gentilshommes de la suite de Biron. — * Monsieur, dit Vitry de sa voix calme et rude, en s’approchant du maréchal, le roi m’a commandé de lui ren- dre compte de votre personne. Donnez-moi votre épée! » Les gentilshommes essayèrent de se mettre en défense, mais il furent aussitôt saisis par les gardes. Biron demanda alors à parler au roi. On lui répondit qu’il s’était retiré. — Donnez-moi votre épée, lui dit l’impassible Vitry pour la seconde fois. — a Mon épée, s’écria le maréchal, qui a rendu tant de services au roi ! » Il la donna, et on le conduisit dans une chambre du châ- teau. Pendant qu’on l’y menait, il cria avec une colère amère à ceux qui se trouvèrent sur son passage ; — Regardez, messieurs, comme on traite les bons ca- tholiques. » Le comte d’Auvergne était arrêté en même temps par M. de Praslin, au moment où il cherchait à s’enfuir du château par la cour de l’Orangerie. Biron passa la nuit dans une espèce de fureur, et se ré- pandit en invectives contre Henri IV. Le baron de Rosny étant entré dans l’appartement du roi, pour recevoir ses ordres, celui-ci lui dit — Nos gens sont pris. Montez à cheval, et allez prépa- rer un logement à la Bastille, où je les enverrai par bateau. Ils ne tarderont pas à vous suivre. Vous les ferez descendre par la porte de l’Arsenal, du côté de l’eau, et vous les con- duirez par les jardins. Faites en sorte d’empêcher la foule Digitized by Google 176 L’ABBESSE DE MONTMARTRE du peuple... Vous irez ensuite au Parlement et à l’Hôtel- de-Ville, pour les instruire de ce qui vient d’arriver. Je leur en apprendrai les causes, et je m’assure qu’ils les trou- veront justes. » Rosny, qui avait le commandement de la Bastille, alla immédiatement exécuter les ordres du roi. Les deux prisonniers partirent le lendemain, bien escor- tés. On les logea dans des chambres séparées. Le roi se rendit également à Paris, où le peuple témoi- gna, par mille acclamations, la joie qu’il avait de voir la conspiration découverte. Commission fut envoyée au Parlement, pour faire le pro- cès au maréchal. Marcel avait suivi Henri IV à Paris. Il y embrassa sa mère, et raconta au chevalier du Bosc, ainsi qu’à l’abbesse Marie de Beauvilliers, les résultats de son second voyage en Savoie. Quant au seigneur Ligier de Clignancourt, il l’a- vait trouvé à Fontainebleau. Marie lui demanda s’il avait fait part au roi de son excur- sion à Milan et de son entrevue avec le comte de Fuentès. — A mon premier retour, répondit l’officier, le temps pressait, et je n’ai pu entretenir Sa Majesté que des révéla- tions de Laffm. Depuis mon arrivée à Fontainebleau, d’autre part, le roi est à peine visible. Il se montre fort irrité, dit- on, plein d’amertume et misanthrope. — Vous avez eu tort peut-être, Marcel, de ne point sai- sir une occasion pour lui révéler le secret de la naissance d’Alice. — Je ne voudrais point qu’il en parlât à monsieur de Cli- gnancourt. — Le comte de Fuentès étant un des agents les plus ac- tifs de la conspiration, votre séjour inexpliqué au Palais Sforza pourrait tourner contre vous, mon ami. Sonyez-y bien. — Vous êtes la prudence même, madame ! Mais, si le roi Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE l’- avait vent de mes rapports avec le comte, un mot suffirait alors pour lui en expliquer les causes. — En politique, les accointances les plus naturelles de- viennent souvent funestes. — N’est-ce pas moi qui ai amené la découverte du com- plot, en convertissant Laffin aux intérêts du roi ? — Il est des circonstances où même un service rendu peut devenir un moyen d’accusation de plus. — Madame, vos paroles commencent à m’émouvoir. — Croyez-m’en cherchez à voir le roi, et ne lui cachez rien. — Vous avez raison je cours au Louvre. Marcel avait à peine fait quelques pas dans la grande ga- lerie, que le capitaine des gardes, M. de Vitry, marcha droit à lui — Votre épée, monsieur! lui dit le vieil officier, de sa voix impassible. — Mon épée! s’écria Marcel en reculant stupéfait. — Ordre du roi ! Notre jeune homme savait qu’avec le rigide Vitry, la con- signe incarnée, qui eût arrêté sans sourciller tous les gen- tilshommes présents, y compris les princes de sang, s’il en avait eu l’ordre, il n’y avait aucune explication à avoir. Il tendit donc l’arme au capitaine des gardes, avec un soupir, en pensant aux paroles de l’abbesse, qu’il n’avait certes pas cru devoir se justifier si promptement. Puis il demanda à voir le roi. — Je vous en supplie, monsieur, dit-il à Vitry,. laissez- moi entrer dans le cabinet de Sa Majesté. — Sa Majesté n’est point dans son cabinet. — Permettez-moi de la rechercher avec vous, de l’atten- dre au moins. Après m’avoir entendu, elle révoquera cet ordre. — Impossible. En marche! Les seigneurs de la galerie, attirés par èetie scène, se Digitized by Google 178 L’ABBESSE DE MONTMARTRE pressaient autour de Marcel et de Vitry. Crillon, d’Aubigné et Castaignac étaient en tête. — Harmbleu ! ne pourriez-vous accéder au désir de votre lieutenant, monsieur de Vitry ? disait Crillon. . — Morbleu ! ajoutait d’Aubigné, je réponds de mon- sieur. — Par ma coiichemarde fidèle ! osa gasconner Castai- gnac, le roi ne peut... Comme un sanglier au poil hérissé, Vitry fit tour à tour face à chacun des intervenants. — Le roi sait ce qu’il fait, M. de Castaignac, gronda-t-il ; et moi je lui réponds du prisonnier, M. d’Aubigné... Quant au désir de ce dernier de rechercher le roi, M. de Crillon, au- tant vaudrait me proposer de me faire l’huissier de la marquise de Verneuil, car Sa Majesté soupe avec elle. — Ah! voilà la chose, marmotta d’Aubigné. Toujours le cotillon ! — Et quand vous feriez cela pour votre lieutenant? dit encore Crillon; c’est un homme d’honneur qui en vaut la peine. — Mêlez-vous de votre commandement, M. de Crillon, bougonna le revêche capitaine, et laissez-moi m’occuper du mien. — Boule-dogue! murmura Crillon. — Je vous conseille de medonner votre nom ! s’écria Yitrv qui avait entendu. On ne sait peut-être pas ce dont vous êtes capable', M. de Crillon, quand le roi a commandé... Gardes ! à la Bastille ! — A la Bastille! dit en soupirant l’infortuné Marcel. Et le roi soupe avec Henriette d’Entragues ? Les gardes emmenèrent le nouveau prisonnier vers la sombre forteresse de la porte Saint-Antoine. Du seuil du cabinet des Trois-Tonneaux, au coin de la ue Saint-honoré et de celle de la Tonnellerie, un homme Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 179 s’élança en reconnaissant Marcel au milieu de l’escorte. — Ah! der Teufel! s’exclama-t-il. Gu’est-ce gue c’est gue cela ? Marcel ! mon bedit Marcel ! — Capitaine ! cria le jeune homme qui voyait le reître déjà prêt à jouer de son schwert contre les gardes. Point de violence ! Courez plutôt à Montmartre. Prévenez madame l’abbesse et Michel qu’on me mène à la Bastille. Gargantua obéit, non sans montrer le poing à ceux qui emmenaient son jeune ami. Il est temps de faire connaître maintenant les causes de cette arrestation inattendue. Profondément irrité de la conduite de Biron, le roi s’était montré taciturne et d’une humeur presque farouche depuis l’arrestation du maréchal. A peine répondait-il à Rosny et à ses conseillers. Le front plissé par le mécontentement, on ne l’entendait par moments ouvrir la bouche que pour se plaindre de l’in- gratitude des hommes et de leur profonde perversité. Lui si franc et si expansif d’ordinaire, il ne jetait plus sur tous ceux qui l’approchaient que des regards obliques et méfiants. Partout il lui semblait voir des conspirateurs et des traîtres. Le soupçon le rendait intraitable. Pour un mot équivoque, il avait failli, dans la matinée, faire arrêter Sillery, qui pourtant lui avait rendu dans les négociations des services si signalés. Renfermé dans son cabinet, il en avait défendu l’entrée à tout autre qu’ à son valet de chambre, à l’astrologue Pe- rmet et à son cuisinier Fouquet de la Varenne, maintenant contrôleur général des postes. Ayant entendu gratter à une porte dérobée, Henri alla ouvrir et aperçut maître Périnet et la Varenne. — Bonjour, mes maîtres! leur dit-il. Quel sujet vous amène ? Digitized by Google 180 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Toujours votre heur et votre avenir, répondit l’astrolo- gue en s’inclinant trois fois avec obséquiosité. — Ah ! mon bonheur ! fit le roi avec amertume. Il s’en va comme l'avenir... Toujours des complots ! Quand on n’en veut plus à ma vie, c’est ma couronne que l’on convoite ! Et parmi les traîtres je retrouve même le frère de ma mie. — Sire ! la marquise est innocente. • — Hé ! qui sait ? fit le roi en soupirant. — La preuve, c’est que j’ai tiré hier soir votre horoscope et le sien, et que j’ai vu vos deux astres toujours planant amicalement dans la même Maison du ciel. — Est-ce là la seule preuve que tu as, maître Périnet ? — J’ai rencontré dans la cour mon ami de la Varenne, qui vous en apporte une autre fort concordante. — Voyons celle-là! Mais si elle n’est pas meilleure, vous vous tiendrez pour dit, messieurs, que frère et sœur se valent... Ah! je n’ai plus fiance en personne, et l’on me dirait que le Dauphin me trahit, tout innocent mignon qu’il est, que je ne serais pas éloigné de le croire. — Pourtant, Sire, dit la Varenne, madame la marquise, dont je viens de quitter l’appartement où elle m’avait mandé, est prête à vous témoigner combien elle vous est attachée et désire l’affermissement de votre trône. — C’est bien à elle, et je l’en remercie, mais je ne la verrai point. Le temps n’est point aux amours, maître la Varenne. — Sire! ce n’est point d’amour qu’il s’agit cette fois, mais bien d’une révélation importante, répliqua ce dernier. — Une révélation ! s’écria Henri en s’avançant avec vi- vacité vers la Varenne et en fixant sur lui des yeux ardents. Comme Laffin, la marquise aurait-elle les mains pleines de pièces d’un nouveau complot?... Cela ne m’étonnerait point, ajouta-t-il avec un rire amer. Tout le monde con- spire... De quoi s’agit-il? — De menées coupables au premier chef, m’a-t-elle dit. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 181 — Parlez donc... parlez vite! Il y a encore de la place à la Bastille. — Sire! je vous l’ai dit maintes fois, vos ennemis ne sont pas ceux que vous croyez. Les membres de la Com- pagnie de Jésus... — Encore ces gens-là! dit le roi avec humeur. — Ce sont vos amis, s’écrièrent à la fois les deux com- pères. — Ils ont voulu m’assassiner. — Erreur! calomnie! dit la Varenne. Ils veulent vous prouver, aujourd’hui, que rien ne leur tient plus à cœur que la prospérité de votre État. La révélation vient de l’un d’eux. — Son nom? — Le révérend père Daubigny... Daignez vous rendre à l’appel de la marquise, qui vous attend elle vous contera tout. Les sourcils froncés, sans mot dire, Henri suivit l’ex- cuisinier, qui le mena par des couloirs secrets jusqu’à l’ap- partement que Henriette d’Entragues occupait au Louvre. Certes, la présence de la marquise au Louvre n’était point excusable. Toutefois, les mœurs du temps faisaient qu’on ne s’en scandalisait pas trop. La reine avait du reste de grands torts envers Henri IV. En ce qui est de sa vertu, dit un historien, elle est restée beaucoup trop équivoque pour qu’on puisse prendre à Marie de Médicis l’intérêt qu’eût mérité une épouse trahie. L’affection de Marie pour son cousin Virginio Orsini ne passait pas pour fraternelle ; on soupçonna aussi de ga- lanterie ses relations avec le duc de Bellegarde, qui l’avait été chercher à Florence, comme ambassadeur du roi, et il n’v a surtout guère de doute en ce qui regarde le trop fameux Concini, jeune et brillant gentilhomme ilorentin que Marie avait amené à sa suite, et qu’elle fit épouser à sa sœur de lait, Léonora Dori, dite la Galigai, créature dif- Digitized by Google 18 Ü L’ABBESSE DE MONTMARTRE forme, adroite et rusée, qui la dominait entièrement* Léonora et son mari n’usèrent de leur empire sur la reine, que pour l’aigrir contre Henri IV et pour envenimer des discordes, que Rosny s’efforçait sans cesse d’apaiser. Les scènes entre le roi et la reine arrivèrent à une telle violence, que Marie, un jour, sauta au visage du roi et l’égratigna. Une autre fois, elle eût donné un soufflet à Henri IV, si Rosny ne lui eût rabattu le bras avec tant de vivacité, qu’elle prétendit qu’il l’avait frappée. Sans la naissance du Dauphin, Henri se fût peut-être résolu à renvoyer la Florentine dans son pays. Il se décida à prendre patience, et les deux époux s’accoutumèrent jus- qu’à un certain point l’un à l’autre, sans jamais vivre en bonne intelligence. Le roi trouva Henriette d’Entragues dans un négligé charmant, mais le front sérieux. Elle était à demi couchée sur un lit de repos, et jouait négligemment avec un étrange mais assez joli animal, fort à la mode à cette époque. C’était un adive ou chacal apprivoisé, venu d’Asie, et de la taille d’un chat de grosseur moyenne. Son pelage était d’un gris jaunâtre, avec une queue très-longue, terminée par une mèche de poils noirs. De chaque côté de la tête il avait une raie' brune allant de l’œil au bout dü museau. Toutes les grandes dames avaient alors leur adive , comme elles ont eu depuis leur bichon, leur levrette, leur King-Charles. Henri marcha à pas si rapides vers la marquise, que le chacal effrayé bondit du lit de repos. — Vous avez épouvanté mon pauvre Ismaël! s’écria Henriette en se levant, non sans jouer de la prunelle. Mais dans quel état vous vois-je, cher Sire? Quel front cour- roucé! Digitized by Googl L'ABBESSE DE MONTMARTRE 183 — Je viens à votre appel, dit le roi sans se dérider et d’un ton brusque qu’elle ne, lui avait jamais vu. De quelles révélations avez- vous à m’entretenir, marquise? Jugeant, à l’air du roi, qu’il était tout entier à de som- bres préoccupations politiques, la favorite eut un éclair de joie. Cette situation d’esprit était on ne peut plus favorable à ses desseins haineux. Elle se dit qu’une fois sa vengeance satisfaite, elle trouverait bien le moyen, grâce à ses ma- nœuvres coquettes, d’amener Henri à d’autres idées. Elle brusqua donc l’explication. — Sire! dit-elle en prenant son air le plus grave, vous souvient-il d’un rêve que je vous communiquai il y a quelques mois? Henri tressaillit il s’agissait de Marcel. — Votre officier des gardes, monsieur de Fontaine, pour- suivit l’astucieuse marquise, m’était apparu en compagnie de vos ennemis le Savoyard et les Espagnols, leur livrant vos secrets et complotant contre vous. — Ce furent exactement vos paroles je m’en souviens. — Eh bien ! ce n’est plus d’un rêve qu’il s’agit, mais d’une réalité. Malgré l’humeur farouche du roi, et quelles que fussent ses dispositions ombrageuses, il ne put se défendre d’un mouvement de surprise et d’incrédulité à ces paroles de la marquise. — Je vous ai déjà dit, ce me semble, répliqua-t-il, que cet officier m’a sauvé deux fois la vie. Et c’est grâce à lui que je connais tout le fond de la conspiration dont les deux principaux coupables sont à la Bastille Votre frère est l’un des deux! marquise, ajouta-il d’un ton sévère. — Soit, Sire! mon frère est accusé il sortira innocent du procès criminel. Aussi n’est-ce point de lui que je vous parle en ce moment, mais d’un vrai et d’un plus grand coupable. Digitized by Google 184 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Je ne saurais croire, murmura le roi... non, non, c’est impossible. Mais l’esprit de Henri était tellement bouleversé par l’affaire de Biron, qu’il ne murmura ces mots que de l’air d’un homme qui ne croit plus à l'impossibilité d’une trahi- son, quelque surprenante quelle soit. Henriette acheva bientôt de détruire ce qui restait de confiance dans le cœur du monarque, si éprouvé dans se affections. — Monsieur de Fontaine est demeuré longtemps en Italie, reprit la favorite. — En effet... longtemps. — Il a même poussé jusqu’à Milan... — Je l’ignorais. Marcel ne m’en a point parlé. — C’est qu’il y livrait vos secrets à l’Espagnol. — Mes secrets ! — Vos grands desseins, dont vous avez parfois laissé échapper quelques mots devant moi, sans pourtant jamais avoir daigné me les faire connaître... Ah! Sire, il ne s’agit plus ici d’un méchant et absurde complot pour le présent, mais bien d’une trahison qui compromet tous vos projets d’avenir, ces grands projets qui doivent faire la gloire de votre règne et transmettre votre nom béni aux générations futures... N’est-ce point là ce que vous me disiez maintes fois? — C’est vrai, répondit le roi, tout pâle. — Ces projets, continua l’adroite Henriette, sont connus seulement de trois autres personnes que vous... Eh bien, Sirel ce sont ces secrets que monsieur de Fontaine a livrés. — Des preuves ! s’écria Henri , frémissant, et le poing serré . — Vous le voyez c'est là un homme bien autrement coupable que Biron, Bouillon et le comte d’Auvergne, mon frère, un étourneau tout au plus ! — Des preuves! dit encore le roi. Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 185 - — Monsieur de Fontaine a vendu ces projets au comte de Fuentès, l’agent du roi d’Espagne. — Encore une fois, des preuves ! répéta Henri en frap- pant du pied. — La trahison s’est faite dans le jardin du palais Sforza, à Milan. On a vu, on a entendu. — Qui a vu, qui a entendu? — Un homme caché derrière la grille dans l’ombre, qui a rapporté la scène au révérend père Daubigny de la Société de Jésus. — Où est cet homme? — Et le digne père, qui, dans l’exil, appelle sur la tête de son roi les bénédictions du ciel, s’est empressé de me faire connaître ce crime odieux... Voyez, Sire! lisez... La marquise lendit au roi une lettre, qu’il parcourut avec un âcre sourire . — Cet homme est ici? demanda-t-il après avoir lu. Henriette courut à une petite porte latérale, et l’ouvrit. — Le voici! dit-elle. Le lansquenet Claude le Lorrain se présenta devant le roi. — C’est toi qui as entendu les paroles du comte de Fuentès? lui demanda Henri d’une voix saccadée. ^ — De mes propres oreilles, Sire. — Repète-les ! — Le gouverneur du Milanais, sortant d’un pavillon, tendit la main à l’officier, et lui dit * Vous serez grand d’Espagne! » — Et l’officier est demeuré quelque temps au palais Sforza ? — Plusieurs semaines. Je n’étais du reste pas seul à entendre ces paroles. Il y avait les gardes et un autre gen- tilhomme français, qui pourra l’attester comme moi . — Le nom de ce gentilhomme — Le baron de Fontanelle. it 12 Digitized by Google 186 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Le père Daubigny, qui, au moment du départ du lans- quenet de Novare, ne savait pas encore que Laffin trahis- sait, avait défendu au lansquenet de nommer ce dernier. — Le baron de Fontanelle! s’écria le roi. Mais il est arrêté depuis hier. Les papiers de Biron l’ont compromis. Henri frappa sur un timbre la Varenue, qui attendait dans l’antichambre, parut. — Qu’on appelle monsieur de Vitry ! commanda le roi. Le capitaine des gardes vint bientôt. — Amenez-moi céans, par les escaliers particuliers, le baron de Fontanelle , qui a été écroué au Grand-Châtelet- Ce n’est pas loin. Courez, monsieur de Vitry! Avant de prendre un parti rigoureux, le roi avait voulu entendre lui-même ce second témoin. Le baron vint confirmer la déposition du lansquenet. — Monsieur de Vitry, dit alors le roi d’un ton ferme, vous arrêterez votre lieutenant des gardes, M. de Fontaine, et le ferez conduire à la Bastille. Henriette d’Entragues triomphait. ... Aussi, quand elle se revit seule avec le roi, eut-elle ses plus adorables sourires, ses regards les plus fascinateurs, ses paroles les plus tendres, pour le retenir chez elle. Elle craignait, du reste, que Henri, livré à lui-même et re- voyant son officier favori, ne revînt sur l’ordre donné et ne lui fît grâce. Le Béarnais, accablé, se laissa faire et soupa avec sa perfide maîtresse. Comme il avait de la peine pourtant à secouer la tristesse que tant de trahisons avaient jetée dans son esprit, la mar- quise, après souper, appela Ismaël, son adive joueur. Elle savait que les tours du savant animal, instruit par elle, faisaient souvent pâmer de rire son royal amant. En effet, le chacal en eût remontré à maint singe ou chien de bateleur du Pont-Neuf. — Il devient de plus en plus fort, mon petit ismaël, dit- Digitized by Google L’ABBESSE DE .MONTMARTRE 187 elle au roi. Son esprit est aussi avisé que celui de M. Chicot... A un signe de moi, il porte et rapporte main- tenant tout ce que je lui désigne. — Je serais curieux d’en être témoin, mignonne! — Et je gage que ce chiffon de papier que je prends sur mon étudiole, il le glissera dans la poche de vos grègues ou de votre pourpoint, avec une dextérité telle, que vous ne vous en apercevrez même point. — En vérité, vous piquez ma curiosité. — Vous allez voir, Sire ! La marquise, s’étant assise à quelque distance, caressa un instant Ismaël ; puis elle étendit derrière elle, sans affectation, sa main munie du papier. L’adive happa aussitôt le chiffon, et sur un simple coup d’œil de sa maîtresse, s’en alla, par un détour, en remuant gracieusement oreilles et queue, le porter vers le roi, pour le laisser tomber dans la poche béante pratiquée à la basque du pourpoint. — Eh bien, Sire, qu’en dites-vous ? demanda Henriette — Mais c’est merveilleux, répondit le Béarnais en sc déridant. — N’est-ce pas?... A d’autres, Ismaël !... Sautons pour le marquis! Et la favorite continua le jeu, en faisant gambader de toutes manières l’intelligent adive. Bientôt Henri, complètement distrait de son humeur noire, rit aux éclats, oubliant et Biron et l’infortuné Marcel, qu’on conduisait dans la sombre prison où le coupable ma- réchal attendait son sort. X L’ÉCHAFAUD a la bastille. La nuit approche, le couvre-feu ne tardera pas à sonner. Néanmoins, les rues sont encore pleines, dans tout le Digitized by Google 188 L'ABBESSE DE MONTMARTRE quartier qui s’étend de l’Hôtel-de-Ville à la porte Saint- Antoine. Des groupes animés se voient dans les carrefours ; on cause avec force gestes devant les échoppes et dans les tavernes ; on jure à travers les chants. On remarque surtout, au milieu de cette foule, des gens de guerre, reîtres, lansquenets et carabins, soldats d’aven- ture dont Paris fourmillait à cette époque ; mais il y a aussi les fauteurs ordinaires de tumulte, les écoliers, les laquais, les truands et autres mauvais garçons. Enfin, des moines de toute couleur et divers gens à allure Suspecte ne font pas défaut. D’où vient que ce soir-là il y ait encore tant de populaire et tant d’émotion dans ce quartier, où semble s’être donné rendez-vous tout ce qu’il y a de plus remuant dans la ville, la Cité et l’Université? Voici un cabaret devant un bastion du rempart de la ville, en face d’un sombre et monstrueux bâtiment de pierre. Dans ce cabaret, un peu pouillis, c’est-à-dire de bas étage, allants et venants se heurtent et paraissent se com- muniquer des nouvelles. En y pénétrant, nous saurons peut-être de quoi il re- tourne. Mais avant d’y entrer, jetons un coup d’œil sur le voisi- nage. Il fait encore jour assez pour voir où nous sommes. A droite, voici le vieux parc de l’hôtel des Tournelles, de cet hôtel jadis si magnifique avec sa forêt d’aiguilles, mais que Catherine de Médicis fit démolir par douleur d’y avoir perdu son époux, Henri II, et dont la cour intérieure servait alors à un marché de chevaux. A notre gauche se dresse le lugubre et gigantesque bâti- ment que nous avons mentionné plus haut. Ce sinistre faisceau de tours énormes, noires comme de l’encre, en- trant les unes dans les autres, et ficelées, pour ainsi dire, par un fossé circulaire revêtu de murailles ; ce donjon, beaucoup plus percé de meurtrières que de fenêtres, ce Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 189 pont-levis, presque toujours dressé, cette herse si souvent tombée... c’est la Bastille! Ces espèces de becs noirs qui sortent d’entre les cré- neaux, et qu’on prend de loin pour des gouttières, ce sont des canons. Sous le boulet de ces canons, au pied du formidable édi- fice, est la porte Saint- Antoine, enfouie entre ses deux tours. Les soldats qui la gardent semblent assez inquiets du bruit qui se fait autour et en face d’eu*. La rue Saint-Antoine montre ses pignons pointus de ' maisons à peuple, adossées, pour ainsi diçe, à droite, aux palais du Marais, à gauche, aux demeures encore si somp- tueuses du quartier Saint-Paul, au-dessus desquelles s’élève gracieuse la flèche de l’abbaye des Célestins. Au delà du parc des Tournelles enfin, se déroule, sous les derniers reflets du soleil couchant, avec de riches com- partiments de verdure et de fleurs, un tapis velouté de cultures. Au milieu de ce tapis, on reconnaît encore, à son labyrinthe d’arbres et d’allées et à son observatoire , le fameux Jardin Dedalus, que Louis XI avait donné au médecin Coictier. Mais ces jardins vont disparaître bientôt sous les galeries de la Place Royale, où Henri IV veut établir des manufactures. Enfin, derrière la Bastille, s’étendent les nouveax bâti- ments et jardins de l’Arsenal, avec leur porte décorée de colonnes en forme de canons. Quarante ans auparavant, l’ancien arsenal avait sauté avec une si formidable détona- tion, qu’on l’entendit à Melun et que les poissons en pé- rirent dans la Seine. Voyons maintenant ce qui se passe dans le cabaret près du bastion Saint-Antoine. Il y a deux salles dans le pouillis. On y voit des tables couvertes de gobelets et de brocs; quelques-unes de ces tables ne sont que des planches clouées sur des futailles vides. Des bancs de bois brut servent de sièges. il , 12. Digitized by Google 190 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Mais peu de buveurs sont assis dans la première salle, la seule dont, nous puissions voir le coup d’œil, l’autre ayant sa porte obstruée par un groupe assez nombreux. Un bruit assourdissant de voix frappe les oreilles en entrant, tandis que l’odorat et la gorge sont saisis par l’odeur du vin qui rougit les tables. Le tavernier et sa femme sont occupés à servir. Les gens qui parlent avec tant d’animatidn dans ce ca- baret, sont pour la plupart, des gens de guerre. Il y a, tou- tefois, quatre frocards parmi eux. Mais sont-ce bien de vrais frères frapparts, que ces der- niers, c’est-à-dire des moines buveurs et débauchés? Il y a là, dans le groupe sous la porte de communication, un carme déchaussé, un cordelier, un augustin à coule noire et ceinture de cuir. Aucun ne paraît aviné, et quoique des reîtres et lansque- nets, au milieu desquels l’un dos moines pérore et l’autre donne des instructions à voix mystérieuse, semblent s’être livrés à de copieuses libations, nul, même parmi les sou- dards, ne chancelle. Evidemment les hôtes du pouillis, de même que la foule du dehors, sont sous l’empire de graves préoccupations. Il y a plus le quatrième moine est un célestin à la mine altière, orgueilleusement drapé dans son manteau. U ne prononce que quelques paroles de temps en temps, et on paraît le consulter avec une certaine déférence. Ces célestins, dont le monastère est voisin de l’ancien Hôtel Saint-Paul, étaient les religieux les plus riches et aussi les plus orgueilleux de la capitale. Les libéralités des rois, surtout celles de Charles Y qui résidait à l’Hôtel Saint-Paul, avaient fait de leur maison un véritable musée. Colonnes de marbre, obélisques, statues, vases, tableaux tout y était réuni. Un nombre considérable de princes et de princesses avaient tenu à Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 191 honneur l’être enterrés dans leur église. Aussi de superbes mausolées l’ornaient-ils. La bibliothèque des célestins avait une grande renommée, mais ne leur servait de rien on ne cite pas un savant dans cet ordre. En revanche, ils cultivaient avec gloire l’art culinaire ils possédaient un assortiment d’ustensiles de cuisine dont tous les autres couvents de Paris étaient jaloux. Les ome- lettes à la célestine avaient une haute réputation. Pour toutes ces raisons, le nom des célestins avait ob- tenu de la célébrité. Leur ignorance au sein d’un trésor de science, jointe à leur orgueil, faisait dire, quand on voulait rabaisser la vanité d’un sot Voilà un plaisant célestin! C’était devenu un proverbe. Toutefois, la sottise n’exclut pas l’ambition, au con- traire ; et tandis que le studieux bénédictin demeurait humble et ne réclamait de nobles distractions qu’à la science, le paresseux célestin, comme tant d’autres moines de l’époque, visait à la domination. Avant de faire connaître quel était le sens des avis que donnait le moine célestin au lansquenet qui l’interrogeait, il nous faut signaler un personnage dont l’attitude et le mutisme faisaient contraste avec ces gens de guerre et fro- cards. Ce personnage, aux épaules carrées, est assis près d’une fenêtre. Il a les coudes sur la table, la tête tout entière dans ses larges mains. On ne lui voit point la figure. Son broc et son gobelet sont vides devant lui, il n’y fait pas attention. De temps en temps seulement, un gros soupir s’échappe des profondeurs de sa poitrine. Alors, sans détacher les mains de son visage, il lève les yeux et, par la fenêtre, jette un regard désolé sur la sombre Bastille. Un vieux reître se détache enfin du groupe du fond, s’approche du triste personnage, et lui frappe sur l’épaulp Digitized by Google 192 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Capitaine ! dit ce retire, vous serez des nôtres, n’est- ce pas? — Ah ! der Teufel! bourdonne celui qu’on vient de dis- traire ainsi de sa douleur. Mais il se contente de lever la tête un instant, puis la replonge aussitôt dans ses mains velues. — Veuillez écouter au moins votre vieux compagnon de l’armée de Henri III, reprend le soudard. — Qu’est-ce gue du me veux, Harti-Gœur? demanda cette fois le capitaine, mais sans changer de position. — Hardi-Cœur ! c’est bien mon nom de guerre aussi vais-je le justifier demain. — Eh pien ! grève les beaux, due, évendre... et laisse-moi tranguille. — Mais, capitaine, c’est demain, dit-on, qu’ils .veulent exécuter le maréchal Biron. — Qu’est-ce gue ça me fait, à moi, don maréchal Piron ? — Hé ! je sais bien que vous n’avez jamais servi ni sous son père, le grand maréchal, ni sous lui. — Alors, gu’ils lui gubent la dête, ça m’êdre écal. — Mais ceux qu’ils nomment ses complices seront déca- pités avec lui, capitaine Gargantua. — Hein?... Ses gomblices! — Oui. Et cet officier, dont vous me parliez ce matin, que vous aimez tant, pour lequel, depuis un mois et demi, vous ne quittez pas cette taverne, le sera avec lui. — Der Teufel ! hurla Gargantua en se levant tout d’une pièce. Che ne le veux bas, moi. — Il en sera pourtant ainsi. Ne m'avez-vous pas dil qu’il avait été arrêté quelques jours après Biron ? — la, ia, lieber Gott ! — Eh bien ! c’est qu’il en est, comme le comte d’Au- vergne, comme le baron de Lux qu’on a été saisir à Dijon, ' Time le gentilhomme breton Montbarot, comme le baron Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 193 mt de Fontanelle, tous impliqués dans la conspiration.. . Votre officier sera décapité avec le maréchal. — Donner ound Hagel! s’exclama Gargantua , en saisis- sant son énorme épée à deux mains. — A la bonne heure ! vous vous joindrez à nous. — Avec mon schwert!... Mais bourguoi faire? demanda naïvement le reître allemand, toujours prêt à un coup de main, mais à la condition qu’on le dirigera et qu’il n’aura absolument qu’à jouer d’estoc et de taille, sans avoir be- soin de réfléchir. — Pour délivrer les condamnés. — Quand? Où cela? - — Au moment de l’exécution, sur la place de Grève. — Temain? Est-ce temain? — On dit que c’est demain ; mais ce n’est pas sûr encore. Nous attendons précisément des renseignements. Dans tous les cas, tenez-vous prêt, capitaine, et faites cause com- mune avec nous. — Sur la blace de Crève ! Pon ! — Nous serons nombreux, du reste. — Oh! fit l’intrépide casse-cou, ch’emproche, che fends, che gasse... — Tous les gens de guerre présents à Paris en seront. — Ponne et honnêde gombagnie ! — Mais nous avons aussi avec nous les écoliers, bache- liers de la Sorbonne, clercs de la Basoche, mariniers et garçons de rivière, gueux et mendiants.. . — Beuh ! ce n’est maille gui vaille. — Les vieux de la Ligue s'en mêlent, et capucins, carmes, jacobins, Cordeliers y poussent. — Bouah ! la filaine moinerie! — C’est sur leurs efforts que nous comptons le plus pour ameuter le populaire, et nous profiterons de l’émotion, nous autres gens de guerre, pour tomber en phalange ser- Digitized by Google I9i L'ABBESSE DE MONTMARTRE rée sur les gardes de la prévôté et autres, et pour délivrer les condamnés. — Ah ! ça faut mieux, ça. — Mais ce n’est pas tout. — Ah ! guoi engore ? — Les tronçons de la Ligue, poussés par les émissaires des jésuites, se renouent partout à l’heure qu’il est... Ces moines que vous voyez ne sont là que pour cela. * — Les chésuitcs! che n'en veux bas, moi. Che ne les aime bas che n’aime gue les dindons gu’ils nous ont ab- bordés. .. C’êdre drès pon, le dindon! — Leur but est de faire d’une pierre deux coups . — Gombrends bas. — On veut profiter de la victoire sur la place de Grève, pour se jeter sur le Louvre, Biron en tête, et s’emparer du roi. Nous comptons pour cela sur nos camarades, les reî- tres et les lansquenets de la garnison. — Oh ! oh ! fit Gargantua en ouvrant de grandes oreilles. Qu’est-ce gue ch’endends là? — Voilà le plan. N’est-ce pas qu’il est bien conçu? — la, ia, drès-pien, répondit le capitaine en clignant de l’œil du mieux qu’il put, pour se donner un air fin et entendu. Il voulait bien sauver Marcel, mais rien de plus. Or, dans son épaisse cervelle, il lui était venu, tout à coup, une de ces rares idées dont nous avons vu un exemple dans la pri- son de Turin. Le reître serra la main à son ancien capitaine et retourna auprès du groupe des soudards et des moines. , — Diens ! diensl se dit Gargantua en se grattant l’oreille, che grois gue che bense à guelgue chose... la, ia, ça beut lui faire avoir sa grâce, à mon bedit Marcel... Tame ! service bur service... la, ia, Cros-Michel ne va bas darder à venir, che lui tirai ça. Il me gombrendra engore mieux gue che Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 195 me gombrends... Dut de même, ch’êdre gondent de moi la, ia, pieu gondent, gomme guand ch’avrc bendu l’autre... Ah ! mein Gutt, ça ne m’arrive bas su vent. Gargantua achevait à peine sa pensée, que deux nou- veaux personnages pénétraient tout essoufflés dans la ta- verne. La nuit s’était faite, et une lampe fumeuse éclairait seule la salle. C’était le lansquenet à barbe fauve, Claude le Lorrain, et un religieux dominicain en robe blanche, avec le man- • teau et le capuchon noir, qui venaient de faire leur entrée . A leur aspect, on s’écria — Voici des nouvelles ! — C’est pour demain, annonça le lansquenet. — Pour demain!... Auriez-vous été à la Bastille avec le père Élysée? — Non, répondit le père Elysée, le dominicain. Chargé d’assister le maréchal dans ses derniers moments, je n’ai pu moi-même m’y introduire encore... Mais, comme je descendais la rue Saint-Antoine, j’ai rencontré le Lorrain, qui venait de la Grève. — On y dresse l’échafaud, s’écria le lansquenet, et l’un des aides du bourrel, une connaissance à moi, m’a dit que c’était pour demain à midi. — En ce cas, père Théotime, dit Hardi-Cœur, le relire, au moine célestin, quel est votre avis? — Je vais m’entendre avec mon frère augustin. Les deux religieux eurent un entretien particulier de quelques minutes, au bout desquelles les instructions fu- rent données à la fois aux autres moines et aux soldats. Puis, reîtres, lansquenets et frocards quittèrent la ta- verne, pour aller se répandre, les uns parmi les groupes, les autres dans les quartiers populeux. Comme Claude le Lorrain dépassait le seuil, il ne pu», s’empêcher de faire un mouvement d’effroi. Digitized by Google 196 L’ABBESSE DE MONTHAUTRE Il venait d’apercevoir, aux rayons de la lune qui planait au-dessus du noir massif de la Bastille, l’homnie aux lourds coups de poing, autrement dit Gros-Michel, qui s’était rangé devant la porte pour laisser passer le flot. — Qu’est-ce qu’il est venu faire ici, ce lansquenet ? se demanda Michel. Gargantua va me le dire. Celui-ci lui sauta au cou en l’apercevant. Tout autre que le pâtre de l’Auvergne eût été renversé du choc mais c’étaient deux colosses qui se valaient, on le sait. Le capitaine raconta à son ami tout ce qu’il venait d’ap- prendre dans la taverne. De même que le gros reître — car, malgré sa douleur, Gargantua n’avait pas jeûné, et il avait repris depuis un mois et demûtout son bel embonpoint — de même que le gros reître, disons-nous, Michel comprit que la révélation de ce nouveau complot au centre même de Paris, pouvait être la planche de salut pour Marcel. Il résolut de retourner immédiatement à Montmartre, et de faire connaître à l’abbesse ce que venait de lui appren- dre Gargantua. — Je ne m’étonne plus maintenant, dit-il, de la présence du lansquenet en ces lieux. — Guel landsknecht ? demanda le capitaine. — Celui qui est sorti un des derniers, le même que j’ai touché à Turin. ' — Ah! pien tuché!... Diens! mais c’est vrai, il m’afoir semplé aussi que che le gonnaissais... un boil fauve, n’est- ce pas? ^ — Décidément, se dit Michel, cet homme est trop sou- vent sous nos pas, et à la première rencontre... Il entraîna Gargantua vers l’abbaye de Montmartre. * Depuis plus de six semaines, l’infortuné Marcel gémis- sait dans un des tristes cabanons de la Bastille. Enfermé dans une chambre aux murs épais, presque Digitized by Googl L’ABBESSE DE MONTMARTRE 197 sous les calottes d’une des tours, d’où il ne voyait le ciel que par une étroite fenêtre donnant dans la cour, sans nou- velles du dehors, réduit à une chétive nourriture que lui apportait un porte-clefs rébarbatif, il devait se croire aban- donné. Pourtant, aucun des cœurs qui l'aimaient ne l’avait oublié et n’avait cessé de s’occuper de lui. Mais en vain Marie de Beauvilliers avait-elle écrit au roi ses lettres lui avaient été renvoyées sans qu’on les eût ou- vertes. Inutilement aussi avait-elle fait demander une au- dience Henri avait refusé. Le crime de Marcel paraissait trop manifeste aux yeux du souverain. Une circonstance pourtant avait, jusqu’à ce jour, tran- quillisé l’abbesse. Le chevalier du Bosc, conseiller au Par- lement, lui assurait qu’aucune information n’était ouverte contre l’ofticier des gardes. Il est vrai que, dans certains cas, surtout quand il s’agis- sait du crime de haute trahison, et que le coupable n’avait point, comme Biron, une haute position dans le gouverne- ment, quelques jours suffisaient pour l’instruction et la condamnation. Et depuis le matin de ce jour dont nous venons de voir les dernières lueurs s’éteindre au front de la sinistre forte- resse, où tant de victimes avaient déjà prié la veille de leur supplice, le bruit avait couru, dans tout Paris, que l’exécu- tion de Biron et de ses complices devait avoir lieu le len- demain en place de Grève !... On conçoit donc dans quelles mortelles transes devaient être Marie de Beauvilliers et tous ceux qui s’intéressaient si vivement à Marcel. Le procès de Biron avait du reste marché vers son fatal dénoûment. L’instruction avait été entamée par une commission à la tète de laquelle était le premier président Achille de Harlay. ii 13 Digitized by Google 198 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Biron protesta d’abord de son innocence, mais il fut frappé de stupeur quand on lui représenta les papiers livrés par T affin et au’il croyait brûlés. Il éclata en iniecüvea contre Laffin, l'appelant soraer traître, assassin... et invoqua contre lui le témoignage de Kenazé, dont un avertissement ami lui avait fait connaîuc l’arrestation en Savoie. Mais soudain Renazé paraît à son tour. Biron croit voir un fantôme ; il demeure comme frappé de la ioudre, et sans mot dire, entend sa déposition, conforme à celle de Laffin . B " e croit trahi par le duc de Savoie el le comte de Fuentès. Renazé avait réussi à s’évader à Turin, grâce aux mtelli onces que frère Gilles avait dans la prison sénatoriale. Le crime était constant, Biron ne pouvait plus mer . tout CS Alors 11 commença k s’humilier. Il adressa ou fit adresser par quelqu’un des siens au roi une requête pathétique, dans laquelle il demandait franchement la vie. Sa vieille mère, la veuve du grand maréchal de Biron, écriv it à Henri IV une lettre noble et touchante ; ses frères et ses beaux-frères accoururent se jeter aux pieds du roi. Il était trop tard. Henri accueillit avec bonté ces parents n fil iaés. mais leur dit fermement — Pour le bien de mon peuple et de mes enfants, je ne puis empêcher le cours de la justice. * Les pairs de France, convoqués à deux reprises, ne vin- rent pas prendre leurs places sur les bancs du P arleraent - C’était la cause des grands qu’on jugeait dans la peisonnc de Biron ils n’osaient absoudre et ne voulaient point frap- per l’accusé. Tous s’excusèrent sous différents prétextes. Le parlement alors donna défaut contre eux, et passa ° U La sentence fut pronocée à T unanimité des cent cinquaute iu-ms, il n’y en eut pas un qui opinât différemment. Le soir même où avaient lieu les conciliabules à la taverne Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 199 du bastion Saint-Antoine, le maréchal, entendant le grand bruit qui se faisait dans la Tille, et yoyant, par les grilles de sa fenêtre, le populaire s’agiter aux environs de la Bas- tille, s’écria — Je suis jugé et je suis mort! » Le lendemain matin, une modeste litière, venant de la butte Montmartre, s’avançait vers le Louvre. Elle était précédée d’un officier de l’abbaye, et suivie du • capitaine Gargantua et de Gros-Michel. Dans la cour du Louvre, on vit sortir l’abbesse Marie de Beauvilliers, qui demanda où était le roi. — A la chapelle, lui fut-il répondu. — Tant mieux, ô mon Dieu! se dit-elle. La mansuétude du Seigneur passera en son âme. Elle pénétra aussitôt dans le sanctuaire. A sa vue, Henri IV tressaillit il ne pouvait refuser de l’entendre. Marie marcha droit au roi, qui assistait à la messe der- rière le jubé. Avant de l’aborder, elle se prosterna devant le tabernacle et fit une courte prière. — Sire, dit-elle ensuite au monarque, je viens jusque dans ce saint lieu dire deux choses à mon roi. — Lesquelles? balbutia Henri. — Qu’il sauve à la fois sa couronne et un innocent! Le roi savait bien de quel prétendu innocent il s'agissait, mais il ignorait que sa couronne fût en péril. Aussi son es- prit, rempli encore des affaires du procès et des idées de trahison, fut-il troublé. — Expliquez-vous, madame! dit-il en faisant brusque- ment un pas vers la religieuse. — Daignez m’entendre en particulier. Le roi entraîna l’abbesse vers la sacristie, où on les laissa seuls. Que se passa-t-il dans cet entretien, qui dura une demi- heure? Quel en fut le résultat ? Digitized by Google 200 . L'ABBESSE DE MONTMARTRE On ne sait. Seulement on vit l’abbesse ressortir de la sacristie, ayant lesyeux encore rougis par les larmes qu’elle avait versées, et remonter dans sa litière, en ordonnant à Michel et à Gargantua de demeurer au Louvre. Quant au roi, il avait mandé auprès de lui Grillon et les principaux officiers de ses gardes. Dix minutes après, les échos du Louvre répercutaient le bruit des tambours et le son des trompettes. Toute la maison militaire du roi, l’infanterie avec ses en- seignes, la cavalerie avec ses guidons, sauf les gardes de la Porte qui ne quittaient jamais la personne du souverain, s’assembla aussitôt dans les cours. Les quatre compagnies des gardes du corps, la compagnie d’ordonnance et les chevau-légers , qui avaient définiti- vement remplacé les anciens gentilshommes à bec de corbin, les Cent-Suisses, les deux cents arbalétriers, le régiment des gardes françaises, se formèrent en ligne. — Grillon! avait dit le roi, vous commanderez mes gar- des aujourd’hui. Le connétable de' Montmorency était trop ami de Biron... Ah ! l’on veut, par une sédition, empêcher le cours de la justice et attenter même à ma couronne ! — Harnibieu ! Sire, nous disperserons ces truands, ré- pondit Crillon. — Je l’espère bien ainsi... Je viens d’envoyer des officiers aux quartiers des gens d’armes et des régiments de Picardie et Navarre. — Et les reîtres, les lansquenets, Sire ? — Ils seront consignés c’est sur eux que comptent ces aventuriers de guerre dont ôn m’a parlé... Mais hâtez-vous, Crillon! je crains que les pistoliers et les compagnies suis- ses de Galati et de Baltazar, qui ont dû occuper les abords de la Bastille au point du jour, n’aient déjà le tumulte sur les bras. — Cornibieu 1 flous les dégagerons. Digitized by Google L’Ali B K SS K DE MONTMARTRE SOI Bientôt les gardes du roi sortirent du Louvre et se diri- gèrent vers la rue Saint-Antoine. D’Aubigné avait pris place à côté de Crillon, en s’écriant — Par la Bible ! il doit y avoir de la Ligue et de la moi- naille là-dessous. Quel plaisir de houspiller ces guisards et frocards ! — Jarnigoi ! monsieur d’Aubigné, vous avez toujours le vieux levain huguenot qui vous travaille. — Ne les avez-vous point en aversion comme moi, mon- sieur de Crillon? — En tant qu’ennemis du roi seulement. En môme temps que Crillon dirigeait ses troupes sur le quartier de la Bastille, des officiers galopaient vers leGrand- Châtelet et vers l’Hôtel-de-Ville. Le capitaine de Praslinen personne, avec un ordre écrit, se rendait au greffe du Par- lement, sis au Palais. Nous ne tarderons pas à savoir quelle était la teneur de cet ordre du roi. Il était temps que Crillon arrivât sur le lieu du tumulte. Déjà, en effet, dans toutes les rues aboutissant à la Grève, ainsi que dans la rue Saint-Antoine jusqu’à la Bastille, la foule, excitée par les meneurs que nous connaissons, s’a- gitait menaçante. De tous les points de la capitale, les éléments turbulents - de la sédition s’étaient assemblés sur la place, où se dres- sait l’échafaud, entouré seulement d’archers du guet et de la prévôté. Et à tout moment venaient s’échouer là d’autres flots de mutins. L’Université avait envoyé de ses nombreux collèges des centaines d’étudiants munis de dagues. La Basoche avait expédié les clercs de son mièvre et remuant royaume. Coupe-bourses, tire-laines, barbets, étaient venus, dans le double but de gagner quelques sous parisis promis par les chefs du complot, et de voler au besoin dans la bagarre. Les différentes i cours des Miracles, celles du roi François, Sainte-Catherine, du marché Saint-Honoré, de la rue des Digilized by Google m L’ABBESSE DE MONTMARTRE Tournelle», de la Grande et de la Petite-Truanderie, de la butte Saint- Roch, du faubourg Saint-Marcel,' avaient vomi leurs milliers de mendiants et faux éclopés. Il y avait les malinqreux et les franc-mitoux , simulant des maladies ; les polissons et les millards, le bissac sur l’épaule et la bouteille au côté; les coquillards , en habits de pèlerin ; les narquois ou drilles, soldais qui demandaient l’aumône l’épée au côté ; les gens de la petite flambe, avec leurs ciseaux pour couper les bourses. Beaucoup étaient armés de bâtons ferrrés. De la grande cour des Miracles de la rue Neuve-Saint- Sauveur, la plus fameuse de toutes, la Cour'-fcenlrale, le Co'èsre ou chef suprême, avec ses archi-suppôts ou offi- ciers, était sorti en personne pour diriger ses bande.». Dans la rue de la Tixeranderie, le Coèsre s’était un instant abouché avec le père Théotime, le moine célestin, et il alla établir son quartier général à la taverne du Pot d' Etain, située près du charnier Saint-Jean, non loin de la rue Ke- naud-le-Favre. Dans la foule circulaient des moines et de vieux bourgeois enveloppés dans leurs capes, excitant sournoisement le peuple. — Ah ! s’écria un écolier barbu de Cluny, au nez bour- geonné et au pourpoint râpé ; voilà maître Jean Guille 1 Il désignait un bourgeois qui soufflait le feu, sans rien perdre de son air béat. — Hé ! oui, c’est moi, répondit l’ancien quéreur de par- dons. — Il y a longtemps que nous nous connaissons. — Cela date, je crois, de la grande procession de la Li- gue, mon petit Bénédict ! — J’avais quinze ans alors, et j’arrivais du Vendômois. — Il y a au moins douze ans de cela... Et vous êtes tou- jours sur les bancs de l’école? — En comptant bien les heures où j’use mes chausses sur Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE >03 ceux de lfr taverne, il n’y a guère que trois ans que j’étudie... Dame ! je ne suis pas comme ce basochien du Châtelet que voici, qui fut mon condisciple et qui depuis six ans a pris ses lettres de béjeaune... — Que me veux-tu, Bénédict? demanda le clerc de la Basoche désigné. — Je dis que tu es un bœuf A' Abraham, un vrai âne de Jialacm, bourré de latin et de grimoire... mais bon luron du reste... Et que viens-tu faire céans, mon cher Leufroy? Es-tu aussi des nôtres? — Henri III, le stupide tyranneau, a supprimé par ja- lousie notre empereur de Galilée , parce qu’il marchait dans Paris entouré de gardes... Nous voulons son rétablis- sement. On voit que la sédition, comme toujours, se composait d’éléments divers, et que le mécontentement pour la sup- pression de certains privilèges se joignait à la politique. Les gens de guerre se réunissaient peu à peu autour de l’échafaud. Le même moine célestin qui avait déjà parlé au Goësre de la cour des Miracles, vint accoster Hardi-Cœur, le retire, et Claude le Lorrain, le lansquenet. — Avez-vous des nouvelles, père Théotime? demanda ce dernier. — Le dominicain vient de se diriger vers la Bastille pour confesser Biron... Êtes-vous tous réunis? — Personne ne manque, je pense... Et vous, mon révé- rend, avez-vous vu votre monde ? — Chacun est à son poste... Tout ira bien. — Surtout, ajouta Hardi-Cœur, si l’échafaud n’est pro- tégé que par ces archers. — Les pistoliers et les Suisses qui sont à la Bastille es- corteront les condamnés. — Ceux-là ne résisteront pas plus que les archers. Nous aussi, nous avons des pistolets. Digitized by Googli 204 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — C’est égal, fit Claude le Lorrain, cela m’inquiète. — Que redoutez-vous? — Il est onze heures. L’exécution est annoncée pour midi, et le faible nombre de ces archers autour de l’échafaud me fait craindre... — Quoi ? — Qu’il n’y ait quelque contre-ordre fatal. Il n’achevait point, que plusieurs hommes, arrivant du quai sur la Grève, se mirent à chanter, sur le ton nasillard et larmoyant habituel, les couplets de la complainte sui- vante Le roi fut averti par un de ses gendarmes bis Donnez-vous bien degarde du maréchal Biron, Il vous fraitdes affaires qui vous coûteraient bon. Quelle entreprise a-t-il ?dis-le-moi, capitaine bis — Faire mourir la reine et Monsieur le Dauphin, Et de votre couronne il veut avoir la fin. Dessus ce propos-là, voilà Biron qui entre. Le chapeau à la main, au roi fait révérence Bonjour, aimable prince, vous plairait-il jouer Double milliou mille doublons d'Espagne que m'allez gagner? Il y avait ainsi une douzaine de couplets, plus biscornus le uns que les autres. — Il faut faire taire ces maudits chevroteurs, dit le moine avec colère. Déjà quelques lansquenets s’éloignaient pour imposer si- lence aux chanteurs de complainte, lorqu’un huissier du Parlement, escorté de hallebardiers, se montra tout à coup sur les degrés de l’échafaud. Déployant un parchemin, il proclama à haute et intelli- gible voix Voici l’arrêt prononcé par M. le chancelier, au nom du Parlement, qui déclare Charles de Gontaud, maréchal de Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 205 Biron, ai teint et convaincu du crime de lèsc-majjslé, pour conspirations contre la personne du roi, entreprises sur l’Etat et traités avec les ennemis. En conséquence, ledit Charles de Gontaud est condamné à avoir la tête tranchée en place de Grève; ses biens sont déclarés acquis et confisqués au roi, le duché de Biron éteint; cette terre et autres, s’il^n avait qui relevassent du roi, réunies à la couronne. » Des murmures avaient accueilli les premiers mots de cette proclamation, mais la voix de l’huissier les avait do- minés. Ce dernier reprit d’une voix encore plus forte De par le roi, en considération des anciens services rendus au royaume par le coupable, et Sa Majesté, vou- lant... » Quelques cris de joie éclatèrent parmi les gens de guerre, qui crurent à une commutation de peine ; mais leur espoir fut de courté durée, car l’huissier continua Et Sa Majesté, voulant éviter au condamné l’ignominie d’une exécution publique en place de Grève, il est ordonné que le supplice aura lieu ce jourd’hni, midi sonnant, à huis- clos, dans la cour de la Bastille. » Des vociférations furieuses accueillirent ces dernières paroles. La rage des aventuriers ne connut plus de bornes on leur ôtait tout moyen le mettre à exécution leur projet de délivrance. En un instant, hallebardiers et archers furent culbutés on escalada l’échafaud, on foula aux pieds l’huissier, et le rôle contenant l’arrêt du Parlement fut déchiré en mille morceaux. Puis un cri, que bientôt répétèrent en une immense cla- meur des milliers de voix, retentit sur la Grève — A la Bastille 1 La foule se précipita vers la rue Saint-Antoine, les sou- V Digitized by Google 2i L'ABBESSE DE MONTMARTRE dards brandissant leurs glaives, les écoliers leurs dagues, les truands leurs bâtons et coutelas. Ce fut en ce moment même que Crillon apparut avec les fidèles gardes du roi, vieux soldats pour la plupart, et aguerris par les campagnes du Béarnais. — Harnibieu ! s’écria-t-il en s’élançant le premier et en distribuant des horions. — Je vous le disais bien, fit observer d’Aubigné, il y a de la Ligue sous jeu... Voyez ! Il montrait les moines dans la multitude. Mais déjà ceux-ci, de même que les bourgeois meneurs, Jean Guilie en tête, s’esquivaient prudemment par les rues voisines. Le populaire qui n’était point du complot se sauvait éga- lement, et les truands du Coësre , en suivant les flots par les ruelles, eurent beau jeu avec leurs ciseaux et leurs doigts agiles. Les gens de guerre voulurent tenir tête, mais furent bientôt dispersés à leur tour par les gardes du roi. Sur quelques points on essaya de tendre les chaînes aux angles des rues. C’étaient des troupes de meschins ou jeu- nes garçons, qui faisaient des leurs en résistant des der- niers, comme toujours. Celle population imberbe de Paris, insoucieuse du danger, n’agissait, suivant son habitude, qu’en simple amateur ; mais elle était poussée par quelques grisons qui voulaient renouveler les scènes de la fameus eJournée des Barricades, sous Henri III. Elle jouait alors, dans toute émotion populaire, le même rôle actif et bruyant dont la tradition s’est conservée jusqu’à nos jours. On tira les oreilles à quelques-uns de ces petits mutins, on fouetta les autres, et bientôt le quartier, redevenu tran- quille, fut occupé militairement jusqu’à la Bastille. I Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE i07 Mais il est temps de nous transporter à la sombre for- teresse, où Marcel est dans des angoisses mortelles. Midi va sonner à l’horloge du donjon, et l’infortuné jeune homme, le visage collé aux barreaux de sa fenêtre qui plonge dans la cour, a vu tous les lugubres apprêts du supplice. Un échafaud avait été dressé promptement dans cette cour, par une vingtaine d’ouvriers. Des crampons de fer qu’on voyait encore en 1789 servirent à le maintenir con- tre la muraille. Trois maîtres des requêtes, avec M. le chancelier de Sil- lery, vêtu d’une robe de satin à grandes manches, » pas- sèrent alors devant les sinistres tréteaux, suivis d’huissier; et d’un homme habillé de rouge... Quelques instants après, tout ce monde revint avec le maréchal, qu’on menait à la chapelle. A la vue de l’échafaud, Biron tressaillit, et Marcel l’en- tendit s’écrier avec emportement — Quelle injustice ! faire mourir un homme innocent! M. le chancelier, m’aîlez-vous vraiment faire exécuter ?... Je suis innocent de ce dont on m’accuse. » Dans un coin de la cour, une femme pleurait. C’était l’épouse du sieur de Ramigny, concierge de la Bastille. — Il se dit innocent, murmura Marcel, et espère encore... Et moi, qui ai rendu un si grand service au roi, je suis également ici... Pourquoi? Je l’ignore... Oh 1 cet échafaud... ce bourreau... quelle horrible chose ! Il sentit un frisson de terreur parcourir tout son corps et le glacer jusqu’à la moelle des os. — Si je devais mourir ainsi... demain... aujourd’hui... tout à l'heure peut-être !... Le porte-clefs, en m’apportant à dîner tanlôt avait un air encore plus sinistre que d’habi- tude, et quand je lui ai demandé à quelle heure serait l’exé- cution, il m’a répondu avec un singulier sourire Vous le saurez toujours assez tôt ! » Digitized by Google 208 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Marcel réfléchit un moment. Puis, la pupille dilatée pa r l’horreur, il s’écria — Mais, en effet, hier soir, ces cris de la place qui mon- taient jusqu’à ma fenêtre!... Biron et ses complices, » disait-on. Et j’ai été arrêté quelques jours après lui... Moi, son complice !...» Il se mit à creuser plus profondément dans son esprit l’effrayante pensée qui venait d’y surgir. — Je me souviens maintenant de ces autres paroles du gardien il y a quelques jours Le baron de Fontanelle est aussi condamné à mort, ainsi que d’autres complices . » Pourquoi me disait-il cela? A Milan, j’ai vu le baron au palais Sforza, à notre retour de la poursuite du père Cé- sario ; et le comte de Fuentès me dit Vous êtes homme d’honneur, vous ne compromettrez point le baron, parce qu’il est mon hôte!... » C’est peut- être le baron précisément qui m’a compromis, en dénon- çant ma présence au palais Sforza... Oui, c’est cela. On me croit complice. Il se mit à arpenter sa chambre à grands pas. — Mais on ne peut m’avoir condamné sans m’entendre, reprit-il en frappant du pied... A plus forte raison que le maréchal, je puis m’écrier Je suis innocent!... » Que d’exemples pourtant de condamnations pareilles, suivies d’un prompt supplice 1 Nul doute cet échafaud est pour moi, comme pour Biron et les autres... Mon Dieu! mon Dieu ! ayez pitié de moi ! En ce moment, le bruit d’une voix, lisant hautement, monta de la cour jusqu’à Marcel. Il courut à la fenêtre, et à travers les barreaux regarda. Au pied de l’échafaud, entouré par des archers et des gardes, un greffier lisait l’arrêt de mort, et Biron, le ge- nou droit en terrre, le chapeau à la main, écoutait ; mais, atout moment, le maréchal s’écriait en serrant le poing- — C’est faux ! Otez cela ! Digitiz'ed by Google 1/ ABBES SE DE MONTMARTRE 209 Le chancelier de Sillery le calmait et l’exhortait à .se soumettre. Riais, lui, continuait à interrompre et ajoutait des invec- tives à l’adresse de Laffin. La lecture de l’arrêt finie, le maréchal se tourna même brusquement vers le lieutenant civil, pour lui dire — Monsieur, vous avez de très-méchants hôtes. Si vous n’y prenez garde, ils vous perdront. » Il entendait parler de Laffin et du vidame de Chartres son neveu, qui l’avait chargé aussi tous deux étaient lo- gés chez le lieutenant civil. On lui dit enfin que le moment était venu. Biron jeta son chapeau, se mit à genoux et pria un in- stant, assisté du dominicain, son confesseur. Puis, vêtu d’un habit de taffetas gris, il monta, sans s’étonner, sur l’échafaud. Après avoir dépouillé son pourpoint, car sur sa prière on ne lui avait point lié les mains jusque-là, il cria aux soldats qui gardaient la porte — Ah ! que je voudrais bien que quelqu’un de vous me donnât une mousquetade au travers du corps ! Hélas ! quelle pitié ! la miséricorde est morte ! Il voulut s’opposer à ce qu’on lui lût une seconde fois l’arrêt sur l’échafaud, comme le voulait la loi. — le l’ai ouï, » dit-il. — Monsieur, il le faut ! » répliqua le greffier. — Lis ! lis ! » Quand le maréchal entendit Pour avoir attenté à la vie du roi, il s’émut comme la première fois et s’écria encore — Messieurs, cela est faux ôtez cela ! je n’y songeai jamais. » Le greffier lui dit — Ce sont vos confessions. — Boute ! boute l je suis pour moi, » répliqua Biron. Lui- même se banda les yeux, et il se mit à genoux. Puis, Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE .MO tout à coup, retirant son mouchoir, il jeta un regard sur le bourreau. On sait que Biron avait l’œil habituellement sinistre. Mais il paraît qu’en ce moment son regard eut un éclat tellement terrible, que chacun crut qu'il allait s'élancer sur l’épée de l’exécuteur. Il n’en fut rien pourtant. On lui dit alors qu’il fallait qu’il se laissât couper les cheveux et lier les mains. Il jura et cria d’une voix tonnante — Que l’on ne m’approche pas, je ne saurais l’endurer; et si l’on me met en fougue, j’étranglerai la moitié de ce qui est ici. » t Sur laquelle parole, raconte le chroniqueur auquel nous avons emprunté textuellement tout ce que dit le maréehal Biron en ce moment suprême, il se vit tel qui portait épée à son côté, qui regardait à la montée, prêt à se sauver de frayeur. » L’accent avec lequel le maréchal avait prononcé ces mots glaça le cœurde Marcel, témoin muet de cette terrible scène. Enfin le condamné appela M. Baranton qui l’avait gardé durant sa captivité, lequel monta sur l’échafaud, lui banda les yeux et troussa ses cheveux. Puis Biron cria au bourreau — Dépêche! dépêche! » — Monsieur, lui dit l’exécuteur pour distraire son at- tention, il faut dire votre In manus. En même temps il faisait signe à son valet de lui bailler l’épée. Une seconde après, la tête de Biron volait sous le glaive. On remarqua, rapportent tous les chroniqueurs du temps, qu’elle bondit par trois fois, poussée par l’impétuosité des esprits qui s’y étaient transportés, » et qu’il en sortit plus de sang que du tronc. A sa fenêtre, Marcel avait poussé un cri d’horreur. Puis, Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE * 211 se précipitant au pied de son lit, il s’y cacha la tête et pria... Au môme instant, les verroux de sa chambre furent tirés avec fracas, la porte grinça sur scs gonds, et la grosse voix du porte-clefs cria — Le numéro 21 !... Allons, debout ! Le numéro 21 , c’était Marcel.... XI Prise k son propre piège. Une fois dans la Batille, on n’avait plus de nom on de- venait un numéro, celui de son cabanon. Et il y en avait, de ces lugubres cabanons, dans le don- jon formidable, fondé par Philippe-Auguste et agrandi pa>' Charles V ! Ses huit tours, comme ses courtines, en étaient pleines du haut en bas. En bas les cachots infects qui s’enfonçaient de dix-neuf pieds sousierre. En haut les calottes , étouffantes l’été, glaciales l’hiver. Et des prisonniers y passèrent leur vie ! A la voix du gardien, Marcel avait tressailli. — Mon heure est venue, pensa-t-il. Seigneur ! je vous re- commande mon &me. Tout à coup une autre voix, non moins formidable, mais joyeuse dans son expression, s’écria — Ah I der Teufel! c’est moi, mon bedit Marcel. — Gargantua ! fit le jeune homme en se précipitant dans ses bras. Digitized by Google 212 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — la, ia... Mais sauvons-nus pieu Vite t’ici... Ah ! la vilaine burg ! — Nous sauver! — la , ia... Ortre du roi! N’est-ce bas, mossié le borte- glés? Pour toute réponse, ce dernier montrait la porte ouverte- — Libre !... libre ! disait Marcel, encore tout pâle. — la, ia, et gurons au Louvre, où le roi vus addend. — C’est donc bien vrai ?... Cet échafaud... ce bourreau... ce n’est pas pour moi ? — la, ia, ch’avre pien vu en bassant, mais che n’avre blus beur même l’une bodence. . . Venez ! sordons brestissimo, comme tisait l’audre à Durin. Et il entraîna Marcel. Au moment où il passait devant l’échafaud, le jeune homme frissonna en voyant une mare de sang et une masse informe, recouverte d’un drap blanc et noir. Michel, qui n’avait pu pénétrer dans la Bastille, attendait devant le pont-levis. Comme le capitaine, il pressa le jeune homme contre son cœur. On courut au Louvre. Marcel se rencontra au pied du grand degré, avec Henri IV qui allait le gravir. Le roi venait de faire une tournée dans la ville, aux acclamations du peuple. Le monarque ouvrit les bras à son officier, en pleurant et en lui demandant pardon. — Sire ! j’étais innocent, dit ce dernier. — Tais-toi, mon fils, je sais tout. Madame Marie m’a conté ce que tu faisais au palais Sforza... Viens, viens! tu vas souper avec moi. Comme ils montaient ensemble l’escalier, une dame en merveilleuse toilette se monlra dans le haut pour le des- cendre. En apercevant l’officier des gardes, elle devint pâle et faillit tomber dans les bras de sa suivante. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE àl3 C’élait Henriette d’Entragucs, qui venait à la rencontre du roi. Elle ne l’avait pas vu de la journée. Henri lança à la favorite un regard fulminant, et sans lui adresser la parole directement — Cette dame est malade, dit-il avec une froideur glaciale. Qu’on la reconduise à son hôtel ! C'était un coup de foudre. La marquise comprit dès lors que son règne était fini. Mais, dans sa chute, elle brava encore les regards des courtisans, et se tournant vers un page, elle lui dit d’une voix ferme — Qu’on fasse avancer ma litière ! La tête haute, la mine altière, l’œil menaçant, elle des- cendit les degrés comme si elle était toujours la seconde reine. — Reine je serai, malgré tout, murmura-t-elle en mon- tant dans sa litière; car mon fils sera couronné avant peu, je le jure. Ah ! je me vengerai d’eux tous! Elle se fit conduire à l’hôtel qu’elle avait tout près du Louvre, dans la rue Froidmantel. Le soir venu, le corps de Biron fut enterré dans l’église Saint-Paul, au milieu de la nef, devant la chaire, avec une grande affluence de peuple, qui accourut de toutes parts à ses obsèques. Les jours suivants, le baron de Fontanelle fut rompu vif en place de Grève, et plusieurs de ses gens, impliqués comme lui dans la conspiration, périrent au gibet. Henri IV pardonna au comte d’Auvergne, tant parce qu’il était fils de Charles IX, que comme frère de la marquise de Verneuil. Le baron de Lux reçut également sa grâce, ainsi que Montbarot. On voit que Henri IV, après avoir déployé une rigueur jugée nécessaire par tous les hommes d’Élat qui l’entouraient, sut laisser parler la clémence et la bonté de son éœur. Il était prudent, du reste, et il supprima une partie des Digitized by Google L’ABBESSE 1»E .MONTMARTRE 1>U papiers livrés par Laffin, pour n’êire pas obligé d’étendre trop loin ses poursuites. Le duc d’Épernon se justifia assez plausiblement, et le roi s’en contenta. Ce fut là la dernière tentative sérieuse de ces grands sei- gneurs, qui, pour avoir aidé à faire le roi, se croyaient de force à le défaire. Ce que l’on essaya encore, comme on va le voir bientôt, n’cutpas la même gravité que la conspiration de Biron et surtout ne put être mûri aussi à point pour me- nacer réellement l’Etat. Outre les d’Ënlragues, dont Henriette était l’âme et dont l’ambition rêva toujours de hautes destinées, il restait en- core le duc de Bouillon. Ce dernier, loin de se rendre à l’appel du roi comme Biron, s’était obstiné à rester dans ses domaines du Midi, où il se sentait fort. Nous ne tarderons pas à savoir quelles furent les nou- velles menées de ces gens-là. L’année s’écoula, pour Henri IV, dans un calme politique relatif, mais non sans deux nouvelles tentatives contre sa personne. Après un nommé Julien Guédon, qui songea à l’empoi- sonner, vinrent un prêtre et un gentilhomme de Bordeaux, qui complotèrent de le tuer à coups d’arbalète. Il y avait eu une douzaine d’attentats contre la personne du roi. 11 en était las. Or, comme il attribuait ces crimes aux passions religieuses, et qu’ii voulait se préparer tranquillement à la réalisation de ces grands projets qu’ii méditait depuis si longtemps, il finit par ouvrir l'oreille aux conseils de son ex-cuisinier la Varenne. Il espérait, en laissant rentrer les jésuites en France, que les fureurs du fanatisme se calmeraient. De deux choses l’une, disait-il à Rosny, son ministre ou il faut les rétablir simplement, restituer leur réputation flétrie, et mettre à l’épreuve la sincérité de leurs belles pro- messes ; ou bien, il faut les rejeter entièrement, accroître Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 215 contre eux toutes les rigueurs, afin qu’ils n’approchent ja- mais de mes Etats ni de ma personne. Dans ce dernier cas, je les réduis au désespoir ; et ne pourront-ils pas, dans cet état de désespoir, attenter à ma vie? Ce qui me la rendrait si misérable et langoureuse, demeurant toujours ainsi dans les défiances d’être empoi- sonné ou bien assassiné car ces gens ont des intelligences et correspondances partout, et grande dextérité à disposer l*s esprits selon ce qui leur plail, qu’il me vaudrait mieux, être déjà mort. Je suis de l’opinion de César, que la mort la plus douce est la moins prévue et attendue. » Roïny eut beau faire valoir, contre l’opinion de Henri IV, plusieurs raisons très-solides; celui-ci, par l’entremise de la Varenne, s’aboucha avec le père Majus et le père Cotton, esprit souple et retors s’il en fut. Sur ees entrefaites, vers Pâques de l’année suivante, deux gentilshommes, les frères Sobolle, qui commandaient dans la citadelle de Metz, ayant donné lieu à de très-graves plaintes, le roi dut se mettre en voyage pour cette ville, avec une partie de sa maison militaire. La veille de son départ, un nouveau message lui parvint de la reine Marguerite. Ce fut monsieur d’Aubiac, l’ancien page, qui le lui apporta. — Ventre-saint-gris ! dit le Béarnais en apercevant le messager, est-cé de politique ou d’amourettes que votre dame va m’entretenir? — Sire 1 répondit le favori de Margot, ma dame est libre ; Votre Majesté y a pourvu. — Hé 1 je le sais bien, et elle en use, de sa liberté. Tu- dieu! ce sont aventures sur aventures dont la chronique m’arrive d’Usson. — Cette fois, Sire, il s’agit de politique. Dame Margue- rite vous est reconnaissante de lui avoir conservé son titre Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 216 de reine, et la prospérité de Votre Majesté lui sera toujours précieuse. Son unique désir serait d’être plus près de son roi. — Oui-dà. Eli bien ! nous allons voir, et si son avis vaut celui qu’elle me donna sur l’affaire de Biron, nous y avise- rons sérieusement. Sur quoi Henri lut la missive. • Il bondit après en avoir pris connaissance. ' La reine Marguerite lui apprenait une nouvelle trame, et cette fois les d’Entragues, Henriette en tête, manœuvraient avec l’Espagne. Depuis qu’il avait obtenu sa grâce, le comte d’Auvmrgne était à Clermont, dans son comté dont il jouissait en fbrtu de la donation que lui en avait faite Henri SU. Or, comme il s’ennuyait au fond de sa retraite, il y buvait pour se distraire. Il arriva que, dans un de ses moments de débauche, il frappa un gentilhomme voisin, dont il avait fait à la fois son compagnon de plaisir et son confident. Furieux, celui-ci alla dévoiler à la reine Marguerite ce que le comte lui avait confié sur les desseins de la famille d’Entragues. Henriette, avec ses enfants, était à la veille de se rendre sur les terres d’Espagne, pour se jeter dans les bras de Phi- lippe III. Le plan conçu avec l’Espagnol consistait tout sim- plement à faire reconnaître, pour Dauphin de France, le fils de la marquise. Aussitôt le roi donna ses ordres pour l’arrestation du comte d’Auvergne, ainsi que de M. d’Entragues, père de Henriette et gouverneur d’Orléans. Quant à la marquise, il songea à Marcel. C’était le meilleur gardien qu’il pût trouver, l’officier ne pouvant être que l’ennemi déclaré de Henriette. Justement, Marcel revenait du logis du chevalier du Bosc, Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 21 ? auquel il avait fait ses adieux pour partir le lendemain avec le roi. . On pense bien que, dans ces adieux, se mêlèrent, de part et d’autre, maint soupir à l’adresse de l’infortunée Alice, dont on n’avait pu avoir la moindre nouvelle. Le comte de Fuentès avait écrit qu’il n’avait pu découvrir aucune trace de sa fille en Allemagne, peignant sa désolation avec tous le transports de son âme castillane. Le roi enjoignit à son officier de se transporter avec des gardes à l’iiôtel de la marquise de Verneuil, et de l’y tenir prisonnière jusqu’à son retour. Quelque répugnance qu’eût Marcel à se charger d’une pa- reille mission, il dut l’accepter. Nous en connaîtrons bientôt les conséquences.... Le lendemain, le roi partit pour Metz. Henri IV était du reste bien aise que Marcel ne le suivît point dans cette ville. La Varenne l’avait prévenu qu’une dé- putation de la Compagnie de Jésus devait venir l’y trouver, pour y plaider 3 — Mais c’est impossible ! s’écria-t-elle enfin en frappant du pied. Ce baiser n’a pu produire un pareil effet. Henriette se mit alors à marcher à grands pas, murmu- rant des paroles entrecoupées. Puis elle se secoua, comme pour se débarrasser d’une gêne importune... Rien n’y fit. De nouveau elle agita la sonnette. — Un bain ! commanda-t-elle. Qu’on m’apprête l’étuve! La camérière alla préparer le bain. — Oui, c’est cela, murmura la marquise. Cela me cal- mera. Mais en vain demeura-t-elle plongée une heure entière dans une eau qu’elle refroidissait de plus en plus. Un feu dévo- rant circulait dans ses veines. Après cette balnéation réfri- gérante, sa peau était ardente comme avant. Elle se sentait aux flancs la robe de Déjanire.... Le baiser de Marcel brûlait encore sa main! Elle put à peine souper, et passa une nuit sans sommeil. Son sang était en ébullition. Le lendemain, elle pria Marcel de passer chez elle, l’en- tretint de choses et d’autres, ayant constamment les yeux attachés sur lui. Mais, quand elle ne parlait pas au fiancé d’Alice de celle qu’il pleurait, les réponses et l’attitude du jeune homme étaient distraites. Elle n’osait plus maintenant essayer sur lui la séduction, telle qu’elle l’avait employée rue du Petit-Musc. Froidement, elle ne pouvait plus le faire, et elle compre- nait que, si elle osait se livrer vis-à-vis de lui à l’ardente impulsion de sa passion, il la quitterait immédiatement, pour ne plus remettre le pied dans son appariement. Et Henriette avait besoin de sa présence. Cette présence excitait encore son impressionnable nature ; mais elle ne pouvait s’en passer. Pour le retenir, même à déjeuner et à dîner, elle ne ces- sait plus de lui parler d’Alice. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 2ît Les jours se passèrent ainsi pour Henriette, dans un état de fièvre continuelle. Ce qu’elle éprouvait, elle ne le comprenait point. Elle n’avait jamais aimé le roi. L’ambition seule lui avait fait simuler l’amour, et ce qui l’avait surtout lancée dans la nouvelle conspiration, c’était le ressentiment profond qu'elle avait constamment nourri au fond de son âme contre Henri IV, qui avait manqué à sa promesse de mariage et fait évanouir ainsi ses rêves d’orgueil. A cela s’était joint le désir indéracinable, dans ce coeur avide d’honneurs, de s’asseoir sur les marches du trône à quelque titre que ce fût. Toutefois, chez celte femme aux passions violentes, l’am- l.'ilion ne devait point exclure d’antres sentiments à une heure donnée. Et cette heure était venue ! Mais chez Henriette d’Entragues, ces sentiments tumul- tueux étaient plutôt affaire de tempérament, que besoin d’aimer. Dans ses affections, les sens devaient être pour plus que la tendresse du cœur, le mysticisme de l’âme. Ce qu’elle endurait chaque soir, après le départ de Mar- cel, était atroce. Sa passion approchait de délire. Elle souffrait d’autant plus, qu’elle avait dû faire, dans la journée, des efforts sur- humains pour ne rien laisser paraître d’une flamme qui eût été le signal de l’éloignement du jeune homme. Quel tourment pour elle, de se voir obligée de parler d’une rivale détestée, unique moyen d’endormir la défiance de Marcel, et de la laisser jouir de sa présence! Au bout de quinze jours de cet enfer et de ces luttes éner- vantes, la marquise fut à bout de ses forces. Elle s’était enfin prise k ses propres pièges.... En effet, ses relations avec l’officier des gardes dataient du jour où, sans le moindre amour, mais uniquement pour Digitized by Google l/ABRESSK DE MONTMAUTKE 3*5 arriver jusqu’au roi, elle l’avait attiré dans son réduit de plaisance au fond du jardin de la rue du Petit-Musc. Dcsrapportsintimes s’étaient établis entre son esprit et celui du jeune homme, du moment où elle avait cherché, par arti- fice, à exercer sur lui l’empire de ses charmes, dans un but d'ambition. Le dépit de n’avoir pu en faire l’instrument désiré, avait fait naître de la haine. Mais cette haine même, dont Hen- riette d’Entragues avait si longtemps harcelé l’officier du roi, en concentrant tous les efforts de son esprit rancunier sur le jeune homme, et en lui montrant continuellement son image, avait prédisposé la marquise à ce revirement subit, à cette fermentation contraire, assez communs chez les or- ganisations adustes et nerveuses comme la sienne. Le baiser de Marcel, quoique de pure reconnaissance, n’avait fait, par son fluide magnétique, que déterminer chez Henriette la révolution subite. L’étincelle avait allumé l’in- cendie tout préparé. Et maintenant l’artificieuse marquise se mourait d’amour ! — Coûte que coûte, se dit-elle, un soir qu’épuisée par toute une journée de fatigante retenue et d’ignition concen- trée, elle se roulait sur sa couche ; coûte que coûte, demain je lui confesserai tout, et peut-être le calme rentrera-il dans mon cœur. Le lendemain matin, comme elle allait, selon l’habitude, faire prier Marcel de monter à son appartement, on lui ap- porta une lettre sans adresse. C’était un biilet d’un des affidés de la famille, prévenant la marquise, sans la nommer toutefois, de la prochaine exé- cution d’un des points essentiels du complot avec l’Espagne. La missive était conçue en ces termes Dans quinze jours je serai à Marseille. Une escadre es- pagnole se tiendra au large. C’est entendu avec le secrétaire de l’ambassadeur de Philippe III, à Paris, que je dois re- voir dans l’après-midi, avant de quitter la capitale. n tt. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE ->2 1 envers Henriette d’Entragues; que les apparences seules la condamnaient; si elle lui avait voulu sérieusement quelque mal, c’était par dépit d’avoir été dédaignée. Un homme excuse et pardonne aisément les persécutions qu’une femme a pu exercer contre lui par amour méconnu ou jalousie. Nous avons tous une certaine dose d’amour-pro- pre, et l’acharnement même que met une délaissée à nous poursuivre de ses intrigues méchantes, en nous montrant le degré de sa passion, nous flatte étrangement. Quand les domestiques se furent retirés, la marquise alla, suivant sa coutume, s’asseoir sur son lit de repos ; mai>, au lieu de se dominer comme les autres fois, pour prendre un air souriant et adresser la parole au jeune homme, elle se couvrit le visage de ses deux mains et plongea sa tête brune dans les coussins. — Qu’avez-vous, madame ? demanda Marcel avec inté- rêt. Seriez-vous indisposée ? Point de réponse ; mais l’officier voyait le sein de la mar- quise se soulever tumultueusement et imprimer à l’édredon ses propres mouvements désordonnés. — De grâce, répondez! répondez, continua lejeunehomme, assez inquiet de cette agitation qui était loin de ressembler au calme de leurs entretiens précédents, dont l’esprit en- joué de Henriette modifiait heureusement le caractère trop mélancolique. Que se passe-t-il en vous? — Ce qui se passe en moi ! s’écria Henriette en se re- dressant tout à coup, le visage enflammé et baigné de pleurs. Ce que j’ai ! Vous me le demandez? Marcel recula, presque effrayé de l’étrange expression de ces traits, qu’il n’avait jamais vus ainsi, même lors de la scène du pavillon. Mais elle s’élança vers lui, l’entoura de ses bras avant qu’il eût pu s’en défendre, et éclata en paroles tellement fré- nétiques, que Marcel en eut un frisson. C’était la passion délirante, la folie de l’amour dans son Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 2 '* Toot entier h l'irrésistible besoin d’avoir des nouvelles de sa bien-aimée, Marcel ne s’aperçut point de l’amère in- flexion avec laquelle elle venait de prononcer ces derniers mots. — Parlez 1 supplia-t-il en fléchissant le genou. * Elle le retint, en lui tendant la main. — Venez encore une fois dîner avec moi, murmura- t-elle. Je vous montrerai une lettre du père Daubigny. En vain insista-il Henriette ne fit que répéter qu’après le dîner elle lui donnerait la preuve des véritables senti- ments de son cœur. — Oui, s’écria la marquise en changeant de visage dès que Marcel se fut retiré. Oui, tu l’auras, cette preuve, vil aventurier, sot pédant, misérable haut-le-pied !... Je me perds, mais je te perdrai avec moi ! Aussitôt elle prit du papier et écrivit une lettre, en ayant soin de déguiser habilement son écriture. Quand elle eut fini, elle sonna. — Marceline, dit-elle à sa camériste, voici une lettre ! — Il faut l’envoyer à son adresse, madame ? — Par le premier garçonnet que tu rencontreras dans la rue Saint-Honoré. — Ce sera fait. — Tu lui donneras ces deux testons d’argent, afin qu’il fasse diligence. — Pour une si belle récompense, il ne perdra point une minute. — Va, Marceline ; mais ne prends ce messager qu’ assez loin de l’hôtel, et surtout qu’il ne se doute point que tu m’appartiens. La domestique étant partie, Henriette appela son Ismaël, qui vint en frétillant lécher les mains blanches de sa maî- tresse. Alors la machiavélique créature prit le billet signé de l’initiale M... qu’on lui avait transmis dans la matirife, le Digitized by Google 230 L’ABBESSE DE MONTMARTRE donna à flairer à I’adive intelligente, et lai fit faire plusieurs exercices dont elle parut satisfaite. A l’heure du dîner, Marcel fut exact. Il brûlait d’avoir sur Alice les renseignements promis. La conversation fut contrainte pendant le repas. Dominant ses dispositions haineuses, Henriette tenta inu- tilement, avec tout son esprit subtil, sinon à égayer le tête- à-tête, du moins à le rendre moins morose. Le fiancé d’Alice se tint sur la réserve, n’aspirant qu’a- près le moment où, suivant l’engagement pris, la marquise lui ferait ses révélations. Il toucha à peine au généreux cru de Gascogne, que lui offrait son hôtesse. - , Enfin, le dessert achevé, Marcel rappela à Henriette sa promesse. Depuis quelques instants, la marquise donnait des si- gnes d’inquiétude, tantôt écoutant les bruits de la rue, tantôt jetant les yeux du côté de la fenêtre qui donnait sur la cour. — Cher ami, répondit-elle à l’officier, ne vous plairait- il point de goûter de cette liqueur brune, dont le roi a fait plusieurs fois ses délices ? — Vous voiliez parler du café d’Arabie, dont un méde- cin vénitien conseilla l’usage à Sa Majesté, et qui depuis près d’un siècle déjà est fort en usage chez le Turc ? — En effet c’est un stimulant merveilleux qui, pris après le repas, rend plus agile et plus dispos. Votre hu- meur triste, dont je n’ai pu vous tirer, disparaîtrait aussitôt, j’en suis sûre. Tel est du moins l’effet que eette décoction amère, qu’on sucre du reste autant que l’on veut, a tou- jours produit sur le roi. Il m’a fait cadeau d’un petit sae plein de cette fève torréfiée, et j’en use quelquefois. Marcel n’avait aucun prétexte pour refuser. Il dut se ré- signer à ne recevoir qu’après le café l’explication tant dé- sirée. Le dessein de la marquise n’avait été que de gagner du Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 231 temps, et aussi de se lhrer à la manœuvre que l’on va voir. Tandis que l’on servait le café dans deux de ces tasses de faïence à reliefs de rocailles et de reptiles, brillantes par leurs couleurs, qui avaient fait accorder à Bernard Pa- lissy le titre de potier royal , et qui, avant l’invention en France de la porcelaine de façon chinoise, étaient le seul luxe de céramique qu’on vît figurer môme à la table des rois, Henriette sortit un papier de sa gorgère, et dit avec un soupir affecté — Voici la lettre du révérend père!... Goûtez de cette décoction, et je vous la communiquerai pour réjouir votre âme. Le jeune homme eût préféré s’emparer immédiatement de la lettre ; mais, si près de voir son désir satisfait, il ne pouvait manquer aux convenances. Il faut le dire, du reste maintes fois on lui avait parlé, au Louvre, de la liqueur brune du docteur vénitien, encore presque inconnue en France, et la curiosité l’aiguillonnait. Pendant qu’il goûtait à la fois l’arome et la saveur de l’infusion arabique, et qu’à la façon des gourmets, bien qu’il ne fût point du nombre, il tenait la tête baissée sur la poterie, Henriette d’Entragues mit sans affectation un doigt sur la lettre qu’elle avait posée à côté d’elle. En même temps, elle jeta du côté de l’officier un coup d’œil indicateur. Peu d’instants après, Marcel sentit quelque chose frôler contre les basques de sa soubreveste. Il regarda et aperçut l’adive, avec son museau pointu. — C’est Ismaël, dit en souriant la marquise, qui a flairé le précieux sucre blanc des Canaries dont vous venez de dulcifier le jus amer du café... Il en est très-friand, et ne s’en délecte pas tous les jours. Le sucre était en effet, fort rare à cette époque. Le peu- ple ne le trouvait que chez les apothicaires, où il l’achetait à l’once. Digitized by Google 2Î2 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Marcel crut devoir se permettre de donner un morceau de sucre à l’adive, qui ne se fit pas prier pour le gober, pensant, sans doute, qu’il venait de le mériter de la main de l’officier. Ce dernier était loin de se douter du tour infâme que la trop intelligente bête venait de lui jouer si innocemment. A peine eut-il repris sa tasse de poterie, que la porte donnant sur le palier s’ouvrit avec fracas. Un homme, qui portait sur son manteau les armes royales, apparut, accompagné d’archers, en accentuant d’une voix forte — Au nom du roi, que personne ne bouge ! L’officier des gardes s’était levé avec précipitation, et Henriette d’Entragues simula une non moins vive émotion. Mais, à l’aspect du personnage, Marcel se remit promp- tement, et dit, en s’inclinant avec politesse — Monsieur le chevalier du guet, j’ai l’honneur de vous saluer. — Qu’on fouille cet officier 1 s’écria le chef suprême de la police. „ — Qui? Moi ! fit Marcel en reculant stupéfait. — Vous-même, monsieur ! — Mais je représente ici Sa Majesté. — Moi, la loi ! répliqua le magistrat. Voici l’ordre de monsieur le premier président. — Il doit y avoir erreur. Vous vous appelez bien monsieur Marcel de Fon- taine. — C’est mon nom. — Vous êtes lieutenant dans les chevau-légers de Sa Ma- jesté? — Précisément, monsieur le chevalier. — Et le roi vous a commis à la garde de madame la mar- quise de Verneuil ? — En effet, telle est ma mission. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 233 — Eh bien ! monsieur, vous trahissez le roi . — Moi, grand Dieu ! — Vous complotez avec ses ennemis. — Une pareille accusation... — Sera facile à démontrer... Voici déjà, du reste, de graves présomptions contre vous ! — Que voulez-vous dire ? Le chevalier du guet montra la table avec les deux tasses. — Dîne-t-on avec ses prisonniers et les ennemis du roi demanda-t-il. Marcel se mordit les lèvres, puis balbutia — C’est vrai, monsieur, je n’aurais point dû... Mais, de là à trahir les intérêts de mon souverain et à conspirer avec ses ennemis, il y a loin. — J’ai la conviction du contraire, monsieur l’ofticier. — Quelle preuve peut-on alléguer contre moi? Quel té- moignage invoquera-t-on ? — Nous allons vous le montrer. Archers ! exécutez mes ordres, et perscrutez monsieur I ' — A moi, mes gardes ! cria Marcel, qui tira l’épée en même temps. — De la rébellion! ceci aggrave votre position, fit ob- server le magistrat. — C’est vous, au contraire, qui vous rebellez contre un officier de Sa Majesté, chargé d’une mission. Je vous le ré- pète, je suis ici de par le roi. — Assez, monsieur! dit le chevalier du guet en frappant de son talon le parquet. Quand le Parlement ordonne au nom du souverain, chacun doit se soumettre. — J’en appellerai à Sa Majesté. — Soit. En attendant, laissez agir la justice. J’ai du reste assez de force pour l’appuyer. Dix de mes archers tiennent vos gardes en respect. Marcel sentit qu’il fallait s’incliner devant la loi, repré- sentée par le Parlement. 15 Digitized by Google 234 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Pendant que les archers désarmaient l’officier et le fouil- laient, le chevalier du guet s’adressa à la marquise, qui se tenait immobile, mais avec un regard ironique. — Madame ! lui dit-il, c’est moi en personne qui vous garderai désormais, et souvenez-vous qu’une accusation de lèse-majesté s’élève contre vous. — Je le sais, répondit sèchement Henriette d’Entragues. — Une lettre ! s’écria tout à coup l’un des archers en montrant le papier qu’il venait de trouver. — Une lettre ! répéta Marcel étonné. Le magistrat s’empara aussitôt du pli et le parcourut. — Voici la preuve de votre trahison, monsieur, dit-il à l’officier. t — La preuve de ma trahison! C’est impossible. Le chevalier du guet lut alors à haute voix ce même billet envoyé le matin à la marquise par l’affidé de la fa- mille d’Entragues. — Monsieur, reprit le chevalier du guet, un avis officieux m’a été transmis ce matin ; cet avis me prévenait de vos re- lations avec madame la marquise depuis que vous étiez de garde dans son hôtel. On m’avertissait, en outre, qu’un gen- tilhomme provençal, qui vient d’être nommé viguier de Marseille, était en correspondance avec vous... — Je proteste de toutes mes forces contre celte assertion, interrompit Marcel avec indignation. — Et qu’on trouverait indubitablement sur vous, con- tinua le magistrat, un témoignage écrit, relatif à la perpé- tration d’un acte de trahison qui doit livrer à l’Espagne la ville et le port de Marseille. — C’est de toute fausseté. Comment s’appelle ce gentil- homme félon ? — M. de Mérargues. — Je n’ai jamais connu personne de ce nom — Vous serez confronté avec lui, si, comme je l’espère, Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 233 il n’a point encore quitté la capitale. Je l’ai fait aussitôt re- chercher, notamment à l’ambassade d’Espagne. — Je désire qu’on nous mette en présence le plus tôt possible, s’écria Marcel, sans s’apercevoir que la marquise venait de tressaillir. Si l’on parvenait à se saisir de Mérargucs, tout le plan d’Henriette devait échouer. Le viguier de Marseille décla- rerait probablement la vérité. — Marchons ! dit l’officier aux archers. Où me conduit-on? — Monsieur de Harlay, à qui je me suis hâté de demander un ordre d’arrêt contre vous en sa Chambre des Tournelles, m’a ordonné de vous mener à la Grosse Tour du Palais. — Allons y donc ! S’il plaît à Dieu, mon innocence écla- tera promptement, et je n’y resterai pas longtemps. Marcel fut conduit à la Grosse Tour du Palais de justice, dite aussi Tour de Montgomery, prison qui avait conservé tout le caractère hideux des temps féodaux. La tristesse et l’effroi saisissaient les captifs dès leur en- trée dans les cachots obscurs et humides de ce lieu, si- tués de dix à douze pieds au-dessous du niveau des rues voisines. Heureusement qu’on mit la main sur Mérargues dans la soirée même. On le trouva conférant avec le secrétaire de l’ambas- sadeur espagnol. Il fut fouillé, et l’on découvrit sous lesplis de sa jarretière un mémoire contenant le plan de son en- treprise. Il venait, en effet, d’être nommé viguier de Marseille. On appelait viguiers en Provence, vicomtes en Normandie, châtelains en Auvergne et en Bourgogne, des prévôts de justice, qui connaissaient de tous les délits non réservés aux baillis et aux sénéchaux. Confronté avec Marcel, le viguier déclara sans hésiter que cet officier lui était complètement inconnu ; mais il ne vou- Digitized by Google 236 L’ABBESSE DE MONTMARTRE lut pas dire à qui était destinée la lettre qu’on lui repré- sentait. La question seule lui fit avouer qu’il avait adressé ce bil- let à la marquise de Verneuil. Marcel pensa qu’on allait le remettre en liberté ; mais il se trompait. On voulut attendre le retour du roi, qui apprécierait la conduite de son officier, dînant avec celle dont on lui avait confié la garde. Seulement, on le tira de son cachot infect, pour le mettre en une chambre de la tour. Henri IV fut de retour à Paris huit jours après. Marie de Beauvilliers, qui avait appris l’arrestation de Marcel et ce qui s’en était suivi, se rendit aussitôt au Louvre et implora la bonté du roi en faveur de son officier, coupable tout au plus de légèreté. L’ordre fut aussitôt envoyé au Palais, par le capitaine Gargantua et Michel, de rendre le prisonnier à la liberté. Ce dernier n’eut auftune peine à convaincre Henri de son entière innocence, en lui racontant franchement tout ce qui s’était passé. Le procès contre les d’Entragues fut instruit aussi promptement que possible. Henriette, son père le marquis et le comte d’Auvergne avaient été déférés au Parlement. On avait eu quelque peine à s’emparer de ce dernier. Il se tenait sur ses gardes, dans sa province, avec toutes les précautions imaginables. Néanmoins il ne put être si fin, qu’on ne l’attrapât, et par un artifice assez original. Il était colonel de la cavalerie française. On le pria d’aller voir faire montre revue à une compagnie du duc de Ven- dôme. Il se rendit à la revue, bien monté, se tenant assez éloigné pour n’être point enveloppé. Néanmoins, d’Eurre, lieutenant de cette compagnie, ainsi que Nérestan, l’abordant pour le saluer, montés sur des _ _ -Mifè. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 237 bidets de peur de lui inspirer du soupçon, mais accom- pagnés de trois soldats déguisés en laquais, le jetèrent en bas de son cheval et le firent prisonnier. On mena aussitôt le fils de Charles IX à Paris, où il fut enfermé dans la Bastille. Une frayeur extrême le saisit, quand il se vit logé dans la chambre où avait été le maréchal de Biron, son grand ami et son complice de la première conspiration. Le marquis d’Entragues était à la Conciergerie, et Hen- riette fut laissée dans son logis, sous la garde du chevalier du guet. Le Parlement ayant convaincu les trois prisonniers d’avoir comploté avec l’Espagnol, déclara d’Auvergne et d’Entra- gues, ainsi que Mérargues, criminels de lèse-majesté, et, comme tels, les condamna à avoir la tête tranchée. L’arrêt portait, en outre, que la marquise serait con- duite sous bonne garde en l’abbaye des religieuses de Beau- mont, près de Tours, pour y être recluse, et que cependant il serait plus amplement informé contre elle, à la requête du procureur général. Ce monastère de Beaumont était précisément celui où Marie de Beauvilliers avait passé les premières années de son noviciat. La coïncidence était assez étrange. La reine, qui portait aux d’Entragues une inimitié pro- fonde, facile à comprendre du reste, n’avait point épargné ses sollicitations pour faire rendre cet arrêt ; mais la bonté du roi en neutralisa les effets. L’amour qu’il avait eu pour la marquise n’était pas si bien éteint, qu’il pût se résoudre à sacrifier celle qui le lui avait inspiré. Il ne voulut pas qu’on exécutât la sentence. A deux mois et demi de là, par des lettres du grand sceau, il commua la peine de mort du comte d’Auvergne et du sei- gneur d’Entragues, en une prison perpétuelle. A la marquise, il permit d’abord de se retirer en sa terre de Verneuil, et enfin, sept mois après, il la fit déclarer en- \Sh9. nière à ce que tout le monde l’entendît. Il y en a auxquels cet entretien a ennuyé plus qu’à moi. Afin de les consoler, je veux bien vous dire à tous que j’aime Rosny plus que ja- mais... Et vous, mon ami, poursuivit-il en prenant le surin- tendant par la main, continuez à m’aimer et à me servir comme vousavez toujours fait... Çà, allons dîner ensemble... puis nous travaillerons. » La confusion des courtisans fut grande, Concini devint blême, et d’Epernon conçut d’autant plus de rage, qu’il vit Henri IV faire signe aussi à Marcel de le suivre, au moment où ce dernier venait de se montrer. — Aux moyens extrêmes 1 murmura le duc en grinçant des dents et en échangeant un coup d’œil avec Concini... Mais d’abord, voyons la marquise Comme il se rendait aux écuries, où se trouvait son che- val tout sellé, il se croisa avec le père Cotlon devant la fontaine aux Trois-Visages. — Eh bien ? demanda le confesseur du roi. — Tout est manqué Sully est plus puissant que et ce petit aventurier Marcel dîne avec le roi cl le surin- tendant. — 11 faut au moins frapper l’officier ce sera plus facile, j’espère. Daubigny m’a assuré que son moyen était infail- lible. — Aussi vais-je aller trouver madame Henriette d’En- tragues, qui m’attend à Malesherbes. Etant monté à cheval, le duc d’Epernon gagna le château de Malesherbes, situé sur la petite rivière d’Essonne, et qui appartenait aux d’Entragues. La marquise avait quitté sa terre de Verneuil depuis quel- ques jours, pour se rapprocher de la cour, où, comme on le voit, elle avait conservé des intelligences. Elle attendait le duc, et eut avec lui un assez long en- tretien où furent prononcés plusieurs fois le nom de Marcel et celui de Ravaillac, Digitized by 296 L'ABBESSE DE MONTMARTRE En la quittant, d’Epernon lui baisa la main. — Et vous me la promettez en mariage ? dit le duc. — Dès que ma fille, répliqua la marquise avec un accent haineux, pourra se passer du consentement d’un père , elle sera à vous, mon cher duc! Ce dernier comprit parfaitement le sens caché de ces pa- roles de Henriette d’Entragues, qui avait eu du roi un fils et une fille ; car il eut un sourire aussi abominable que la pensée même de l’ancienne favorite. Mais son désappointement fut grand, quand il apprit, en arrivant à Fontainebleau, qu’après une conférence secrète entre le roi, Sully et Marcel, ce dernier avait fait seller son cheval comme pour un long voyage. Le duc alla trouver le père Cotton, qui lui dit qu’en effet l’officier des gardes était parti pour affaires diplomatiques, et ne devait revenir qu’au bout de trois moi3 au moins. — Quel contre-temps! s’écria d’Epernon. Et la marquise qui devait préparer le piège pour la semaine prochaine ! - — Ce voyage nous servira, au contraire, dit Cotton d’un air fin. — Comment cela? — L’officier est parti de nouveau, sans aucun doute, pour les grands desseins du roi. — C’est à peu près certain. — Eh bien ! ne devinez-vous pas, connaissant le projet du père Daubigny, quel parti nous pouvons tirer de ce voyage contre l’officier ? — Ah ! j’y suis... A merveille I Je vais en prévenir la marquise et monsieur Daubigny. Cela retardera la chute de cet aventurier, mais elle n’en sera que plus sûre. Le père Cotton avait bien conjecturé. Marcel venait d’être chargé par Henri IV de faire une tournée diplomatique auprès de la plupart des potentats déjà alliés secrètement au roi de France. Il devait voir notamment les princes protestants de l’AUe- Digitized by Google L’ABBESSE DT? MONTMARTRE 297 magne, ainsi que les seigneurs de Bohême, de Pologne, de Hongrie et de Transylvanie, gagnés aux desseins du Béar- nais. Enfin il devait se rabatlre sur les cantons suisses et la Savoie, dont il connaissait le duc. II comptait bien revoir le comte de Fuentès en passant. Michel seul l’accompagna. Gargantua fut installé au ma- noir de Glignancourt, d'où il allait presque chaque jour vi- siter ses nouvelles connaissances, les vignerons de Mont- • martre, dont les caves et les grands tonneaux lui causaient la plus profonde admiration. Notre officier ne fut de retour de son voyage que sur la fin de février 1610 . Il retrouva le roi au Louvre et lui rendit compte de sa mission. Indépendamment de diverses questions sur lesquelles il était tombé d’accord avec les princes et seigneurs qu’il avait vus, il avait fait choix de la ville de Metz, comme lieu de réunion du Grand Sénat de la République chré- tienne, bien que les souverains allemands eussent penché pour Cologne ; mais ceux-ci avaient fini par adopter Metz, scion le désir du roi. Henri embrassa son officier pour cette bonne nouvelle, et lui donna un congé de plusieurs jours pour se remettre de ses fatigues de voyage et voir les siens. — Maintenant, s’écria le roi, l'œil rayonnant, tous les obstacles sont aplanis, le terrain est préparé, l’Europe at- tend... Vienne l’occasion prévue, et nous fondons l’avenir ! Marcel se hâta d’aller visiter sa mère, l’abbesse et le sei- gneur de Glignancourt, que la goutte retenait toujours au manoir. Gargantua, lui, malgré la soixantaine, continuait à grossir ; il narguait goutte et infirmités, en lampant et en mâchant avec plus d’ardeur que jamais. Le chevalier du Bosc, que Marcel vit aussi, commençait à se faire vieux le chagrin d’avoir perdu son Alice le minait lentement. Il n’avait plus d’espoir, et ne répondait qu’en h i&. Digitized by Google 398 L’abbesse de Montmartre soupirant aux paroles de Marcel, qui affectait toujours la môme confiance. Comme notre officier, après avoir quitté le conseiller au Parlement, revenait à Montmartre, il vit accourir au-devant de lui Michel, tout empressé et joyeux. — Qu’y a-t-il ? demanda Marcel. — Madame l’abbesse vous attend avec impatience. — Quoi de si pressé, mon ami? — Une lettre ! — Une lettre de qui ? — Des nouvelles de mademoiselle Alice. Il n’en fallut pas davantage. Marcel courut comme un fou, vola par le cloître et gravit les escaliers quatre à quatre. Il tomba plutôt qu’il n’entra dans la cellule de l’abbesse. — Une lettre d’Alice? demanda-t-il, tout tremblant d’émotion. — Ilélas! non, répondit Marie en souriant, mais d’une personne charitable et bien contrite, qui sait où se trouve votre fiancée et qui est prête à vous le dire. — Le nom de cette personne charitable? — Madame Henriette d’Entragues. Marcel recula comme si on lui eût montré un aspic. Cette femme ne lui produisait plus l’effet que d’un serpent veni- meux, dont elle avait les allures, le regard et les instincts perfides. ' Mais Marie tendait une lettre à Marcel. — Lisez, mon ami ! lui dit-elle de sa voix si douce. L’officier des gardes ne déplia l’écrit qu’à contre-cœur et se mit à lire, le front plissé par le doute et la répugnance. A mesure qu’il avançait dans la lecture, la contraction de scs sourcils disparut, ses traits prirent une expression moins méfiante, et bientôt la compassion et l’espérance s’-y montrèrent. — Il serait possible ! s’écria-t-il. Ah ! je lui pardonnerais tout. Digilized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 309 La marquise de Yerneuil écrivait à l’abbesse qu’ayant passé plusieurs mois dans cette sainte maison de Beau- mont-lès-Tours, où Marie de Beauvi Hiers avait laissé de si bons et édifiants souvenirs, la grâce l’avait touchée, et que depuis lors elle ne songeait plus qu’à son salut. Elle avait complètement dit adieu aux vanités de ce monde, et loin de chercher à rentrer en cour, elle avait résisté à plusieurs invitations du roi. Bien qu’elle eût quitté le monastère de Beaumont, et qu’elle se fût retiréeren sa terre de Verneuil, près Senlis, toutes ses journées étaient consacrées à Dieu, à l’éducation de ses deux enfants, à de pieuses correspondances avec son directeur spirituel, ou à des entretiens avec lui, quand il venait la voir. Mais ce qui la tourmentait le plus dans sa vie de péni- tence, c’était le remords que lui causait sa conduite passée envers M. Marcel de Fontaine. Elle ne cessait de verser des larmes amères, en songeant aux odieuses persécutions qu’elle avait exercées contre cet homme si courtois et si , généreux. Il est vrai que la passion, la jalousie, lui avaient fait commettre ces indignités. Son plus grand désir était d’avoir son pardon et de lui procurer enfin le bonheur qu’il méritait. * Qu’il vienne, ainsi se terminait la lettre, et il saura de ma bouche où se trouve Alice, sa fiancée. Mon directeur, le 1*. Daubigny, a consenti enfin à me faire connaître le monastère où elle est enfermée en Allemagne. Il m’a per- mis de lui révéler le lieu... Alice a toujours refusé de prendre le voile, et elle lui sera rendue. M. Daubigny n'a mis à Cette révélation qu’une seule condition, à laquelle je ne doute point que ne souscrive le coeur si haut placé de M. de Fontaine. Veuillez, chère et sainte dame, lui communiquer cette lettre d’une pauvre pécheresse repentie, qui se recom- Digitized by Google 300 L’ABBESSE DE MONTMARTRE mande à vos prières et vous demande à genoux votre bé- nédiction. Henriette d’Entragues. » Mademoiselle de Coman, qui vous portera la présente et que je viens de prendre à mon service, parce qu’elle a été novice jadis à ce même couvent de Beaumont où la grâce divine est descendue sur moi, pourra donner quel- ques explications sur la route à suivre de Senlis au château de Verncuil. » — Ainsi, dit l’abbesse à Marcel, vous allez vous rendre à son invitation? — Je pars immédiatement, madame. — Il respire dans celte lettre un tel parfum de pieuse contrition et de sincérité, que je crois que, malgré le passé de la marquise, vous pouvez y aller en toute confiance. La grâce a véritablement opéré sur cette âme mondaine. Béni soit le ciel ! Marcel se mit en route aussitôt pour le château de Ver- ncuil, après avoir reçu de l’abbesse les explications sur la voie à prendre à partir de Senlis, explications transmises verbalement par mademoiselle de Coman. Malgré Tardent désir qu’il avait maintenant de revoir cette Henriette d’Entragues qui lui avait causé tant de mal, malgré l’espoir qui l’animait en songeant qu’il allait enfin avoir des nouvelles positives d’Alice, Marcel ne put se dé- fendre d’une péuible émotion, en apercevant sur une hau- teur, entre la forêt de Halatté et l’üise, le château de Ver- neuil habité par l’ancienne favorite de Henri IV. Etait-ce un avertissement? Ou disait que de vastes et sombres souterrains s’éten- daient sous ce château... Marcel aurait-il peur? Peur de quoi ? D’une violence contre sa personne !... 11 mit le sentiment d’appréhension qu’il venait d’éprou- Digiiized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE SOI ver sur le compte de ces souterrains dont il avait entendu parler, et n’éperonna que plus vivement son cheval. Les cœurs courageux ne sont qu’aiguillonnés par le dan- ger, quand un danger de la nature de ceux auxquels pen- sait Marcel, vient à se montrer devant eux. Il avait sa dague et son épée... U saurait se défendre. Dés que Marcel eut franchi le pont-levis du château de Verneuil et qu’il se fut nommé, les serviteurs s’empres- sèrent autour de l’officier des gardes, et bientôt on l’intro- duisit auprès de la marquise. Elle était dans son oratoire... Ni lit de repos cette fois, ni parfums enivrants, ni aucun de ces objets charmants et mondains qui pussent faire pen- ser que la femme qui attendait là voulût, comme autrefois, exercer sur son visiteur quelque influence prédisposante dont ses charmes personnels eussent ensuite accompli le triomphe. Tout était sévère et sombre dans cette pièce prie-Dieu, christ d’ivoire sur un crucifix noir, tentures, chaises et table sur laquelle on voyait ce qu’il fallait pour écrire. Henriette elle-même avait des vêtements d’une coupe rigide et de couleur presque lugubre. Un voile noir couvrait sa tête et son front, et venait se croiser sur sa poitrine, qu’il cachait entièrement sous ses plis épais. On ne lui voyait même pas les boucles de sa chevelure châlain-clair. Une ample pèlerine déguisait sa taille ordinairement si gracieuse. La marquise avait le maintien grave et réservé. Silencieusement elle montra un siège à Marcel. — Merci à vous, dit-elle d’un ton triste et doux, merci à vous d’être venu. J’osais à peine l’espérer. — Voire lettre, madame, balbutia l’officier, les senli- ments pieux que vous y exprimez, m’ont déterminé. — J’ai besoin de votre pardon, monsieur. — Il vous est tout acquis. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE iO> — Ne vous pressez pas trop de le prononcer, murmura- t-elîe avec un soupir. Il y a une condition aux révélations que m’a permis de vous faire mon directeur, le pcre Dau- bigny, relativement à votre iiancéc. — Votre lettre en parle, madame. — Et si vous ne consentiez à souscrire à cette condi- tion... Ah! mon cœur se serre rien qu’en songeant que votre refus me défendrait de vous dire quel lieu habite votre... votre Alice , et qu’ainsi je serais frustrée de ce pardon que j’implore. Disant cela, elle avait aux yeux des larmes qui finirent par déborder et couler en abondance sur ses joues. Soit par suite de ses peines, soit par l'effet de son voile noir, elle semblait avoir pâli depuis que Marcel ne l’avait vue. De plus, en prononçant ces mots votre Alice, la mar- quise avait frémi légèrement, mais assez pour permettre à l’officier de s’en apercevoir. — Ah ! reprit-elle en remarquant le mouvement de Mar- cel, qui la regardait avec appréhension. Ah ! n’ayez nulle crainte... Toute passion est éteinte en moi, et si je n’ai pu m’empêcher d’appuyer sur le nom de votre fiancée, ce n’est que l’effet du souvenir de cet amour que je vous portais et qui me rendait si jalouse autrefois. Et comme pour montrer à Marcel qu’elle sacrifiait tout à Dieu, amour et souvenir, elle se leva lentement et alla se prosterner devant le christ d’ivoire, son visage dans les mains. En la voyant prier avec tant de ferveur, Marcel se dit — Qu’elle est changée !... Pauvre femme, elle ne songe plus qu’à Dieu !... Et quand, par moments, l’esprit d’au- trefois se réveille, elle se réfugie dans le Seigneur... Elle m’aimait pourtant ! Quand elle se releva, son visage paraissait calme, son regard serein. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 303 — Parlons d’elle maintenant, dit la marquise en se ras- seyant. — Vous vous êtes engagée, madame, à m’indiquer le lieu où elle sc trouve. — Vous n’ignorez pas qu’ Alice est entre les mains de la Compagnie de Jésus ? — Je- ne le sais que trop, madame. — Vous savez aussi que, pour le but auquel tend la sainte Société, c’est-à-dire pour le triomphe de la foi, elle a besoin de grandes ressources. — On la dit effectivement avide de richesses... — Pour la plus grande gloire de Dieu, s’empressa de déclarer l’ouaille des jésuites. L’officier fit un geste qui signifiait qu’il avait son opinion là-dcssus. — Eh bien ! monsieur, reprit la marquise, en enlevant Alice à un monde pervers, et en voulant la déterminer à se vouer à Dieu dans une maison religieuse, le mobile de la Compagnie, indépendamment de l’œuvre de salut qu’elle avait en vue pour la jeune fille, était d’hériter un jour de ses biens. , — Je sais cela, madame. — On avait appris qu’Alice était la fille du comte de Fuenlès et la nièce de monsieur Ligier de Clignaucourt, et comme telle leur unique héritière. — C’est vrai, et le calcul était juste. — Vous êtes, monsieur, le favori du roi, qui fera pour vous certainement encore plus qu’il n’a fait. — Je ne demande rien de plus le roi m’a déjà comblé. — Vous auriez tort. Si Alice vous est rendue, vous avez besoin pour elle, pour vous et pour vos enfants, d’une for- tune conforme à votre position. — Je me contenterai de ce que j’ai. — Je suis heureuse de vous voir en ces dispositions, car Digitized by Google 304 L'ABBESSE DE MONTMARTRE elles vous faciliteront un sacrifice nécessaire, si vous voulez revoir votre fiancée. De nouveau, Henriette poussa un soupir, en ajoutant — En môme temps elles amèneront pour moi... le par- don. — Daignez vous expliquer, madame ! — Pour qu’il me soit permis de révéler le lieu où l’on détient votre fiancée, on exige que vous renonciez à l’hé- ritage d’Alice. Marcel réfléchit pendant quelques instants. — Je le ferais très-volontiers, dit-il, s’il ne s’agissait que de m’engager de ma personne ; mais je ne puis lier celle qui sera ma femme. — On ne demande que votre signature au bas de la dé- claration. — Je doute que cela suffise, ma temme ne se trouvant pas engagée. — Pour nous cela suffit, s’écria vivement la marquise. Marcel se mit à la regarder. Les paroles échappées à Henriette venaient de lui inspirer un vague soupçon. Mais déjà celle-ci avait recomposé son visage. Elle con- tinua — La Compagnie dont je suis l’organe en ce moment, avec le désir si ardent que j’ai de vous rendre heureux et d’obtenir votre pardon, — ce qui seul m’a déterminée à sup- plier le père Daubigny, — la Compagtlie, monsieur, s’en rapportera entièrement à votre loyauté, pour que, le jour où votre femme entrera en possession de ses héritages, vous la portiez à vous permettre de remplir l’engagement pris aujourd’hui. L’officier hésitait. La marquise était- elle sincère ? N’avait-elle aucune ar- rière-pensée ? — Ah ! reprit-elle d’une voix émue, vous refusez le bon- heur que je vous avais préparé avec tant- de peine. Songez Digitized by Google L’ABBESSE DE MON TM AB THE 305 que j’ai adjuré mon directeur, le père Daubigny, que je me suis jetée à ses pieds, pour obtenir de lui qu’il se contentât de cette simple déclaration signée de vous!... Que de larmes j’ai répandues avant de pouvoir le fléchir!... Je me suis portée garante de votre loyauté, et vous repoussez la seule voie qui vous est offerte pour revoir votre fiancée... A l’heure qu’il est, elle pleure et gémit au loin... vous ap- pelant et vous conjurant de venir à son secours. — Madame ! s’écria Marcel, vous me déchirez le cœur. — Le sien le sera bien plus, quand elle apprendra que vous avez refusé tout moyen de lui venir en aide et de la tirer de la prison où elle souffre. — Où est cet écrit? demanda brusquement l’officier. La marquise s’approcha de la table et y prit un papier. — Lisez! l’engagement n’est que personnel. Vous pou- vez le signer en toute conscience. Marcel prit connaissance de la pièce. Elle ne contenait, en fait, que la déclaration qu’il renon- çait pour sa part à l’héritage des Fuentès et des Clignan- court, avec la promesse de faire son possible pour que sa femme Alice consente à y renoncer, comme lui, en faveur de la Société de Jésus. — Vous n’avez qu’à y apposer votre signature, dit la marquise, et aussitôt, suivant la permission que m’a accor- dée M. Daubigny, je vous révélerai la maison où est retenue Alice. Marcel prit une plume, et signa. Si, pendant qu’il mettait son paraphe sur cette feuille volante, il se fût retourné brusquement vers Henriette d’En- tragues, nul doute qu’il n’eût immédiatement déchiré l’écri- eu mille morceaux, à la vue du sourire diabolique qui con- tractait les lèvres de la fausse dévote. — Et maintenant, fit-il, rendez la joie à mon âme et dites-moi où est Alice. 19 Digitized by Google 306 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Elle est, eu ce moment, au monastère des Carmélites de Spandau. , — Où est ce lieu, madame? — Dans la margraviat de Braudebourg, sur la Sprée. — On me la rendra? — Voici une lettre pour la supérieure. Le révérend père Daubignv l’a écrite de sa propre main. — Merci, madame, dit Marcel en glissant la lettre sous son pourpoint. Et veuillez assurer le père de toute ma re- connaissance j’oublierai tout le mal qu’il a fait, pour ne plus songer qu’à ce dernier acte de béniguité. L’officier des gardes prit congé de la marquise, en la remerciant encore avec effusion. À peine fut-il sorti de l’oratoire, que la tenture d’une porte latérale se souleva et montrai a tête à la fois magis- trale et machiavélique du jésuite Daubigny, à côty du front sourcilleux du duc d'Epernou. Derrière eux se tenait humblement un frère scolastique , jésuite à vœu simple, versé, comme la plupart de ceux de sou degré, dans les lettres et les sciences. — Eh bien ! demanda la marquise, ai-je bien joué mon rôle ? — Merveilleusement, mon entant ! répondit le profès en souriant. Eu vous écoutant, je disais au duc que vous n’eus- siez pu parler mieux, si vous aviez fait pénitence toute votre vie. — N’est-ce pas, mon père ? — Mais j’aurais voulu voir le maintien et le jeu. — Il y a été trompé, tout diplomate du roi qu’il est. Pourtant j’ai failli me trahir un instant... mais j'ai aussitôt réparé la faute . — Par une péroraison pathétique. Je l’ai trouvée tout simplement sublime. Mais où est l’écrit signé ? Henriette montra le papier sur la table. Digitized by Google L’ABBESSE UE MONTMARTRE 307 — Faites votre œuvre, commanda le profès au frère scolastique. Tandis que celui-ci s’asseyait sans mot dire à la table, et tirait de sa poche deux flacons et deux pinceaux, Daubigny reprit — Ces gens de guerre ne songent tout d’abord qu’à la brusquerie et à la violence, comme si un esprit habile ne devait pas préalablement épuiser les moyens détournés et non compromettants... M. le duc ne voulait-il point ap- peler vos gens, marquise, pour saisir l’officier et le jeter au fond des basses-fosses du château? — Mais il nous eût perdus ! — C’est ce que je lui ai fait comprendre à voix basse. — J’avais écrit à madame .Marie de Beauvilliers ; s’il n’eût pas reparu, l’abbesse eût su à qui s’en prendre. — Est-ce fini ? demanda Daubigny au frère assis à la table, et qui faisait l’office de scribe. — J’ai étalé le premier liquide avec le pinceau, répondit le scolastique, et à mesure qu’il sèche, l’écriture s’efface... Voyez, mon père, il ne reste plus que quelques lettres. — Prenez garde à la signature 1 — Je l’ai soigneusement recouverte d’un papier, mon père. — Étalez le second liquide, dès que tout aura disparu. — Je commence immédiatement. Le scribe étendit, avec le second pinceau, le contenu de 1,’autre flacon sur la feuille redevenue blanche, et at- tendit. — Est-ce sec? demanda encore le profès. — Pas encore, mon père. D’Epernon laissa échapper un mouvement d’impatience. — Vous n’avez point la vertu des anges, monsieur le duc, lui dit le jésuite en souriant. — Je le confesse je brûle de porter la pièce au Lou- vre. Digitized by Google 308 L’ABBESSE ÜE MONTMARTRE * — Attendez ;iu moins qu’elle soit fabriquée. — Je suis prêt, déclara le scribe en plongeaut une plume dans l’écritoire. — Ayez soin, recommanda Daubigny, que celte seconde écriture prenne bien la place de la première, de manière à ce que la dernière ligne se trouve naturellement au-dessus de la signature... Vous devez arriver juste ; il y a le même nombre de lettres. Le jésuite avait sorti un brouillon. li se mit à dicter Par les présentes, Je m’engage envers Sa Grandesse de Boxas de Sando- val, duc de Lerme, ministre de Sa Majesté Très-Catholique Philippe 111, roi de toutes les Espagnes, ainsi qu’il a été convenu verbalement avec don Pedro-Henriquez d'Azevedo, comte de Fuentès, lors de mon dernier voyage dans le Mi- lanais pendant ce mois de février 1610 ; A me rendre, d’ici à un mois, en telle ville de la fron- tière qu’il daignera m’indiquer ; A l’effet d’y donner par écrit, à son représentant, tou- tes indications et explications touchant les grands projets du roi de France et la guerre qu’il songe à entreprendre, ainsi que l’énumération des forces d’icelui et Je ses alliés, comme aussi sur leur marche pour l’entrée en cam- pagne ; En échange de quoi, ledit représentant me remettra, en due forme, tant les titres de Grand d’Espagne que l’ap- probation pour Alice, fille du comte de Fuentès, de con- tracter mariage avec moi, Marcel de Fontaine, le tout signé par Sa Majesté Très-Catholique et scellé de son scel d’or. Fait à Paris, le 28 du mois de février 1610. » Avant fini de dicter, le père Daubigny regarda par-des- sus l’épaule du scolastique. — Bien, fit-il, la signature suit immédiatement Marcel de Fontaine. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 309 — Donnez ! s'écria le fougueux d’Epernon, qui aussitôt s’élança hors de l’oratoire. — S’il en échappe cette fois, dit le jésuite, c’est qu’il aura fait, comme on dit, un pacte avec le diable. — Espérons, répliqua Henriette d’Entragues avec un mauvais sourire, que la hache qui a enlevé si dextreinent la tête de Biron n’est point ébréchée. — Vous lui avez nommé, marquise, le couvent où est la fille. — Le mensonge est un péché, mon père je lui ai dit où elle se trouve. — Ï1 ne lui servira de rien d’avoir appris que l’héritière des Fuentès et des Clignancourt est enfermée dans le cou- vent des Carmélites de Spandau. — Cependant... si, contre toute probabilité, le roi lui faisait grâce ? — Je cours à Paris, et immédiatement je fais partir pour le Brandebourg mon lansquenet, Claude le Lorrain, qui parle aussi bien l’allemand que le français. Dans une lettre au père Geyser, le provincial de notre ordre dans la Saxe et la Marche, je l’avertis et le prie de faire transférer la no- vice dans une autre maison. — A merveille ! Je n’aurai pas menti du moins, puisque je lui ai déclaré qu’en ce moment elle était aux Carmélites. — J’aime à vous revoir cette conscience scrupuleuse, mon enfant, dit en souriant le directeur jésuite. Elle s’était relâchée un peu... — M’en voudriez-vous, mon père ? N’ai-je point usé de toute mon influence sur l’esprit du roi, pour le rappel de la Compagnie? , — Aussi vous ai-je absoute. Il est des cas, ma fille... — Amen! répondit l’ancienne favorite avec un sourire ù la fois malin et bigot. Le lendemain, dans l’après-midi, heureux et plein d’es- / Digitized by Google 310 L'ABBESSE DE MONTMARTRE pcir, Marcel gravissait l’escalier du Louvre qui menait à la grande galerie. Son dessein était de prier le roi de lui accorder une pro- longation de congé, afin de se rendre en Allemagne et d’y chercher sa fiancée. Les gardes lui dirent que le roi venait de faire défense à qui que ce fut de pénétrer dans son cabinet Comme il se promenait dans la galerie, attendant que la défense fût levée, le chevalier Castaignac l’aborda. — Hé! bonjour, lui dit-il, mon cher monsieur de Fon- taine. Vous me paraissez préoccupé ? — C’est vrai, monsieur. Je voulais parler à Sa Majesté pour une affaire pressante, et sa porte est iuterdite. — Elle l’est même pour ses conseillers ordinaires, mil- ladious ! Il n’y a qu’un instant, le secrétaire d’Etat aux af- faires étrangères, M. de Villeroy, s’est présenté, et il s’est vu refuser l’entrée. — Sait-on avec qui est enfermé le roi ? Avec M. de Sully, sans doute ? — Cornibieu ! non, fit la voix de Crillon qui venait de s’approcher en s’appuyant sur le bras du protestant d’Au- bigné, son vieil ami et éternel contradicteur. C’est le père Cotton qui le tient. Et il haussa les épaules, le catholique Crillon. Il aimait sa religion, mais non ceux qui la compromettaient. — Mais voici le surintendant que j’aperçois se dirigeant de notre côté, son grand portefeuille sous Faisselle, reprit Crillon. La porte va s’ouvrir à deux battants pour lui et son compagnon Villeroy. — On dirait qu’il y a quelque grave nouvelle... fit ob- server d’Aubigné. Voyez comme ils paraissent animés dans leur entretien !... C’est peut-être encore votre pape, Crillon, qui fait des siennes. — Mon pape ! s’écria Crillon en lâchant aussitôt le bras Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 314 du calviniste. Harnibieu! oui, c’est mon pape, et je l’aime et le respecte, entendez-vous bien, M. d’Aubigné ! — Même quand il veut contrecarrer lesdesseins de votre roi, Crillon ? Ne vient-il pas d’envoyer son nonce, pour protester contre les préparatifs de guerre ? — On le dit, mais la preuve? répliqua de son air le plus bourru le dévoué Crillon . — Et n’a-t-on pas recommencé tout aussitôt à Paris, dans vos églises, les prédications furibondes du temps delà Ligue? — Je n’entends la messe qu’à la chapelle du Louvre. — A la Noël dernière, le père Gonthier n’a-t-il pas tonné à Saiut-Gervais? — C'est un jésuite. — Le capucin Basile ne l’est pas. Chaque jour, dans ses sermons à l’église Saint-Jacqucs-de-la-Boucherie, ne vo- vnit-il pas des invectives contre l’éiiit de Nantes, l'Etat et la personne du roi même ? Henri est redevenu l’hérétique d’autrefois cela valait bien la peine de quitter notre prê- che pour votre messe ! Comme toujours quand il se sentait obligé de se rendre à l’évidence, Crillon avait baissé la tête et ne répondait plus. Les deux amis rudoyeurs s’étaient tourné le dos, suivant l’habitude. En ce moment, Sully, qui avait vu ^'interdire, comme les autres, la porte du cabinet royal, s’approcha de Marcel et lui prit le bras. IV AU GRAND CHATELET. — Savez-vous la grande nouvelle? demanda le surin- tendant à Marcel. Digitized by Google 312 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Nou, monsieur le duc. J’arrive. — L’occasion prévue par nous se présente. Le duc de Clèves et de Juiiers est mort. — Il serait possible ! s’écria l’officier, plein de joie. — L’avis m’eu est parvenu il y a dix minutes, et je me rendais auprès de Sa Majesté pour le lui transmettre. — Ainsi, le prétexte d’une intervention en Allemagne... — Va nous être donné. L’empereur revendique la suc- cession. Léopold d’Autriche, évêque de Strasbourg, s’est déjà mis en marche avec ses troupes. — Et le comte palatin de Neubourg, ainsi que le margrave de Brandebourg, ses compétiteurs ? — C’est le Palatin qui nous a écrit il accepte le secours proposé par le roi, à une condition pourtant. — Laquelle, monsieur le duc? — Ne voulant point se brouiller avec son cousin de Bran- debourg, Jean-Sigismond, avec lequel il s’était entendu d’a- vance pour l’éventualité, il ne croit devoir invoquer le se- cours de Henri IV contre l’Autriche, que si le brandebour- geois y consent. — Eh bien? — Mais le margrave, comme vous le savez, a toujours fermé l’oreille à nos ouvertures. — Que faire alors? — Aviser. Je songeais à vous pour vous envoyer dans le Brandebourg, auprès du margrave Jean-Sigismond. — J’accepterai avec le plus vif empressement, s’écria Marcel, pour qui une pareille mission, dans le pays où préci- sément il se proposait d’aller chercher sa fiancée, était la plus heureuse des fortunes. — Je vais en parler au roi, et je ne doute point... Sully n’acheva pas. Le capitaine des gardes, M. de Praslin, venait d’aborder Marcel. — Monsieur, dit le capitaine, le roi m’ordonne de vous mener en sa présence. Digitized by Google L'A IJ HE SSE DE MONTMARTRE 313 — Me... mener en sa présence? fit Marcel étonné de cette façon insolite d’être appelé par Henri IV. — Tel est l’ordre de Sa Majesté, répliqua Praslin. — Je vous précède, mon ami, dit Sully à Marcel. — Désolé de m’opposer au désir de monsieur le surin- tendant, fit le capitaine. Le roi a défendu l’entrée de son cabinet, comme j’ai déjà eu l’honneur de le faire connaître à monsieur le duc. Étonné, Sully suivit des yeux Marcel qui, de son côté, était fort surpris et s’inquiétait même de la manière dont le capitaine des gardes le conduisait vers le roi. Praslin, au lieu de le précéder, l’avait fait marcher devant lui, presque comme un prisonnier. Dans l’antichambre, notre officier se croisa avec le père Cotton, qui sortait du cabinet de Henri IV, et qui lui ren- dit son salut avec un singulier sourire. Leroi marchait à grands pas dans sa chambre, un papier à la main. Dès qu’il aperçut Marcel, Henri s’arrêta brusquement et prit un de ces airs royaux qu’il avait dans les circonstances graves. D’un geste il congédia le capitaine des gardes, qui se re- tira, non sans interroger le roi du regard, et alla, sur un signe qu’il comprit, se placer derrière la porte, l’épée à la main. Henri IV fixa sur son officier favori un regard perçant, et lui dit lentement, en accentuant chacune de ses paroles — Cette fois, mon fils, je n’ai pas voulu agir et vous con- damner sans vous entendre. Stupéfait d’un pareil accueil, Marcel fut plusieurs in- stants sans pouvoir parler. Le roi ne le tutoyait plus, et ces mots mon fils , il ne les avait pas prononcés de la manière habituelle ; il y avait mis je ne sais quel ton âcre et amer. — Sire, balbutia l’officier, ces paroles... il 19. Digitized by Google 314 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Connaissez-vous cette signature? demanda Henri d’un ton sec, en montrant du doigt le paraphe de Marcel sur une feuille de papier, pliée en deux juste au-dessus de ce pa- raphe. — C’est la mienne, répondit l’officier. — Vous l’avouez ! — Quel est cet écrit, Sire? — Un acte infâme... votre condamnation. — Infâme condamnation ! répéta Marcel au comble de la surprise. Il rougissait et pâlissait tour à tour. L’accent du roi, ses soupçons ou plutôt la conviction qu’il paraissait avoir de quelque crime odieux, sans que Marcel pût s’expliquer de quelle nature était ce crime dont on l’ac- cusait, et comment sa signature se trouvait au bas d’un acte qualifié d’infâme, tout cela le troublait et le boule- versait. , . Henri l’avait observé en silence. Il fut trompé sur la nature des sentiments qui agitaient l’âme de Marcel, et crut que ce grand trouble n’était, chez son perfide officier, que l’effet de la confusion de voir son forfait découvert. — Malheureux! tonna le roi, tout vous coudamne, votre signature, votre visage, votre émoi... Praslin ! Le capitaine des gardes apparut aussitôt, l’épée nue. — Exécutez mes ordres ! lui cria le roi en se dirigeant brusquement vers une porte latérale. — Sire ! implora Marcel, daignez m’écouter, pour l’amour de Dieu, et ayez confiance en ma sincérité. — Je ne vous ai que trop écouté, répondit rudement le monarque, et ma confiance n’a été que trop aveugle... Monsieur de Praslin, emmenez cet homme ! A. ces mots, Henri disparut. — Votre épée ! dit le capitaine des gardes. Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 315 9 — La voici, monsieur ! répondit Marcel tranquillement. Elle servit toujours loyalement Sa Majesté. — Suivez-moi ! — Où me conduisez-vous aujourd’hui , car deux fois déjà je suis sorti innocent de la Bastille et de la Tour du Palais? — Dans les cachots du Grand-Châtelet. Marcel frissonna. Il connaissait par ouï-dire les horribles cabanons de cette lugubre prison. Les gardes furent bientôt devant la vieille tour féodale, d’une pierre si dure, disent les historiens, que le pic, en trois heures, n’en pouvait lever l’épaisseur du poing. » On fit entrer Marcel dans la sombre geôle, dont les murs suintaient l’humidité, avant-goût des affreux cachots sou - terrains. Là, après avoir inscrit son nom sur un registre, on lui demanda cinq sous pour son entrée il n’était que simple chevalier. Les gentilshommes d’un rang plus élevé payaient de 20 sous à 10 livres, les autres personnes de 8 à 12 de- niers, sauf les juifs auxquels on demandait 11 sous. — Vous aurez à payer, en outre, dit le geôlier, un de nier par nnit. Ces simples mots glacèrent d’effroi notre officier. Il savait quels étaient les usages du Grand-Châtelet, et n’ignorait point que lé prix du triste logement de ses di- I verses prisons était proportionné au degré d’horreur du lieu. Il y avait dix-huit sortps de prisons dans les bâtiments du Grand -Châtelet, reconstruits par Charles V. Dix d’entre elles étaient supportables, puisque les lits y étaient payés plus cher. C’étaient les Chaînes, Beauvoir, La Motte, La Salle, les Boucheries, Beaumont, la Grièche j Beauvais, Barbarie et Gloriette. Les prisonniers y payaient Digitized by Google 316 L’ABBESSE DE MONTMARTRE l’hospitalité, par nuit, 4 deniers pour un lit, et 2 deniers pour la place. Quant aux autres prisons, où l’on était logé pour un de- nier seulement, le nom de plusieurs en donnait une af- freuse idée. Il y avait la Gourdaine, le Berceau, V Entre-deux-Huis, la Fosse, le Puits, les Oubliettes... Après les Oubliettes, que pouvait-il y avoir de plus ? Déjà, dans la Fosse, on était obligé de descendre les prisonniers par une ouverture pratiquée à la voûte du sou- terrain, comme on descend un seau dans un puits. C’était peu de chose encore , en comparaison de la Chausse d’Hypocras. Dans celle-ci, le captif avait les pieds dans l’eau, et ne pouvait se tenir ni debout ni couché. La forme du cachot était celle d’un cône renversé. Ordinairement le patient y mourait après quinze jours de détention. Mais il y avait pis ! On ne murmurait qu'avec épouvante le nom de l’ef- froyable lieu qu’on avait baptisé Fin d'aise... Quel nom ! Il était plein d’ordures, de bêtes immondes et de rep- tiles... un cloaque hideux ! Pierre Gobert, un malheureux calviniste, qu’on y avait jeté sous le règne de Henri II, y chanta pourtant des psaumes... mais il ne chanta que trois jours, dit-on ! Voilà quel était le luxe de pénalité déployé par nos pères! Et il en est qui exaltent ce bon vieux temps !... C’était donc dans un des cachots de la seconde catégo- rie dont nous venons de faire la sinistre énumération qu’on allait plonger Marcel. On ne lui demandait qu’un denier par nuit !... — Ah ! se dit-il en passant devant la Chambre criminelle , puisse le Seigneur éclairer mes juges je n’ai plus que cet espoir. Il y avait à la cour du Châtelet quatre sections l’Au- Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 317 , -V dience du parc civil, celle du Présidial, la Chambre du con- seil, la Chambre criminelle. La cour était présidée par le prévôt, le lieutenant civil et le chevalier du guet; elle se composait, en outre, de cinquante-cinq conseillers et de dix conseillers honoraires. Le Châtelet avait, comme le Par- lement, sa Basoche de clercs. Marcel respira quand il vit s’ouvrir devant lui une des moins horribles prisons de la seconde classe, la Gour- daine. Toutefois, à côté d’elle, la chambre qu’il avait occupée à la Bastille pouvait passer pour un boudoir. Il se vit dans un cabanon de quelques pieds carrés, pres- que sans jour, humide, sentant le remugle gravéolent et plein de miasmes morbifiques. Le cachot était en partie au-dessous du sol de la cour. Point de meubles. Pour lit, une botte de paille ; une cru- che près de la paille ; dans un coin, un baquet. Que doit-ce être plus bas? pensa-t-il en frissonnant. 11 passa dans cette chambre infecte deux jours entiers, sans voir d’autre figure que celle du grossier porte-clefs qui lui apportait une soupe fétide et un morceau de pain noir. Dans la matinée du troisième, quand les verroux eurent glissé avec leur bruit habituel, la porte s’ouvrit, et une blanche apparition, comme celle d’un ange du ciel, lui fit pousser une exclamation de joie. C'était l’abbesse Marie de Beauvilliers ! Se jeter à ses pieds, lui prendre les mains, les baiser avec transport, fut pour Marcel l’affaire d’un instant. — Avant tout, dit-elle, sortons d’ici, mon ami ! On y étouffe. — La liberté ! s’écria l’officier des gardes. — Non, hélas ! Mais espérez ! — Vous avez vu le roi? — Pas encore je n’ai pu arriver jusqu’à lui. — Il me croit coupable cette pensée est pour moi plus Digitized by Google 318 L’ABBESSE DE MONTMARTRE insupportable encore que le séjour de cet affreux cachot. — Venez ! dit-elle en rentralnant. Elle avait obtenu du prévôt siégeant au Châtelet qu’on transférât Marcel dans une des prisons les moins incom- modes, dans celle de Beauvoir. Il y avait du moins là un lit, une table, deux chaises. Quand ils y furent tous les deux, Marie apprit à Marcel* qu’elle u’avait pu voir, au Louvre, que le chancelier de Sillery. — Mais comment se fait-il, demanda-t-elle, que votre signature se trouve au bas de cette pièce, qui constitue un véritable acte de haute trahison ? — Un acte de haute trahison ! s’écria Marcel. C’est déjà là ce que m’ont fait comprendre les paroles du roi. — La chose n’est que trop réelle. D'après ce que me dit monsieur le chancelier, en échange du titre de Grand d’Es- pagne et de la main d’Alice, vous vous engagez, par cet acte, à communiquer au ministre de Philippe III tous les secrets de votre souverain. — Mais c’est infâme ! Je n’ai jamais rien signé de sem- blable. — L’écrit est daté du 28 février, et nous sommes au 4 mars. — C’est incompréhensible! Mon esprit s’y perd. — Voyons! rappelez vos souvenirs. N’auriez-vous pas, ce jour-là, signé quelque chose? Vous étiez allé au château de Verneuil. Une subite lueur éclaira l’esprit de Marcel. Il se frappa le front, en s’écriant — J’ai signé, en effet... un écrit, une simple déclara- tion. — Dans quel but ? — Mais ce serait horrible!... Cette femme serait un dé- mon vomi par l’enfer. — Qui ? Henriette d’Entragues ? Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 319 Marcel raconta alors à l’abbesse ce qu’au nom de la Compagnie de Jésus la marquise avait exigé de lui, pour prix de la révélation promise et de la mise en liberté d’Alice. Marie leva silencieusement les yeux au ciel, comme pour protester, au nom de la sainte foi catholique, contre le monstrueux abus que faisaient de la religion de Jésus ceux qui prétendaient en être les plus zélés défenseurs. Puis elle s’écria — Nul doute, il y a eu manigance perfide par des moyens de science condamnables. — Assurément... Ab! les misérables! — J’irai voir la maçquise de Verneuil, dit avec résolu- tion l’abbesse Marie, en se levant. — Vous vous commettriez avec cette infernalfe créature? — Il faut vous sauver... A bientôt, Marcel! Deux heures après le départ de la digne bénédictine, un conseiller de la cour, assisté d’un greffier, vint pro- céder à un premier interrogatoire de Marcel, qui , suivant la coutume, dut jurer sur l’Évangile de dire la vérité. Celui-ci répondit nettement à toutes les questions, et raconta au magistrat, ainsi qu’il venait de le faire à l’ab- besse de Montmartre, ce qui s’était passé entre lui et la marquise au château de Verneuil. Il ajouta qu’il ne pouvait expliquer la présence de sa signature au bas d’un écrit, qu’il désavouait du reste de toutes les forces de son âme, que pr quelque opération aussi condamnable qu’habile. Tout se borna cette fois à de simples questions et ré- ponses, qui furent rédigées par le greffier. L’instruction d’une alfaire criminelle ne marchait alors habituellement qu’avec une grande lenteur, à moins que le roi, comme dans le procès de Biron, n’eût ordonné fie faire diligence. Digitized by Google u 320 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Quinze jours s’écoulèrent, au bout desquels seulement on revint donner suite à l’information. On commença alors à se livrer à des interrogations cap- tieuses, tournant et retournant l’accusé dans tous les sçns, suivant l’expression des auteurs du temps. Pendant huit jours on fatigua ainsi le prévenu. Marcel était excédé, accablé; il en avait la fièvre, les tempes lui battaient. Comme il n'avait pu rien avouer, on l’avertit que la semaine suivante on le soumettrait à la question prépara- toire. On ajouta qu’on la lui infligerait indiciis manentibus , c’est-à-dire que, les indices étant réservés, le silence même de l’accusé ne pouvait empêcher toutes sortes de condamnations. C’était horrible d’avance il était condamné, qu’il avouât ou qu’il n’avouât pas. Le jour dit, on le mena dans la chambre aux tortures. Le tourmenteur et ses aides se trouvaient là, avec les brodequins et leurs coins, ainsi qu’avec les outres pour la question par l’eau. C’étaient là habituellement les seuls moyens employés à Paris. L’eau était pour gonfler outre mesure le corps de l’accusé. Par les brodequins, on lui écrasait lentement les jambes. Mais, pour effrayer le préveuu et le déterminer à faire des aveux ou des révélations, on affectait parfois de lui mon- trer d’autres instruments de supplice en usage dans les divers présidiaux du royaume. Devant Marcel, les questionnaires semblaient préparer les tenailles, au moyen desquelles on suspendait par les ongles ou l’on écrasait les doigts, comme à Rouen et à Dieppe ; Digitized by GoogI L’ABBESSE DE MONTMARTRE 321 Les lames de fer qu’on introduisait entre les ongles et la chair, comme à Metz; L’estrapade qui disloquait les os, comme à Besançon. Les mèches soufrées qu’on allumait entre les doigts des mnins et des pieds, comme à Lyon; L’huile bouillante qu’on distillait sur les jambes à travers de grandes bottes poreuses, qui parfois prenaient feu et dévoraient les membres, comme à Autun. Enfin, il y avait la poire d’angoisse, l’escabeau de bois taillé en pointe de diamant qui rappelait le pal, les osse- lets, le lit de fer sous lequel on mettait le feu. Puis le frontal, les escarpins, tout un arsenal d’engins, plus effrayants ou raffinés les uns que les autres. Sur un fourneau, on faisait rougir les ceps... — Dieu ait merci de mon âme, et la benoîte Vierge ! murmura-t-il. Seigneur, assistez-moi! Le juge lui dit alors que, par grâces de Sa Majesté, on ne lui appliquerait que la question ordinaire et sans ré- serve; qu’ a insi on le renverrait libre, s’il n’avouait rien, après avoir purgé les indices qui avaient motivé sa pour- suite. — Il s'est souvenu du passé, pensa Marcel, mais il ne me laisse pas moins torturer. Et le luxe d’apprêts qu’on déployait devant lui semblait indiquer assez qu’on voulait ses aveux, et qu’on ne le tiendrait pas quitte à bon marché. On le fit approcher de l’affreux chevalet. Le bourreau préparait les brodequins, le juge se dispo- sait à interroger, le greffier à écrire les réponses. » Une sueur froide commençait à mouiller les tempes de l’infortuné Marcel... Tout à coup la porte de la salle s’ouvrit, et le prévôt en personne parut, un papier à la main, en criant — Arrêtez!... Ordre du roil Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 3M Derrière le prévôt s’étaient précipités dans ce lieu fu- nèbre Gros-Michel et Gargantua. Marcel fut bientôt dans les bras du premier, et de ceux- ci passa dans les bras du capitaine, qui le pressa contre son épaisse poitrine de Silène. — Qu’on mette monsieur en liberté ! ordonna le magis- trat suprême du Châtelet. — Au Louvre ! lui dit Michel, tandis que de la geôle, où s’était faite la levée de l’écrou, Marcel et ses amis pé- nétraient dans le passage étroit , obscur et humide qui conduisait la rue Saint-Denis. — Le dois-je, mon Dieu? répondit l’officier. L’air de la / cour est funeste à respirer. — Un des carrosses du roi nous attend dans la rue Saint-Denis. C’est lui qui nous a amenés. — Ah ! mein Gott , que c’est choli, ce garrosse, soupira Gargantua, et gu’on y est pien assis! On entraîna Marcel vers le lourd, mais brillant véhicule, qui roula vers le château. Henri IV ne put cette fois que tendre la main à son offi- cier chéri, tant il était suffoqué par les pleurs. Il l’attira contre son cœur, au milieu des sanglots. Marie de Beauvilliers était là, souriante et heureuse. Marcel, qui ne doutait point que c’était à elle qu’il devait son salut, la remercia avec transport. Il est temps de raconter comment l’abbesse était par- venue à le sauver, et pourquoi l’événement avait été tant retardé. Dès le lendemain de sa visite à Marcel, dans le cachot de la Gourdaine, Marie était montée sur une mule, pour se rendre, en compagnie de Michel, au château de Ver-, neuil. Maislle n’y rencontra plus la marquise, et on ne put ou l’on ne voulut pas lui dire où elle trouverait l’ancienne favorite. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 32 3 La pauvre abbesse alla jusqu’à Beaumont- lès-Tours, croyant que Henriette d’Entragues s’y était retirée. Mais celle-ci n’était pas plus à Beaumont qu’à Verneuil. Bevenue à Paris, l’infatigable bénédictine courut encore au Louvre plusieurs jours de suite, sans pouvoir obtenir une audience du roi. Une semaine se passa encore elle était désespérée. Depuis près d’un mois Marcel se trouvait au Châtelet, et elle connaissait les horreurs de la question. Enfin, le ciel la servit par l’entremise du frère Corne, le pieux et loyal novice des jésuites. Frère Côme était venu à Montmartre, pour rendre visite à Gargantua et à Michel. Ce dernier lui parla de ses peines et de ses transes rela- tivement à l’officier des gardes, ajoutant que, pour par- venir à le sauver, l’abbesse et lui avaient en vain cherché partout la marquise do Verneuil. — Mais elle est à la maison de la Compagnie, près de la Porte Saint-Antoine, avait répondu aussitôt frère Côrne. Et Michel de courir au cloître et de donner cette nou- velle à l’abbesse. Celle-ci se rendit immédiatement avec le pâtre et Gar- gantua à la porte Saint-Antoine et se fit introduire auprès de Henriette d’Entragues. Elle éclata en vifs reproches contre la marquise, qui avait indubitablement, disait-elle, commis un acte odieux de perfidie en falsifiant la pièce^ignée par Marcel. Mais en vain voulut-elle provoquer dans l’àine de l’ar- tificieuse Henriette quelque remords de sa conduite indigne et de l'hypocrisie avec laquelle elle lui avait écrit, en se couvrant du manteau de la religion et en affectant une contrition si loin de son cœur. La marquise protesta qu’elle ignorait absolument ce qu’on loi voulait. Elle convint, il est vrai, qu’elle avait fait signer à Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE m M. Marcel de Fontaine la déclaration relative aux biens d’Alice, tuais qu’elle avait religieusement remis cette pièce entre les mains du P. Daubigny. Quant au reste, elle ne savait rien, ajouta-t-elle. — Eh bien! madame, soyez bonne et charitable, lui dit d’un ton suppliant Marie de Beauvilliers. Donnez-moi par écrit une attestation comme quoi M. de Fontaine n’a signé et n’a jamais cru signer que cet écrit, et nul autre, en votre présence, et je vous bénirai... Dans toutes mes prières j’appellerai Sur vous les faveurs du ciel, je vous le promets. — Je ne puis, madame, répondit encore hypocritement la marquise. Je ne puis rien écrire de semblable avant d’avoir consulté mon directeur spirituel ; et, pour le mo- ment, il est absent. — Mais le temps presse. A l’heure qu’il est, on met peut-être cet infortuné à la torture. Henriette d’Ëntragues ne put s’empêcher de tressaillir, mais l’abbesse ne s’en aperçut pas. — Songez qu’un innocent souffre et va périr, reprit Marie, les yeux pleins de larmes. Serez- vous impitoyable? — Je ne puis tracer des lignes qui pourraient compro- mettre l’Ordre auquel appartient mon directeur, répondit la marquise froidement inflexible. — Venez alors au Louvre avec moi. Vous direz au roi... On eût montré le ciel ouvert à l’ex-favorite, que son cœur orgueilleux n’eût pas été plus vivement impressionné que par la perspective d’être reçu par le roi. Elle avait menti dans sa lettre à l’abbesse, quand elle avait dit qu’elle avait résisté à plusieurs invitations de Henri. Celui-ci paraissait l’avoir oubliée totalement, et ne lui avait jamais fait d’ouvertures depuis la conspiration des d’Entragues. Revoir le roi! c’était là son plus ardent désir. Digitized by Google L'ABBESSE DE M J N T M A B T H E i25 Elle espérait reconquérir en quelques instants son empire d’autrefois, et trôner de nouveau à côté de la reine. Maintenant que tout espoir était perdu d’approcher du trône d’une autre manière, elle se contentait de cette posi- tion secondaire, qui avait lait si longtemps son triomphe. — Quelques oeillades, pensait-elle, et il sera de nouveau à mes pieds! — Nous irions au Louvre? s’écria-t-elle, l’œil en feu. Vous me feriez parler au roi? — Je l’espère. Écrivez quelques mots, dites au roi que vous avez des révélations à lui faire concernant monsieur de Fontaine, que vous savez innocent, et je ne doute pas que les portes ne s’ouvrent devant nous. Aussitôt l’ambitieuse Henriette prit du papier, et écrivit ce que désirait l’abbesse. Celle-ci lui fit mettre surtout que Marcel était innocent. La marquise se couvrit le visage de son loup, et l’on se rendit au Louvre. Comme l’avait prévu Marie, le billet tendant à réhabi- liter l’officier dans l’esprit de Henri IV fit admettre aussitôt les deux dames. Non-seulement le roi devait ajouter foi à la déclaration d’une femme qu’il savait l’ennemie jurée de Marcel, mais d’un autre côté le Béarnais se sentait intérieurement heu- reux de revoir celle qu’il avait si longtemps aimée, et qui venait à lui sous un prétexte légitime et charitable. Henri avait éloigné tout le monde. L’ancienne favorite commença à se jeter à ses pieds, en fondant en larmes. Elle fut relevée avec bonté, et sentit avec joie que la main du roi, en saisissant la sienne, avait frémi. — Il est à moi, pensa-t-elle. — Vous m’écrivez, chère marquise, dit vivement le roi, que monsieur Marcel de Fontaine est innocent. Mon cœur en serait bien heureux... Les preuves? Digitized by Google 326 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Elle ne pouvait se rétracter, et fit connaître à Henri IV ce que nous savons. Le roi sonna immédiatement. — Qu’on aille dans mon carrosse même chercher mon- sieur de Fontaine!... Voici l’ordre de mise en liberté! — Sire, dit Marie, il y a dans la cour deux braves cœurs que vous rendriez bien heureux, si vous les chargiez de porter cette bonne nouvelle au prisonnier. — Ventre-saint-gris! vous avez raison, madame. C’est, je gage, mon gros capitaine Gargantua-Silène, avec le fidèle pâtre de Pailhat... Monsieur de Vitry, vous les en- verrez dans mon carrosse. Il était tout joyeux, le bon Henri, de savoir Marcel inno- cent. — Le roi se mit à causer avec la marquise, qui bientôt joua de la prunelle si bel et si bien, minauda si merveilleu- sement, eut de si adorables sourires, que le vert-galant oublia son caprice nouveau, la belle Charlotte de Montmo- rency, princesse de Condé. Marie observait avec inquiétude les manœuvres de l’an- cienne favorite. Elle redoutait avec raison que le retour en faveur de Henriette d’Eulragues, toute dévouée aux jésuites, ne dé- tournât le roi de ses grands projets, à la veille d’être ac- complis, et ne l’y fît même renoncer tout à fait. Déjà le Béarnais, malgré la présence de l’abbesse, se laissait aller aux vieux penchants de son cœur. Il soupirait, prenait les mains de la marquise, les bai- sait... En peu plus, et il allait tomber à ses pieds. — Sire! dit alors d’une voix grave Marie de Beauvilliers, est-ce le moment de vous livrer à de semblables ébats... et en ma présence ? Songez à vos desseins et à la grande tâche que vous allez entreprendre, plutôt qu’à ces frivo- lités. Vous n’avez que trop perdu d’années aux pieds de cette dame. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 327 Henri tressailli, et se leva brusquement. Ces paroles sévères, prononcées par une personne si dé- vouée, l’avaient rappelé à lui. — Madame, dit-il à la marquise et de son^ geste royal la congédiant poliment, madame, il me reste à vous remercier de votre bienveillante intervention en faveur du gentil- homme que j'aime, et de la franchise que vous y avez mise. Je ne l’oublierai point, et quand vous aurez une grâce à me demander, veuillez me l’écrire. Henriette d’Entragues se retira, blême de colère, en lan- çant à l’abbesse et au roi un regard foudroyant. Ce regard était comme une menace de mort... Un quart d’heure après, Marcel entrait dans le cabinet du roi. L’abbesse s’étant retirée bientôt pour retourner à Mont- martre, Sully et le chancelier Sillery furent mandés par Henri IV. Il y eut une conférence d’une heure sur l’affaire de Clèves et de Juliers. On était embarrassé. En vain avait-on expédié au mar- grave de Brandebourg, Jean-Sigismond, un envoyé pour le déterminer à consentir, avec le palatin de Neubourg, à l’intervention de la France, et à appeler Henri IV à leur secours. Le margrave avait résisté. Quoique protestant, il avait malheureusement souffert encore dans ses Etats les mem- bres de la Compagnie de Jésus, et ceux-ci agissaient secrè- tement sur lui, on ne savait trop comment. Il les détestait, et pourtant il les tolérait. Comment faire? La fin de l’hiver approchait, et il fallait profiter du printemps pour commencer la campagne. — Sire, j’y songe, dit tout à coup Marcel. Le capitaine Gargantua est du Brandeboug. Peut-être a-t-il encore des relations avec son pays. Si je le consultais... ^ — Au fait, oui, répliqua le Béarnais. L’âne de Buridan , Digitized by Google 8 L’ABBI'.SSE DE MONTMARTRE pour autre chose que l’avoine, était peut-être de bon con- seil... Va le voir, mon fils. Marcel trouva le capitaine dans la cour du Louvre, où sa bonne face et sa grosse bedaine faisaient les délices des pages et des laquais. Il parla au reîlre brandebourgcois de son pays et de son margrave, lui demandant si par hasard il n’avait pas quel- que avis à lui donner sur la manière dont on pourrait sous- traire Jean-Sigismoud à l’influence des jésuites, et le déci. der à se tourner vers Henri IV. — Oh ! oh ! fit Gargantua en se grattant l’oreille. Che ne savrebas, moi... . — Réfléchissez bien, capitaine! Pour le gros retire, réfléchir c’était une difficile besogne. Il aurait mieux valu lui demander d’accomplir les travaux d’Hercule. Gargantua plongea lentement la main dans la poche de ses larges braies, et en sortit non moins gravement une bougette de peau avec un instrument singulier, composé d’un roseau et d’une espèce de creuset en terre cuite, dont Marcel ne connaissait pas l'usage. Le reître se mit à extraire de la bougette une sorte d’herbe brune, séchée et hachée menue, qu’il fourra dans le creuset avec le pouce et l’index. — Qu’est-ce que cela? demanda Marcel. — C’est pon, ça... ça tonne tes itées. — Cette herbe!... vous voulez rire. — Che ne ris bas du dut, moi. Disant cela, Gargantua prit également dans sa poche de l’amadou et un briquet, qu’il battit. — Qu’allez-vous donc faire, capitaine? demanda encore l’officier, dont la curiosité était éveillée partout ce manège. — Vumer te la nigodiane, mon bedit. — Fumer de la nicotiane! ... Mais je croyais qu’on ne la Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 329 prenait qu’en poudre, comme jadis la reine Catherine de Médicis. — Oh ! les femmes, ils ne salent chaînais gomment ou se sert des ponnes joses. On sait que le tabac avait été introduit en France par Jean Nicot, ambassadeur du Portugal, qui avait fait cadeau d’une petite quantité en poudre à Catherine de Médicis. A cette double circonstance il dut d’être primitivement dési- gné chez nous sous les noms de nicotiane et d'herbe à la reine. On l’appela aussi herbe du grand- prieur, parce qu’un prince de la maison de Lorraine, qui était grand-prieur de Fi ance, contribua beaucoup à le mettre à la mode. Le mot de tabac, qui vient des rouleaux tabaccos, ne prévalut que beaucoup plus tard. Au commencement du seizième siècle, les Espagnols introduisirent en France la coutume de fumer la nicotiane, soit en feuilles roulées, soit dans des pipes. Mais le tabac ne devint d’un usage générai que cinquante ans plus tard. — Eh bien ! capitaine, les idées viennent-elles? demanda Marcel, qui voyait les grosses joues du relire se gonfler et ses lèvres épaisses lancer la fumée autour de lui, à la grande joie des pages, qui se le montraient du doigt. — Dut ducement, rognonna Gargantua en continuant d’exhaler ses bouffées. — Voyons!... le roi attend. — Eh pien ! gu’il addende ch’avre pieu addendu un mois, bur avoir votre mise en liperdé Et Gargantua fuma de plus belle. — Oh!... ah!... oh!... fit-il tout à coup, en levant un doigt dans l’air comme un magot de la Chine. — Qu’est-ce? demanda Marcel. — la, ia... der Teufel ! c’est pien ça... ta, ia. — Qu’avez-vous donc, capitaine ? % ^ U 20 Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE Ml V LA MAISON DU PONT NOTRE-DAME. Du sachet que le capitaine Gargantua venait d’extraire de son pourpoint avec tant de précaution, il tira un objet gros comme une fève, mais tout brillant. Tenant cet objet aussi délicatement que ce fût possible à ses gros doigts, qui ressemblaient à de petits saucissons de Francfort, il le fit miroiter au soleil. — Voyez-vus? demanda-t-il en clignant de l’œil. — On dirait un pur parangon !... Il a des reflets merveil- leux des étincelles semblent en jaillir. — C’est un vrai tiamant, mon bedit Marcel ! — Un diamant ! D’où tenez-vous cet admirable joyau ? — Àhlfoilà... Mais laissez-moi t’apord direr guelgues pouffées. Buis, che vus ragonderai le bedit histoire. — Une histoire comme celle de votre femme du Bran- debourg ? — Ah ! bauvre Gretehen !... C’est burdant elle qui m’a valu ce tiamant. — Voyons l’histoire, en ce cas! Gargantua reprit la narration du cachot et de la pen- daison de l’aimable bourreau de Turin, Matteo Ruffio, au point où il l’avait laissée à Pont-de-Beauvoisin, quand les spasmes de l’indigestion l’avaient pris après son imprudente goinfrade. — Et ce diamant, s’écria Marcel, est celui des margraves de Brandebourg ? — Auguel ils denaient gomme à la brunelle de leurs yeux, avre tit l’Idalien... ia, ia. — Mais en ce cas, on pourra... Digitized by Google 332 I/ABBESSE DE MONTMARTRE — Ia,ia... buisgue l’Idalien tu tiable il ni’avre titgue le magraf tonnerait che ne savre guui poitr le ravoir. — Mais votre idée est admirable, capitaine. — Oh ! ch’en avre quelguefois gomme ça, guand... — Vous ne les révélez pas souvent. — Guand un gamarade m’y aide un beu, dit modeste- ment le reître en achevant sa phrase. — Un camarade ? — la, ia... du bays. Ch’avre chobiné hier avec luiauga- baret du Feau-qui-dête, devant le Châdelet, où debuis un mois che puvais chaque soir, en vus addendant. — Et que vous disait ce camarade ? — Un cbeune reître... pien chentil il avre bayé cinq bintes de fin... Il arrife du bays. — Comment enfin ce jeune reître du Brandebourg vous a-t-il aidé à avoir cette idée mirifique? — Voilà le margraf, il n’aime bas les cbésuites, mais gomme ils lui ont bromis de ravoir ce peau tiamant de sa gouronne, il les audorise à resder au bays. — A merveille ! nous lui permettrons de se passer et de se débarrasser d’eux... Je ne suis étonné que d’une chose c’est de la grossièreté du moyen pour se maintenir, de la part d’esprits aussi féconds que les jésuites. — la, ia... Et môme gue, dans le bays, on groit que ce sont les chésuites qui embêchent le margraf de se meddre avec Henri Quadre. Marcel n’avait pas besoin d’en entendre davantage. Il gravit rapidement le grand escalier, et courut au cabinet du roi, où se trouvaient encore Sully et Sillery. — Sire, s’écria-t-il tout joyeux, envovez-moi dans le Brandebourg. Je réussirai. — Tu as donc un talisman ? demanda Henri en voyant la confiance peinte sur le visage de l’officier. — Un talisman, c’est le mot. Gargantua le possède. Je vbus rapporterai la réponse voulue. . — Va, mon fils, brûle le pavé ! Mes postes sont à ton Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 333 service. Quant à moi, je vais commencer à concentrer mes armées, et, ventre-saint-gris ! dès que tu m’auras rapporté le consentement du margrave, je tirerai l’épée comme à Coutras, à Fontaine-Française et à Ivrv. — Faut-il partir ce soir même ? Marcel songeait à Alice, sa fiancée. — Demain matin, dit le roi. Je vais expédier à l'heure même un coureur de mes écuries, pour te faire préparer les relais jusqu’à la frontière, afin que tu ne perdes pas une minute en route... Combien de chevaux? — J’emmène le capitaine Gargantua et Michel. Quatre chevaux ne seront pas de trop, en cas d’accident entre deux relais. — Dont un des plus robustes^ pour notre énorme reître. On y veillera. Les postes, ébauchées seulement par Louis XI, avaient reçu une organisation plus parfaite de Henri IV, et des itinéraires réguliers • avaient été établis de ville en ville jusqu’aux principaux points de chaque frontière. Même- dans tous les bourgs et bourgades, suivant l’édit de 1597, on avait créé des relais et des maistres particuliers pour chacune traite et journée. » Comme Marcel traversait la galerie, chacun lui demanda pourquoi il avait l’air si heureux, la mine si riante, après avoir passé un mois au Grand-Châtelet. Le chevalier de Castaignac se montrait un des plus em pressés. — Hé ! cadédis, dit notre Gascon, jamais je ne vous vis aussi souriant et épanoui. Quelle bonne aubaine vous trans- forme de la sorte, mon cher .monsieur de Fontaine? — C’est que je pars pour l’Allemagne, et je suis heureux pour deux raisons. — Lesquelles, s’il vous plaît? — D’abord parce que je suis sûr d’y réussir pour le ser- vice du roi, ensuite... / Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 3 . 1 $ — Ensuite? Hé ! inilladious, à votre front qui rougit, e gage qu’il y a quelque amour sous jeu. — Comme vous le dites, mon cher monsieur de Cas taignac. — Ah! l’Allemagne! soupira le cadet... L’Allemagne est un vrai pays de cocagne, dit-on, pour les femmes et • l’amour. — Vous êtes ingrat envers la France, répliqua Marcel, rendu de bonne humeur par l’espérance aux rêves d’or. — Que non, mordious ! mais on m’a assuré que ce pays était couvert de sentimentales baronnes, et que de riches veuves douairières y raffolaient surtout de nous autres Français... — Quand ils ont bonne mine et le coeur bien né, ajouta en riant l’heureux Marcel. Le cadet n’était plus qu’un grison, mais il n’était pas moins resté godelureau et fort satisfait de lui-même, comme par le passé, bien qu’il n’eût jamais eu à se flatter du nombre de ses aventures galantes, ou de leur succès. Néanmoins, aux malignes paroles de l’officier des gardes, il se rengorgea comme un paon qui fait la joue. La main fièrement posée sur la coquille de sa coliche- inarde, se tortillant la moustache sous son long nez en harmonie avec ses jambes, il se cambra majestueusement et repartit avec un air superbe. — Hé 1 inilladious, si le chevalier de Castaignac parais- sait en Allemagne, je gage que toutes les dames rendraient hommage à sa belle prestance et lui demanderaient l’au- mône de son cœur... En noble paladin et chevalier, je leur octroierais un courtois retour. — Pourquoi n’iriez-vous pas avec moi? demanda Marcel en plaisantant. Mais le cadet de Gascogne prit la balle au bond, et s’écria avec empressement — Vous le permettez !... Tope ! je suis des vôtres... A Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 335 — Sérieusement, vous voudriez... — De ce pas je cours le demander au reyot, du moment que vous y consentez. Le roi ne refusa point, et Marcel se dit qu’il avait bien fait de parler à Henri de quatre chevaux pour le voyage. Notre officier profita du reste de la journée pour aller faire ses adieux et réveiller l’espoir au cœur du vieux che- valier du Bosc. L’abbesse, en lui faisant ses recommandations, lui remit un flacon. — C’est un antidote souverain, dit-elle, contre maint poison. J’en suis toujours pourvue ici, ajouta-t-elle avec un soupir. — Vous craindriez donc, madame, qu’on essayât... — Hélas ! il est des gens capables de tout ; même l’habit religieux, comme vous le savez, recouvre des âmes crimi- nelles. Souvenez-vous de votre mère Jeanne qui, un jour, but du poison que l’on me destinait. Le lendemain, au moment où Marcel allait se mettre en route avec ses trois compagnons, un petit embarras, suscité par Gargantua, retarda le départ de quelques heures. Le relire, à cause de son embonpoint devenu vraiment phénoménal, ne pouvait plus mettre spn casque et encore moins sa cuirasse. En vain essaya-t-on de le persuader de se passer de ces pièces d’annure, puisqu’on n’allait pas en guerre on ne put lui faire entendre raison. — No, no, criait-il à tue-tète,je suis un retire, der Teufel! et un relire doit avoir un gasque et une guirasse. Il fallut se rendre avec lui à l’Arsenal, mais il fut impos- sible d’y trouver une cuirasse qui allât à sa corpulence. Un casque du règne de Philippe-Auguste le coiffa passa- blement encore la tête de Gargantua n’avait pas augmenté de volume dans la même proportion que le corps. Comme l’enfant du Brandebourg tenait absolument â Digitized by Google 336 L'ABBESSE DE MONTMARTRE reparaître convenablement dans son pays, et qu’il voulait mordicus que son torse précieux fût, à la façon des reîtres, bardé de 1er, on exhuma de la poussière qui la couvrait une cotte de mailles du temps de la première croisade, et ayant dû servir à quelque colosse normand de l’époque. Laissons nos quatre compagnons sortir de Paris, pour gagner la frontière d’Allemagne, et voyons si, malgré les relais de poste préparés à l’avance par le coureur des écuries du roi, quelque personnage suspect ne les a point déjà précédés de plusieurs heures dans la direction du pays d’outre-Rhin. En sortant du Louvre, la marquise de Verneuil, ayant remis son loup sur son visage, avait regagné en toute bâte, au trot précipité de sa mule, la maison des Jésuites près de la porte Saint-Antoine. Elle avait la rage au coeur, et ses lèvres ne murmuraient que des paroles de haine et d’abominables menaces de mort. — Le père Daubigny est-il dans sa cellule ? demanda- t-elle rapidement au frère Côme, qu’elle trouva dans la cour du Gesù, disant son chapelet. — Madame la marquise, répondit humblement le novice, le révérend père est sorti. — Jour de Dieu ! il faut pourtant que je lui parle, s’écria-t-elle en frappant du pied le pavé, sur lequel elle venait de s’élancer légèrement. — Si madame veut permettre que je la conduise, elle le verra bientôt. — Où est-il? Je veux le voir, n’importe où. — Il m’a chargé d’attendre madame, et de la mener auprès de lui. — Que ne le disiez-vous donc ! reprit Henriette en se re- mettant aussitôt en selle. Marchons ! Frère Côme, précédant la marquise, la fit redescendre la rue Saint-Antoine et, par les ruelles qui entouraient Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 317 l’Hôtel de ville, gagna la rue Planche-Mibray et le pont Notre-Dame, sur lequel il s’arrêta devant la même maison où s’est déjà passée une scène de notre récit. Là, le novice frappa trois coups d’une certaine façon. Bientôt un petit guichet s’ouvrit, et le visage tout ridé d’une septuagénaire se montra pour demander — Qui est là? — Ouvrez, dame Brigitte, répondit frère Côme. — Un verrou glissa dans ses crampons, et la porte tourna sur ses gonds pour livrer passage à la marquise et à son conducteur. La mule avait été attachée par le novice à l’anneau de la maison voisine, qui était un cabaret, et re- commandée au maître du lieu. Henriette d’Entragucs, ayant retiré son loup, fut intro- duite dans la pièce à la trappe que nous connaissons, et où l’attendait Daubigny. Le novice, resté dans l’anti- chambre, se remit dévotement à égrener son rosaire. — Pourquoi vous trouvé-je dans ce sombre logis, mon père? demanda vivement la marquise. — Parce que désormais, pour nos réunions, il faut prendre les plus grandes précautions, et que les allées et soupçons Gesù de diverses gens pourraient éveiller des venues au dont il faut se gardar. — Vous êtes prudent, mon père. — La prudence est la mère de la sûreté. — Mais elle nuit à la rapidité de l’exécution. — Celle-ci ne sera que mieux préparée... Il faut, du reste, au moment où nos plans vont entrer dans une voie nouvelle, puisqu’ au lieu de n’avoir en vue que des per- sonnages secondaires, c’est au chef lui-même que les cir- constances nous obligent à nous attaquer; il faut, dis-je, avoir le plus grand soin, en cas de succès même, qu’on ne puisse incriminer notre Ordre... — Je comprends, mon père, s’écria la marquise avec Digitized by Google L’A BRESSE PE MONTMARTRE ’.ss une joie diabolique, et je suis aise qu’enfin vous son- giez à... — La Compagnie doit rester complètement en dehors; il faut qu’elle puisse, au besoin, me renier et condamner mon acte... J’ai d’avance fait le sacrifice de uiavieetde mon nom, pour la gloire de Dieu et de son Église. — Ainsi, c’est décidé? demanda Henriette d’Entragues en serrant 1rs dents. — Vous y mettez une ardeur, mon enfant!... Vos yeux lancent des flammes. Que vous est-il arrivé? La marquise confessa au profès la fausse démarche qu’elle avait faite auprès du roi, croyant ressaisir le sceptre de sa domination. — Dans l’intérêt de l’Église et de votre Ordre, s’em- pressa-t-elle d’ajouter. — Et vous ayez fait mettre en liberté cet odieux aven- turier? — Hélas! mon père, pardonnez-moi le but était saint... Mais sans doute vous attendez ici une autre personne que moi? — J’attends le due d’Épernon. Je suis même impatient de ne point le voir arriver, il est temps de combiner tout pour la réussite. — Avez-vous appris du nouveau? — A mesure que nous approchons du printemps, les signes se multiplient. Loin de tenir compte des remon- trances du Saiut-Père, et de renoncer à la guerre, le Béar- nais s’y prépare plus que jamais. De plus, il a travaillé toute l’Europe par ses agents. — Les princes protestants d’Allemagne... — Avant tout. 1 a même attiré à lui des souverains catholiques, le duc de Savoie en tête. — Comment savez-vous cela, mon père? — Notre sainte milice n’est-elle pas répandue en tous lieux, et n’a-t-elle pas su conserver ses positions par tous Digitized by Google 1/ AD b KS SE DE MONT MA DIRE 339 les moyens possibles, même à certaines cours luthériennes? C’est grâce à nous que le margrave de Brandebourg a ré- sisté jusqu’à présent aux sollicitations les plus pressantes. Mais... — Vous craignez qu’il ne Unisse par céder? — Le stratagème employé pour le maintenir dans sa résolution est si grossier ! Mais nous n'avons pas toujours le choix des moyens. — Et quel est ce stratagème ? — Un beau diamant de la couronne des margraves a été volé il y a bien des années, du temps du grand-père de Jean Sigismond. Les deux successeurs de l’aïeul l’ont toujours regretté, et Dieu sait à quelles recherches ils se sont livrés pour le découvrir. — Sans pouvoir y parvenir ? — Le voleur, un Italien du nom d’Àngelo Oneste... — Ange Honnête ! joli nom pour un larron ! — Ne put jamais être retrouvé. — Et les révérends pères du Brandebourg... — Ont su caresser la manie des margraves, en promet- tant qu’ils finiraient par connaître le voleur et ravoir le diamant, grâce à leurs relations multipliées et aux ramifi- cations de notre puissante société. On entendit en ce moment le signal des trois coups à la porte de la maison. » — C’est sans doute le due, dit le profès. Quelques minutes après, la vieille vint annoncer qu’un inconnu, disant venir du Louvre, se présentait de la part de M. Toncot. Daubigny ordonna de faire entrer l’inconnu. — M. Toncot? demanda la marquise étonnée. — Un personnage de la cour, insinua Daubigny avec un sourire. — Je n’y connais personne de ce nom, mon père. — Les anagrammes ne sont-ils pas de mode ? — Je cherche en vain, dit Henriette en réfléchissant. Digitized by Google 340 L’ABBESSE DE MONTMAKTRE Le jésuite se pencha k sou oreille et lui souffla un nom. — Ah ! fort bien, murmura la marquise. H y a du nouveau, mon enfant, et quelque chose de fort grave, pour qu’un pareil message m’arrive. Un grand gaillard fut introduit. Une lettre du padre, dit-il avec un accent italien prononcé. — Vous appartenez k la maison de M. Concini? demanda le profès en décachetant la missive. — Si, signora. Je me nomme Risaccazza. Daubigny lut, et, k mesure qu’il avançait daus la lec- ture, son front se plissait. — Dites au père, recommanda-t-il à Risaccazza quand il eut terminé, que j’ai pris bonne note de ses avertisse- ments. L’envoyé italien se retira en saluant. , — La lecture de celte lettre a assombri votre front, mon père, fit observer la marquise. Lisez, ma fille, et dites si ces nouvelles ne sont pas de la plus haute gravité. Comme elle allait prendre connaissance de la missive, le duc d’Épernon ouvrit la porte. — Vous arrivez bien, duc, lui dit le profès. Ecoutez ce qu’on m’écrit. Henriette d’Enlragues lut k haute voix. Le billet de monsieur Toncot annonçait que le roi, après avoir reçu avis de la mort du duc de Clèves et de Juliers, allait saisir l’k-propos de la compétition rela- tivement k l’héritage princier, pour intervenir en Alle- magne et commencer la guerre contre la maison d’Autriche. On envoyait l’officier des gardes, Marcel de Fontaine, sorti des "prisons du Châtelet, vers le margrave de Brandebourg... — Où le damné chenapan, interrompit Daubigny en grinçant des dents, trouverait peut-être la fille, bien que Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 34 » le lansquenet, revenu hier, l’ait fait changer de monas- tère... Mais j’y songe... Il appela frère Côme et lui ordonna de courir à la taverne du Pot d'étain, et d’en ramener immédiatement le lans- quenet Claude le Lorrain. — Allez-vous le renvoyer en Allemagne, mon père? demanda Henriette. — Sans aucun retard... il faut que ce maudit aventurier périsse avant d'arriver à Brandebourg. — La chose sera peut-être difficile, car monsieur Toncot ajoute que l’officier des gardes part avec trois valeureux compagnons, le capitaine Gargantua, maître Michel le géant et le chevalier de Castaignac. — Nous sèmerons la route d’embûches. Il sera impos- sible qu’il échappe à toutes. — Ne néeligez rien, dit vivement la marquise. Non- seulement il peut retrouver sa fiancée... — Et le double héritage nous échapperait. — Mais encore, reprit Henriette, d’après ce qu’écrit monsieur Toncot , cet officier de malheur a déclaré au roi qu’il était sûr de réussir auprès du margrave, qu’il avait un talisman certain. — Un talisman ! s’écria d’Épernon. — Ce sont les propres paroles prononcées par cet in- trigant. Monsieur Toncot termine en disant qu’il a tout écouté derrière une portière, sur les marches de l’escalier secret. Le roi avait avec lui, dans son cabinet, Sully et Sillery. — Eh bien ! qu’en dites-vous, monsieur le duc? demauda le père üaubigny. — Je dis qu’il n’y a plus à hésiter, s’écria d’Épernon avec emportement, et que, suivant vos propres paroles, il est temps de mettre la volonté du roi dans l’impossibilité d’agir. » L’ancienne favorite de Henri IV ne se trompa point sur U 9 bonne récompense, que l'homme, après s’être bien fait prier, consentit enfin à se risquer. Les chevaux furent tirés dans la barque, non sans se cabrer et hennir d’inquiétude. Le batelier s’assit à l’arrière du bachot, et avec sa gaffe poussa le petit bâtiment au large. Puis, déposant la gaffe à sa droite, il saisit la godille, aviron qui sert à manœuvrer à la poupe, et dirigea l’em- barcation. Il eut besoin de toutes ses forces et de toute son habileté pour lutter contre le torrent, et ne pas être entraîné ou tournoyer. Déjà on était au milieu de la rivière, et nos amis regar- daient vers la rive opposée, lorsque tout à coup, après s’être baissé un instant, le batelier bondit hors de la barque, sauta dans le batelet, coupa lestement l’amarre; puis, avec la gaffe qu’il avait saisie, il poussa fortement le bachot et se dirigea sur l’île. Michel fut le premier qui s’aperçut que le bateau sur lequel ils se trouvaient allait un peu à la dérive. En même temps, un bruit sourd et un clapotement frap- pèrent ses oreilles. Il se retourna. Une exclamation d’effroi s’échappa de sa bouche. Par un large trou dans le fond plat, derrière un rable solive qui traverse le fond, l’eau jaillissait à gros bouil- lons. Le cri de Michel ayant averti du danger ses compagnons, tous se précipitèrent vers la voie d’eau, tandis que le per- fide batelier faisait force de rames pour s’approcher de l’île. Déjà ils avaient de l’eau jusqu’à la cheville. En vain essaya-t-on de boucher le trou avec la couver- ture d’un des chevaux. — Nous enfonçons ! cria Michel, qui s’était redressé. En effet, la barque, devenue immobile, coulait à foud len- tement 22 . Digitized by Google 370 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Der Teufel ! hurla le reître, en montrant le poing an batelier. Du me le bayeras, doi ! Et tirant un de ses pistolets des arçons, il le fourra entre sa poitrine et la cotte de mailles, pour qu’il ne fût pas mouillé. — Ah ! le Franciscain ! ajouta Michel en apercevant, de son côté, sur une éminence, le froc brun et le capuchon du moine qui contemplait cette scène. — Savez-vous nager ? demanda Marcel à Castaignac. — Un peu... bien peu, répondit le Gascon tout pâle, quoiqu’il se fût vanté d’avoir pris un bain délicieux dans la Garonne inondant le château de ses pères. — Michel et moi, nous vous aiderons. — Mais moi, Der Teufel! ch’envoncerai c’hèdreunbeu lurd. On voit que, dans cette extrémité, chacun reconnais- sait ce qu’il savait être la vérité. Le Gascon h’était plus vantard, et le reître ne se disait plus si choli homme. — Doue, à la grâce de Dieu ! dit encore Marcel. Aidons- nous de nos chevaux, et tâchons de gagner ce radeau de bois amarré au bord de la rivière. La barque se déroba bientôt sous les pieds des chevaux. Chargés de leurs cavaliers, ceux-ci se mirent à nager. Marcel fut le premier qui, en dirigeant bien sa monture, atteignit le radeau. U se cramponna k l’une des perches courbées eu ber- ceau qui servent k la manœuvre de l’aviron, et s’y hissa ; puis, faisant faire le tour du train de bois à l’intelligente bête, il l’aida k prendre pied sur la rive. Michel et Castaignac avaient imité l’exemple, et se virent bientôt à côté de l’officier des gardes. Restait le malheureux Gargantua. Son cheval était, comme lui, plus lourd que les autres. Aussi n’obéit-il pas àu mors. En revanche, ses larges flancs offraient plus de résistance à l’eau, et il en était porté Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 371 naturellement. Son instinct le fit se diriger droit sur l'tle. Le batelier, voyant arriver sur lui le gros reître, voulut l’empêcher d’aborder, en lui allongeant un furieux coup de sa gaffe. Mais Gargantua avait aperçu le traître derrière un saule, et, au moment où le fer crochu du harpon s’abattait sur son épaule défendue par la cotte de mailles, un coup de pistolet retentit. Le marinier félon tomba, la tête fracassée. En s’aidant des branches des saules, Gargantua put enfin atterrir ; après quoi, il tira son cheval à lui. — Ah ! mein Gott , où est mon bedit Marcel ? Ce fut la première préoccupation du digne capitaine. La deuxième fut plus égoïste. — Der Teufel ! marmotta-t-il après avoir jeté les yeux tout autour de lui et avoir reconnu avec joie l’officier des gardes sur l’autre rive. Der Teufel! me voilà dans une île . téserte... Bas le moindre bnchon ! Marcel et ses deux compagnons étaient tout aussi en peine de leur ami, que Gargantua lui-même. On ne voyait âme qui vive à la ronde. Le Franciscain même avait disparu. Comment faire? Comment délivrer le pauvre diable ? Michel finit par découvrir à quelque distance de l’endroit où ils étaient, derrière un tournant muni d’une estacade, un bateau de dimension convenable pour pouvoir y risquer le sauvetage du nouvel Ulysse, qui se lamentait dans son île, si dépourvue de toute Calypso. On laissa pâturer les chevaux, et les trois amis se mi- rent à ramer vers le lieu où l’infortuné reître lançait dans les airs tous les jurons de son vocabulaire tudesque. On n’y aborda qu’après mille difficultés, car il avait fallu re- monter le courant. Gargantua ne se calma que lorsqu’il se revit sur la terre ferme, et son premier soin fut de se jeter sur la valise de Digitized by Google 372 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Michel, qui, ce jour-là, avait été chargé des provisions de route. Dieu sait avec quelle avidité il dévora la moitié d’uu gigot, pour se remettre en son état normal après la vio- lente crise qu’il venait de subir. Le soleil avait reparu, et grâce à ses rayons on put se sécher, tout en déjeunant. On espérait atteindre dans la journée encore la grande et célèbre ville de Magdebourg, mais un nouvel incident fit que le galant Gascon ne voulut jamais consentir à con- tinuer la route ce jour-là. Comme on approchait d’une maison rustique d’appa- rence assez aisée, on entendit des cris de femme en dé- tresse. Les cris partaient d’une avenue de vieux ormes qui con- duisait à cette maison, dont les bâtiments à toits d’ardoise se voyaient à l’entrée d’un jardin. Nos amis s’élancèrent vers l’avenue et aperçurent une femme dont la monture se livrait à des bonds extravagants, et menaçait de la jeter dans un marécage qui bordait l’allée. — Hé! milladious, s’écria la Gascon en brochant vive- ment son cheval, c’est la dame à la haquenée blanche, la châtelaine de ces lieux!... Je reconnais son voile vert. Ses compagnons le suivirent, Marcel et Michel en riant, Gargantua en tempêtant; ce dernier avait remarqué un peu plus loin une auberge dont l’enseigne se balançait gra- cieusement, comme pour l’inviter à venir se restaurer. Castaignac eut bientôt saisi la bride de la capricieuse monture, qu’il maintint en respect, puis, sautant à terre, il ploya le genou à la façon des chevaliers d’autrefois, et tendit son bras resté libre vers la dame couverte de son voile . — O belle et ravissante Oriane! s’écria le cadet de Gas- cogne, qui faisait de VAmadis de Gaules sa lecture favo- rite, et qui, malgré son âge déjà respectable, se prenait Digitized by Google t L’ABBESSE DE MONTMARTRE 373 volontiers encore pour le Damoysel de la mer ; — ô beauté accomplie, divine fleur des jardins Scandinaves! le ciel m’a permis de vous retrouver... Ah! ne détournez point la tête avec cette aimable pudeur vos soupirs ont été droit à mon tendre cœur... — Ah ! Gott im Himmel! murmura la belle. — Daignez, continua le galant, abaisser sur votre fidèle chevalier du Lion le doux rayon de vos prunelles il en est digne, je vous le jure, et si vous n’en étiez point con- vaincue, céleste fille de Brisène, mettez à l’épreuve celui qui meurt à vos pieds adorables. — Ah! soupira encore la dame voilée. — Dites un mot , divinité incomparable, et pour vous j’irai conquérir .a Terre Ferme ! et dans le palais d’Appo- lidon, je déroberai l’arc qui sert d’épreuve aux loyaux amants... Je vous protégerai contre toutes les entreprises de Ciladant et des autres géants, ainsi que contre les em- bûches de l’enchanteur Arcalaüs... Ne craignez point sur- tout que j’aille vous trahir jamais pour votre rivale Briolanie ! Nouveau soupir de la part de l’inconnue, mais soupir de joie et de contentement. — Que plutôt cette Colicheraarde de mes nobles aïeux me perce le cœur, poursuivit le vieux Céladon, ou que j’aille faire pénitence à l’ermitage de la Roche Pauvre !... Rendez-vous aux vœux les plus ardents de votre chevalier, ô chaste et douce Damoyselle de Saxe ou de Danemark ! et courons vers l’ermite Nascian, pour qu’il bénisse notre union. — Digne paladin! répondit en français la dame, mais avec un accent tout aussi prononcé que celui de Gar- gantua; noble étranger, dont les paroles mélodieuses ont touché mon âme, lorsque je vous ai vu dans la prairie émaillée, vous êtes bien, je le vois, la fleur de la chevalerie française. Comme vous, j’ai le cœur tendre, et mes larmes Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE HTl ont coulé maintes fois en lisant le récit des araonrs d’Oriane et du Beau Ténébreux... Mais, avant d’aller de- mander sa bénédiction à l’ermite Nascian il nous faudra implorer le consentement d’un frère barbare, chef de ma famille. En attendant, bel étranger, daignez, avec les preux, vos compagnons, recevoir l’hospitalité sous mon toit! — L’hosbidalité! s’écria le reître. Che veux pien, moi ! Pon vin et ponne dable, ça me vas duchurs. Marcel avait fait tous ses efforts pour ne pas éclater de rire. La haquenée blanche n’était autre chose, en effet, que l’âne gris qu’il avait distingué ; et si le visage de la dame voilée répondait aux formes anguleuses de son corps, à sa taille d’autruche, à ses longs bras maigres, à la peau de parchemin de ses grandes mains, à ses doigts osseux, elle ne devait ressembler arien moins qu’à la princesse Oriane, la passion du Beau Ténébreux. Il fallait que l’imagination du cadet de Gasgogne fût pro- digieusement complaisante, pour prendre cette grande et sèche Dulcinée pour une Vénus, et son âne pour une ha- quenée. Mais l’amour fut toujours aveugle... Toutefois, tandis que la dame se dirigeait vers la maison sur son baudet redevenu docile, Marcel insista vi- vement auprès du Gascon sur la nécessité, pour le service du roi, de précipiter leur voyage et de ne point s’amuser en route à des intrigues galantes. Castaignac ne voulut rien entendre. Le voraCe Gargantua s’était du reste mis de la partie. Il prétendait qu’il ne fallait jamais refuser l’olfre d’une bonne table suivie d’un bon lit, et l’officier des gardes finit par se rendre aux doubles vœux de l’amour et de la gour- mandise. Quand la dame se dévoila et montra son visage de vieille fille, où déjà la patte d’oie commençait à poindre, Marcel et Michel en furent épouvantés pour elle-même, croyant Digitized by Google L’ABBESSE UE MONTMARTRE 373 que le chevalier, à cet aspect, allait s’enfuir éperdu et mortifier la pauvre demoiselle. Mais le Gascon parut, au contraire, émerveillé, et le reître, qui avait déjà visité la cuisine et tenait à la main une moitié d’oie fumée, jura qu’il n’avait chamais fu une si pelle fâme. Tous deux voyaient à travers Je prisme de leur passion naturelle. Avant comme après le dîner, le chevalier joua de la mandoline et chanta toutes les romances et chansons du temps, celles de du Bellay et de Baïf, de Passerat et des de La Taille. La poétique Allemande, la tendre et impressionnable Célina — c’était le petit nom de la quadragénaire — se li- vrait à tout le charme des effets mélodieux du romanesque Gascon. Elle poussait des ah! sans nombre, mouillait de douces larmes son mouchoir blanc, et son œil bleu, plein de langueur, ne pouvait se détacher de son Amadis. La nuit se passa, pour elle et le cadet de la Garonne, en rêves délicieux. Ils se voyaient déjà unis et roucoulant en- semble le reste de leur vie. — Une princesse déguisée! se disait Castaignac. Au moins une duchesse!... Quels yeux admirables! Quelle taille!... Un frère barbare, m’a-t-elle dit, dont il faudra implorer le consentement... Sans doute quelque roi tyran qui, par crainte d’un beau-frère entreprenant ou de ne- veux ambitieux, l’a reléguée loin de la cour, dans celte contrée retirée... Ah! tu iras lui parler, à ce frère inhu- main, et tu t’engageras, sur l'antique honneur des Cas- taignac, à le laisser jouir tranquillement de sa couronne!, ne lui demandant... Que lui demanderas-tu, mon fils? Presque rien... un château et un apanage pour toi et ton Oriane adorée. Dès l’aube, le Gascon fut debout, sous la fenêtre de sa princesse, à pincer de sa mandoline... Cette fenêtre s’ou- Digitized by Google 376 L’ABBESSE DE MONTMARTRE vrit alors tout doucement, et une main furtive lui jeta un billet ainsi conçu O le plus aimable des chevaliers! toute la nuit j’ai pensé à vous... Mais je crains les indiscrétions de mes gens, qui pourraient prévenir un frère sévère, et je n’ose plus vous revoir, de peur de trahir mes sentiments... Partez pour Magdebourg, où vous suit le cœur de votre Célina, en attendant qu’elle-même vous y rejoigne... Lo- gez-vous à rhôtellsrie de la Ville de Brunswick, où dès ce soir une messagère fidèle vous donnera de mes nou- velles. A vous pour la vie! Votre CÊLiNA. » \ — Ah! noble damoyselle, adorable Célina! s’écria le chevalier en couvrant de baisers le tendre poulet. La Ville de Brunswick sera pour Castaignac l’Àpollidon d’Amadis, et Magdebourg verra son bonheur. L’ârie gris s’étant mis à braire en ce moment , le nou- veau Don Quichotte se tourna vers l’étable. — O blanche haquenée de ma princesse! dit-il, toi qui déjà hennis de plaisir d’avoir à transporter ta maîtresse auprès de son armeret chevalier, tu lui diras que mon im- patience égale au moins la tienne... Adieu! ajouta-t-il, en envoyant un baiser vers la fenêtre mystérieuse qui lui ca- chait le séjour de la beauté. Ses compagnons, éveillés par le son de la mandoline, le rejoignirent bientôt. On remonta à cheval, et par l’avenue on regagna la route. Gargantua fermait la marche, ayant pendu d’un côté de la selle un jambon, de l’autre deux canards rôtis, dons de la prévoyante châtelaine. Dans ses mains, il tenait un flacon d’eau-de-vie de Dantzig, précieusement enveloppé de paille. Ce fut là le déjeuner de nos voyageurs après une heure Digitized by Google L'ABBESSE l>e Montmartre 377 de marche, et vers midi ils firent leur eutrée dans la for- midable place de Magdebourg. Formidable en effet I Murailles épaisses et élevées, tours, bastions, galeries couvertes, ouvrages tenaillés, ravelins, contre-gardes et lunettes défendaient ce boulevard du pro- testantisme. Magdebourg devait résister à Wallenstein, en triomphant d’un des plus mémorables sièges de ce temps, pendant la guerre de Trente Ans , mais elle finit par succomber sous les coups du général et ancien jésuite ïilly, qui la saccagea et en fit un monceau de cendres. La ville est jetée sur l’Elbe, qui la divise en plusieurs parties avec ses trois bras . Ses rues étroites et tortueuses, ses maisons à pignons et à sculptures en font une vraie cité du moyen âge, dont les traditions s’y sont conservées comme on va le voir. En effet, toute la population semblait être debout, quand nos cavaliers y pénétrèrent, et ceux-ci eurent quelque peine à avancer au milieu de ces flots humains qui criaient — Vivat! vivat! Vivat! c’est le cri de fête allemand, c’est notre Noël / français. D’autres ajoutaient avec force gestes — Gourons! courons!... Déjà le cortège doit être sorli de l’Hôtel-de-Ville. Et l’on se poussait, on se rudoyait chacun voulait jouir du spectacle. Gargantua s’informa de l’auberge de la Ville de Bruns- wick. Un jeune garçon lui répondit — Suivez la foule! On se rend de ce côté. Ce n’est pas loin. — Il y a donc une cérémonie dans la ville? demanda le reître, employant cette fois sa langue maternelle. — Oh ! une belle et curieuse cérémonie! — Quelque fête ou farce, mon petit? H 23 Digitized by GoogI 378 L’ABBESSE UE MONTMARTRE — Une drôle de farce! Vous allez bien rire. — Rire de quoi? — De sa figure, lieber Herr! — De quelle figure? — Celle du condamné. — Ah! il y a un condamné... au gibet peut-être? dit Gargantua, qui ne put s’empêcher de faire une grimace au souvenir de la pendaison dans laquelle il avait failli, à Turin, jouer le principal rôle — Oh! non, répondit l’enfant. Mais le Henker pendeur, bourreau y sera, monsieur le bailli aussi, ainsi que le bourgmestre et les Schoeppe échevins. — Que lui fera-t-on alors, au condamné? — On le promène par la ville. Mon père m’a raconté avoir déjà vu le spectacle il y a une vingtaine d’années. — Quel est donc ce spectacle? — Celui d’un sorcier, mein Herr. — D’un sorcier!... Ah, 1er Teufel! Il n’aimait ni les sorciers ni les sorcières, notre naïf Gargantua, qui ne pouvait oublier les transes cruelles que .ui avait causées si longtemps la vieille Hexe de son vil- lage, avec ses prédictions sinistres. — Mais enfin, que lui fait-on, au sorcier? demanda-t-il encore. — Ou lui fait faire d’abord amende honorable devant le portail de la cathédrale de Saint-Maurice, puis on le con- duit par toute la ville... Oh! c’est une vieille coutume que vous devez connaître. — Moi? pas du tout. Je n’ai jamais vu cela. — Vous êtes Allemand pourtant? — Non... c’est-à-dire si... ou plutôt non! cela dépend. — Ne savez-vous pas que c’est de même dans la plu- part des villes ? Dans toute l’Allemagne, ui’a dit mon père, cette cérémonie existe. — La cérémonie du sorcier? Digitized by Google L’ABBESSE 1E MONTMARTRE 379 — Vu tailleur et du bouc . — Explique-moi cela, petit. — Pardon, me in herr! mais je veux voir la ligure de meister Simon Grob devant la cathédrale, et en me faufi- lant dans la foule, j’avancerai plus vite que vos chevaux... Guten Abend, bonsoir, me in Herr! Et le petit bonhomme de se glisser entre les jambes des gens, pour arriver plus vite et jouir d’une des scènes les plus intéressantes de la fête. Les quatre cavaliers finirent par arriver à l’hôtellerie de la Ville de Brunswick , sur la place du Marché, laquelle était ornée de la statue de l’empereur Othon l r , mort eu 973 et enterré dans la cathédrale. Othon le Grand avait fait de Magdebourg sa résidence, en y fondant un archevêché, érigé en primatie d’Allemagne par le pape Jean XIII. A peine Marcel et ses amis, après être descendus de cheval, furent-ils installés à la fenêtre d’une tourelle de l'hôtellerie, en forme de lanterne, qui s’avançait en saillie sur la place et où plusieurs autres personnes s’étaient déjà rendues pour jouir du spectacle, que la tête du cortège dé- boucha par une rue voisine. Des archers aux couleurs de la ville ouvraient la mar- che ; puis venait un héraut qui publiait l’arrêt du Tribunal des Èchevins. Ce Tribunal des Echevins de Magdebourg avait une grande renommée. Pendant longtemps il jouit, dans toute l’Allemagne, d’une haute considération ; le Code de Mag- debourg avait été adopté par beaucoup de villes. Après le héraut s’avançaient les ménestrels, jouant des airs burlesques. Ensuite marchaient le bailli et ses greffiers, le bourg- mestre et les èchevins. Enfin le bourreau conduisant un bouc noir. Digitized by Google 3S0 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Sur le bouc était juché le prétendu sorcier, tourné vers la queue, qu’il tenait à la main. C’était un vieux tailleur aux jambes cagneuses, étique, contrefait, biscornu, racorni et recroquevillé, tel que l’a- vaient rendu l’aiguille, les ciseaux, le fer à repasser et son attitude invariable sur l’établi. Il faisait, sur son bouc, la plus grotesque mine qui se pût voir. Tandis que le peuple le huait, et que de temps en temps le bourreau le houspillait avec une verge, sur ses traits se lisaient toutes les passions irritantes de l’fime la colère, la vanité blessée, la confusion, le mépris, la menace, la révolte intérieure contre les traitements humiliants qu’on lui faisait subir. Chacun se montrait l’écriteau que l’on avait attaché sur le dos du tailleur-sorcier. Sur cet écriteau étaient tracés • ces mots en grosses lettres VOLEUR, MENTEUR, ORGUEILLEUX! Gargantua expliqua à ses compagnons la signitication des mots allemands, et ce qu’il entendait raconter autour de lui sur le tailleur condamné à cette promenade infa- mante, seule peine que l’on appliquât encore daus Magde- bourg protestant. Un siècle auparavant, on l’eût pendu comme sorcier; maintenant tout se bornait à la cérémonie humiliante et auxeoups de verge du Henker. Mais comme cette humiliation le faisait souffrir, notre orgueilleux tailleur ! Or, voici quelle était la cause de la condamnation de meister Simon Grob. Il y avait longtemps qu’on le disait sorcier, allant au sabbat, ayant fait un pacte avec le diable, jetant des sorts et des maléfices, se livrant à des pratiques et à des mani- gances secrètes. Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 3S1 On sait d’ailleurs qu’en Allemagne, pendant tout le moyen âge, cette accusation de sorcellerie fut dirigée par la superstition populaire contre ceux qui exerçaient l’art de vêtir leurs semblables. Aucun artisan, en effet, ne pouvait prêter à ces suppo- sitions plus que le tailleur. Accroupi dit matin au soir dans son coin, sur l’établi, presque toujours silencieux, semblant rouler dans la tête, pendant son travail routinier, des pensées méphistophéliques ou au moinsd^une métaphysique louche et suspecte, poussant son aiguille d’une façon aussi bizarre que la manière dont il est assis, lançant parfois, sur ceux qui passaient devant son échoppe, un regard en des- sous avec quelque parole caustique ou envieuse, cet homme devait naturellement être soupçonné de rapports secrets avec le monde invisible, et de se livrer, araignée dans son • trou, à des sortilèges démonomanciens. Mais à l’époque où se passe notre récit, la croyance aux sorciers commençait à se perdre parmi les libres penseurs et les magistrats protestants de l’Allemagne, et il est probable qu’on n’eût pas inquiété le tailleur Simon Grob pour ses prétendus maléfices, si lui-même, par ses défauts et surtout par son entêtement, ne se fût attiré le cruel dé- boire dont il souffrait en ce jour. — Et comment cela? demanda Marcel. — Il avre, disent-ils, dravajllé longdemps pour le bourg- mestre Kraus, le ministre Thadcus et 1 ’amtmann Mclchior, gui est le bailli du bavs, répondit Gargantua. — Il a habillé le bourgmestre? Quel honneur! — la , ia , mais il lui avre volé une aune de drap. — Ah ! peste !... c’était un crime. — Le bourgmestre Kraus, lui, avre vulu dut de suile le faire gondamner gomme voleur et Hexenmeister sorcier. — Il n’y allait pas de main morte, monsieur le bourg- mestre. — No, no, mais gomme le dailleur dravaillait en même Digitized by Google 38t> L’ABBESSE DE MONTMARTRE deinps pur le ministre et le bailli, eux n’avre bas vulu. — Fort bien le tailleur se moquait lu bourgmestre. — la, ia, le ministre Thadeus, il avre grossi beaugup. et le dailleur, qui voulait rogner du drap bur s’en faire un bonnet, a fini par mégondender le ministre. Alors, le mi- nistre aussi s’est mis gondre lui. — Ah ! cela se gâtait. Mais il y avait toujours le bailli. Et c’est le bailli qui informe, juge et condamne. — la, ia, et le bailli ne vulait ducburs bas. — Le tailleur continuait à narguer le bourgmestre et le ministre ? — la, ia, mais voilà qu’à son dur le bailli Melchior se fâcha dut ruge. — Diable'... Et pourquoi, s’il vous plaît? — Baroe que le dailleur dit un jur au bailli, qui se blaignait d’être gêné d’un gôté, que les deux gôtés édaient bareils; mais le bailli voyait pien gu’il y en avait un blus étroit que l’audre et gue ça le rendait bossu gomme le dailleur. — 11 mentait, le tailleur. — la, ia, et il finit bar dire avec golère gu’il savait son médier, et que dut le monde édait goudrefait gomme lui. — Orgueilleux et insolent !... Que fit 1§ bailli? — L ’amtmann se raneha du gôté du bourgmestre et du ministre... Et voilà burguoj Je dailleur fut gondamné gomme sorcier, mais avec l’égriteau que vus savez... C’est bienfait! der Teufel! Voleur, mendeur , orgueilleux! — Mais le bouc noir, capitaine ? — Le bue noir, il rebrésende le tiaple. Gargantua finissait à peine ses explications un peu em- brouillées, lorsque des archers de la ville envahirent tout à coup la salle dont nos amis occupaient la tourelle. En même temps, un homme en costume de paysan, à cheveux et à barbe fauves, montrait du doigt les Français- — Les voilà! cria-t-il en allemand. Digitized by Google 1 L'ABBESSE DE MONTMARTRE 383 VIII LE BOURGMESTRE DE MAGOEBOURG ET LE GATEAU A’ X OIGXONS. — Le carme ! le franciscain ! s’écria Michel en s’élan- çant, le poing levé, sur l’homme à la barbe fauve, qui s’enfuit aussitôt. Déjà du reste les archers avaient entouré le colosse et ses trois compagnons. — Point de résistance! dit le sergent en sortant un pa- pier aux armes de la ville. Voici l’ordre du bourgmestre. Michel eût bien voulu jouer du bras, Gargantua de son schwert , pour se frayer un passage. Mais à quoi cela eût- il servi? Us étaient au milieu de Magdebourg; on les eût bientôt rattrapés ou arquebusés. Gargantua grondait sourdement comme un boule dogue tandis qu’on le désarmait, ainsi que ses amis. On conduisit les quatre Français à l’IIôtel-de— Ville , où ' ils durent attendre lu fin de la promenade du bouc et du tailleur. Le bourgmestre Kraus les tit alors comparaître en sa présence. C’était un gros petit homme à la face cramoisie, mais qui, grâce à son air patelin, avait su gagner l’ami- tié des Magdebourgeois et s’élever jusqu’à la première ma- gistrature urbaine. Il leur apprit qu’ils étaient accusés de meurtre sur la persoune du batelier Tell, patron d’une barque sur la ri- vière de Bude, et qu’on allait instruire leur procès. Digitized by Google 384 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Survint aussi le bailli Melchior, avec son greffier. On procéda à un premier interrogatoire; et bien que Gargantua, au nom de ses compagnons, fît connaître la conduite et la trahison du batelier, on les maintint en état d’arrestation- Le bailli était un grand blond aux yeux bleus, qui affec- tait des airs fort sévères et le ton d’importance qu’exigeait sa charge. Il dit aux accusés que leur devoir eût été de venir à Magdebourg déposer une plainte contre le marinier, mais que ce n’était pas à eux de se faire justice. Il ajouta, en donnant l’ordre de les mener en prison, que celte affaire leur coûterait cher, que les lois du pays voulaient qu’ils payassent de leur vie l’homicide commis. — Mais, ajouta le bourgmestre de son air doucereux, si ces Herren français ne professent pas la religion réformée, on pourra faire venir du Brandebourg un prêtre romain pour les assister à leurs derniers moments. — Ah ! der Teufel ! vociféra Gargantua sans le moindre respect pour les deux magistrats. Il beut pien resder où il est, le frogard ! — Nous sommes, du reste, humains, reprit le bourg- mestre avec un sourire mignard, et si ces Herren ont une grâce à nous demander avant l’exécution, nous la leur accorderons. — Eh bien 1 s’empressa de crier le reître, laissez-nous bardir. C’est dut ce que nus demandons. — Sauf cela, répliqua le bailli d’un ton rogue cette fois, on satisfera vos désirs. Mais avant tout, tâchez de prendre un maintien plus en rapport avec votre position et le sort qui vous attend. Abstenez-vous surtout de jurer, si vous voulez qu’on ait quelques égards pour vous. — Y a-d-il du moins de guoi mancher et poire dans votre brison? demanda Gargantua, qui n’oubliait jamais son ventre. • • — On vous servira suivant votre degré de soumission et la conduite que vous tiendrez. Digitized by Google L’ABBESSE DK MONTMARTRE 385 — Oh! chesuis dux gomme un mudon, répartit Je reître, tranquillisé par ces paroles. Les archers conduisirent Marcel et ses amis à la prison de la ville. Cette prison n’était pas encore celle où plus tard fut en- fermé le fameux baron de Trenck. La forteresse nommée l'Etoile, où séjourna le baron, ne fut construite que sous Frédéric le Grand par le général Walbrane, qui y fut éga- lement détenu. Les quatre Français furent claquemurés dans une tour élevée aux murailles épaisses. Michel inspecta les quatre coins de la chambre. Il ne fallait pas songer à la fuite. La fenêtre percée dans le mur avait deux barreaux gros comme le bras, et l’Elbe roulait ses Ilots au bas de la tour. L’hercule, aidé de Gargantua, eût bien essayé de briser ou de desceller les barreaux, et peut-être il y fût parvenu ; mais derrière la solide porte, bien verrouillée, se promenait un arquebusier, et à tout moment celui-ci regardait dans la chambre par un petit guichet pratiqué dans cette porte. Les prisonniers avaient été prévenus qu’à la moindre tentative de fuite, le factionnaire avait ordre de tirer sur eux. Us furent donc obligés de se résigner au sort fatal qui les attendait. La première nuit qu’ils passèrent dans le cabanon fut des plus tristes. A la veille de retrouver Alice, sa fiancée, et de pénétrer dans ce Brandebourg où il avait espéré mener promptement àbonne fin l'importante affaire dont la réussite devait com- bler de joie son roi et changer bientôt la face de l’Europe, Marcel se voyait arrêté et menacé d’un trépas ignominieux. Aussi ne put-il fermer l’œil que bien tard. Le chevalier de Castaignac, de son côté, ne cessait de pousser des soupirs et de se lamenter. U songeait à sa Il 43. Digitized by Google 386 L'ABBESSE DE MONTMARTRE Célina, à son adorable princesse; tous ses rêves d’or s’éva- nouissaient. — Mordious ! se disait-il, échouer en arrivant au port !... Mourir au moment même où la beauté et la fortune me souriaient enfin!... Ah! mon pauvre Castaignac, je te plains tu n’es décidément pas né sous une heureuse étoile, sans quoi depuis longtemps déjà ta bonne mine ou ta vail- lante Colichemarde t’eussent conquis un royaume ! Gargantua, lui, dormait, mais il avait le cauchemar. U revoyait devant lui Matteo Ruffio, l’aimable bourreau du duc de Savoie, qui prenait sa revanche et le pendait bel et bien. Michel seul goûtait un véritable sommeil. Le calviniste de Pailhat avait recommandé son âme au Seigneur, avant de s’endormir. — Ah ! 1er Teufel!' fit tout à coup le reître d’une voix étranglée, comme s’il eût senti la corde de chanvre lui serrer déjà le cou. Le Gascon, qui venait de s’assoupir à la fin, en fut ré- veillé en sursaut. 11 se mit sur son séant... mais tout aussitôt il referma les yeux, comme ébloui. Un rayon de lumière venait de le frapper eu plein visage. — Ciel ! s’écria-t-il en étendant les mains, est-ce une illusion de mes sens? L’enchanteur Arcalaüs exercerait-il sur moi ses charmes magiques?... Oriane! divine Oriane ! est-ce vous ou seulement votre ombre? — C’est bien moi, cher et infortuné chevalier ! répondit une Voix langoureuse. C’est moi, votre Célina bien-aimée, qui viens jusque dans cet affreux cachot vous apporter consolation et espoir. — U serait possible ! dit le chevalier en se levant tout à fait de la couchette, sur laquelle il s’était jeté sans se déshabiller. Le ciel propice à nos amours vous a-t-il rendue invisible, ô ma Célinn, pour vous permettre dp Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 387 pénétrer en ces lieux, malgré les féroces gardiens et peut-être les monstres et les dragons qui y veillent? — Ces monstres et ces dragons sont au service du tyran, mon frère. — Milladious ! que dites-vous là? C’est le bailli de Magdebourg qui nous a fait enfermer dans cette tour. — Mon frère, c’est le bailli. 7 / — Ce grand blond fadasse ?... — Hélas ! oui, cher et tendre cœur. , — Vous êtes la sœur du bailli? — Célina Melchior est mon nom. L’ambitieux Gascon tombait du haut de ses rêves. Quoi ! sa princesse n’était que la sœur d’un obscur bourgeois, d’un bailli de ville ! Son premier mouvement faillit lui faire repousser loin de lui, avec une indignation superbe, cette fausse Oriane qui avait surpris son cœur. L’aspect du cachot, en le rappelant à sa triste situation et à celle de ses amis, fit surgir en son esprit une pensée plus habile. Il résolut de profiter de la passion sentimen- tale de l’Allemande, pour préparer le salut. Mais la sœur du bailli y avait déjà songé. — Beau chevalier, dit-elle, j’ai quelque empire sur mon frère, et je m’en servirai pour vous faire rendre à la li- berté. Déjà, comme vous le voyez, il a accédé à mes désirs, en me laissant venir vous visiter. — Que me disiez-vous donc, charmante Célina? Votre frère, suivant vous, était un sévère tyran. La vieille tille, imbue des romans chevaleresques, n’avait voulu que se rendre intéressante, en cherchant à faire accroire qu’elle était sous la domination d’un maître dur et violent. Ne faMait— il point qu’elle parût être une pauvre persécutée comme les princesses infortunées, jadis enfer- mées dans une sombre tour ? Le fait est que c’était au contraire Jungfrau Célina qui Digitized by Google 388 L'ABBESSE DE MONTMARTRE tenait le sceptre dans la maison du célibataire Melchior, Yamtmann de Magdebourg. Non-seulement elle était libre de ses volontés, mais encore son caractère despostique et acariâtre faisait plier comme un roseau le doux bailli, qui n’osait prendre un ton plus élevé et conforme à ses fonc- tions que lorsqu’il était hors de sa maison. Célina, la douce et tendre colombe, était une vraie Xantippe, rêche et impérieuse pour le pauvre bailli, son frère. — Las! répondit-elle à l’observation du chevalier, mon frère est véritablement un tyran pour moi, en ce qui con- cerne les sentiments du cœur, qu’il ne comprend pas. Mais quant à tout le reste, il s’empresse de se rendre à mes vœux. Elle dit alors à Castaignac d’avoir bon espoir. Le bailli lui avait promis de ne point les condamner, mais de les rendre à la liberté. Il est vrai que le bourgmestre paraissait avoir pris celte affaire fort à cœur ; il prétendait, avec son air patelin et tout mielleux, qu’il était nécessaire de donner un exemple de sévérité à ces aventuriers étrangers, trop licencieux pour la plupart, qui traversaient le pays. Or, il fallait que le bailli eût l’air de se livrer à une ins- truction longue, et minutieuse, afin d’avoir le droit de dé- clarer à la fin qu’ayant bien approfondi la chose, il ne pouvait, en sa conscience, condamner des gens qui n’a- vaient tué le batelier que dans un cas de légitime défense. Les prisonniers devaient donc prendre patience, et ne point s’affliger d’une longue détention qui tournerait à leur avantage. On leur adoucirait, du reste, autant que pos- sible, les rigueurs de la captivité. Marcel, Michel et Gargantua s’étaient éveillés et écou- taient en silenee. Quand la sœur du bailli, à l’apparence si sentimentale, pnt congé de son adoré chevalier, on la remercia avec Digitized by Google 1,' ABBESSE DE MONTMARTRE 38* effusion de son intervention venue si à propos pour tirer d’inquiétude les captifs. Elle quitta le cabanon, non sans jeter encore sur son Amadis grisonnant un long et tendre regard. Tout se passa heureusement comme l’avait promis Célina. Seulement la détention dura plus d’un mois. Dès le lendemain, lorsque le bailli Melchior se présenta, il se montra d’une humeur toute différente de celle qu’il avait affectée à l’Hôtel-de-Ville, devant le bourgmestre. Les interrogatoires qu’il fit subir aux accusés furent affables, amicaux même. Il allait au-devant de leurs expli- cations, leur facilitait la défense, et quand ils furent con- frontés avec l’homme à la barbe fauve qui les avait dénon- cés au bourgmestre, il aida à la confusion de ce dernier, qui finit par avouer qu’il avait porté l’habit de moine fran- ciscain le jour du crime. Ce fut bien autre chose alors. Le bailli, qui détestait intérieurement le bourgmestre Kraus, commença en secret une enquête contre ce magis- trat, et, au bout de six semaines, le jour même où il dé- clarait absous les quatre Français, il se livra devant le Tribunal des Echevins à une violente sortie contre le pa- telin et cauteleux magistrat de la cité. Il le signala comme un allié des Pfaffen prêtres romains et hostile aux ten- dances françaises que commençait â manifester l’Allemagne protestante. L'amtmann Melchior n’eut aucune peine à jeter tout l’odieux de la poursuite contre ces gentilshommes dévoués à Henri IV, sur un affidé des jésuites, que compromettaient plusieurs écrits trouvés chez lui, et le bourgmestre Kraus fut décrété d’accusation. On rechercha le paysan dénonciateur, que les Français déclarèrent être le même que celui qu’ils avaient déjà rencontré plusieurs fois sur leur route, chaque fois sous un costume différent, et au momeut où ils allaient être Digitized by Google 390 L'ABBESSE DE MONTMARTRE l’objet d’une attaque ou d’un attentat perfide. Ce paysan était indubitablement un agent de la Compagnie de Jésus. Mais l’émissaire du père Daubiguy — car ou a dû de- viner que c’était lui — avait disparu. La sensible et romanesque Célina avait été voir plusieurs fois à la tour son cher Amadis, et elle avait eu soin que rien ne manquât à lui et à ses compagnons. Elle mit la maison du bailli sens dessus dessous, le jour où les portes de la prison s’ouvrirent devant les Français. Elle voulait qu’ils demeurassent chez elle jusqu’à la céré- monie du mariage, dont elle prétendait faire publier les bans dès le dimanche suivant. Mais le Gascon, revenu sur le compte de sa princesse quadragénaire, et ayant fini par convenir avec Marcel que la prétendue haquenée blanche n’avait été réellement qu’un âne gris, ne fit aucune difficulté de suivre ses amis, qui l’entraînèrent le lendemain matin à l’hôtellerie de la Ville de Brunswick, où étaient restés les chevaux. On les fit seller promptement, et comme le bailli avait fait rendre leurs armes à nos quatre amis, ceux-ci se hâtèrent de décamper sans tambour ni trompette, se préoc- cupant peu des lamentations auxquelles dut se livrer l’inconsolable Oriane. Le dithyrambique Gascon crut pourtant devoir chanter les louanges de la sentimentale Célina, dont la belle passion les avait tirés de ce mauvais pas ; mais il reconnaissait, en soupirant, que les baronnes allemandes à marier ne pous- saient pas plus aux branches des arbres que les duchesses françaises. Le surlendemain, on fut en vue de Brandebourg, la ca- pitale du margrave Jean Sigismond. Comme le cœur battait à Marcel!... Il respirait le même air que sa fiancée. Mais où était Alice ? Le margrave ac- cueillerait-il favorablement sa double demande, politique et amoureuse? Son cœur lui disait Oui. Digitized by Google I/ABBESSE DE MONTMARTRE 391 Cependant il était plus inquiet que jamais. C’est l’ordi- naire quand on approche du but. — Eu avant ! cria-t-il à ses compagnons en apercevant, au loin, la vieille cathédrale qui dominait la ville. Nos amis sortaient du petit village de Hekahn, quand, au delà de la dernière maison, qui était une auberge portant l’enseigne du Cygne blanc , ils virent la route barrée par une énorme voiture de bois qui s’était renversée, et dont la charge entière couvrait la voie. On était sur une chaussée en remblai ; à droite et à gauche, se voyaient des marécages. Impossible de passer avec des chevaux la chaussée était complètement ob- struée. Le voiturier et deux hommes paraissaient occupés à re- charger l’énorme chariot. — Dans un quart d’heure au plus nous aurons fini, cria-t- on aux cavaliers. Patientez un peu... L’auberge du Cygne blanc est renommée pour sa bonne bière de Berlin et ses pâtisseries ; vous y serez bien reçus. — Mais, fit observer Marcel par son interprète Gargan- tua, nous sommes pressés. N’y a-t-il point un chemin détourné? — Ces Herren perdraient certainement une bonne heure à suivre ce chemin, qui tourne derrière la montagne de Harlung, tandis qu’ils n’ont qu’un quart d’heure à prendre patience jusqu’à ce que nous ayons débarrassé la chaussée. Le reître, affriandé par la bière de Berlin et les pâtis- series du Cygne blatte, opina fortement, pour qu’on atten- dît. On se décida donc à entrer dans l’auberge. Au moment où ils pénétraient dans la salle basse, Michel vit, par une fenêtre donnant sur la cour, un cordelier gagner un bois de bouleaux derrière le jardin. Mais il ne put distinguer son visage. — Il y a donc un couvent de eordeliers dans le voisinage? Digitized by Google 392 L’ABBESSE DE MONTMARTRE demanda le pâtre d’Auvergne à l’aubergiste qui servait la bière brune. — Versteh nicht , je ne comprends pas, répondit le caba- retier. Michel, qui avait oublié qu’il était en Allemagne, pria Gargantua de traduire sa question. Mais Marcel se hâta d’intervenir, pour s’opposer à ce que le reître trahît son origine allemande. — Ne jurez même pas, capitaine 1 ajouta-t-il; Si proches du but, ne négligeons pas la moindre précaution. J’ai même eu tort de vous faire parler à ces gens sur la route. — En ce gas, repartit le reître, che va pien mancher, bur ne bas churer. Aussitôt il se jeta sur une assiettée de zwiebel huchen gâteau aux oignons dont on est très-friand en Allemagne, et se mit en train d’en dévorer une énorme tranche. — Ces Herren, demanda l’aubergiste avec un gracieux sourire, n’en mangeront-ils pas aussi? Le gâteau es excellent. — Ia,ia , ne put s’empêche/ d’affirmer Gargantua, pour marquer son approbation. — C’est la renommée ici, insinua à son tour la caba- retière. Le dimanche et les jours de fête, tout Brandebourg vient s’en régaler. — Est-ce que vous parleriez allemand, lieber Herr? de- manda l’homme à Gargantua. Celui-ci, oubliant la consigne, interrompait déjà sa for- midable mastication, pour répondre à l’hôte dans sa chère langue, lorsqu’un coup d’œil de Marcel lui fit mordre de plus belle dans le succulent gâteau aux oignons. — Gombrends bas, mossié! grommela-t-il la bouche pleine, enchanté de faire croire qu’il était Français pur sang et n’ayant pas le moindre accent. Michel, après avoir bu de la bière de Berlin, voulut Digitized by Google L'ABBESSE DE MONTMARTRE 393 comme ses compagnons goûter à la tarte aux oignons- Mais chacun fil la grimace ce mets n’allait guère à leurs palais français. — Allez donc voir, Michel, dit l’ofûcier des gardes, si ces gens ont bientôt fini sur la route. Le pâtre de Pailhat sortit de l’auberge. Deux des hommes seulement faisaient l’ouvrage, mais le plus lentement pos- sible. Quant au voiturier... — Ah ! le brigand ! s’écria tout à coup Michel. Il venait d’apercevoir, sur une éminence à gauche de la route, le moine cordelier, avec qui le voiturier échangeait . des signes. Il voulut s’élancer daus la direction du frocard, dont il avait reconnu la barbe fauve ; mais le marécage était un obstacle invincible. — A la male heure ! s’exclama-t-il en se précipitant dans le cabaret. Il y a un piège ici je viens de voir l’homme à la barbe fauve... Mais qu’y a-t-il donc? Il voyait Marcel et le chevalier s’empresser autour du relire, qui, sans lâcher le reste de son gâteau aux oignons, se tordait de douleur en hurlant — Là... là !... dans fesdomac...laboidrine... ça brûle... Ah ! der Teufel ! — Où sont l’aubergiste et sa femme? demanda Michel, en préparant déjà ses mains aux rudes coups de poing qu’il savait si bien administrer. Mais l’homme et sa digne moitié avaient disparu. — Pauvre ami ! disait Marcel... empoisonné ! — Avec le gâteau aux oignons, ajouta Michel. Ah ! quand tiendrai-je cet homme, ce carme, ce franciscain, ce cor- delier maudit ! Le malheureux Gargantua, victime de sa gourmandise, continuait à se crisper sous les atroces douleurs que lui causait le gâteau empoisonné. Les progrès de l’intoxication étaient rapides déjà il changeait de couleur. Digitized by Google 394 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Comment faire? disait l’officier des gardes... Mais j’y songe, fit-il tout à coup, le flacon de l’abbesse! Il tira aussitôt de son pourpoint le précieux antidote, et desserrant les dents du reître avec l’aide de ses amis, il lui en versa plusieurs gouttes dans la gorge. La liqueur était souveraine, comme l’avait dit Marie de Beauvilliers elle fit bientôt sentir son action bienfaisante, et, au bout d’un quart d’heure, le reître était complète- ment remis. — Dut brêt à regommencer, cria-t-il de sa voix de stentor. — Pas avec ce gâteau toujours, fit Michel. — No, no, der Teufel ! mais je poirais pien de la pière. On ne le permit pas. Gargantua dut souffrir plutôt qu’on lui administrât encore trois gouttes du contre-poison. — A nos chevaux maintenant ! s’écria Marcel. On se remit en selle, et l’on reprit la chaussée. Elle n’était pas tout à fait débarrassée, mais les hommes avaient décampé, et l’obstacle qui restait fut franchi. Une demi-heure après, comme on approchait de la ri- vière du Havel et des premières maisons de Brandebourg Michel se détacha tout à coup de ses amis, sans mot dire. Ces derniers ne s’en aperçurent que lorsqu’il était déjà à cent pas. Ils s’arrêtèrent pour l’attendre. Michel volait sur son cheval vers une fabrique à sa gauche, où, au milieu de toileries blanches suspendues à des piquets, il venait d’apercevoir quelque chose comme un froc gris de cordelier, ceint de la corde blanche. Bientôt on vit reparaître l’ancien pâtre, tenant de la main gauche, par son capuee, le moine à barbe fauve, qui se débattait ainsi qu’un diable le long des flancs du cheval. — Le voilà enfin ! cria-t-il à ses amis, en levant le faux cordelier en l’air comme une plume. C’est bien mon laus- quenet de Turin. Puis, sans même descendre de sa monture, et tenant Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 39 .% toujours le frocard suspendu avec la main gauche, il lui asséna sur le crâne un premier coup de poing qui arrêta immédiatement toute gesticulation. — Qué simple ! fit l’athlète examinant un instant la face du misérable, qui s’était aussitôt couverte d’une pâleur livide. Une deuxième talmouse résonna moins que la première, comme si la boîte osseuse fût déjà fêlée. L’hercule pauma de la sorte deux fois encore. A la qua- trième, la cervelle jaillit. — Assez, Michel, assez! implora Marcel apitoyé. — Oui, il en a assez, dit tranquillement le montagnard auvergnat. Et saisissant à deux mains le corps du bandit, il l’éleva au-dessus de sa tête, le balança un instant dans l’air, et le jeta dans les flots du Havel, qui se refermèrent sur lui. L’abominable lansquenet Claude le Lorrain ne pouvait finir mieux. Heureusement que personne n’avait été témoin de cette prompte exécution. Pour accomplir cet acte de haute justice, Michel avait arrêté son cheval sous des tilleuls qui bordaient la rivière. Marcel et ses amis allèrent s’installer à l’hôtellerie de l'Aigle noir, sur la grande place de Brandebourg. C’est une ville très-ancienne que la capitale du margra-’ viat, le Brennador des Wendes, la plus importante des cités bâties par ce peuple en Allemagne. L’empereur Henri le Boiteux la leur avait enlevée à la fin du dixième siècle. Des margraves, ou comtes des frontières, régnaient là depuis l’empereur Henri l’Oiseleur, qui fonda la Marche du Nord province frontière. •• Parmi eux il y avait eu des Albert l’Ours, des Frédéric Dent de Fer, vrais noms .féodaux ! Une branche de la maison de Hohenzollern tenait alors Digitized by Googl 396 L’ABBESSE DE MONTMARTRE le margraviat; elle devait s’allier un peu plus tard à la fa- mille teutonique de la Prusse ducale, et fonder la dynastie des rois de Prusse actuels. Jean-Sigismond était, comme on sait, le margrave ré- gnant. Sans préambule, Marcel, qui connaissait son margrave, alla le lendemain lui offrir le précieux diamant, volé jadis par le Maltais Matteo Rufio, en échange de son consente- ment à demander le secours de Henri IV , de concert avec le Palatin de Neubourg, pour chasser les troupes d’Au- triche de Clèves et de Juliers. En même temps, il le pria de lui octroyer son aide pour faire mettre en liberté Alice, la fille du comte de Fuentès, détenue par les jésuites au monastère des Carmélites de Spandau. — Qu’à cela ne tienne! s’écria Jean-Sigismond, plein de joie. Puisque le diamant m’est rendu, je n’ai plus besoin des jésuites. Quant au secours du roi Henri IV, il y a lon- temps que je l’aurais invoqué, si ces pajmilts, avec leurs promesses, ne m’en eussent détourné. Pater Geyser, leur provincial, j>eut déguerpir maintenant je lui donne pour cela trois jours, à lui et aux siens. On voit que le margrave ne tenait guère aux saints personnages. Muni d’un ordre du souverain, et suivi d’une bonne escorte pour faire exécuter cet ordre, Marcel se rendit dès le lendemain à Spandau, au couvent des Carmélites. Le désappointement fut cruel. Il y avait deux mois déjà qu’on était venu reprendre aux Carmélites Alice la novice, et l’on ignorait où elle avait été conduite. Seulement la supérieure avait entendu parler de la Pologne à ceux qui étaient venus, de la part du Pater Geyser, extraire du couvent la jeune femme. — En Pologne ! murmura Marcel au, comble du désese poir, après qu’on eut visité le cloître de fond en comble. Digitized by Google L'ABBESSE DK MONTMARTRE 397 S’il n’eût suivi que les impulsions de son cœur, l’officier des gardes se fût remis aussitôt en voyage, pour frapper à la porte de tous les couvents de la Pologne, de la Li- thuanie et de l’Ukraine, depuis Wilna jusqu’à Kiew. Mais chargé d’une mission politique qui ne souffrait aucun re- tard, et dont le résultat était attendu par le roi Henri IV avec la plus grande impatience, il dut renoncer à l’aven- tureuse entreprise et songer à retourner à Paris. La douleur dans l’âme, Marcel rentra à Brandebourg. Il fit connaître au margrave l’infructueux résultat de son voyage à Spandau. — J’aurais dû menacer le père Geyser et même le faire jeter en prison pour savoir de lui où il avait fait conduire votre fiancée, dit le prince, qui s’empressa de lui témoi- gner toute la part qu’il prenait à ses chagrins. Plus tard, ajouta Jean-Sigismond, vous eussiez pu aller jusqu’en Pologne... Mais le provincial a quitté le collège et la ville ce matin, avec tous les siens. Comme Marcel regardait sur la place par une des fenêtres du château margravial, auprès de laquelle il se tenait avec Jcan-Sigismond, il aperçut Michel et Gargantua qui lui faisaient des signes. Ses deux amis étaient avec un personnage qu’il reconnut après quelques minutes d’examen. C’était l’Irlandais O’Vern qu’il avait rencontré à Don- chéry, près de Sedan, quelques années auparavant, lors de l’expédition contre le duc de Bouillon. Presque au même instant se présenta le chevalier de Castaignac, qui, après avoir salué le margrave, dit vivement à l’officier des gardes — Hé ! milladious, venez donc ! Il y a là sur la place un homme qui vous donnera des nouvelles de mademoiselle Alice. — Faites-le monter, monsieur! fit le prince avec cour- toisie. Digitized by Google 30S L’ABBESSE DE MONTMARTRE Bientôt l’Irlandais parut. — Vous sauriez où est ma fiancée ! s’écria Marcel en l’apercevant. Ah ! monsieur O’Vern ! je vous bénirais, si vous pouviez me la faire retrouver. — Je vous devais bien cela, monsieur de Fontaine, ré- pliqua le fils de la verte Crin, à vous qui m’avez tiré de la misère et procuré les moyens de venir jusqu’en ce pays, retrouver ma sœur. Grâce à vous aussi, je pus sauver ma fille malade. — C’est vrai ! C’est donc dans le Brandebourg que votre sœur est abbesse ? — A l’abbaye des Bernardines, près de Potsdam. — Mais parlez vite ! Savez-vous où est Alice? — En traversant la place du château, je reconnus le gros capitaine, en compagnie de M. Michel. Je m’informai aussitôt de vous. — Mais Alice ?... Donnez-moi des nouvelles d’Alice. — Vos amis me firent connaître pourquoi vous veniez de vous rendre au monastère de Spandau... — D’où on l’a enlevée il y a quelques mois. — Par saint Patrick! m’écriai-je, c’est des Carmélites de Spandau qu’on amena à ma sœur, l’abbesse Godeste, de la part du père Geyser, provincial des jésuites, une no\ice qui pleurait fort. — C’était elle ! s’exclama Marcel au comble de la joie. — Elle se nomme Alice, en effet. — Et elle se trouve toujours aux Bernardines? — Envoyé par ma sœur, je venais à Brandebourg pour demander au provincial ce qu’il fallait faire de la jeune femme que rien n’avait pu décider à prendre le voile. — Ah! courons volons à l’abba\e ! s’écria Michel. — Prenez avec vous, monsieur, un détachement de mes hommes d’armes, dit le prince. — Que Votre Altesse se rassure ! fit observer O’Vern. Ma sœur, l’abbesse Godeste, ne refusera point de rendre Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE sa fiancée à ce gentilhomme à qui j’ai tant d’obligations. Marcel et ses amis, ainsi que l’Irlandais, remontèrent aussitôt à cheval et coururent à Potsdam au galop. L’abbesse Godeste, comme l’avait prévu O’Vern, se rendit au vœu de son frère, d’autant plus qu’elle n’avait plus rien à craindre du ressentiment du père Geyser, dé- , sormais expulsé du margraviat. Quelques instants après la fiile du comte de Fuentès était dans les bras de Marcel.... Décrire la joie et le bonheur des deux fiancés, réunis enfin après tant d’années de séparation et de douloureuses aspirations, serait inutile. On devine ce qui se passa dans leur âme, ce qu’ils se dirent, les doux et charmants projets qu’ils formèrent pour l’avenir. Ce fut du reste le sujet inépuisable de leurs entretiens pendant toute la route, lorsqu’après avoir remercié vive- ment l’Irlandais et sa sœur, et pris congé du margrave Jean- Sigismond, qui donna à Marcel, pour Henri IV, la lettre tant désirée, ils reprirent le chemin de la France. On était en plein printemps, à la fin d’avril. Les len- teurs du voyage périlleuxjusqu’à Brandebourg, l’emprison- nement à Magdebourg, les excursions à Spandau et à Pots- dam avaient fait écouler du temps. Il y avait dans le ciel bleu où resplendissait l’astre vivi- fiant, dans les airs peuplés d’oiseaux chanteurs, sur la terre couverte de sa parure printanière, comme un immense concert d’amour, dont l’harmonie ne faisait que répondre à ce que nos deux amants ressentaient eux-mêmes. Ils respiraient avec bonheur les parfums que le soleil pompait, avec la rosée, des champs verdoyants et des halliers en fleur. Le cœur ému, plein d’espérance, Marcel chantait l’hymne au rhythme charmant d’un des poètes de la Pléiade Avril, l’honneur et des bois El des mois; Digitized by Google 4'0 L’ABBESSE DE MONTMARTRE Avril, la douce cspéranee Des fruits, qui sous le coton Du bouton Nourrissent leur jeune enfance! Avril, la grâce et le ris De Cypris, Le flair et la douce haleine; Avril, le parfum des dieux Qui,descieux, Sentent l’odeur deOa plaine. Et les strophes gracieuses n France le bruit se répandait que le roi allait être frappé d’un coup mortel. — Mais c’est horrible ! s’écria Marcel, fortement impres- sionné et ajoutant presque foi, dans sa sollicitude pou- Henri IV, à ces épouvantables détails. Messieurs 1 permettez que je vous quitte. — Déjà ! fit-on. — Je cours à Paris. — Demain matin... — Non, cette nuit même. Tout pâle de ce qu’il venait d’entendre, Marcel se rendit à l’hôtellerie avec Castaignac, le fidèle Gascon du roi, non moins bouleversé que lui. Il fit connaître* à Alice, ainsi qu’au capitaine et à Michel, ce qu’il venait d’apprendre. On résolut de ne goûter que les quelques heures de sommeil cont on avait besoin pour réparer ses forces, et longtemps avant le jour on se remit en voyage, eu laissant derrière soi cette armée frémissante, toute prêle à s’ébran- ler, et à laquelle il ne manquait plus que sou roi, son chef, son père. Il 24 Digitized by Google WG L’ARBESSE DE MONTMARTRE Ce fut un vendredi matin que Marcel, avec Alice et ses compagnons, rentra dans Paris. Marie de Médicis avait été nommée régente* avec un conseil de quinze personnes, pour le gouvernement du royaume en l’absence du roi. La veille, avaient eu lieu à Saint-Dénis le sacre et le couronnement de la reine, sui- vant la promesse qu’elle avait obtenue de Henri IV. L’entrée officielle de la régente devait avoir lieu le len- demain, et Marcel, qui avait pénétré dans la capitale par la porte Saint-Denis, vit en passant les apprêts de la fête que l’on faisait aux alentours de l’Hôtel— de— Ville et du pont Notre-Dame. Dans la foule qui revenait de voir les préparatifs, il en- tendit gloser sur la cérémonie du sacre. — Ah! dame Perronnel le, disait une voix, on dit de singulières choses sur ce qui se passe au Louvre. — Oui, j’en ai entendu parler, la Louvète ! répliqua la Bidaude, qui donnait le bras à Jehanne la Jocette, nôtre vieille connaissance. Mais cette dernière, si joviale d’ordinaire comme l’in- diquait son surnom, était silencieuse et paraissait préoc- cupée. — Notre bon roi était tout triste, reprit Marthe la Lou- vête. On prétend qu’il n’a consenti à ce sacre qu’à contre- cœur, assurant qu’il lui porterait malheur. — Monsieur de Sully avait beau le rassurer le pauvre Henriot ne s’est point déridé. — 11 est frappé, la Perronnelle c’est sûr. Jacqueline, ma cousine de la porte Saint-Antoine, qui porte du lait chaque matin à l’Arsenal pour madame la surintendante, a entendu rapporter de navrantes paroles. — Que disait-on à l’Arsenal, dame Marthe? — La semaine passée, le roi, venant voir monsieur de Sully, lui avait dit déjà Mon amy, que ce sacre me des- Digitized by Google L’ABBESSE IE MONTMARTRE toi plaist ! Je ne sçay ce que c’est, mais le cœur me dit qu’il m’arrivera quelque mésaventure. » — Que ces choses sont donc cruelles à entendre de la part d’un si excellent prince ! — Le lendemain, revenant encore à l’Arsenal avec le duc de Guise et M. de Bassompierre, il leur dit Vous ne me connaissez pas encore, vous autres mais je mourrai un de ces jours, et, quand vous m’aurez perdu, vous con- naîtrez lors ce que je valois et la différence qu’il y a de moy aux autres hommes. » — Ah ! cela me perce l’âme, la Bidaude ! — Enfin, avant-hier, il arriva tout chagrin, et s’asseyant sur une chaise basse, rêvant et battant des doigts sur l’étui de ses lunettes, il se relevait tout à coup et, frap- pant des deux mains sur ses cuisses, disait Par Dieu ! je mourrai en cette ville et n’en sortirai jamais ! Ils me tueront, car je vois bien qu'ils n’ont d'autre remède en leurs dangers que ma mort! Ah ! maudit sacre, tu seras cause de ma mort. » — Mais c’est piteux et lamentable ! — Puis, tout songeur, on l’ouït murmurer Il ne re- viendra donc pas, pour que je puisse partir. » — Le roi attend donc quelqu’un? — Il faut croire, dame Perronnelle... Sans doute il s’agit de quelque nouvelle importante, dont le retard l’impa- tiente. Marcel éperonnait son cheval pour percer la multitude, ^lont les rangs épais, en le forçant d’aller au pas, lui avaient permis d’entendre cette conversation. Mais il lui fut impos- sible de faire avancer plus vite sa monture et celle d’Alice que suivaient ses trois compagnons. — Et le roi qui se meurt d’ennui, se dit-il, de ne point me voir arriver ! Il fut obbligé, de la sorte, d’entendre encore quelques paroles des commères. Digitized by Google 408 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Mais qu’a donc notre Jocette ? demanda la Bidaudc. Elle n’ouvre pas la bouche, et ses yeux sont tout égarés... Hé! Jehanne, à qui songez- vous, ma mie ? — Moi! fit la Jocette, comme réveillée en sursaut. Moi ! je ne pense à rien. . — Où donc est votre langue, tna commère?... Etes-vous en si grande peine, parce que maître Guille ne vous a point accompagnée? ... Mais, au fait, où est-il, notre quéreur pardons enrichi? Jehanne tressaillit et murmura — Ah! je tremble... — Vous tremblez de quoi? — Depuis huit jours je n’aperçois presque plus Jeau Guille, et j’ai vu arriver chez lui des figures qui ne me plaisent point, comme dans le temps... — Comme dans le temps? Que voulez- vous dire? — Chaque fois qu’on a commis quelque attentat. — Contre le roi ? — Les vieux de la Ligue se remuent nuit et jour, dit-on. Il y a surtout un vilain rousseau... — L'homme rouge! s’écrièrent à la fois la Perronnelle et la Louvète. — Il n’était question que de lui ce matin sous les pi- liers des Halles, ajouta la première. On assure que c’est un fou on le voit toujours aiguiser son petit couteau et baiser son cœur de Cotton. — Quelqu’un, reprit la Perronnelle, l’a rencontré hier soir, à la tombée de la nuit, rôdant sur la butte Mont- martre, autour de l’abbaye. — Vraiment? Que peut-il avoir à faire là? — Il a parlé un instant au frère Gilles, le surveillant du For-au-Dames. Ce fut au tour de Marcel et de Michel de tressaillir. — Et ce qu’il y a de singulier, ajouta la Bidaude, c’est que la personne qui m’a conté cela, a aperçu, une heure Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE iO*> après, l'homme rouge dévalant, comme un fou qu’il est, la butte Montmartre, et se précipitant vers Paris, après avoir vu quatre seigneurs de la cour pénétrer dans l’abbaye. — Quatre seigneurs de la cour? — Parmi lesquels cette personne a cru reconnaître le roi Henri IV. — Ah çà! fit Marthe, Henri va donc toujours visiter l’abbesse Marie de Beauvilliers? ’ — Dame! on dit qu’il la consulte dans les grandes occa- sions, car c’est une trop sainte femme pour que tous les autres bruits scandaleux ne soient point tombés. Les trois commères avaient quitté la rue Saint-Denis, pour prendre la rue de la Ferronnerie et rentrer en leurs logis respectifs, et la petite cavalcade y avait pénétré avec eux. Gomme il y avait là moins de monde que* dans la rue Saint-Denis, Marcel put enfin faire trotter son cheval et laissa derrière lui la Perronnelle, la Jocette et la Bidaude. En sorte qu’il ne put entendre l’exclamation de cette der- nière, au moment où les trois commères passaient devant la boutique de maître Kogier Leblanc, le quincaillier. — L'homme rouge ! s’était écriée la Perronnelle. Et elle montrait le rousseau avec son feutre à plumes, son grand rabat blanc et son pourpoint noir. Il était assis sur une borne, en face de la boutique du quincaillier, qui était celle du Cœur couronné percé d'une flèche. Et là, il semblait examiner avec attention la boutique et le voisinage. La rue était flanquée là de loges et d’échoppes joignant la muraille du cimetière Saint-Innocent. Le 14 mai 15o4 — il y avait juste cinquante-six ans — le roi Henri II étant à Compïègne, et considérant que cette rue de la Ferronnerie était la voie ordinaire que sui- vaient les rois de France pour s’en aller du Loqvre en leur Digitized by Google HO L’ABBESSE DE MONTMARTRE château des Tournelle», avait rendu un édit suivant lequel ces boutiques, qui encombraient la rue, devaient être dé- molies et abattues. L’édit avait été ratifié en Parlement, mais son exécution négligée. Deux des commères se contentèrent de hausser les épaules, en passant devant celui dont on ne parlait que comme d’un maniaque. Mais Jehaune la Jocette frémit... Était-elle, plus qu’elle ne voulait le dire, dans les confidences du vieux ligueur Jean Guille, le quéreur de pardons? Dix minutes après, l’homme rouge quittait son poste pour gagner le pout Notre-Dame. Chemin faisant, il murmurait — L'homme rouge!... toujours l’homme rouge! ... Ils m’appellent tous ainsi... Il eut un rire sec et nerveux. . — Oui, fit-il en reprenant son soliloque habituel, oui, je suis l’homme rouge... Le sang est rouge, et ce soir il y aura du sang!... Ha... ha... ha! je pourrai enfin venger la religion et me venger en même temps... Je l’ai revu hier soir, le Navarrais, se rendant auprès d’elle!... Et j’ai couru vers le père j’arrivai à propos. On me faisait cher- cher... Monsieur le duc, la marquise et les autres qui doi- vent m’aider, y étaient tous... Malheur à lui! J’ai eu une vision cette nuit sou heure a sonné... Au moment où Ravaillac frappait à la maison mysté- rieuse que nous connaissons, arrivaient également deux autres personnages. C’était le vieux Jean Guille et frère Gilles. Mais ni l’un ni l’autre ne portaient leur costume ordi- naire. Tous deux étaient déguisés le premier en paysan, le second en marinier du port aux vins. Ils tenaient un fouet à la main. Toutefois, frère Gilles avait une cape grise qui lui couvrait la tête, comme toujours. Digitized by Google L'ABBESSE UE MONTMARTRE 41 1 Marcel avait d’abord conduit Alice chez son père adoptif, le conseiller du Bosc. Le vieux chevalier faillit mourir de bonheur en serrant la jeune femme dans ses bras. — A bientôt! dit l’oflicier des gardes, après avoir baisé la main de sa fiancée. Puis il s’élança vers le Louvre. Le roi venait d’entendre la messe aux FeuillainS. Marcel le rejoignit au moment où il rentrait dans son cabinet. — Sire! réjouissez-vous! s’écria Marcel. Voici la lettre du margrave de Brandebourg. Henri eut un éclair de joie dans les yeux, et lut rapide- ment cette missive si ardemment désirée. Mais après avoir pressé l’officier contre son cœur, il lui dit, avec un ton dont la mélancolie frappa Marcel doulou- reusement — Ah! désormais personne ne te séparera plus de moi, mon fils. J’étais bien inquiet et je craignais... — Vous craigniez, Sire? — De ne plus te revoir. — J’ai couru quelques dangers, c’est vrai, mais... — Las! je me comprends, reprit le roi en l’interrom- pant avec un soupir. Si Dieu me permet d’aller en guerre... Sire! j’ai vu vos armées en roule elles brûlent de % vous voir à leur tête et de courir à la victoire sons un si grand général . Henri acheva sa phrase, sans paraître tenir compte de l’interruption enthousiaste de son officier des gardes Mais tu m’acccompagneras partout. Tu seras, à mes côtés, mon cher écuyer d’autrefois. Mon unique soin sera de veiller sur mon roi. Le Sei- gneur m’assistera, lui qui m’a sauvé en route des em- bûches des jésuites... — Toi aussi, mon fils?... Ah! les enragés!... i’ii com- mis une grande faute, je le reconnais maintenant; d’avoir rappelé ces gens, qui n’ont rien appris, rien oublié... Mon Digitized by Google 412 L’ABBESSE ÜE MONTMARTRE indulgence ne m’aura servi à rien, car ils ont repris leur prédictions et leurs fureurs. — Sire! chassez-les à jamais du royaume. — Trop tard maintenant... Hélas! en ces jours criti- ques, que de fois je me suis ressouvenu des paroles solen- nelles de ton aïeul, dans le bourg de Pailhat incendié... — Lu ministre Massin, dont me parle si souvent Michel? — Chaque fois que je n’ai point consulté madame Marie de Beauvilliers, ce qui correspondait à ton éloignement de la cour, mon fils, mauvaises résolutions je pris, et des orages se formèrent contre moi. — Confiez-vous en l’avenir, Sire! Avec votre vaillante armée, vous pouvez braver tout orage et péril. — Hélas ! répondit Henri en soupirant encore. Marcel prit congé du roi, qui l’engageait à aller voir ses amis et à le rejoindre dans la soirée. Dans la galerie, l’officier n’aperçut que des visages tristes et soucieux. On s’entretenait à voix basse des sinistres prédictions qu’on colportait, des paroles inquiètes du roi, de tous les signes précurseurs d’une catastrophe. — Il y a des anges et des démons, se mit à dire un gen- tilhomme, qui était Haramboure, de bons et de mauvais génies... — Oui, répliqua d’Àubigné, il y a la reine Marguerite et les gens de l’autre reine — — Les Cortcini! — Avec les jésuites. — Harnibieu! fit Crillon, vous avez raison, M. d’Au- bigné. — C’est la première fois, M. de Crillon, que je vous vois si complètement de mon avis. Espérons que ce ne sera pas la dernière. — Au fait, intervint Belzunce, j’ai vu tantôt à une lenêtre la Galigaï, avec sa figure chafouine. Elle parlait bas à son Digitized by Google L’ABUESSE DE MONTMARTRE 413 I mari, et tous deux avaient un sourire de joie diabolique. On eût dit qu’ils se gaudissaicnt de l’anxiété de notre Henriot. — Tandis que hier, lit observer Chicot, la bonne Margot envoyait au roi une lettre de son hôtel du petit Pré-aux- Clers, pour l’avertir qu’elle connaissait une prophétie de La Brosse, qui désignait le 14 - mai comme un jour de danger mortel. Elle le suppliait de ne point quitter le Louvre. — J’espère bien qu’il ne sortira point, le reyot, dit Cas- taignac. — D’Epernon et le père Cotton se trouvaient là, avec Périnet. Henri leur montra la lettre de Marguerite. — Que dirent le duc et les autres? — Périnet prétendit que La Brosse était un ignorant, un bélître, un pédant; que lui, Périnet, pouvait garantir, sui- vant ses études, qu’il n’y avait nul péril à craindre. — Et d’Epernon? — Le duc rappela au roi qu’il avait désiré voir, vers quatre heures, après le dîner, les préparatifs de fête aux environs de rHôtel-de-Ville et du pont Notre-Damé; que sa visite accélérerait certainement le travail... — Quelle était l’opinion du confesseur? — Le père Cotton ne disait pas grand’chose. Seulement il opina par signes de tête dans le sens du duc, quand celui-ci ajouta que Sa Majesté ne pouvait partir pour l’armée avant la cérémonie solennelle de la rentrée de la régente; que si les apprêts ne s’achevaient promptement, le roi se verrait obligé de différer son départ pour cette guerre qui lui tenait tant au cœur. — Et qu’a répondu le roi ? — Qu’il verrait... qu’après tout il avait besoin de causer avec Sully, qui était malade et retenu à l’Arsenal. En entendant tout cela, Marcel résolut de retourner dans le cabinet royal, pour conjurer Henri IV de ne point n 25 . Digitized by Google 4U L'ABBESSE DE MONTMARTRE s’exposer dans les rues de Paris pendant cette journée, que tant de circonstances, fortuites ou non, semblaient si- gnaler comme funeste et calamiteuse. Il se proposait en même temps de lui rapporter ce qu’il avait entendu dire, une heure auparavant, dans les rangs du peuple. Mais les gardes lui apprirent que le roi venait de se rendre dans l’appartement de la reine, avec laquelle il devait dîner. Marcel alla retrouver scs amis, Michel et Gargantua, qui l’attendaient dans la cour. Tous les trois remontèrent à cheval, et atteignirent bientôt Montmartre. Marcel embrassa sa vieille mère, qui le mena en pleurant auprès de Marie de Beauvilliers. L’esprit de la pauvre femme était toujours un peu dé- rangé, mais avait maintenant de longs jours lucides. Ses moments d’égarement duraient peu et revenaient plus ra- rement. L’abbesse retint notre officier, pour entendre le récit de son périlleux voyage. Mais il était pressé de revoir aussi monsieur de Cliguancourt, et, dès qu’il eut terminé, il courut au manoir. Le seigneur Ligier était cloué au lit par un de ses vio- lents accès de goutte. Marcel comprit que ce n’était pas le moment de lui parler d’Alice, comme il l’eût désiré. Il remit donc à un autre jour la tâche si difficile de re- concilier l’oncle et la nièce, et remonta la bulle sur la- quelle il avait laissé Michel et Gargantua. Il trouva le capitaine entouré d’une douzaine de vigne- rons, auxquels il racontait, avec force c 1er Teufel , son voyage du Brandebourg, et avec lesquels il fêtait joyeuse- ment le vin de France, dont il avait été privé si longtemps. — Où est Michel? demanda l’officier au reître. — Au cloître, mon bedit, avec un frogard. — Un religieux? Lequel? Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 415 — Le chésuite, vous savez... le frère Gôme, qui est arrivé en gourant. — Le frère Côme, le servant du père Daubigny! — la, ia. Ils n’ont bas vulu poire et ont gouru dus deux auprès de matante l’appesse... Michel levait les mains au ciel et bussait des ah! et des oh! — Quelque nouvelle grave! dit Marcel. — la, ia, drès-crave, mon bedit, buisgue cbe vus dis gu’ils n’ont bas vulu poire... Mais moi, je pois duchurs. Pressentant quelque chose, Marcel se précipita vers le cloître. Marie de Beauvillers était pâle comme un spectre, Michel consterné; le frère Gôme, tout pantelant encore de sa course, leur faisait un récit qui les frappait d’horreur et d’épouvante. — Marcel, s’écria l’abbesse dès qu’elle aperçut l’officier des gardes, courez sauver le roi! — Sauver le roi ! — Vous n’avez pas un instant à perdre. Sa vie est me- nacée par un assassin. — Que dites-vous, madame? De quel attentat s’agit-il? Où trouverai-je le misérable? — Ecoutez ce frère, et frémissez! — Oui, monsieur, dit le pieux novice des jésuites, un abominable forfait a été décidé cette nuit. J’en suis encore tout tremblant... En entendant cette exécrable trame, le sang se figeait dans mes veines. — Expliquez-vous donc mon anxiété est extrême. — Dans la maison du pont Notre-Dame, où depuis plu- sieurs mois se rend mon maître... — Le père Daubigny! — Un homme que je croyais si saint I... Dans cette maison, se sont réunis hier soir, à minuit, le duc d'Epernon et la marquise de Verneuil. — Digne amie de ce monstre 1 Digilized by Google 416 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Le profès les a laissés seuls, et m’a dit tout bas en sortant Demeure là, et sois témoin que je me suis re- tiré. Je lie veux pas être compromis, et je blâme un pareil complot. » On voit qu’au dernier moment, le profès jugeait prudent de ne plus se mêler de l’affaire, du moins en apparence, et, avec un habile calcul, il laissait là quelqu’un pour at- tester son innocence au besoin. — Ces paroles, reprit le novice, me frappèrent. Il s’agissait donc d’un complot? Contre qui? Je ne tardai pas à le savoir le duc et la marquise attendaient trois hommes, qui se présentèrent l’un après l’autre. — Quels étaient ces hommes? — Un vieux bourgeois que je voyais pour la première fois; un autre personnage bien enveloppé dans sa cuculle et si bien couvert de son capuce, que je ne pus voir son visage; enfin... — Enfin? — L'homme rouge. — Encore l'homme rouge ! s’écria Marcel, qui se souve- nait des paroles qu’il avait entendues le matin dans la foule. * — Oui, un rousseau, un praticien d’Angoulême, qu» maintes fois déjà était venu dans la maison et au Gesü de la Porte Saint-Antoine, pour parler tantôt au père, tantôt à la marquise, tantôt aussi au duc. — Son nom? — François Ravaillac. — Et cet homme? — C’est lui qui doit frapper le roi. — Où? quand? — Aujourd’hui même, rue de la Ferronnerie... Mais en- tendez le reste. — Pour l'amour de Dieu, hâtez-vous ! — Ah! j’écoutais de toutes mes oreilles. Le duc et la Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 417 marquise ne se gênaient guère , du reste ils parlaient haut. La voix de l’homme ronge avait par moments des éclats sinistres... Celle du vieux bourgeois, je l’entendais moins, mais el,le résonnait sourdement... La troisième, celle de l'homme au capuce sans doute, était seule inintel- ligible. — Mais que disait-on 9 Parlez, au nom du ciel! — On frappa de nouveau, soudain, à la porte qui s’ouvre sur le pont. — Quel était ce nouveau venu? — Un grand Italien de la maison de monsieur Concini, que j’avais déjà vu. — Ali ! que venait-il faire? — On l’accueillit avec joie. Il dit ces mots, qui retentis- sent encore à mon oreille A quatre heures il sortira du Louvre dans son carrosse, pour se rendre à l’Arsenal. Il passera rue de la Ferronnerie, pour aller voir les apprêts de la fête... Il l’a annoncé à la reine. » — C’est moi, s’écria d'Epernon, qui l’ai déterminé. Ainsi, tout est com- biné à propos, comme je viens de l’expliquer. » — Mais quelle est cette horrible combinaison? demanda vivement Marcel. — L’Italien ajouta que les gens du signore son maître, seraient rue de la Ferronnerie, comme il avait été convenu. Oui, je sais, des aventuriers soldés par Concini, » dit d’Epernon. — Ah ! l’abominable Florentin ! — L’envoyé de Concini, poursuivit le novice, se retira bientôt. Ce fut après son départ que le duc et la marquise assignèrent leur rôle à chacun des trois hommes. — Et ce rôle exécrable? — Le voici. L’homme rouge, Ravaillac, attendra le roi devant la boutique d’un quincaillier, qui est adossée au mur du charnier des Innocents, et qui porte pour enseigne un Cœur couronné percé d'une /lèche. Les deux autres Digitized by Google 418 L’ABBESSE DE MONTMARTRE obstrueront la rue déjà si étroite, afin d'ai rêter le carrosse du roi et de faciliter à Ravaillac son horrible forfait. — Comment s’v prendront-ils? — Le premier conduira une voiture de foin, destinée à tenir le milieu môme de la rue, pour forcer le carrosse de prendre à main gauche, tout contre la boutique du quin- caillier. — Et l’autre? — Aura un baquet chargé de futailles de vins qui, pivo- tant tout à coup, au moment môme où le carrosse sera contre la boutique, barrera la rue par derrière et em- pêchera d’avancer les gardes et les valets. — Les démons! ils ont tout prévu, — Quand les trois hommes se retirèrent, acheva le frère Côme, je vis au rousseau et au vieux des yeux étincelants; mais l’homme au capuce, encore plus soigneusement enve- loppé qu’auparavant, et qui paraissait bien se cacher de moi, tenait la tête baissée d’un air morne, comme quel- qu’un qui eût obéi à contre-cœur. — Ah! l’infernal plan!... C’est tout? X QUATORZE MAI ! — Oui, monsieur... Le roi est bon, il m’a sauvé des mains des méchants. Je voulais accourir dès l’aube pour prévenir de toute cette détestable machination madame l’abbesse, qui est l’amie du roi. Mais le père Daubigny étant rentré après le départ de ces gens odieux, je ne pus Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 419 m’échapper que cette après-midi... En arrivant devant le monastère, j’aperçus monsieur Michel. — Courez donc, Marcel! s’écria Marie de Beauvifliers. Vous connaissez tous les détails de l’abominable trame puissent-ils vous aider à conjurer le péril ! — Je vole droit au Louvre prévenir le roi... Michel, à cheval ! Quelques minutes après, tous deux montaient en selle et descendaient la butte au grand trot de leurs chevaux. En les voyant si pressés et si bouleversés, le capitaine Gargantua s’arracha de la société de ses chers amis les vignerons, et enfourcha également son roussin, en se disant — Oh 1 oh ! che grois qu’on aura pesoin de moi. Il rejoignit ses amis auxPorcherons. Ventre à terre, les trois cavaliers arrivèrent au Louvre. — Le roi? demanda Marcel aux gardes. — Parti en carrosse depuis dix minutes, pour l’Arsenal. — Par où? — Par la rue Saint-Honoré. — Courons! nous le rattraperons. Comme des furieux, ils s’élancèrent dans la direction indiquée. Voici ce qui s’était passé au Louvre, avant le départ de Henri. Les historiens du temps ont conservé les moindres gestes et paroles de l’infortuné monarque. Après le disné, raconte Lestoile, le roy s’est mis sur son lit pour dormir; mais, ne pouvant recevoir de sommeil, il s’est levé, triste, inquiet et rêveur, et a promené dans sa chambre quelque temps, et s’est jeté derechef sur le lit. Mais ne pouvant dormir encore, il s’est levé, et a de- mandé à l’exempt des gardes quelle heure estoit. a L’exempt luy a répondu qu’il estoit quatre heures, et a dit Digitized by Google 420 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Sire, je vois Votre .Majesté triste et toute pensive il vaudroit mieux prendre l’air, cela la réjouiroit. — C’est bien dit ; eh bien, faites apprêter mon carrosse J’irai, comme je l’avois résolu, à l’Arsenal voir le duc de Sully, qui est indisposé et qui se baigne aujourd’hui. Cependant le roi hésitoit encore. Il alla voir Marie de Médicis, et plusieurs fois dit à la reine — Mamie, irai-je? n’irai-je pas? Il sortit même deux ou trois fois, et puis tout d’un coup retourna et disoit à la reine — Ma mie, irai-je* encore? et faisoit de nouveau doute d’aller ou de demeurer. Enfin il se résolut d’y aller, et ayant plusieurs fois embrassé la reine, luy dit adieu, et, entre autres choses qu’on a remarquées, il lui dit — Je ne ferai qu’aller et venir, et serai ici à cette heure mesme. 9 Comme il fut en bas de la montée escalier où son carrosse l’attendoit, monsieur de Praslin, son capitaine des gardes, le voulut suivre. Il luy dit — Allez- vous-en, je ne veux personne; allez faire vos affaires. Ainsi, n’ayant autour de luy que quelques gentils- hommes et des valets de pied, il monta en carrosse, se mit au fond, à sa main gaucbc, d’Epernon se plaçant à sa main droite. Il fit entrer ensuite dans le carrosse messieurs de Montbazon, Roquelaure, le maréchal de Lavardin, La Force, Mirebeau et le premier écuyer Liancourt. » Le vaste et lourd véhicule s’ébranla, précédé seulement de Serviteurs à cheval et accompagné de quelques valets de pied. Comme il faisait chaud, on écarta les mantelets ou rideaux de cuir des portières. , Le cocher ayant demandé où il fallait toucher, le roi répondit d’abord d’un ton chagrin Digitized by Google L’ABBESSE 1>E MONTMARTRE 421 — Mettez- moi hors d’ici. Mais un peu plus loin, Henri passa sa tête par la portière et dit tout haut — A l’Arsenal, par le cimetière des Innocents. Cela voulait dire par la rue delà Ferronnerie. Et, à cause de la chaleur, le roi quitta le manteau qu’il avait sur lui, et le posa sur ses genoux. Marcel, en se précipitant sur les traces de Henri IV, avait espéré rejoindre facilement le lourd carosse. Gar- gantua et Michel l’avaient suivi. On fut bientôt dans la rue Saint-Honoré.' Le peuple se range d’abord devant l’officier des gardes. Tout en galopant, celui-ci se dresse sur les étriers, pour regarder devant lui, par-dessus les têtes. Tout à coup il s’écria avec joie — Voilà le carrosse!... En avant! Mais la foule est devenue plus compacte. Des charrettes des halles, plusieurs coches desservant les environs de Paris, quelques carrosses même car l’usage en était de- venu moins rare, à la file les uns des autres, commençaient à encombrer la rue Saint-Honoré entre celle des Provoires Prêtres ou Prouaires et la rue Tire-Chape. Marcel ne peut plus avancer que lentement. A la rue des Bourdonnais, il regarde. — Le carrosse entre dans la rue de la Ferronnerie, crie- t-il. Place ! place!... Mais sa voix s’entend à peine au mi- lieu du brouhaha. 11 tire son épée. Le capitaine et l’ancien pâtre l’imitent, en se mettant à ses côtés. L’oflicier et le reître , du plat de leurs lames, frappent à droite, à gauche, sur les haridelles des charrettes, sur les mazettes des coches, pour les faire ranger et s’ouvrir un passage. Gros-Michel pousse devant lui un coche avec tant de force, qu’il envoie le timonier briser la devanture d’une boutique de pelletier, au coin de la rue des Déchargeurs. Digitized by Google 422 L'ABBESSE DE MONTMARTRE — Qué simple! s’était-il contenté de murmurer. — Ciel! je ne vois plus l’équipage, dit l’officier. Il est engagé au milieu de toutes ces voitures qui le cachent... Au nom de Dieu! laissez-moi passer. Marcel commande, jure, menace, implore c’est en vain. — Mais nous ne pouvons ni avancer ni nous garer, ré- pondent les conducteurs des carrioles, en montrant la file devant eux et les échoppes à leurs côtés. — A la male heure! s’écrie Marcel. Voici les valets de pied qui ont quitté le carrosse... — Ils prennent par une des galeries du charnier, fait observer Michel. — Les insensés! ils vont laisser tuer le roi... A pied, Michel! à pied, capitaine! et ouvrons-nous un passage, les armes à la main. L’officier des gardes a sauté de son cheval, qu’il aban- donne au milieu de la bagarre. Gros-Michel, qui en a fait autant, l’a déjà dévancé ; distribuant scs maîtres coups de poing, il fait une trouée, par laquelle il s’élance. Marcel marche sur ses traces; Gargantua, à pied aussi, derrière l’officier, s’avance en soufflant bruyamment. Ils atteignent de la sorte la rue de la Ferronnerie, et s’y jettent en désespérés. Le carrosse royal marchait toujours, mais à grand’peine. — Enfin! s’écrie Marcel. Merci, seigneur Dieu! Il voyait le véhicule doré et armorié à quinze pas devant lui. Mais l’équipage est en face de la boutique du quincaillier. L’officier reconnaît en frémissant le Cœur couronné percé d'une pèche. Ce qui le fait frissonner surtout et le remplit d’effroi, c’est qu’il aperçoit en même temps, au delà du carosse, au milieu de la rue, une énorme voiture de foin. Au moment où il va se précipiter, uu baquet plein de Ji Digitized by Google I/ABBESSE DE MONTMARTRE 423 tonnelets, qui s’était rangé pour laisser passer le carrosse royal, tourne subitement sur lui-même et barre la rjie dans toute sa largeur. — Place! place! crie l’officier. Et il se jette sur le haquet. Un homme, habillé en garçon de rivière, le fouet à la main, mais une cape grise sur le front, se dresse soudain devant lui et, avec une voix évidemment contrefaite, se met à gronder — Morgué! ne voyez-vous point que... Mais le marinier a levé la tête. Il a tressailli de tout son corps, à la vue de Marcel. — Place I ordonne encore l’officier, ou ma lame... Et il veut repousser cet homme, pour arriver à l’un des bricoliers et saisir le cheval par le licou. Mais alors, et au moment même où le carrosse du roi dé- viait à gauche, pour éviter la voiture de foin, et se rappro- chait de la boutique du quincaillier, une demi-douzaine de grands coquins s’élancèrent d’une allée à droite qui com- muniquait avec la place aux Chats. C’étaient les gens du Concini. L’un d’eux, qui paraissait être le chef, bondit sur - Marcel, la dague à la main. Prompt comme l’éclair, l’homme à la cape grise se jette au devant du chenapan et reçoit le coup en pleine poitrine. Mais un cri a retenti... un cri qui glace Marcel jusqu’à la moelle des os. Il a reconnu cette voix cette voix est celle de Henri IV. Tandis que Michel et Gargantua mettaient en fuite les estafiers envoyés par Concini, dont la besogne, du reste était achevée, car ils avaient, eux aussi, entendu le cri dé- chirant ' parti de l’équipage royal, Marcel avait fini par écarter les chevaux du haquet, et tout haletant, tout pâle, arrivait devant la boutique. Horrible spectacle! L’infortunée Henri avait la tête ap- Digitized by Google 424 - L'ABBESSE DE MONTMARTRE puyée sur l’épaule du duc d’Epernon, et le sang jaillissait à gros bouillons de sa bouche et de deux blessures au cœur. Il était déjà mort..,.. Les seigneurs avaient rapidement ouvert les portières, les uns s’empressant autour du roi, les autres tenant l'as- sassin, qui ne bougeait pas. C’était le rousseau d’Angoulême, François ftavaillae. Voici comment il avait accompli son exécrable forfait. Un seul des valets de pied était resté près du roi, à côté de la voiture, tandis que les autres avaient voulu se porter en avant par le charnier, pour dégager la voie. Par mal- heur, au moment où le carrosse était forcé, devant la voi- ture de foin, de se rapprocher de ia boutique, ce valet se baissa pour rajuster sa jarretière. Ravaillac -se glissa entre lui et le carrosse, et, par- dessus la roue, passa son bras par la portière et frappa ra- pidement le roi de deux coups d’un couteau tranchant des deux côtés. Il lui en porta un troisième, mais celui-là, le duc de Montbazon le reçut manche de son pourpoint. Au premier coup, le roi avait jeté le cri entendu par Marcel, en ajoutant — Je suis blessé. Au deuxième, il avait poussé un soupir qui fut étouffé aussitôt par le vomissement de sang, et sa tête tomba sur l’épaule du duc à ses côtés. La mort fui presque instantanée. Un des gentilhommes s’était écrié — Le roi est mort! On l’avait entendu. Ce fut d’abord un long frémissement dans la foule. Puis les plus rapprochés voulurent se préci- piter sur l’assassin et le mettre en pièces. Les, seigneurs et Marcel durent protéger sa vie, pour le conserver à la justice. L'ABBE SS K DE MONTMARTRE x Les habitants et les curieux, saisis de terreur, se jetaient dans les allées et dans les échoppes. On emmena le meurtrier qui fut conduit à l’hôtel de Retz, situé rue du Petit- Bourbon. Marcel ayant cherché des yeux ses amis, les aperçut auprès de l’homme à la cape, qu’on avait transporté dans' une échoppe. Michel lui lit signe de venir. — Voici votre père qui se meurt, dit d’une voix grave le pâtre de Pailhat, en montrant frère Gilles. — Mon père ! s’écria l’officier. Lui, mon père! En le reconnaissant, l’ancien ligueur d’Amhert eut * A encore la force de murmurer ces paroles — Mon fils! tu prieras ta mère deme pardonner... Quant au ciel, puisse sa miséricorde descendre sur le complice des régicides ma volonté n’y était pas, niais ils me domi- naient... le meurs, mon fils, heureux d’avoir reçu le coup qui t’était destiné... Adieu ! A ces mots, il rendit le dernier soupir. On avait abattu les inanlelets du carrosse royal, et les seigneurs ordonnèrent au cocher de retourner au Louvre. Après avoir confié le corps de son père à Michel et à Gargantua, Marcel, le cœur navré, se joignit au lugubre cortège, qui s’ébranlait pour regagner la demeure des rois. Des deux morts, celui qui était dans le carrosse n’avait-il pas été son .véritable père?... Au moment où il se mettait en marche derrière le fu- nèbre véhicule, qui renfermait le meilleur des amis et des rois, Marcel leva par hasard la tête vers une des maisons en face du quincaillier. Une figure de femme, blême et contractée, s’y montrait au premier étage. Elle tenait un volet çntr’ouvert. Le regard de l’officier et celui de a femme se rencon- trèrent. i Cette dernière referma aussitôt le vôlet, mais pas assez tôt pour que Marcel ne pût la reconnaître. Digitized by Google 426 L’ABBESSE DE MONTMARTRE — Ah! la misérable! murmura-t-il. C’était Henriette d’Entragues. Ce fut là l’horrible événement, prédit, disent les chroni- ques, par tant de signes, qui s’accomplit dans la journée du 44 mai 1610! Comme on le sait, Henri IV avait toujours cru à ce chiffre néfaste quatorze ! Mais malgré ses propres appréhensions, malgré l’avertissement donné la veille par la reine Mar- guerite , une sorte de fatalité l’avait poussé à se livrer lui-même à l’infâme guet-apens, préparé par ses ennemis. Le grand Henri était mort, et ses vastes projets mou- raient avec lui! La main d’un misérable faisait rétrograder pour des siècles les destins de la France et de l'Europe Champion et martyr de la liberté de conscience, qu’il voulait fonder par sa république chrétienne , il fut, en même temps, le plus français des rois de France. Quand le carrosse, avec le roi mort, eut pénétré dans la cour du Louvre, Concini courut à la chambre de la reine. A travers la porte entrebâillée, il se contenta de jeter ces mots — E amazzalo! U est tué ! D’Epernon, lui qui s’était écrié au moment où Saint- Michel, l’un des gentilshommes, voulait immoler l’assassin à côté du carrosse N'en faites rien, le roi n’a pas de mal; » d’Epernon ne tarda pas à s’inquiéter. Il courut à l’hôtel de Retz, et fit transporter Ravaillac chez lui. Le meurtrier y resta trois jours. Le duc I’cndoctrîna-l-il et lui promit-il la vie sauve? On l’a supposé. Le fait est que Ravaillac ne nomma au- cun complice tant que dura l’information. Le père Cotton voulut également s’aboucher avec Ra- vaillac. li alla le voir dans la prison de la Conciergerie, où on l’avait transféré. L’Estoilc rapporte qu’il lui dit ,de Digitized by Google L’AlîBESSE DE MONTMARTRE 427 prendre garde à ses paroles, » et qu’il voulut lui faire croire qu’il était huguenot! Quelque temps après, une querelle étant survenue entre le môme père et M. de Loménie, celui-ci, en plein conseil, suivant l’Estoile encore, dit au jésuite que c’était lui et ceux de sa Société qui avaient tué le roi. » Il parut de nombreux écrits qui accusèrent la marquise de Verneuil, le duc d’Epernon, les jésuites, les Concini, d’avoir été les instigateurs du crime. C’était bien l’opinion du temps. Du haut de la chaire, le père Portugais, cordelier, et plusieurs curés de Paris, notamment ceux de Saint-Bar- thélemy et de Saint-Paul, taxèrent les jésuites d’être fau- teurs et complices de l’assassinat. Le meurtre commis sur la personne du roi Henri IV ne de- vait être, à ce qu’il paraît, que le prélude de l’exécution - d’un plan plus vaste. Un gentilhomme, voyant les dames de la reine pleurer après l’événement, s’en moqua et leur dit Vous en verrez bien d’autres, et les avertit de garder leurs larmes pour une occasion qui se présenterait bientôt. La veuve du capitaine Saint-Mathieu conseilla à une Parisienne de quitter la capitale. — Pourquoi cela? » demanda-t-elle. — C’est parce qu’avant qu’il soit huit jours, il arrivera de grands malheurs dans celte ville. » Le bruit sinistre d’une nouvelle Saint-Barthélemy se ré- pandit. Sully se renferma dans l’Arsenal et le mit en défense. Les protestants alarmés se barricadèrent dans leurs maisons. Pendant une nuit ou entendit crier dans les rues Aux armes ! On voulait produire un mouvement, mais les crieurs furent battus et mis en fuite par la milice parisienne. L’exécution du projet sanguinaire fut manquée. Le Digitized by Google •428 L'ABBESSE DE MONTMARTRE peuple de Pans, dit L’Estoile, était las et recru des trom- peries des grands. » Quoi qu’il en soit, la douleur et la consternation fuient extrêmes, quand la nouvelle de la mort de Henri IV se répandit dans les différents quartiers de la ville. — Le roi est mort! Ce mot sinistre vola de bouche en bouche. Les portes et les boutiques se fermèrent. On n’entendait de tous côtés que clameurs et gémissements. On courait éperdu par les rues, on embrassait ses amis, sans leur dire autre chose, sinon — Ah ! quel malheur ! Dos femmes échevelées hurlaient et se lamentaient. Les pères disaient à leurs enfants — Que deviendrez-vous, mes enfants, vous avez perdu votre père ? , Ainsi fut pleuré Henri IV Le sent roi dont le peuple ait gardé la mémoire. Il mourut âgé de cinquante-sept ans. Son corps fut ou- vert en présence de vingt-six médecins et chirurgiens, qui lui trouvèrent tous les organes si sains, que dans le cours de la nature, suivant eux, il pouvait encore vivre trente ans. Le procès de Kavaillae avait été instruit par le Par- lement. Nous l’avons déjà dit, le fanatique ne nomma aucun complice pendant tout le cours de l’information. Il résista aux tortures de la question préparatoire. Confronté avec lui, le père Daubigny aftirma n’avoir jamais vu l’accusé, qu’il sache. i> On condamna Ravaillac à être écartelé en place de Grève, où il devait être préalablement tenaillé aux ma- melles, bras, cuisses, gras de jambe, la main droite tenant le couteau duquel a commis le'parricide arse et brûlée de Digitized by Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 429 feu de soufre, et sur les endroits où sera tenaillé , jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine en flamme , de la cire et du soufre fondus ensemble. » Le jour de l’exécution, au moment de sortir de la Con- ciergerie , Ravaillac blasphémait encore le roi et glorifiait son crime. Espérait-il la vie sauve, ou comptait-il sur un tumulte pour le délivrer? Son étonnement fut grand quand il se vit accueilli par les huées du peuple, les menaces et les malédictions. Dès lors il baissa la tête. Au milieu des hurlements il arriva à Notre-Dame , pour faire amende honorable. Il se jeta la face contre terre et, pour la première fois, montra du repentir. Sur l’échafaud, on le coucha sur le dos et on lui attacha les chevaux aux pieds et aux mains. Pendant que sa main brûlait, il eut le courage de lever la tête pour la regarder brûler. Puis on le tenailla. Ce fut alors qu’il commença à crier. Le plomb fondu, J’huile bouillante, la cire et le soufre qu’on versa dans les plaies lui t causaient des douleurs atroces ; mais la foule n’en fit que rire. Les théologiens, s’étant approchés, adjurèrent le patient de dire la vérité. Ravaillac déclara alors qu’il nommerait ses complices. Le greffier monta sur l’échafaud. Les aveux furent écrits. Mais jamais on ne put lire cette pièce; on n’y distingua, dit-on, que le nom de M. d'Eper- non. Ce greffier avait une si mauvaise écriture! L’auteur de ['Art de vérifier les Dates dit à ce propos , d’après Griffet On n’a ni l’original du procès , qui a disparu des re- gistres du Parlement, si jamais il y a été, ni la clé de son Digitized by Google 430 L’ABBESSE DE MONTMARTRE testament de mort, que le greffier écrivit de manière qu’il est impossible de le déchiffrer. » On a prétendu d’ailleurs que l’incendie de la partie du Palais où étaient déposés les registres du Parlement conte- nant les détails de la procédure, incendie qui eut lieu en 1618 , n’eut d’autre but que la destruction de ces docu- ments. Disons tout de suite que Sully, le vénérable Sully, éloigné de la cour, était déjà dépouillé de ses hautes fonc- tions, et que le duc d’Epernon jouissait de la plus grande faveur auprès de la reine Marie de Médicis, que, la menace à la bouche et la main sur son épée, il avait fait déclarer régente par le Parlement. Le pouvoir presque sans limites qu’exerçait le duc, con- jointement avec Concino Concini, bientôt fait marquis d’ Ancre et maréchal de France, peut expliquer bien des choses... Les aveux terminés, on donna l’ordre de faire tirer les chevaux aux quatre membres de Ravaillac. Mais les chevaux n’allant pas assez rudement au gré du peuple, le peuple s’attela lui-rçême aux cordes. Quand les membres furent dénoués et rompus, et que Ravaillac agonisait, par pitié le bourreau voulut en finir et couper le corps en quatre quartiers. La foule alors envahit l’échafaud. Ce fut à qui daguerait le patient et en emporterait un morceau. Le corps s’en alla en lambeaux, qu’on brûla sur les places et dans les carrefours de Paris. Détournons les yeux de cet horrible spectacle, et reve- nons aux principaux personnages de notre récit. Après avoir pleuré son roi et son ami huit jours durant, dans ce même cabinet où il l’avait vu si souvent de bonne humeur et confiant dans l’avenir, et où son corps inanimé était exposé maintenant dans un cercueil de plomb, Marcel \ Die \l f • r t Irj' Google L’ABBESSE DE MONTMARTRE 431 accompagna les restes mortels du meilleur des souverains à Saint-Denis, où ils furent inhumés. L’abbesse Marie de Beauvilliers assista à la funèbre céré- monie, avec M. de Clignaneourt, qui s’y était fait trans- porter malgré sa maladie, et le vieux chevalier du Bosc, dont l’âme juste et droite s’était ralliée à la politique libérale et tolérante de ce souverain, qui devançait son époque. Aucun des fidèles Gascons n'y manqua non plus, ni le dévoué Grillon, ni le rigide d’Aubigné. Puis, le corps descendu dans les caveaux, on revint tris- tement à Montmartre. Marcel ne retourna plus à la cour. Quelques mois après, un mariage était célébré à l’église abbaliale de Montmartre. C’était Marcel qui épousait Alice d’Azevedo, comtesse de Fuenlès et nièce du seigneur Ligier de Clignaneourt. Le gouverneur du Milanais était accouru pour bénir les époux. M. de Clignaneourt, que Marcel -avait fini par adoucir, avait ouvert les bras à la fille de sa sœur Claire, et tendu la main à l’Espagnol. Le chevalier du Bosc soupirail, mais il espérait revoir souvent celle qu’on lui permettait d’appeler toujours son enfant. Marie de Beauvilliers avait les yeux levés au ciel. Re- nouvelait-elle, en ce solennel moment, le sacrifice de son cœur? Pendant de longues années encore, la sainte abbesse administra son monastère. Quand on parlait devant elle de Henri IV, elle disait — Ah! c’était un roi selon l’esprit du Seigneur!... Que Dieu pardonne à ceux qui furent ses ennemis 1 Elle mourut à l’âge de quatre-vingt-trois ans, et avant d’expirer elle recommanda qu’on l’enterrât dans une simple bière, comme la dernière des sœurs, et sans aucun apparat. Digitized by Google . * larbesse de Montmartre Tout Paris se porta à Montmartre, pour contempler les traits de la bonne abbesse défunte. Quant à Jeanne, elle était morte un an après le mariage de son fils, presque en même temps que le conseiller du Bosc. Elle s’était éteinte doucement, en marmurant une des naïves chansons de l’Auvergne. Gros-Michel et Gargantua firent sauter sur leurs genoux pendant bien des années, les enfants de Marcel. Le reître alternait cette occupation avec celle de visiter fréquemment scs amis les vignerons. Plusieurs fois encore il consentit à jouer le rôle de Silène à la léte des Vendan- geurs. La pipe à la bouche, et fumant sa mcotiane , il cher chait des idées qui n’arrivaient que lourdement; mais il était heureux. Castaignac venait souvent au manoir de Clignancouri, où 6’était installé Marcel. - C’était alors entre lui et le vieux capitaine des reîtres un concert de milladious et de üer Teufel, qui faisait la joie des petits bambins roses et blonds. Le Gascon, de plus en plus sec de corps, semblait mont, sur des échasses; ce qui ne l’empêcha point de conserver ses il lusions romanesques jusqu'à la fin, et le de si mort, dit-on, il voulait encore jouer un air de mandoline à la Dame de ses pensées. Le brave Grillon mourut à Avignon, en 1615, la mên • année que la reine Marguerite. Il avait le corps couvert de vingt-deux blessures, et les médecins l’ayant ouvert, on lui trouva le cœur du doub’e de grosseur qu’il ne l’est chez les autres hommes. Le calviniste d’Auhigné s’était retiré à Genève. Il y com- posa plusieurs ouvrages d’histoire et de poésie, pleins de hardiesse et de verve satirique. Quant au jésuite dont le nom ressemblait tant à celui du poëte protestant, l’histoire ne dit point ce qu’il devint. Et Henriette d’Entragues ? Digitized by Google L’ABBESSE lE MONTMARTRE *33 Elle maria au duc d’Epernon, suivant la promesse qu’elle lui avait faite, la fille qu’elle avait eue de Henri IV... La marquise vécut jusqu’en 1633. Agée de cinquante ans, elle mourut dans sa terre de Verneuil, l’âme bourrelée de remords, dit-on, mais aussi rongée par le dépit de n’a- voir pu s’asseoir sur le trône de France. FIN DE l’aUBESSE DE MONTMARTRE. A Digitized by Google Digitized bÿ Google V TABLE DES MATIÈRES DEUXIÈRE PARTIE. P*gei I. La foire Saint-Germain 1 II. La petite histoire du capitaine Gargantua. ... 23 III. La tormexta du Mont-Cexis 45 IV. Le carnaval a Turin 63 V. Douce nuit, cruel réveil 84 VI. Le comte de Fuentès 103 VII. Entre vieilles connaissances 123 VIII. Fuite et poursuite, balles et boulets 115 IX. Arrestations 167 X. L’échafaud a la bastille 187 XI. Prise a son propre pièce 211 XII. Odieuse machination 226 > troisième partie. I. Le ron Henri 1 2 Al II. La tète des vignerons 272 III. Encore la vindicative Henriette 272 Digitized by Google 436 TABLE DES MATIÈRES IV. Ac Grand Cuatelet 311 Y. La maison du Pont-Notre-Dame .• 331 VI. Les Kaiserlich et l’ardoisière . 348 VII. Le batelier et la promenade du bouc... 336 VIII. Le bourgmestre de magdebourg et le cateau aux OIGNONS ... 383 IX. Sombres présages.^..,.., 401 . . X. Le quatorze mai V 413 FIN DE LA TABLE -V r-4. — lmp. Maurice Loi gnon; P. Dupont et Ci», rue du Bac-ll'A SRierts, lî É4 Digitized by Google I Digitized by Google 4 i Any cookies that may not be particularly necessary for the website to function and is used specifically to collect user personal data via analytics, ads, other embedded contents are termed as non-necessary cookies. Hotel bellegarde cauchemar en cuisine Cauchemar a l'hôtel Bellegarde Cauchemar a l'hotel aix les bain etchebest COMPLET Cauchemar en cuisine avec Philippe Etchebest - Saison 4 Épisode 4 - Le Cossi cauchemar en cuisine Pierre Pirat ne décolère pas. HERE RIGHT He leaves the hospital and goes back … Films & Séries Télé Gratuits. Balance Ton Quoi En Langue Des Signes, Mise à jour du 30/11/13 à 15h20 un porte parole de la préfecture a affirmé à l'AFP qu' "il n'y a pas de lien direct" avec l'émission d'M6, Cauchemar à l'hôtel. Sold by Services LLC. These components can be interpreted as the parts of a signal that correspond to trends, noise, seasonality, and many other factors. Le fort partage son emplacement au sommet dune colline avec le fort Albert, et ils ont été nommés en lhonneur de Sa Majesté la reine Victoria et de son mari, le prince Albert. Philippe se rend à Bellegarde, une petite ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. Facile de s'inscrire. The free, built-in Spaces CDN minimizes page load times, improves performance, and reduces bandwidth and infrastructure costs. Résumé de Cauchemar à l'hôtel Bellegarde Philippe Etchebest se rend à Bellegarde, une ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. Philippe Etchebest se rend à Bellegarde, une ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. Pavillon du Verger détaché du parc du château de Rambouillet et rattaché au domaine du Roi de Rome édifié pendant la … La dénomination Bellegarde-Adoulins date d’une ordonnance royale du 20 février 1822, par laquelle les deux communes furent remembrées. Cette semaine, Cauchemar à l'hôtel est de retour. Philippe Etchebest revient avec son émission Cauchemar à l’hôtel le 15 juin 2016 sur M6 en concurrence avec Marjorie et Patrick Chesnais, place à l’hôtel restaurant de Bellegarde. Depuis le jour où les caméras de M6 sont venues s’installer dans son établissement, ce patron a une dent contre Cauchemar à l’hôtel. Google has many special features to help you find exactly what you're looking for. "Cauchemar à l'hôtel". Actu Cauchemar à l'hôtel Audiences 2 millions de personnes devant une rediffusion de Cauchemar à l'hôtel Les audiences du jeudi 3 décembre pour les … L' Hôtel Hermance se situe au centre ville de Bellegarde-sur-Valserine et se trouve proche de la gare. Out of these, the cookies that are categorized as necessary are stored on your browser as they are essential for the working of basic functionalities of the website. Jewelry is the Perfect Beginner's French Lesson. Voor een goed functioneerde website dient u akkoord te gaan. Profitez gratuitement des programmes des chaînes M6,W9,6ter,Gulli,RTL ,Fun Radio,RTL2 ,Paris Première,Stories,Comic,Téva,M6 Music,Cage warriors. ... Philippe Etchebest se rend à Bellegarde, une ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. Cauchemar à l'hôtel m6 est une programme sur la télévision française de M6 qui avait reçu une moyenne de 4,2 étoiles par les visiteurs d' INSCRIVEZ-VOUS COMMENÇEZ À REGARDER. LE PLUS. We have new books nearly every day. Nos Projets Innovants Permutateur de Menu. Elle met en vedette le chef qui visite différents établissements d'hébergement en difficulté aux États-Unis dans le but d'inverser leurs malheurs. Télécharger. Lexa Saison 7, La paroisse de Pis leur fut associée en 1862. Du lundi au mercredi de 8h à 12h et de 13h30 à 17h Jeudi de 8h à 12h et de 14h à 18h30 / Vendredi de 8h à 12h . Télécharger Smilesrun Gratuitement, Il n'hésite pas à … Vocabulary. Philippe Etchebest sest lancé dans la nouvelle aventure Cauchemar à lHôtel M6. Cauchemar a l'hôtel Bellegarde dvdrip .avi . Seuls deux épisodes ont été diffusés en 2013 et 2014. Huit mois après la diffusion du premier numéro de Cauchemar à l'hôtel, Philippe Etchebest présente ce mardi 3 juin sur M6 à 20h50 un nouveau numéro de cette émission. Seuls deux épisodes ont été diffusés en 2013 et 2014. chalet montagne à vendre courchevel; pas sans toi; location océan pied dans leau; météo samoëns heure par heure. Pour plus d'informations, consultez notre politique relative aux cookies . Elle est située à 4 km de Masseube. Les deux forts ont été construits en 1842, sur proposition du colonel Edward Fanshawe, du Royal Engineers, construite par larmée britannique pour défendre le port militaire de la Royal Naval et dautres lieux stratégiques aux … … Simple vidéo en streaming sur votre PC. Ne avez un compte? Cauchemar à l'hôtel regarder serie vf, Cauchemar à l'hôtel vostfr 2014 Dans chaque épisode, Philippe Etchebest tente de venir en aide à des hôteliers en Skip to content Films Complet Stream HD Gratuit Audiences 2 millions de personnes devant une rediffusion de Cauchemar à l'hôtel Les audiences du jeudi 3 décembre pour les programmes diffusés en première partie de soirée. But opting out of some of these cookies may affect your browsing experience. This website uses cookies to improve your experience while you navigate through the website. Pour exercer vos droits, contacter CMI Digital à l'adresse tele7jours en justifiant de votre identité. Le fichier data recovery platinum pdf peut être un outstanding atout pour n’importe quel web-site World wide web, et toute entreprise en ligne. Cauchemar à l'hôtel m6 est une programme sur la télévision française de M6 qui avait reçu une moyenne de 4,2 étoiles par les visiteurs d' SERVICES TECHNIQUES 04 66 01 68 76 . Size 700 MG Format AVI Audio Video Interleaved 012314 MPEG-4 part 2, yuv420p, 720x304, 25 fps, 8 bit video TELECHARGER . Le 15/06/2016 à 2100, Sur M6 Nous n'utilisons ces informations que pour produire des statistiques généralisées afin d'améliorer l'expérience utilisateur de … Cauchemar à l'hotel Philippe Etchebest malmené par une candidate Après avoir écumé les pires restaurants de France, Philippe Etchebest revient sur la 6 pour "Cauchemar à l… Philippe Etchebest revient avec son émission Cauchemar à l’hôtel le 15 juin 2016 sur M6 en concurrence avec Marjorie et Patrick Chesnais, place à l’hôtel restaurant de Bellegarde. Agenda, festivités,événements associatifs...La ville s'anime tout au long de l'année It reached No. Toutes vos séries & émissions TV en live streaming ou en vidéo à la demande. Philippe Etchebest se rend à Bellegarde, une ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. Philippe se rend à Bellegarde, une petite ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. Découvrez toutes nos annonces immobilières de vente de maisons à Bellegarde 30127, actualisées en temps réel. Philippe et j'te baise de retour pour faire changer les choses en criant très fort Een nieuw seizoen, een nieuw geluid vergeet je pronostiek niet én wordt topmanager via ons managerspel! Il s’agit de l’hôtel Restaurant l’Agriculture à Bellegarde qui existe depuis 100 ans 10 chambres. INSCRIVEZ-VOUS COMMENÇEZ À REGARDER. En ce moment, nous possédons 2 émissions dans nos archives, dont la première a été diffusée en décembre 2015. Cauchemar à l'hôtel retrouvez grâce à Télé 7 Replay toutes les vidéos disponibles gratuitement de Cauchemar à l'hôtel en replay et en streaming. have you lived in the area? Le fort des actions de son emplacement au sommet dune colline avec fort Albert, et ils ont été nommés en lhonneur de Sa Majesté la reine Victoria et son mari, le prince Albert. 10. Mi-avril, l'hôtel-restaurant de l'Agriculture, à Bellegarde, a accueilli pendant neuf jours l’équipe de tournage de Cauchemar à l’hôtel », dont le chef Philippe Etchebest. Les données météorologiques sont actuellement pas disponible pour cet emplacement, stec_replace_current_temp °stec_replace_current_temp_units, Vent stec_replace_current_wind stec_replace_current_wind_units stec_replace_current_wind_direction, Feels like stec_replace_current_feels_like °stec_replace_current_temp_units, stec_replace_min / stec_replace_max °stec_replace_temp_units, Rue de L Hôtel de ville, 30127 Bellegarde, stec_replace_current_wind stec_replace_current_wind_units stec_replace_current_wind_direction, stec_replace_current_feels_like °stec_replace_current_temp_units, Width in pixels Height will be calculated automatically. Bam! Our heirs are the fecund masses now arriving on Europe’s shores in rubber dingoes. Standard Luik RSS Dagelijks al het Standard Luik nieuws voor jou verzameld! And so on. À la française The French Way. Vous profiterez gratuitement d'une connexion Wi-Fi et d'un parking privé sur place. Hôtels Bellegarde 30127. We also use third-party cookies that help us analyze and understand how you use this website. Cauchemar A Lhotel Bellegarde Streaming , Film { Streaming Complet en VF Gratuit} - VF - Film complet streaming francais, Streaming VF 2013-10-30 Cauchemar à l'hôtel Vocabulary. Mise à jour du 30/11/13 à 15h20 un porte parole de la préfecture a affirmé à l'AFP qu' "il n'y a pas de lien direct" avec l'émission d'M6, Cauchemar à l'hôtel. Mardi soir, à partir de 20h50, sur M6, la diffusion de l’émission Cauchemar à l’hôtel » sera consacrée à l’hôtel-restaurant de l’Agriculture à Bellegarde, dans le Montargois. 6 listopada 2020 Brak komentarzy. HESITATION BLUES. Toutes les émission de Minute Par Minute en replay. Toutes les chambres disposent d'une salle de bains privative. de l'allemand par Laurence Courtois. À votre tour, laissez-vous surprendre par le charme des lieux. Palais du Roi de Rome construit par Auguste Famin de 1809 à 1815, à l'emplacement de l'hôtel du Gouvernement construit en 1787 par Jacques-Jean Thévenin, et dont il conserve les ailes basses bordant la cour jusqu'à la rue. LE PLUS. Avoid Getting Lost By Learning Directions in French. Ici vous trouverez tous les épisodes du Bull. Cauchemar à l'hôtel - Retrouvez grâce à Télé 7 Replay toutes les vidéos disponibles gratuitement de Cauchemar à l'hôtel en replay et en streaming. En … Idiomatic French … Bellegarde est un joli village tout en relief d'un peu plus de 7000 âmes surplombé par la Tour de la Madone. Philippe se rend à Bellegarde, une petite ville dans laquelle Hélène et Guy se sont lancés dans l'hôtellerie par passion. PERMANENCE ASTREINTE weekend 06 89 30 38 94 . HERE COMES THE HOTESTEPPER Enseignée par Bastien Dumetz à Bellegarde-en-Forez le 26 Octobre 2013. cauchemar à lhôtel bellegarde streaming. Cauchemar à l'hôtel est une émission de télévision française adaptée de l’émission américaine Hotel Hell en diffusée sur Fox depuis le 13 août met en scène le chef-cuisinier Philippe Etchebest [1].Seuls deux épisodes ont été diffusés en 2013 et 2014. Reminder of your requestDownloading format TextView 1 to 8 on 8Number of pages 8Full noticeTitle Figaro journal non politiquePublisher Figaro ParisPublication date 1909-12-22Contributor Villemessant, Hippolyte de 1810-1879. Directeur de publicationContributor Jouvin, Benoît 1810-1886. Directeur de publicationRelationship textType printed serialLanguage frenchFormat Nombre total de vues 164718Description 22 décembre 1909Description 1909/12/22 Numéro 356.Description Collection numérique Arts de la marionnetteDescription Collection numérique Commun Patrimoine bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine communeDescription Collection numérique La Commune de ParisRights Consultable en ligneRights Public domainIdentifier ark/12148/bpt6k2886838Source Bibliothèque nationale de FranceProvenance Bibliothèque nationale de FranceOnline date 15/10/2007The text displayed may contain some errors. The text of this document has been generated automatically by an optical character recognition OCR program. The estimated recognition rate for this document is 59%.so&c3S£. Va»' visite à Ollivier Jean Aicard. Contre le travail de nuit des boulangers Julien de-Narpon. Phrases lapidaires Locis Ghevreuse. La mort du grand-duc Michel Palliés. La mort de Léopold II Gérard Haery. Chanles-Loiiis Philippe André Beaunier. Les papiers de Coofc E. Dotdt. La Chambre Pas-Perdus. Le Sénat Auguste Avril.. Autour de fa politique A. A. Journaux et Revues Amdré Beaûnier. Les voyages en aéroplane M. Jacques de Lessçps échoue Frantz-Reichel. Académie des sciences Le Fonds Bonaparte. Académie .de médeoine Intérim. Gazette des tribunaux Georges Claretie. Les Théâtres À la Porte-Saint-Martin La Massière » Francis Chf,vassu. Madame Margot » Emile Moreau. La saison de comédie à Monte-Carlo J. DarTHENA'X; '.̃ 1 UNE VISITE à I. Emile OlMer .M., Emile Ollivior, quif en parfaite en pleine" verve, achève son œuvre historique admirable, n'assistera pas demain il la réception académique. M. Jean Aicard a eu la jolie pensée de l'y associer par ce récit d'une visite .qtt;il lui a rendue naguère dans sa vi 1 1 a" de la Moutte. On connaît aujourd'hui, quatorzième volume de l'Empire liberal, quel f ht le fardeau d'injustice supporté en silence par M. Emile Ollivier, avec une. hautaine fierté, depuis la date fatale de 1870.; Nous savons comment, après avoir fait les plus grands efforts pour éviter une; guerre inévitable, il s'y résigna d'un cœur léger », précisément parce qu il-en subissait la nécessité sans l'avoir, provoquée un seul instant; nous voyons clairement que l'intelligence simpliste des uns et la haine des autres interprétèrent dans le sens de à la légère » un mot qui, de toute évidence, voulait dire avec une conscience sûre d'elle.»;– la tranquillité de laconscience n'empêche pas la désolation simultanée d'une àme nous avons appris comment les partisans do la guerre et du c^sarisme, qui étaient hostiles au premier ministre, conseillèrent et entrepriJSftiJ^sp&.îiisji, crimjirujentes. démarches diplomatiques enfin nous n'ignorons plus comment, dans cette heure critique, et en; dépit des manoeuvres secrètes dont se, sentait entouré M. Emile Ollivier, il lüi' parut nécessaire de ne pas donner une démission qui aurait eu à ses yeux figure de désertion' devant l'ennemi.. Ceux qui ont toujours vécu loin des passions de partis, en philosophes, ceux que leur tempérament ou leur âge conduisent a regarder avec une sympathie attristée le spectacle de la vie, n'ont pu en àucun'temps entendre prononcer le nom" d'Emile Ollivier sans être émus à l'idée de la grande douleur que représente ce nom historique. En 1868 et 69, après vingt-cinq ans d'empire autoritaire, les républicains sentaient se réveiller leurs espérances. Les jeunes gens, qui se passaient sous le manteau les Propos de Labiénus, savaient tous par cceur les Châtiments de Victor Hugo. L'étincelant Rochefort se permettait avec la Majesté impériale des libertés énormes, mais insaisissables. Polisson tu as pris la taille de ma femme Moi monsieur ? Fouillezmoi 1 » Et l'on s'arrachait la Lanterne, d où s'échappaient des pétillement dironié joyeuse. Le Paris-Gavroche riait, mais les esprits attentifs devinaient, sous le masque de ce Paris en état de gaieté froriHeuse, une face irritée. La Révolution, prête aux colères, se faisait irienàçan te. Alors un homme rêva d'empêcher le choc redoutable des deux forces en ptésence pouvoir absolu et liberté. Plier la. Révolution à n'être que l'évolution ôter aux sourdes colères leurs motifs essentiels de se dire légitimes; faire un tri parmi les revendications, pour apaiser d'abord les plus criantes réaliser progressivement les plus justes espérances des républicains sans se soumettre à celles de leurs exigences qui semblaient contraires à l'ordre essentiel; contraindre l'autorité et la liberté à se servir l'une l'autre; ce projet, insupportable aux impatiences révolutionnaires, ,avait été jadis le rêve de Mirabeau. Mirabeau, le premier,- s'était senti de taille a maîtriser et à diriger la Révolution '̃ grondante Pourquoi pas? Luimême, lui, l'indomptable; lui, le taureau- rhodanien, n'avait-il' pas été muselé, uîi jour, par l'autorité paternelle? Et encore n'avait-il pas vu comment on endigue le RMne et ses fureurs de débordements? Dirigées, les inondations ne peuvent-elles rester fécondes sans être destructives? Et le rêve héracléen de Mirabeau était devenu le projet d'E- mile Ollivièr. Qu'il réussit, et c'était la grande, la pure ̃gloire; Rien de pareil ne se serait vu quelles difficultés et quels risques 1 quelle folie! disaient les moins hostiles,– quoi vouloir unir les incompatibles {. En tout cas, dans une telle aventure, la condition primordiale, pour être jugé avec justice, était de durer. Pour parvenir à ce faite surélevé comme l'est, sur un navire, la passerelle où se tient debout, aux grandes heures critiques, l'amiralissime, il avait fallu d'abord concevoir avec audace 1 aventureuxprojet; ensuite le faire accepter de l'Empereur, malgré le mécontentement des impérialistes; puis, douloureusement, voir s'éloigner beaucoup d'anciennes amitiés qui étaient allées prendre vang parmi les irréconciliables ». .Et tout cela, c'est-à-dire le plus diffi- cil et le plus pénible, est a,cçoaajJi. Maintenant, le coin m mandement suprême est entre les mains du réformateur. On va donc voir ce que sait faire ce chef. Le voilà debout sur sa passerelle. Vers lui convergent tous les regards de la France et de l'Europe. Depuis quelques heuresseulementilapparaîtcomme responsable, bien qu'aucun des dispositifs pris jusqu'à ce jour ne soit son œu- vre. A ce moment précis une vague de fond soulève le navire qui, retombant sur un écueil, s'entrouvre et s'abîme. L'année terrible roule, comme une mer démontée, des épaves qui s'entre-choquent. L'amiral, vaincu par les éléments, n'est plus que le grand naufragé d'un naufrage que rien n'aurait pu conjurer. Quelle tragique destinée 1 *& J'ai eu l'honneur de rendre visite, il y a peu de temps, à M. Emile Ollivier dans sa soliiude de la Moutte. J'en ai rapporté une impression profonde. fin quittant Saint-Tropez, et en allant au sud,'vers le promontoire de Camarat, par un chemin public, on se trouve bientôt au milieu d un cirque de collines qui ondulent, comme flexibles, sur le fond très bleu du ciel méditerranéen. Ces mamelons, chargés de pinèdes verdoyantes, enserrent une petite plaine à laquelle le voisinage de la mer un moment invisible "donne ce je ne sais quoi de libre et d'infiniment spacieux qu'on sent de très loin et qu'on respire. Et voilà qu'au bout d'un champ de vignes, au sud-est, on aperçoit comme une oasis. Un large groupe de dattiers jette vers le ciel les bouquets de ses pal- mes retombantes et immobiles. Des ci- mes d'eucalyptus les dominent. La re- traité d'Emile Ollivier est cachée là, dans ces arbres. Vous ne la verrez qu'en heurtant le seuil. C'est une demeure d'autrefois, d'une très noble simplicité. Une cour ouverte, sablée, sépare l'habitation principale d'une aile qui la protège des vents du large. Au-dessus de la porte-maîtresse une inscription Certa virititer sustine patienter. C'est bien là ce qu'on atten- dait, la demeure d'un orateur des républiques d'autrefois, d'un lutteur de la vie politique, qui, après l'action conduite à la romaine, a pris ses quartiers de repos chez les philosophes, en Grèce, sustine patienter. Ces deux derniers mots de la devise liminaire, tout le jour, à chaque pas, sonneront dans l'esprit du visiteur. 'Le seuil est franchi. Autour duaIon règnent des biblîofJièqj^.bjês£s_^ujL couronne ne assemblée de bustes, ora- teurs, penseurs et poètes. On dirait que ces morts illustres tiennent conseil. Lamartine préside et Socrate le regarde. Tous se sentent chez eux, .C'est l'heure do combattra avec l'arme qui reste, C'est l'heure de monter au rostre ensanglanté Et de défeddre, au moins de la voix et du geste, Rome, les dieux, la liberté 1 .Le maître de céans arrive. Il parle. Je reconnais tout de suite le timbre séduisantde cette voix que j'avais entendue dans mon enfance. Elle vibre et elle caresse. On dirait des sonorités d'argent qui tintent, calmées par des draperies de velours. Un grand apaisement, voilà ,ce qu'elles expriment. Elles disent le passé qui fut un champ de bataille et qui s'est transformé en un champ fleuri d'asphodèles. Entre aujourd hui et ce hier» » lointain il n'y a eu que le travail, continu, lent, quotidien, inlassable. Et voici la table du travailleur. En face de sa place coutumière, un siège; un autre siège à sa droite, aujourd'hui ceux do Mme Emile Ollivier et de sa fille, secrétaires » attentifs. car l'écrivain no peut plus travailler de ses yeux. Tous les documents lui sont lus et relus. Sa mémoire les recueille et les garde, les contient tous; et, au moindre appel de l'historien, les se- crétaires » vite feuillettent, cherchent, retrouvent. Chaque jour, depuis quarante années, sans un moment de défaillance, il s'est assis là, réfléchissant, résumant, dictant, et attendant l'heure où le dernier des quinze ou des seize volumes de l'Empire libéral ferait la lumière décisive sur son attitude de ministre. Sustine patienter. L'heure invite à la promenade. Nous voici maintenant dans les sentiers rocailleux des douces collines. Nous allons vers la mer. Et, s'appuyant sur le bras de son compagnon, le maître ne cesse de parler, avec sa voix charmeresse. Il dit la poésie, il explique l'éloquence, il raconte l'action parmi les foules et le bienfait du long labeur dans la solitude. On s'arrête devant un pin-parasol très vieux et, posant sur l'arbre une main familière Voyez comme il est beau 1 quelle élégance 'dans le jet des branches » Sur ce pin et tout' autour de nous palpite, innombrable, le chant des cigales, le même frémissement sonore qu'écoutaient, il y a trois mille ans, les vieillards homériques, et celui-là même que les sages retrouveront sans doute aux Champs Elyséens. Que disent-elles, les cigales obstinées? J'entends bien. inlassablement elles répètent Patienter patienter! sustine patienter Les pentes douces s'abaissent lentement sous nos pas; nous ressortons du bois, et, devant nous, tout près, le sol doré plonge, expire dans 1 azur de la mer très tranquille. Nous voilà assis sur un banc de pierre, demi-circulaire, entouré de kermès rampants. Et ici l'on se taira longtemps pour écouter la vague qui susurre des choses indicibles aux sables de la grève, sans fin remués. Enfin, le maître de ces bois et de cette plage Renan, assis où nous sommes, a regardé longuement là-bas, dans l'Est, le rivage de Saint-Raphaël, les cimes de l'Estérel, et il disait C'est bien la Grèce c'est la Grèce boisée ». Quand il vint, ce fut par un jour semblable à celui qui nous enchante; la même paix dormait, bercée sur les vastes eaux. Et je lui dis Ne trouvez- vous pas, qu'il y a plus de grandeur et de puissance dans le spectacle de l'immense mer au repos que dans celui de ses tumultes et de ses colères Quand les hautes vagues luttent en désordre, avec des grondements, des crachats de haine, des bouillonnements de rage, certes la scène a de la beauté, mais on sent si bien que toute cette agitation forcenée sera vaine à la fin Vaincue fatalement d'avance, la mer qui se tourmente n'a pas la vraie grandeur de cette mer recueillie, unie, qui laisse deviner ses belles profondeurs et qui seulement parce qu'elle est calme oui, seulement cause de cela peut répéter tout l'azur des radieuses journées, toutes les constellations palpitantes des nuits. » Et tandis qu on regagnait la vieille maison par un autre chemin qui fait un détour et suit quelque temps la plage, le philosophe souriant me désigna du doigt une pointe de rocher, avancée sur leau bleue, comme la proue dorée d'un petit navire. La surface du rocher est aplanie de-main d'homme. Pour l'heure, cependant, rien n'indique au passant qu un jour, sur ce promontoire minuscule, nos enfants verront une tombe une simple dalle avec cette inscription digne d'être lue devant la mer des jours paisibles Magna quies in magna spe. Les jours de "tempête affreuse sont rares ici. Les vaines tourmentes passeront vite; et, le plus souvent, devant cette* tombe, s'étalera la mer sereine, unie, tranquille, celle qui, durant le jour, reflète l'azur; durant la nuit, toutes les étoiles mystérieuses. Et le grand naufragé sera là, entouré de sérénité, comme dans une île heureuse. Magna quies. Jean Aicard. v Échos La Température Hier, dans la banlieue de Paris, la température a fourni des minima de 40 au-dessous de zéro. Malgré ce froid, la journée qui était, aux termes du calendrier, la première de l'hiver, a été très belle, avec un ciel beaucoup moins brumeux, que pendant ces derniers jours. Le thermomètre marquait à Paris 30 audessous de zéro à sept heures du matin et 40 au-dessus à cinq heures du soir. La pression barométrique, après une faible hausse, accusait à midi elle a monté fortement sur. l'Europe centrale une dépression ̃^s'âïpipTïryie de l'Islande, une autre persiste ,3H_,s,U_d=ftù£ l'Irlande.• ©es pluies et -ées neiges sont tombées sur presque toute l'Europe; en France, elles ont été abondantes dans la moitié sud. Départements, le' matin. Au-dessus de \éro 10 à Cherbourg, à Nantes, au Mans et à Besançon 20 à Brest, à Lorient et à Lyon 30 à Ouessant et à Clermont; 40 à l'île d'Aix et à Limoges; 8° à Perpignan, 90 à Cette, io° à Bordeaux et à Marseille; 14° à Oran, 150 à Biarritz, 180 à Alger. Aurdessous de ^êro 1° à Boulogne, à Nancy et Belfort 2° à Dunkerque, 5° à Charleville et au pic du Midi. En France, quelques ondées sont encore probables dans l'Ouest; le temps va rester nuageux et froid dans le Nord et l'Est. La température du 21 décembre 190S était, à Paris 40 au-dessus de zéro le matin et 50 l'après-midi. Baromètre 770"1"1; ciel couvert. Monte-Carlo terrasse du Casino. Température dix heures du matin, 230 midi, 250. Temps printanier. y Nice. A midi, 150 à trois heures, 14". Du New York 'fferald A New-York Temps beau. Température maxima, 2°; minima, 6°. Vent ouest. A Londres Temps beau, froid. Température maxima, 20 minima, i°. Vent est; Baromètre 756"™. A Berlin, 'Temps beau. Température à midi 30. - .t~ PHRASES LAPIDAIRES M. Emile Combes, qui n'était pas contenta a prononcé l'autre soir un grand discours. Et tout d'abord il a tenté de dissiper les sophismes colorés de vertu d'une rhétorique nuageuse». Il est donc entendu que la rhétorique des adversaires de M. Emile Combes est nuageuse. Mais quelle épithète faut-il assigner à la rhétorique de M. Combes luimême ? Nos lecteurs en décideront lorsqu'ils auront lu ces quelques phrases, détachées du compte rendu officiel. L'alternance est pour les partis un élé ment de vitalité. » Ce mode électoral émasculerait la reprérsentation. » . Lo voilà le scrutin' d'arrondissement qui, par les bouches les plus autorisées, par des bouches ministérielles, annonce l'avènement prochain des monopoles d'Etat. » Et voici nn irïftrceau. d'une Mlle venue/ que nous nous reprocherions d'émasculer comme une représentation C'est, dit-on, à des mares stagnantes qua s'alimente notre scrutin uninominal. On omet de dire que de ces prétendues mares stagnantes il s'échappe autant de cours d'eau, auxquels manquent sans doute à l'origine l'aspect plus grandiose d'une rivière, mais qui, réunis des diverses parties de l'horizon, forment ensemble un fleuve superbe, où sont venues s'engloutir, depuis trente ans, où viennent s'engloutir encore chaque jour les balayures des régimes passés, tandis que ses eaux, périodiquement accrues par les eaux bienfaisantes des renouvellements législatifs, arrosent et fécondent t les terres nouvelles et de plus en plus émergeantes de la démocratie. » Récapitulons Des mares stagnantes s'échappent des cours d'eau. Ces cours d'eau n'ont pas tout d'abord le grandiose aspect d'une rivière. Mais ils se réunissent des diverses pariies de l'horizon, et alors, forment un fleuve superbe. On ne peut douter que ce fleuve ne soit superbe. En effet, chaque jour, depuis trente ans, c'est à dire depuis onze mille jours, des balayures viennent s'y engloutir. Aussi, ce fleuve féconde les terres de la démocratie. Il semble, ù lire cette description, que M.' Combes ait appris la politique dans les champs d'épandage. Nous ne citerons rien, après cette merveilleuse tirade. Vainement les amis de M. Combes ont tenté de dépasser sa singulière éloquence. M. Vallé a dit Le sujet traité par cette troupe a la contexture d'une œuvre étrangère, c'est pourquoi elle obtient un vif succès.» M. Dépasse, dont le nom était pourtant une promesse, a déclaré Les gouvernements de force sont tombés sur les autres, depuis la Révolution française, tantôt comme des châteaux de cartes, tantôt comme des colosses aux pieds-d'argile. » • Quant à M. Mascuraud, il était fort in*quiet. Il a dit Cette réminiscence m'assiège. Je vous demande si ce n'est pas l'analogie qui l'impose ». .Et l'on plaisante le style des rapports de gendarmerie 1 Louis Chevreuse Contre le Travail de Huit DES BOULANGERS Une allocution de Mgr. Amette Il paraît que lorsque l'Association caj, tholique de la jeunesse française eut choisi la grande salle de l'hôtel des Sociétés savantes pour y donner la réunion que l'archevêque de Paris a présidée hier soir, quelqu'un exprima à Sa Grandeur la crainte que cette grande salle ne fût, en effet, beaucoup trop vaste en l'occurrence. Il serait difficile de se mon-' trer plus mauvais prophète. La salle de l'hôtel des Sociétés savantes a été beaucoup trop petite pour l'auditoire qui s'y entassait dès huit heures, et surtout pour ceux qui, étant arrivés un peu tard, n'ont pu y pénétrer. La séance fut d'ailleurs triomphale et Mgr Amette Ion* guement acclamé. Sur l'estrade avaient pris place Le'comte Albert de Mun et Mme la vicom-. tesse de Vélard, vice-présidente de la Ligue patriotique des Françaises, à la droite et à la gauche de Sa Grandeur Mgr Baudrillart, Mgr Odelin, vicaire général, MM. le duc des Cars, chanoine Roland-Gosselin, de Lamarzelle, sénateur; M. et Mme Goyau, Duval-. Arnould, M° Cazeaux, comte de Calan, Paul Lerolle, de Las pases, sénateur César Caire, chanoine Deschamps, Cunéo d'Ornàno, de Gailhard-Bancel, Alpy, Olivier, député des Gôtes-du-Nord, M0 Reverdy, etc. Mgr Atnette ouvre la séance par la récitation du Pater et donne la parole à M. Gerlier. Le jeune président de l'Association ca* tholiquo de la jeunesse française a, un vrai tempérament d'orateur et son éloquence n'est pas moins ardente que châtiée. La précision et l'élégance du' geste sou» lignent sobrement les phrases dont il veut accuser le relief. L'intervention de l'archevêque de Toublio le devoir social* Ce 'devoir pour les catholiques découle, de'lvEyïingtie. C'est le Christ qui a dit que- âtms devons aimer notre prochain comme nous-mêmes' en ajoutant que tput 'homme est notre prochain,' tout homttloï otï-non pas seulement' ceux qui appartiennent à notre càslc,; ou' qui partagent, en ^matière religieuse, sociale, politique', 'nos- idées. Tout homme, y comppfè'.oeux'qûi nous^haïssent. Et-commen t doit se traduire cet amour ? Par des actes. Et le champ est immense qui sollicite notre Ainsi que l'écrivait Le' Play en 1857 à un de ses amis très., occupé 'de. reboisement 11 importe bien moins de refaire des forêts, que des' hommes et des familles. » Mme ddélard est d'ailleurs bien convaincue que l'auxiliaire de la loi est ici indispensable..Mais il faut. préparer. l'opinion. Et çlle -conclut i Soyez apôtres,»" » t ..[. v ̃ ï- • ,'̃̃•' •-> "'̃ Le trôisi-èmediseours est prononcé par M. Jay, Tcm-înerit professeur à la faculté de' droit. "M. Jay élargit singulièrement le débat en essayant' de montrer pourquoi la massé populaire s'obstino à voir aujourd'hui dans l'Eglise unccnne-miOiS'et>"à; donc comme une vraie lutte -sociale -lutte contre 1;E-"gl ise." G'opfcque W peupla s 'i- maginte-que l'Eglise, quand elle prêche les destinées sUpra-terrcstrcs, se constitue la complice du capital; C'est là la vraie cause, la cause unique-, de l'hostil Hé1 'dès ̃' lasses ouvrières contj'0 -1-E-' glisc. Or, M. Jay estime et il a le courage de dire que la responsabilité des catholiques est ici sérieusement engagée. Sans doule, ils aiment le peuple, mais ils n'ont pas su lui montrer assez qu'ils 1 aimaient. Du moins, ne le lui ont-ils pas montré sous les -formes où le peuple aurait le..mieux. saisi cet amour. Ils en sont rester .auxvieilles méthodes, dont le 'peuple-, ne veut plus. Ils n'ont pas compris. l'évolution morale et sociale à laquelle ,ils. assistaient. La charité individuelle- ne suffit plus, parce que le peuple rêve d'ascensions collectives,- d'ascensions -de .classes.. Alors les initiatives,, nécessaires, ont, été prises par d'autres. •̃ ̃ M.; J-ay prouve ensuite que les lois sociailesv-'coniraccellequi interdirait le ira- nuit dans la boulangerie.– .sont t encore plus libératrices pour les patrons que. les ouvriers,, parce qu'elles ..libèrent les premiers du pire des esclavages, .'Desejavage moral, ou la nécessité de-fairc/'le mal sciemment parce que les conditions, -de concurrence -vous- y obligefl-t. 11 raille ces catholiques timides, qui -eiïi peur qu'on ne les étiquette socialistes;d'Ktat, et' il en appelle* à -cette tidmirâble'eh-arte-du tra-vail jqu'est l'encyclique XIII, Rentm novarimi. ** EnlTh Mfr'Àme'tte prononce l'alloctĩtioirdeclùture. Il' se félicite d'avoir été noniiné, par -un journal qui voulait ou se jg'aUssei""de lui ou le flatter, il ne sait, f'arài dès -mitrons ». Il est l'ami de tous la Providence lui adonnés pour fils, mais plus spécialement de ceux qui soufl'rent. N'est-il pas le disciple de ceku'qui a dit Venile ad me omnés qui laborhtis et onerati eslis, et ego reficiam tw? "A ce moment une lueur de magnésium éclate, et le fond de la salle s'emplit de^fumée. 11 n'en faut pas tant pour occasionner un, commencement de panique", Ne -bougez pas, dit en riant l'archevêque-, il n'y a d'attentat que contre la modestie des personnes qui sont sur l'estrade. » Et il reprend son discours poûradresser tour a tour des remerciejnents'êt4es félicitations à la Jeunesse' catholique sociale parce que calholi- que -à laBigùe patriotique des Françaises et spéêial'e-mênt à Mme de. Vélard, Vaillante ;ch retienne qui s'inspire uniquçriîént dé l'Evangile »; à M. Jay, dont la parole de flamme est celle d'un convaincu et d'un apôtre à M. de Mun, ce grand ami de Dieu et du peuple . Mgr Amcttè affirme, en terminant, la rH'êôSsitér de' la réforme qu'il préconise sans ïfirmer d'ailleurs les veux aux difiicidtés qu'on lui a signalées. Mais, ajoutet-il, reprenant. un mot célèbre Si c'est possible^ c'est fait; si c'est impossible, çafse" , » Nous devons croire que Dieu, fa qui rien n'est impossible, assuirera'ë sùccèl'de nos efforts. a adopté^ par acclamatjoïs' fë "vœu 'que' les mesures 'nécessaijv?* soient prises pour arriver au plus tôt'.a 'la' "fùoprf'ssion du travail de nuit .dans là bouiangei'in '». jVler' A-mfitte a. été l'objet, à l'issue de la-s&nee, d'uiié enthousiaste, ovation. Julien 4s Narfon. he\onae'Ia~iIf0 SALONS -̃̃̃̃̃' A l'ambassade de France à Vienne, dîner intime en l'honneur de S. Exe. le prince Ouroussoff, ambassadeur de Russie. Parmi les invités de M; Crozier Prince Ouroussoff, LL. AA. le prince et la princesse Liechtenstein, S. Exe. M. Dnn>ba, comte •et comtesse Coudenhaye, comtesse, Marietta Coudenhove, M. et Mme Alcers Douglas, de'l'amJjassade d'Angleterre, capitaine, et Mme Levesque née Voisin, baron de Barante, etc., de vingt-quatre couverts, à là légation de Perse, en l'honneur des membres du bureau de l'Union franeo-persàne et dû; professeur Brown, de .Cambridge, Les invités de S. Exe. le ministre de Perse, étaient M. lMeulafojr, membre de l'Institut', présidont de l'Union franco-persane; M, Qout, souS-directeur au service politique du ministère, des affaires ftti-atig-èros-; le général Gérard, MM. RapUael- Ga'orjtus Lévy, Boyer, Taigny, Emile Gautier, Jean-Beinârd, Jean Hérbette, conte de G rame do, prince i^-irouz Mirza,Mô'ktador ol Molk, le consul général de Perse,. Sadigos Saltanoh, Adolplie Back de Surany, etc; -̃ Lady Pirbright -restera chez elle la soir du icr janvier igjo, do .neuf heures .et demie à minuit, après la .dîner diplomatique qu'elle donne tous les ans. en l'honneur de l'ambassadeur de la Grande-Bretagne, et de ladyFeodorowna Bcrtie. M. et MjTié dé Teffé* von -Hoonholtz ont donne dimanche, un élégant dîner; Parmi Les convives Baronne d'Hajuba, baronne Leonîno, née de Rothschild, Al. Vt Mnu> Bailly de Jean, M. et Mme lu-nè Nagçlmacliers, comte Alexis de Solms, M llawis Phelps, etc. Mme ArirraTid • Coûtant reprendra- en janvier -sps réceptions des deuxiéntes et%quatriémes samedis, de quatre ù sept hcuresi Aujourd'hui, diner chez M. André Sainte Hilaire, j • Mme André Wallut, née Lavoignat; a donne dimanche une riiatinéé' suivie de -cotillon, à laquelle étaient invitées. les amies de se, filles. ̃̃ 1 ]..o chftvalieret Mme Alfredo Barbirolli, les professeurs de chant si connus, ont donné, lundi dernier,' dans .leurs salons ,d •» On signale également •l'arrivée "du;- prince Othon de Windisch-Graetz, g$n1' dre de la princesse Stéphanie, etle"dt}e' deSchleswig-Holstein, frère de l'impératrice d'Allemagne, et sa femme, 'la princesse Dorothée de Saxe-Cobourg el. Gotha,- fille de la princesse Louise. La comtesse de Flandre s'est rendue ce matin au pavillon du Belvédère, à Laeken', poifr rendre visité à là~*p'r*n-̃̃ .a > tt» • 7 Cannes, 21' décembre. La princesse Cécile de MëcklembourgSchwerin, femme du prince héritier d'Allemagne, est arrivée ce matin, par train, de luxe, accompagnée d'un chambellan et d'une dame d'honneur. Elle a été reçue à la gare par le grand-duc Nicolas de Russie, le prince et la princesse de Saxe-Meiningen, la princesse Ourousoiï, le consul général d'Allemagne, le sous-préfet, le général Baranoff et les officiers de la maison militaire du ,grand-duc Michel ̃ Le. sons-préfet de Cannes a prononcé une bçève allocution, à laquelle la prinçessea répondu avec beaucoup de grâce el d'émotion.' ̃̃̃ Elle s'est ensuite rendue che2 sa mère, auprès de qui elle s'est installée à la villa Wenden. ̃; Le préfet^ des Alpes-Maritimes, M. de Joly,,arrivé de Paris, est allé présenter les hommages et les condoléances du gouvernement. Le grand-duc t Michel Michaïlovitch dont'bn attendait 'la venue pour arrêter l'es dispositions des funérailles est également arrivé dans la soirée, venant d'Augleierre. Une dépêche parvenue à la villa Alleripirl ce soir, adressée au grand-duc. Nicolas', l'informe que l'escadre russe arrivera a Toulon demain. Les funérailles auront lieu probablement jeudi. Vë ,'préfet ^d'ës Alpes-Mari tïmes repré gouvernement, et le président de; la République sera représenté par un officier de sa maison militaire. ̃ Pour tenir compte d'un voeu exprimé par le grand-duc défunt, un bataillon de chasseurs alpins, le 23e de Grasse sans doute; rendra les honneurs Les dispositions prises par là cour de Russie font croire que les funérailles' a Saint-Pétersbourg' auront lieu le'22décetabre 'calendrier russe. •,̃ PalUès. CHA^LgS LOUIS PHILIPPE Il vient de mourir hier, a Paris, un jeune écrivain qui n'avait point conquis -encore ce public nombreux qu'on appelle le igraiî'd public, mais qui était pourvu d'une;sprte de génie 11 avait §-ag^,é;a'vec peu de volumes,' la plus •lïali-fjè'^syme dès lettrés ;c,èux qui le cdaijiii^W'î^-i.^ffi'Sy^.l-^r^ t ̃^a'u, pi? à;. sôn,;Q3uyre, [, "tliip destinée magnifique.' "Une- fièvre typhoïde l'a tué. C'hàrles- Louis Philippe était né en 18t4;à"Génlly, petite ville de l'Allier, Son ;père, sabotier là-bas, eut l'aspect du vieux paysan voûté sur l'ouvrage. Dès.' sa naissance villageoise, CharlesLouis Philippe, avec son nom bifearrement royal, eut deux compagnes la maladie et. la pauvreté. La première ne ̃ le quitta pas beaucoup; et, si elle s'éloigna quelque temps, elle revint 'pour le mener tôt à la tombe. La seconde lui fut fidèle et jamais ne l'abandonna. Cela commença par un mal terrible et qu'il a raconté, avec un détail méticuleux et poignant, dans l'un de ses pre'ihiers ouvrages, dans ce journal de son 'enfantine souffrance, la Mère et l'Enfant. C'est un, petit, livre comme on n'en ^connaît pas. d'autre, si véridique et avec 'tant de simplicité surprenante que la •réalité y .semble divinisée • i Charles-Louis Philippe s'était d'abord imaginé d'être polytcchnirien! Mais la maladie le laissa malingre, tout petit et la Oguré trouée comme d'uiiboulet qu'il aurait reçu dans la joue. Il vint à Paris, mélancolique el occupé' du projet d'écrire, ll's'instaila dans l'île Saint-Louis ^et, désormais, habita un logement de pauvre. II était nn pauvre et il Tétait volontiers' J'e'suis sûr qu'il n'a jamais fait aucun effort pour attraper un peu d'aieance. Lorsqu'apparut son talent, on lui offrit ceci ou cela il refusait' obstiné'rïien-U li 'avait fondé, avec deux camarades, une petite revue, l'Enclos! Le résultat concret- fut de quelques1 dettes et, ensuite, la vente de ses beaux livres servit à ces payements. Tout de même, pour vivre au jour le jour, il devint employé à l'Hôtel de Ville. Maurice Barrés, qui l'admirait, l'y avait aidé gentiment. Et il fut piqueur municipal ou, en d'autres termes, vérificateur des On lui a^vaii assigné le septième arrondissement, ou il y a peu d'étalages,- de sorte que ses modes-'tes fonctions ne lui imposaient qu'un petit, nombre de promenades par tes rues, qu'il examinait pour. son art autant que pour deux cent .trente francs de sa mensualité.. >ll vivait ainsi, infiniment sensible et -susceptible même, naturel et fier, aimé à cause de ses jolis yeux, de sa drôlerie eît de la flamme qui se manifestait en lui. Il débuta, voici douze ans, avec Quatre histoires- -de pauvre amour. Et puis, ce ̃furent deux- nouvelles, la Donné Madeleine et la Pauvre Marie Ensuite, la Mère et l Enfant. Lamcrvejllc, c'est qu'il n'hésita point -et que, dès sa première page, on le trouve tel qu'il sera plus tard. Evidemment, il a bientôt élargi sa imaniôre les idées affluèrent et l'art s'affina. Mais il n'alla point à droite ni à gauche et il travailla où,- premièrement, il ;s 'était placé. L'étonnant Bubu de Montparnasse, le Père Perdrix, Marie Doiïadierv et Croquignole développèrent avec une pathétique et subtile abondance l'idée qu'il eut, tout enfant, de la vie. ̃ Quelquefois, ses amis le comparaient a Dickens, et ;encore à Dostoïevski. Je ne sais pas s'ils avaient tort. H possédait t une ext'morciinat!"î de-vive obsor^ J y&lion et un don prodigieux 'de compatir1 à-toutos tes doulrturi quotidiennes, leurs du cerps-et douleurs dé l'ame, les unes et les autres liées par le mystère de l'esprit. Et il était minutieux il n'omettait rien de nulle misère et, pour la raconter, il n'en épargnait rien non plus à son lecteur. Cette opiniâtreté du peintre aurait été cruelle si l'on n'eût t senti en même temps l'immense .pitié qui l'animait. C'est ainsi que ce réaliste forcené aboutissait à une sorte de lyrisme. Il y a quelque chose de musical dans la dolente histoire de. Marie. Donadieu. ̃•̃̃̃̃ Avec cela, un style très particulier, tout en images et qui ne se contente pas de noter l'apparence des objets" mais ^ui ` aussi veut, marquer, leur;signification profonde. L'apparence, les .mots justes»., et directs suffisent à l'indiquer; la signi- ..ficatiqn profonde, il faut qu'on la donne e à deviner et c'est à quoi invitent les images.. L'.art de Charles-Louis- Philippe est double, à eause de cela; .cette dualité le caractérise. Mais. il savait joindré les éléments, comme l'union du corps qu'on voit et de l'âme qu'on pressent compose la vie. Ses livres, évoqués tous à la fois, sont un hymne émouvant, fort et ingénieux, un hymne qu'on n'avait pas entendu encore, en l'honneur de la Maladie et, de la Pauvreté, les deux compagnes que; j'ai dit qui le suivaient et qu'il aimait.! Elles étaient à son chevet quand il est' mort, et aussi la maman malheureuse dont l'adorable visage est pieusement; tracé dans la Mère et -l Enfant, ef aussi les tendres amis qui avaient placé en Charles-Louis Philippe une splendide espérance, André Beaunier. ~~s ̃ -des- '̃ jouets à cinq sôus, quetous-les enfants,' riches ou pauvres, trouvent souvent, croyez-moi-, plus amusants que les plu/ beaux- ̃ ,̃. neuf a une Parisienne digne de ce nom, de lui dire que la Grande Maison de Dentelles est organisée d'une façon uni- que pour produire, sous la direction d'un homme comme M. Foussard-Senae, dont la compétence est consacrée dans le monde, les plus belles dentelles de France et aussi de l'étranger car la Grande Maison de Dentelles étend, ses ramifications dans toute l'Europe et pour leur donner par une présentation, un tour de main incomparable, leurs grandes lettres de naturalisation parisienne. N'hésitez pas, allez voir cette .exposition d'abord, vous éprouverez un plaisir très vif à contempler des choses dé- lioionses, et puis, quand vous en sorti- rez, vous aurez une grave préoccupation, de moins la question des étrennos sera résolue. ̃ ̃ e. d. A l'Etranger Nouveaux incidents en Grèce Je parlerai, madame, avec la liberté D'un soldat qui sait mal fardâr la vérité. C'est a,insi que vient de parler, à la Chambre des députés grecque, le colonel Lapathiotis, ministre de la guerre. Il s'est exprimé avec rudesse et sans ménagement; rarement vit-on un ministre parlementaire faire paraître un si prodigieux mépris des traditions et des prérogatives du Parlement. Le ministre présentait son fameux projet sur la réorganisation de l'armée. Mais il le présentait du ton d'un homme qui n'admet pas un seul instant qu'on le discute. Il attaqua avec la dernière violence l'ancien président du Conseil, M. Théotokis, l'accusant d'avoir ruiné les forces militaires du pays. Là-dessus, les partisans de M. Théotokis, qui forment, comme on sait,- la majorité de la Chambre, abandonnèrent la salle des séances. Un autre en eût été gêné; le colonel, lui, n'en eut cure Aussi longtemps, s'écria-t-il, que j'aurai l'approbation du public des tribunes, qui représente ie peuple, je me moque de l'opposition des politiciens ». Et les spectateurs des tribunes d'applaudir frénétiquement, comme on pense, cette déclaration qui les flattait. Je n'ai pas besoin de souligner tout ce qu'il yad'inconvenant, presque de scandaleux, au regard, des règles parlementaires, dans un pareil langage et une pareille attitude. Si le ministre de la, guerre a une telle opinion de la Chambre et cette opinion n'est que trop partagée par les officiers, ses collègues, on se demande,pourquoi donc il prend la peine d'y paraître et d'y exposer ses projets. Il était beaucoup plus simple et plus franc d'en décréter l'application, par un simple arrêt de la Ligue toute-puissante, sans les soumettre à ce semblant de discussion. L'idée dernière des officiers est que ce sont eux qui représentent vraiment le peuple, non les députés élus qui au fond ne, représentent rien. C'était là exactement l'opinion de Napoléon Ier et de Napoléon III. Mais ceux-là du moins ne déguisaient pas leur dictature. Il ne faut pas s'étonner que M. Rhallys, qui. est .homme de courage, se soit vivement ému de cet attentat à la souveraineté du Parlement, qu'il ait énergiquement protesté contre le langage du colonel Lapathiotis et contre les manifestations du public des tribunes. Sur sa demande,; la séance a dû être suspen-,due, Là majorité de la Chambre, fatiguée d'avaler des couleuvres, exige la démission du ministre de la. guerre. Voilà M. Mavromichalis dans le plus cruel embarras. Car ce ministre est, au sein du gouvernement, le délégué et le porteparole de la Ligue des officiers il est Yalter ego du colonel Tsorbas, le maître de Kheure. La Ligue va-t-elle accepter la mise en demeure des députés? Les officiers, qui détestent les politiciens, en qui ils voient, assez injustement d'ailleurs, les auteurs uniques des maux dont souffre la Grèce, ne saisiront-ils pas cette occasion de balayer les; parlementaires, et de prendre en main le Kous", On nous télégraphie, au dernier moment, que le ministre a offert sa démission. Mais on ne sait pas encore si la Ligue s'accommodera de cette solution. Quoi qu'il, en soit, l'incident est des plus fâcheux. Il est une preuve nouvelle de la désorganisation profonde dont souffre la Grèce. Jusqu'ici les officiers se contentaient de la réalité du pouvoir; ils laissaient subsister un semblant de liberté constitutionnelle. Maintenant ce semblant de liberté les Le jour n'est pas loin où ils ne trouveront plus de politiciens à l'échiné assez souple pour subir tyrannie. Raymond Becouly. P. S. La démission du ministre de la guerre n'est pas encore réalisée. La ligue militaire aurait intimé au colonel Lapathiotis de conserver ses fonctions. DERNIÈRES NOUVELLES L'emprunt marocain r V Agence Havas nous communique la note suivante Le ministre des affaires étrangères a fait connaître aux ambassadeurs marocains les points qui. étaient acceptables dans la réponse du sultan Moulay-Haiid. Il leur a remis une note précisant les décisions du gouvernement de la République et, vendredi prochain, les ambassadeurs marocains apporteront une réponse définitive sur tous les points visés dans la note française. Un attentat Bucarest, 21 décembre. Le premier ministre, M. Bratiano, a été victime d'un, attentat, dont les conséquences sont heureusement peu graves. Au moment où il descendait do voiture pour rentrer chez lui, un ouvrier a tiré sur lui trois coups de revolver et l'a légèrement blessé. • L'agresseur a été arrêté. Les médecins ont constaté que M. Bratiano avait été atteint par deux balles l'une a causé une blessure à l'omoplate gauche et aux reins l'autre a atteint la partie postérieure de la cage thoracique. Les deux blessures ne sont pas dangereuses. D'après le bulletin de ce soir, l'état est satisfaisant; il n'est pas survenu de complications. Le ministère Sonnino Rome, 21 décembre. Le ministère ne s'est pas encore prononce définitivement sur la cloture de la session, mais cette mesure paraît très probable. M. Sonnino veut déblayer le terrain de tous les anciens projets législatifs et se présenter devant la Chambre avec le prestige d'un. discours do la couronne exposant le programme qu'il préparera à loisir d'ici à la n de février ou au commencement de mars. Aujourd'hui, la Chambre a approuvé par 181 voix contre 94, après un discours* applaudi de l'amiral Bettolo, le projet d'unification des services maritimes au ministère de la marine; La Chambra s'est ajournée au 10 février 1910. ̃ La police de Casablanca décembre. ta presse de Madrid s'étant émue d'une information d'un journal parisien suivant laquelle le commissariat français de Casablanca était chargé exclusivement de la police de la ville à la suite d'attentats que ce journal attribuait à des sujets espagnols, le ministre d'Etat communique une note spéci- fiant que la décision prise par le corps est la conséquence de l'assassinat d'une dame européenne dont est soupçonné un indigène et que le commissaire français et l'inspecteur de police espagnol sont chargés conjointement d'adopter les mesures nécessaires, et les gendarmes français et les agents de police espagnols de les appliquer dans l'intérieur de la ville. Dans la banlieue la police sera faite par le corps indigène dirige par des instructeurs espagnols. Les droits et intérêts de l'Espagne sont donc entièrement sauvegardes. GcittEN. La crise hongroise Budapest, 21 décembre. Le Parlement a accepté ce matin démettre à l'ordre du jour une motion du député' Hollo,, du parti Justh, demandant d'adresser une requête au Roi le priant de ùe pas prolonger la crise et d'accepter la Banque indé- pendante. Depuis leur audience de samedi, M. ila Lukacs est en pourparlers avec le parti Justh, et le comte Khuen-Hedervary avec le gouvernement. hoPester Lloyd écrit ce soir qu'une combinaison Lukacs-Justh se baserait,' si elle devait aboutir, sur le programme de l'indépendance économique et financière de la Hongrie. André Duboscq. •̃• La crise portugaise Lisbonne, 21 décembre. Différents noms de chefs progressistes sont indiqués pour entrer dans le cabinet homogène sous la présidence de M. Beirao. La composition n'est pas encore définitive. Les journaux régénérateurs et alpoïinistcs attaquent déjà la formation d'un cabinet exclusivement progressiste. L'affaire Kwilecki ̃' Berlin, 21 décembre. Que va faire le comte Kwilecki ? C'est une question que se pose toute l'Allemagne. On le dit vieux, désabusé, indifférent. N'importe, s'il se croyait le père du petit Joseph, il ne le livrerait pas sans combattre à son atroce destin. Et lui, le pauvre enfant, qpe vatril devenir ? Représentez-vous sa situation. En 'vertu du dernier jugement de Posen. Il s'appelle Parca du nom de jeune fille de sa mère il a pour père un officier autrichien qui ne sait pas plus que le reste' du monde si l'enfant vendu par la tille Parca, aujourd'hui femme Cécile Meyer, est le môme que le jeune comte 'de Kwilecki il va entrer, de .par la loi dans une famille composée de cinq enfants légitimes,et dont le chef, Meyer, est employé de chemin de fer, et jamais il ne pourra savoir avec, certitude s'il est lo fils de Cécile Meyer ou s'il en est la victime.. Pendant douze ans, il fut choyé, caressé, adoré par une grande dame, qui se disait sa mère et dont il est le portrait; il a lu la déclaration écrite du comte 'Hector Kwilecki, son adversaire, s'excusant de l'erreur' qu'il avait commise en soupçonnant à tort sa cousine Kwilecka d'avoir simulé la naissance d'un enfant; il sait aussi que ses parents de Sikorski, lo considèrent encore comme un des leurs et le disent très haut dans les journaux de Berlin les feuilles de Posen quilui arrivent dans son pensionnat aristocratique do, Breslau lui prouvent que tout un peuple partage sa conviction personnelle et le proclame un vrai Kwilecki; et pourtant la loi le condamne à aller partager la misère do ces Meyer qu'il renie. Il n'est pas exagéré de dire avec le Bevliner Lokalanzeiger que Cécile Meyer vient de commettre un meurtre moral, et je ne connais rien de plus douloureux au monde que le sort de cet enfant de treize ans, pris dans, un brutal engrenage, et auquel on arrache' tout à la fois son nom, son passé, son amour lilial, sa fortune, ea conflanco dans la vie et d'ans les hommes Suivant une dépêche de Poseu au Berliner Lokalanzcbjcr, l'avocat Schmidt annonce que si le jeune comte Kwilecki est privé définitivement do son majorât, qui est de deux millions de marks, il lui sera du moins servi une pension de 1,500 marks jusqu'à dix-huit ans et de 1,800 marks- do dix-huit à viugtcinq ans. Le silence du comte Kwilocki s'explique par son absence; il a disparu et on ne sait où il se trouve. Il est probable que la question du majorat donnera lieu à un nouveau procès. BoxNISFOX. L'Union télégraphique internationale Berne, 21 décembre. L'Union télégraphique internationale a dé- cidé de faire ériger ici un monument, à l'instar de celui de l'Union postale, la belle œuvre de M. de Saint-Marccaux, pour perpétuer le souvenir de sa fondation, qui eut lieu eu 1865. L'inauguration se fera en 1915. C'est lo Conseil fédéral suisse qui a été chargé de l'exécution de cette mesure. 11 vient justement de publier la mise au concours pour ce monument. Les artistes du monde entier seront admis. Le projet comprendra deux idées au moins le monument proprement dit, rappelant l'origine de l'Union, et une fontaine. Le modèle sera dans la proportion de un à dix, avec un plan de situation, la place Helvètiu. à Berne, et une description de toutes ses parties. Les dessins et maquettes devront parvenir an Conseil fédéral, département des chemins de fer, division télégraphique, jusqu'au 15 août 1910,' avec une enveloppe fermée contenant le nom et le domicile des artistes, ainsi qu'une devise que portera chaque projet. Enfin, la somme affectée à cotte oçuvre no pourra pas dépasser 170,000 francs. Vingt mille autres francs sont affectés à des primes, dont la première peut aller jusqu'à 8,00Q, que fixera un jury composé de douze membres. Voilà du travail pour les Bculpteurs. Jcau Roll. COURTES DÉPÊCHES Le Sénat des Etats-Unis a confirmé la nomination de M.' Bacon comme ambassadeur à Paris, en remplacement de M. 'VVliite. La Diète de Prusse est convoquée pour le 11 janvier prochain. Lareino d'Espagne, qui faisait hier à Madrid des emplettes pour les fêtes da Noël, rencontra deux soldats revenant' do Melilla et les invita à entrer dans un bazar où elle leur acheta ce qu'ils, désiraient. Elle a été chaleureusement acclamée. La Chambre autrichienne a voté en première lecture le projet de loi autorisant le gouvernement à régler les relations commerciales avec les Etats balkaniques. Le grand-duché de Hesse s'associe au grand-duché de Bade et à la Saxe pour protester avec énergie contre les taxes fluviales que la Prusse se propose de lever. La Skoupchtina serbe a adopté en première lecture deux douzièmes provisoires. Les négociations pour lo traité de coiar merce hispano-cubain, qui se poursuivent à Madrid, sont sur le point d'aboutir. LeConseild'Etat de Turquie a approuvé les statuts du Crédit Foncier, ottoman, présentés par un groupe français. Djavid-bey, ministre des finances de Turquie, est parti hier pour Bucarest avec son quasi homonyme Djahid-effeudi, directeur du Tanine* L'Université de Geaèvc a décerné le diplôme de docteur honoris causa à M.'Einile Picot, de l'Institut de France.. Les ingénieurs français qui étudient le tracé du chemin de fer du Danube à l'Adriatiqw ont dû interrompre leurs travaux à Be» rana en raison de l'attitude hostile des Arnautes'ët retournent à Coastantinople. L'escadre française, composée des cui- rassés Victor-Hugo, Ernest-Renan et JulesFerry, est arrivée à Salonique, où elle doit rester quatre jours. Les journalistes parlementaires de Munich, menacés d'une séance de nuit à la Diète 'bavaroise, ont tout simplement éteint les lumières dans leur tribune et sont partis. Sur uoi la séance a été levée. Un ouvrier qui réparait les cabinets d'aisance d'une maison au numéro 68 de la ru3 Salva, à Barcelone, y a découvert dixneuf bombes vides de la grosseur d'une orange, et une autre également vide, de la grosseur d'un boulet de canon. La mère d'un anarchiste connu habité cette maison. La femme d'un marchand de chevaux et deux valets ont été assassinés dans une ferme, dans le canton de Lucerno. Le mari, M. Bisaug, a disparu. Un violent incendie a éclaté à la légation d'Italie à Lisbonne; le grand salon de réception est détruit. Les pertes sont importantes. Figaro à Londres LA CAMPAGNE ELECTORALE Londres, 21 décembre. M. Asquith, parlant cet après-midi à Liverpool, a déclaré que l'horizon politique était plein de présages heureux pour le succès de la cause libérale. Il a critiqué l'attitude des pairs qui parcourent le pays en répandant toutes sortes de légendes destinées à détourner du budget l'attention des électeurs. En ce qui concerne la marine notamment, il affirme à nouveau que la marine anglaise conserve sa suprématie. LA POUR ET LA VILLE La Gazette annonce officiellement ce soir que le roi Edouard a donné avec plaisir son approbation à la nomination de l'Hon. Herbert John Gladstone, secrétaire à l'intérieur, au poste de gouverneur général de l'Afrique du Sud. Le nombre des yiclimes officiellement cons- taté du terrible incendie, d'hier est de six, niais on est à peu près certain qu'il y a encore d'autres cadavres sous les décombres, cadavres d'employés ou d'acheteurs qui se trouvaient dans les magasins lorsque le feu a éclaté. M. John Burns, en sortant de l'incendie où il s'est si vaillamment conduit, s'est rendu à une réunion électorale où il était attendu. Il y est arrivé tout trempé.. La séance a été immédiatement levée. J. Couduiueh. LES PAPIERS DE COOK L'avi8 des experts La Journée d'hier a été mauvaise pour le docteur Cook; contrairement à son intention première, la commission de l'Université de Copenhague, qui s'était adjoint l'explorateur groenlandais, Kund Rassmurscn, a publié les premiers résultats de ses recherches, et ceux-ci sont en tout point défavorables au docteur. Les papiers que ce dernier avait com- mimiqués à l'Université de Copenhague comprenaient 1° Un rapport de M. Lonsdale, secrétaire de M. Cook, écrit à la machine, et comportant 61 feuilles, grahd'format ce rapport traite du voyage au Pôle Nord; 2° 16 feuilles d'écriture à la machine, représentant la copie par M. Lonsdale du carnet de notes de M. Cook; ces notes étant supposées écrites du 18 mars au 13 juin 1908, pendant le voyage entrepris de Svarteyaag au Pôle et pendant le retour jusqu'à un endroit de la mer de glace situe à l'ouest de l'Heibergsland. Ces papiers n'étaient accompagnés d'aucun autre document, ni même d'aucune lettre d'envoi. M. Lonsdale, annonça cependant quo les carnets de notes originaux avaient été envoyés en Europe, par précaution, par une autre voie, et qu'il devaient par venir à la commission sous peu de jours. Mais celle-ci pensa que la copie suffisait pour luipermettre son avis, puisque les papiers présentés contenaient exactement et complètement le contenu des carnets. Elle demanda à M. Lonsdale si elle pouvait être mise en' rapport avec le docteur Cook en personne. Mais le secrétaire répondit que lui-même ignorait son adresse, et il se contenta de remettre à la commission une lettre de l'explorateur,, qui ne portait ni la date, ni le lieu de l'envoi et dont l'enveloppe portait le timbre de Marseille du 14 décembre 1909. Cette lettre était annexée à une autre datée de New- York, du 27 septembre 1909, adressée à Mr. Torp, ancien recteur de l'Université Cook y signale que non seulement ses instruments, mais aussi la plupart de ses observations astronomiques sont restés à Etah. Une restait, dans ces conditions, à la commission qu'à formuler son avis. Tous ses membres examinèrent isolément les papiers, et ils se mirent d'accord sur les points suivants 1° Le rapport qui leur a été remis concorde essentiellement avec le rapport du voyage publié dans le New-York Herald 2S la copie des carnets de notes lie contient nullement des documents d'observations astronomiques, mais seulement des résultats d'observations; 3° il manque tout ce qui pourrait servir à éclaircir l'ait'aire et même à rendre vraisemblable le fait que des observations astronomiques ont réellement été faites; 4° le côté pratique de l'entreprise et notamment les circonstances du voyage en traîneau, sont expliques par des détails si insignifiants qu'ils ne peuvent être C'est sur ces constatations que la commission a émis l'opinion que les documents ne pouvaient en rien fournir la preuve que le docteur Cook avait atteint le pôle Nord. Et, se basant sur cette opinion, le Conseil de l'Université a donné la sienne qui est identique. Voilà qui est fort mauvais pour le docteur, et il serait temps que celui-ci sortît d'une réserve fâcheuse, non seulement pour lui, mais aussi pour ceux qui furent ses défenseurs do la première heure. iheure. E, Dupuy. P. S. On dit d'autre part que le docteur Cook aurait débarqué à Naples le 11 décembre, pour se rendre à Paris, où il se trouverait actuellement. La lettre datée de Marseille dont nous parlons plus haut semblerait donner quelque consistance à ce bruit, qu'il a été jusqu'ici impossible de vérifier» Les Étrennes C'est un grand. plaisir pour nous, dé constaterle succèsdu Guide des Etrennes, publié à cette place samedi dernier nos lecteurs ont mis tout de suite à profit ce véritable livre d'or du commerce de luxe parisien. A voir l'affluence qui est passée depuis trois jours dans toutes les maisons signalées par nous, nous avons quelque raison de croire que les Parisiens attendaient ce Guide pour fixer leur choix. C'est ainsi que la foule s'est pressée ces jours-ci chez Robert Linzeler, dont nous avions signalé la jolie exposition de porcelaines de Chine montées, de cristaux anciens, de cendriers, de cadres en émail, de passe-thé, de baguiers, de vases et de bonbonnières. Les pendules dont le cadran électrique s'éclaire de nuit, les mille objets ingénieux et nouveaux que cette maison bien connue du 9, rue d'Argenson, a créés, son luxueux salon de bijouterie et de joaillerie récemment ouvert ont obtenu un grand succès. Les remarquables faïences de Pelkington, réunies par Toy, en son élégant salon d'art du 10, rue de la Paix, ces faïences merveilleuses, précieux originaux d'artistes, qui s'affirment rivales des, plus belles faïences hipano-américaines ont été, elles aussi, très appréciées. Les services de table en faïence, en porcelaine, en cristal, pures reproductions de l'ancien, les faïences si réputées de Deck, aussi prestigieuses que les chefsd'œuvre de d'art céramique, ont attiré la convoitise des connaisseurs, des amateurs de cadeaux délicats et charmants. La file interminable des autos trépidantes stationne tout le jour, 374, rue Saint-Honoré, devant le somptueux hôtel dont Max-Auspitzafait le palais de lafour- rure. Artiste émérite autant qu'homme pratique, Max-Auspitz y a organisé cette exposition d'étrennes royales manteaux, étoles, manchons, renards, fichus de breitschwanlz, sa récente trouvaille, que vient admirer toute la haute société aristocratique et qui lui vaut les suffrages unanimes des arbitres de l'élégance féminine. Les éventails de Duvelleroy, ces ailes diaprées de papillons, ont pris leur vol et vont se poser innombrables entre les doigts fuselés des Parisiennes. Abandonnant le passage des Panoramas, ils s'étaient groupés dans le charmant magasin du il, boulevard de la Madeleine, et c'est de là qu'ils sont partis éventails anciens venus d'Italie, et découverts en quelque antique palais, éventojrs de plumes, modernes éventails signés des plus ̃célèbres peintres. Aussi précieux que ces aimables sacs-jumelles créés pour le théâtre par Duvelleroy, ils seront un prétexte aux gracieux gestes d'élégantes et connaîtront, mollement balancés, les plus jolis sourires. Les merveilles d'orfèvrerie qu'étale au centre du Paris élégant, 33, boulevard des Italiens, le Pavillon de Hanovre et qu'a consacrées la faveur de la plus haute aristocratie, s inscrivaient d'ellesmêmes parmi les plus luxueux cadeaux. Le couvert-serveur», cuiller et fourchette réunies permettant de se servir aussi aisément que le font les maîtres d'hôtel, aura désormais sa, place sur les tables les mieux dressées. Et quant au succès de la petite cafetière » Christofle, ce filtre à café individuel avec porteverre, ce n'est rien do dire qu'il 'égale celui de la Petite Chocolatière », sa spirituelle rivale. Les Parisiens ont également pris grand plaisir à leur visite chez Risler et Carré, au 16 du faubourg Saint-Honoré. Ils furent ravis de la médaille des aviateurs à l'effigie du prophète Elic, qui, comme chacun sait, fut enlevé dans les airs; des délicieuses épingles à chapeau, des épingles de cravates surmontées, de biplans en miniature, des petites boîtes d'orfèvrerie remplies de pétales de fleurs, odorautes et parfumées, d'une foule d'objets ingénieux et nouveaux. Et certes, il n'était point besoin à la maison Gustave-Roger Sandoz, 7, rue Royale, de sa vieille réputation, pour se recommander cette année à l'attention de tous Les merveilles d'orfèvrerie, de bijouterie, d'horlogerie, qui sont sa spécialité, joignent en effet à la facture impeccable de jadis tout le charme des ulus modernes, créations. Membre du Jury aux grandes exposilions de Paris 1889 et 1Q0O, grand prix à celles de SaintLouis, Liège, Milan. hors concours, membre du jury à l'Exposition de Lon1908, M. Gustave-Roger Sandoz est un favori du succès, ses étrennes sont favorites. Combien de cadeaux, cette année, porteront aussi cette marque, synonyme du goût artistique et du parisiasnisme les plus raffinés A la Paix ». M. Geo Rouard, le propriétaire de la célèbre maison du 34, avenue de l'Opéra, est en effet l'élu de la mode à l'heure présente, et ses porcelaines de la manufacture royale de Saxe. ses verreries rares des maîtres nancéiens Gallé et Daum, ses pièces uniques de Bing et Grondahl de Copenhague, ses reproductions des plus jolis modèles anciens, en faïence et en porcelaine, modèles de style en orfèvrerie Gallia », ont obtenu auprès des plus gros budgets comme des bourses les plus modestes, un véritable succès. L'affluence n'est pas moindre chez Deplanche, le graveur et éditeur d'art connudul8, Chaussée d'Antin Opéra. La très luxueuse estampe en couleurs, tirée du tableau de Millet, l Angélus qu'y publie en ce moment Benjamin Rabier, le maître humoriste, le dessinateur préféré de la jeunesse, est le cadeau que se disputeront les amateurs d'étrennes artistiques. A noter que V Angélus, cette œuvre nouvelle du puissant artiste, où éclatent sa cocasserie et sa fantaisie si spirituelle, n'a été tirée qu'à 100 épreuves d'amateurs numérotées et signées par l'auteur, du prix de 20 francs, est envoyée franco contre 21 francs. C'est un plaisir aussi de dire le rêve réalisé, en ces temps de fête, de réception^ et de dîners, par tant de jeunes gens transportés d'enthousiasme et de fierté à l'idée qu'ils vont arborer bientôt le premier smoking, le premier habit. Ils ont envahi les nouveaux services de vêtements sur commande et de confections de luxe spécialement installés pour eux A la Belle Jardinière et organisés de façon si puissante et si moderne qu'ils peuvent répondre à tous les besoins, même les plus immédiats, à toutes les recherches d'élégance même les plus raffinées. Et sous l'œil attentif des mamans, que tente la plus belle collection de fourrures, ils ont visité aussi ces de sport et de voyage où s'accumulent les cadeaux d'étrennes à là fois plaisants et utiles. L'art pur a, lui aussi, sa digne place dans ce triomphe, et ses fervents ne furent jamais si nombreux qu'à notre époque tant décriée d'esprit pratique. Ils se pressent ces jours-ci dans les salons où M. Pinedo, en véritable 137, rue Vieille-du-Temple, les précieuses reproductions des chefs-d'œuvre consacres de la statuaire contemporaine, finement coulés en bronze, dans un su, perbe bronze du nom de son inventeur, M. Pinedo lui-même. Et leurs yeux admiratifs contemplent, à côté d'une splendide collection de bibelots charmants, des œuvres magistrales des Checa, des Berthoud, des Carrier-Belleuse. Guillou-Kérédan, cependant, ce nom fameux dans les annales du luxe et de l'élégance, voit décupler la faveur des Parisiennes que tentent les étrennes coquettes et délicates. Et toutes, d'un accord secret, s'acheminent vers la maison réputée du 191, rue Saint-Honoré, où furent réunis ces aimables objets exquises lampes électriques, ceintures ravissantes, sacs de velours, de peau, nobles papiers à lettre, buvards, une foule de créations adorables dont l'exquise variété défie rénumération. Dirons-nous encore le succès de la friandise nouvelle, de l'étrenne savoureuse et parfumée entre toutes, de la Fraise cristallisée, cette divine gourmandise dont M. Bannier, 35, rue EtienneMarcel téléphone 169-37,est l'ingénieux inventeur? Les colis postaux de 2 kil. qu'il expédie en ce moment, au prix uniformément avantageux de 20 francs, ses boites de fraises cristallisées » et de marrons glacés a 3 fr. 50 s envolent aux quatre coins de Paris et de la France, porteurs de délices incomparables, Jusqu'aux minuscules divinités qui se mêlèrent à cette apothéose, elles ne furent point les moins choyées et l'Eau de Cologne des Fées » qu'elles présen- taient à nos Parisiennes fut adulée et fêtée. C'est qu'en vérité il fallait quelque pouvoir surnaturel pour composer cette Eau de Cologne merveilleuse que 1 on trouve 43, rue Richer, présentée en de ravissants flacons de pur cristal au prix litre. Il y a bien longtemps déjà, car cette marque célèbre existe depuis 43 ans, les bonnes fées qui l'imaginèrent en avaient fait don à la regrettée Sarah Félix, tout récemment disparue. La grande artiste, sœur de l'illustre Rachel, fut donc sa créatrice inspirée, et la foule des élégantes profita de sa première trouvaille. Ainsi s'établit la réputation de l'Eau de Cologne des Fées », ainsi grandit sa renommée. Et certes, il n'est pas étrenne plus aimable. Enfin, pour terminer ce bulletin de victoire, saluons le triomphe de ce cadeau savoureux et cordial. qui ralliait l'exquise diversité des goûts, du chatoyant et printanier Panier Cusenier », du Panier Cusenier » enrubanné et fleuri, où les flacons de succulentes liqueurs, de célèbres cognacs et flneschampagnes mettaient leurs reflets de pourpre et d'or. Et malgré la longueur de ce préambule, malgré la variété et le nombre des renseignements obtenus, le sujet n'est ̃pojnt. épuisé, puisque voici, pour l'édification de nos lecteurs, une nouvelle se-rie d'adresses' et d'indricaiions. ». SOCIETE FRANÇAISE DE SCULPTURE D'ART Galerie Félix CAVAROC 10, rue de la Paix. Ici règne l'étrenne artistique. Tcut le monde connaît l'heureuse initiative qui fut prise en igoi par M. Félix Cavaroc, lorsqu'il fondaja Société française de sculpture d'art qu'il plaça sous le régime de la mutualité dans le doublé but d'être utile à l'artiste producteur et de diminuer la dépense du public. Cette initiative fut couronnée d'un plein succès. Aujourd'hui définitivement établie, la Société française de sculpture d'art possède en plein centre du Paris élégant un musée permanent merveilleusement installé. 11 n'y a pas dans cette galerie d'œuvres contestables, car les règlements de la Société exigent que la partie artistique du marbre soit exécutée et signée par l'artiste même qui a créé l'œuvre aussi quelles merveilles que ces réductions exposées dans cette galerie, que ,de belles choses exécutées dans le plus pur marbre de Carrare avec une absolue perfection, œuvres de premier plan exposées au Salon des Artistes français, acquises par la Ville et l'Etat pour les musées nationaux, et à côté de ces œuvres modernes, la reproduction des plus beaux chefs-d'œuvre anciens des grands musées internationaux. Toutes ces œuvres sont vendues à des prix dont on ne pouvait autrefois se faire une idée, et elles constituent les plus beaux et les plus précieux des cadeaux d'étrennes par leur importance et par leur valeur artistique, cadeaux d'ailleurs tout à fait pratiques, car ces statues conviennent à merveille à l'ornementation des salons et des cheminées, complétées surtout par les brûle-parfums, les vases en bronze et marbre dont on trouve chez Cavaroc une riche collection elles sont également toutes désignées pour les cadeaux offerts en collectivité par les mutualités, les grandes corporations et les chambres, syndicales, pour les corbeilles de mariage, etc. Un catalogue extrêmement artistique de toutes ces belles choses a été édité par la galerie Félix Cavaroc et est offert aux visiteurs qui emportent à la fois un précieux souvenir et de très utiles indications.. Jules HAUTECŒUR 172, rue do Rivoli, et 2, rue de Rohan. C'est l'ancienne maison Martinet, connue et célèbre depuis un siècle, et dans laquelle les bonnes traditions do probité et de bon goût se sont perpétuées de génération en génération. C'est le temple de l'estampe sa dernière exposition l'a prouvé. Nulle part on ne saurait trouver plus beau choix de gravures en noir et en couleurs. Mais c'est aussi la maison de la maroquinerie où l'on trouve la nouveauté du jour. Pour les dames, cette année, Jules Hautecœur a créé les jolis sacs de ville et d'auto. Pour les messieurs, lés buvards, porte-billets et plus particulièrement un genre spécial dans l'article de bureau les sous-mains. Pour les jeunes gens, des albums pour cartes postales et des albums pour collection de photographie, qui sont une spécialité de la maison. Dans l'optique, tous les modèles de jumelles jumelles marines, jumelles de théâtre, etc. Le grand succès dé l'année,, c'est un petit calendrier-éphémérides, avec estampes en couleurs de Frendeberg, gravées par Dubouchet, une petite reconstitution du dix-huitième siècle, merveille d'art et de goût, vendue i fr. 90, Pour ceux qui ne peuvent pas se déranger, Jules Hautecœur tient à leur disposition son catalogue illustré d'objets divers, ainsi qu'un catalogue spécial d'estampes. REND ALI. ET C" 17, rue d ta, Paix. Rien que la devanture est un régal pour Ie9 yeux; cependant ce n'est rien encore à côté de ce que la maison ne dévoile qu'à sa clientèle. C'est cela qu'il faut demander à voir les articles de dames, des sacs en velours ou en moire, de toutes nuances, pour l'après-midi ou pour le soir; un sac de voyage pour auto* mobile création de Kendall à quatre battants, dont l'un est la glace dont la voyageuse peut avoir besoin en route et qu'elle n'a plus à tirer d'un étui. Des coffrets à bijoux, au couvercle garni d'une plaque de jade de Chine ancien, admirablement travaillée et soignée. Pour les messieurs, des étais à cigarettes pour habits, des boites à cigares aux incrustations de néphrite, la pierre à amulettes des Maoris que le roi Edouard a misera la mode, des boites à cigarettes, à allumettes, en bois spécial avec émaux –j'en ai vu avec chiffres royaux pour plusieurs cours des cannes Louis XVI, pur style, une mignonne brosse à bridge aveî la valeur des tricks, des honneurs et l'atout. en un mot tout ce qu'on peut désirer de nouveau et de bon goût. vwwm ÛUÈRIN-BOUTRON 29, boulevard Poissonnière, 28, rue Saint-Siripice, Le souverain consacré de cette ère de fêtes le bonbon triomphateur et roi sans lequel ne pourrait s'inaugurer dignement l'année nouvelle. Docile à tous les caprices de la mode, se prêtant avec douceur et complaisance aux plus diverses créations, il revêt toutes les'formes et toutes les parures et il apparaît éternellement jeune, aimable et galant. Célèbres entre tous, les bonbons Guérin-Boujtron ont su conquérir la faveur et conserver la prédilection des délicats, et ils sont, aux approchas du Jour de l'an, l'étrenne gourmande enviée de tous. Ce sont, friandises fameuses, les savoureux chocolats aux fruits, à l'eau-de-vie, les truffettes, les marrons glacés, les pralines grillées ou fondantes. Et ils prennent place en une infinie variété d'objets ravissants, ils remplissent les sacs luxueusement brodés, les boites brodées Louis XVI, les paniers de vannerie légère, les bourses de ."soie chatoyante, les corbeilles fleuries, les .cristaux brillants de Galle, les porcelaines fines de Hollande et de Saxe, ils s'enveloppent coquettement dans les costumes jolis d» Il s"agit' naturellement de telle ou telle réforme que .le député qui s'exprime ainsi juge réalisable et urgente. Je ne la perds pas de vue », répond invaria1blement le ministre. Appeler l'attention et né pas perdre de vue sont deux locu* lions connexes qui ont' Cris à laGhambre les deux tiers de sa matinée. Cependant, je détache de la séance trois discussions intéressantes la première soulevée par M. Joseph Reinach avec infiniment d'a-propos. Ne pourraiton consacrer un peu d argent à Une campagne énergique et, suivie contre les faiseuses d'anges? Un tiers des conceptions sont détruites par ces pratiques criminelles. L'orateur a été éloquent, le ministre s'est montré énergique On établira des textes imposant à l'homme complice les sanctions civiles et pénales necessaires, car il n"y a pas de crime plus abominable que d'abandonner une malheureuse après l'avoir rendue- mère. » Bravo! M. Dron a demandé et presque obtenu la création d'un service d'anthropologie criminelle à Paris. Le système des fiches anthropologiques a rendu de sérieux services; mais il faut le compléter. Enfin,- la question du juge unique, traitée à Un point de vue très personnel par le président Magnaud, a en pour résultat d'amener entre M. Magnaud et M. un petit colloque assez curieux M. Magnaud. J'ai conserve l'amour et l'admiration de la fonction que J'occupais cette fonction, je né l'ai quittée que sur les instances d'un gouvernement qui avait, hesoin de ma popularité, et sous la condition morale qu'elfe me serait. rendue, comme un dépôt, à l'expiration de mon mandat de député. Mouvements divers. Se trouvera-t-iî un successeur de d'-Aguesseau pour commettre à mon égard un abus de confiance? Mouvements divers.. , t M. le garde des sceaux. –Je suis surpris que M. Magnaud persiste à apporter ici des questions personnelles. Il a rappelé son passé judiciaire et. politique, et il a renouvelé une fois de plus les sollicitations impérieuses qu'il adresse au gouvernement. Eh bien je revendique inon absolue liberté. et mon entière indépendance. 11 semblerait à entendre M. Magnaud. qu'à un certain moment il y ait eu dans ce pays, d'un côté, un juge presque unique, idéal M. Magnaud Sourires. et de l'autre, l'ensemble de la magistrature, partiale, 'et tout' inibtie de l'esprit réactionnaire. Qu'il me permette de le lui dire d'un côté comme de l'autre, le tableau est singulièrement inexact. Très bien très bien ! M. Magnaud. Pourquoi, il y a quatre ans, le gouvernement est-il venu faire appel à moi? 11 n'aurait trouvé personne pour me remplacer. Mouvements divers. Eh bien, il ne faut peut-être pas trop accabler les hommes qui parlent d'euxmêmes avec cette franchise. Chacun en lirait bien autant mais on n'ose pas. séance DE l'après-midi La Légion d'honneur est un bon thème h discours; il y a toujours quelqu'un pour s'en emparer. M. Delpierro a demandé"la"s'unpreslsioii 'd U'~ grand' 'cMncelier. 11 ne l'a pas obtenue. En réalité, c'était, la Légion d'honneur qu'il visait; mais les petits serpents s'useront les dents longtemps encore sur cette lime. Ils l'ont mordue aujourd'hui avec rage. Quant aux dédaigneux qui ne veulent pas ctre décorés, leur vanité perce à travers leur boutonnière vide, comme. celle de Diogène à. travers les trous de son manteau. M. de Kerafuézec a invite le gouvernement à .créer 150 médailles militaires en faveur des officiers mariniers. Leur situation, comparée à celle des officiers terriens, est tout ù fait désavantageuse. La Chambre s'en est rendu compte et le garde des sceaux a promis de- s'entendre avec le. ministre de la guerre pour rétablir l'équilibre. • M..lourde, avec le bon esprit qui le caractérise, a présenté de très judicieu- ses observations sur cette médaille militaire. Créée à l'origine pour récompenser les petits et les humbles, on lui a donné pou à peu une extension abusive. AL Jourde voudrait qu'elle fût soustraite au régime des décrets des lois vaudraient mieux. Le ministre n'a pas dit non. On devait s'attendre ù'oe qu'un député demandât la suppression dos maisons d'éducation de la Légion d'honneur 'c'est encore un* sujet "de conversation annuelle. M. Rognon, du Rhône, craint que ces écoles ne fassent des déclassées et, par la même occasion, il se plaint qu'elles coûtent très cher. M. Cachet, député de l'Orne, e't le rapporteur, M. Constant Diilau. ont mis beaucoup de chaleur à les défendre. M. Charles Dumont en a. mis encore plus à les attaquer. Le rapporteur général Doumer a fait observer qu'il no fallait pas tout sacrifier -à l'uniformité do l'instruction à une sorte de caporalisme, universitaire. » M. Berteaux, président de la commission, s'est prononcé dans le même sens. admettant, que le régime et tes programmes appellent quelques modifient ions. Bref, les maisons de la Légion d'honneur sont maintenues, jusqu'à un nouvel assaut. A l'approche, des élections générales, il y a comme, un besoin de chicane et de chipotage sur tout et autre chose encore. Chaque député se dit Il faut pourtant que je parle » 11 jette son dévolu sur un chapitre^ quelconque du budget et s'y escrime a loisir. Voilà tout le secret de ces sempiternels rabâchages. Le budget de la Légion" d'honneur est voté. A demain l'Imprimerie nationale. Pas-Perdus. ̃ -K>vy-sy\x- LE SÉNAT LES RETRAITES OUVRIERES Dubosf, président du Sénat, a prononcé au début do ia séance l'éloge funèbre de M. Dévoile, sénateur de la Meuse, qui fut, ministre de l'agriculture ot des affaires étrangères. Dans un lanyage éloquent, M. Aiitoniu les vertus républicaines de son collègue, ta distinction de son esprit et ta. variété de ses connaissances et do son savoir. Et la discussion sur les retraites onvrières a repris son cou/.?, Le Sénat a écarté d'abord un amende- ment de M. Brager de La Ville-Moysan qui demandait à l'État de verser à "l'assujetti qui fait son service militaire et la cotisation patronale et la cotisation ouvrière.. Lé président. a fois êïistiite en diséûs* sion l'amendement de M. Monis au paragraphe 5 de l'article 2, uôt amendement spécifie que les versements sont calculés car journée de travail, dans les conditions déterminées par le règlement d'administration publique, qu'ils ne peuvent être inférieurs à 0 fr. 05 par jour, et que la contribution de l'employeur reste exclusivement à sa charge. M. CliVinot a critiqué' cet amendement que le ministre appuie. M, Fess,ard pense qu on peut faire l'économie du règlement d'administration publique et présente un texte où il est dit Pour les salariés dont le salaire n'est pas supputé au mois, les versements obligatoires sont calculés par journée de travail et liquidés par multiples de 5 centimes, sans pouvoir dépasser pour l'année en cours 9 francs pour les hommes, 6 francs pour les femmes, 4 fr. 50 pour les mineurs. On voit toute la différence. Après une discussion entre l'auteur de l'amendement, le .minisire du travail, M. Monis, le texte de M. Fessard est, adopté par 327 voix contre 48. M. Pau Hat présente ensuite une disposition additionnelle concernant les ouvriers aux pièces et à domicile qu'on ne peut laisser en dehors de la loi. M. Vivianl s'oppose a son adoption, mais le Sénat passe outre et vote la disposition. L'article 2 est ensuite adopté. Avec l'article 3 c'est la question du précompte, autrement dit du prélèvement de la cotisation sur le salaire, de l'ouvrier par le patron. Il est introduit dans le texte par un nouvel amendement de M. Monis. M. Lonrties s'y oppose. Il préfère le texte de la commission qui laisse le choix du mode de payement aux assujettis, et il donne de très bonnes raisons à l'appui de son opinion. Une des meilleures est. celle-ci il y a un intérêt évident à laisser le patron en dehors de la prévoyance de l'ouvrier. Cela est fort juste, car si l'ouvrier ne veut pas apprendre lui-même la prévoyance, a quoi bon faire une loi destinée à lui inculquer le souci de l'avenir? M'. Lourties n'a pu finir son discours. Il le continuera aujourd'hui. Auguste Avril. Autour de la politique Le Conseil des ministres Le Conseil des. ministres s'est réuni hier matin à l'Elysée sous la présidence de M. Falliôres. La clôture de la session. Le Conseil s'est occupé do l'état des travaux dans les deux Chambres, en vue de déterminer l'époque à laquelle la session pourra être close. D'après les prévisions on pense que cette clôture pourra être prononcée le 28. décembre prochain an soir, le Sénat ayant fixé à cette date la discussion des crédits du Maroc. La session ordinaire de 1910 s'ouvrira le mardi il janvier. •̃̃̃̃̃ Le Crédit maritime. Le Conseil s'est occupé des" uii^soitS'deeoMStit'Uorla dotation du Crédit maritime dont le Parlement a récemment décidé l'institution.. Parmi les moyens possibles, le président du Conseil a suggéré un prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos des stations thermales. Lesnai'irrs déclassés. Le Conseil a dé-cidé la création d'une commission interministérielle chargée d'étudier les moyens propres à améliorer les conditions de vente des navires déclassés. Mouvement administratif. Le président du Conseil a fait signer un mouvement administratif ayant pour point de départ la vacance de la sous-préfecture de Montbrison dont le titnlaire, M. Louis David, est appelé à d'autres fonctions. Par ce décret, sont nommés Smis-préfels. Tr> Montimson 1" M. sous-pivfet de Saint-Claude'; do SaintClaude ?.' classe, M. Brossût,- sous-pivfY-l, de classe à Louhans de Louhans classé, M, Vigoureux, Rf> général de la Lozère i.'i" classe de Calvi 3* classe;, M. Vernin, pnbliciste; de Saint-Girons . classe'. M. Sibra, secrétaire général du Tarn classe de la Haule-Loire '2' classe1, M. Ortoli, sous-préfet de 3" classe u Calvi de l'Ain '̃!• classe M. Baudet -Va rennes, sous-préfet de classe,' ;i Saint-Girons du Tarn M* classe*, M. Parti", secrétaire général de l'Ain S' classe. M. Coinbcs ù la Chamlire M. Combes est venu cueillir hier des lauriers dans les couloirs. Depuis sa chute, c'est-à-dire depuis 190a, l'ancien président du Conseil n'avait pas reparu au Palais-Bourbon.. Il a été naturellement fort entouré. Et comme dans un corn de la salle des conférences il avait, engagé avec M. Jaurès une controverse, sur la R. P., il y eut iientôt de nombreux députés autour des deux interlo-èutpurs. Le débat se poursuivit assez longtemps. Très courtois, fort aimable, M. Jaurès s'efforçait de démontrer à son adversaire l'excellence de la réforme électorale. Un peu aigre, M. Combes se refusait a accepter ses raisons. Mais il distribuait des poignées de main, il avait le sourire engageant. Cette comédie cessa vers cinq heures. M. entouré de quelques amis traversa la salle des Pas-Perdus, peu animée à ce moment, et où sa présence ne produisit pas la sensation espérée. L'impôt sur Je revenu Quel sern, .demain, le sort des commerçants et des industriels si le principe de l'impôt personnel sitr le revenu se trouve consacré, par le Sénat? Les intéressés s'en rendent difficilement compte, tant est. touffu et com- pliqué dans le projet de loi actuellement pendant devant la haute assemblée? '? Peu de gens se doutent de l'immense bon- ] leversement qu'apporterait dans nos lois et J dans nos mœurs l'adoption du principe de l'impôt personnel sur le revenu, au. -lieu et place de l'impôt réel, c'est-à-dire portant sur s les choses mêmes du commerce et de l'in- dustrîe, tel qu'il existe aujourd'hui. S'ils veulent le savoir, qu'ils lisent la nou- voile brochure -de propagande, dédiée aux T l,8"iO,W patentés de France », que publie la t Fédération . la défense des con- c tribuables contre le, projet d'impôt sur le re- c venu. 63, rue de Provence!, présidée par M. f Jules Roche. j Sous une forme simple et familière, mais i claire et précise, cette brochure leur montrera les conséquences de la prétendue ré- t forme démocratique » qu'on leur présente. Ils seront indignés et épouvantés qu'une I assemblée parlementaire ait pu voter une lé- c gislation qui consacre aussi complètement la c mainmise de l'administration sur le contri- ç buablc. Club de France, donnait le départ à l'aviateur, tandis que la foule cinq à six cents personnes lui riait ses souhaits, l'acclamait et l'applaudissait, profondément impressionnée. Le départ fut parfait l'aéroplane s'enleva rapidement, s'éleva vivement à trente mètres de haut, traversa la vallée du Lucette et de la Chalouette, et disparut aux yeux des spectateurs, cependant que s'élançaient à sa poursuite plusieurs automobiles, dont une occupée par des mécaniciens de secours en cas d'atterrissage le prix du Voyage de l'Aéro-Club de France pouvait en effet être accompli avec escales/ Et comme Je temps passait, passait, avec joie, on croyait déjà à Etampes au succès de la tentative, quand, à onze heures, M. Jacques de Lesseps arrivait, rainent"' en automobile, et portant an nez une légère blessure. Au milieu de l'émo- lion générale, il conta son échoc, son at- terrissage dans un champ à six kitomè- Ires du départ, près de' Ville-Sauvage, son sau>t par-dessus utviakis et-im buis- *son, l'arrêt brusque, le bris du chariot *et celui de l'hélice, et, ayant ainsi rassura ses amis, il partit pour Paris en automobile. Je partis fort bien, me conte. M, Jacques de Lesseps, mais moins bien que d'habitude. Je sentis tout de suite' que mon moteur ne donnait pas tout ce qu'il pouvait; j'allais moins vite..Mais je m'étais envolé, mon appareil obéissait, il montait doucement et j'eus quand même l'espoir du succès. J'abordais ainsi la vallée d'Etampc's, assez profonde, .volant à une hauteur de "80 à 100 mètres peut-être, et j'arrivais' sur l'autre versant, lorsque j'eus l'impression que je descendais. Je crus d'alîord à une illusion d'optique due à la colline vers laquelle je me dirigeais, mais, quoique mon moteur n'eût aucun raté, il fallut bien me rendre à l'évidence je descendais, et descendais même très vite, si vite. qu'il me fallut arriver tout de suite à l'atterrissage. J'étais tout près du sol, et allais droit sur un talus. Je vis le danger je donnai un violent coup d'élévateur. en tirant à fond sur moi la cloche 1. Cette manoeuvre me réussit, et mon aéroplane sauta littéralement l'obstacle il le sauta comme un cheval qu'on enlève. De l'autre côté du talus, je butai assez rudement, mais sans aucun capolage; j'étais venu violemment à terre sur le chariot, qui se brisait dans le choc. Ce fut la forte émotion ? Non, la forte déception J'avais tant d'espoir! Je ne puis d'ailleurs m'expliquer la défaillance de mon moteur j'ai fait une enquête, et je me demande si cette défaillance ne serait pas diie à l'essence ? Ce n'est pas celle dont je me sers d'ordinaire. Je vais vérifier, la faire peser, alors tout s'expliquerait, et la prochaine fois je 'prendrai plus de précautions, car je ne suis nullement découragé, vous le pensez bien. Déçu,- naturellement, mais j'avais été si heureux jusqu'ici! Je me suis au surplus tiré à bon compte de l'incident, une écorchure banale au nez; j'ai à l'atterrissage cogné de la figure contre une traverse un rien. Aussitôt que mon appareil sera guéri, je recommencerai. » Dans le choc, le monoplan a été, en effet, quelque peu endommagé les roues d'avant, le chariot et l'hélice ont été b ri-; sés, ce qui demandera deux ou trois jours de réparations, pas plus. Avant la fin de la semaine, M. de L'es- seps renouvellera donc sa tentative. Frantz-Reichel. AFFAIRES MILITAIRES Promotions de généraux. Sont nom-» mes. • Généraux de division les généraux de bris-ada de Castelnau, Boëlle, cle Mas-Latrie, Roques- Généraux de brigade les colonels Réveillât, hellier, Jacquin, Bouchard, de Villaret, Gyves, verrier, Curé, Leleu, Cussac, .Rstève infanterie; Biidoux cavalerie; Grillo, Ducasse artillerie; Capiomont, Simoutre génie; Bataille infanterie coloniale; Au grade d'intendant militaire les sous-intendants de 1 de Polytechnique, il en sortit dans l'arme du génie. Brigadier en 1900, le général Roques était, depuis cette époque, directeur du génie au ministère de la guerre. LA JOURNÉE Parlement Au Sénat, séance publique, 2 h. 1/2 les retraites ouvrières. A la Chambre des députés, séances à 9 heures et à 2 heures suite de la discussion du budget. Anniversaires S. A. S. • la princesse Hélène de Waldeck-Pyrmont. Obsèques M. Joseph Pellat église SaintSulpiee midi. Commandant Moniils église Saint-Ferdinand des Ternes, 10 h. 1/^. M. Kdouard Brissaud église Saint-Germain-des-Prés, 9 h. 3/4ï. Cours et conférences Ecole des hautes études sociales M. Verrier les Pays Scandinaves » 16, rue de la Sorbohhe, 4 h. -J/4\ Collège libre des sciences sociales M. l'abbé Naudel l'Eglise catholique et la Renaissance » 2S, rue Serpente, 4 h. 1/3'. Union des Femmes de France M. le docteur Le Noir l'Air » 29, .Cnaussée-d'Antin, 4 heures. Infopçiations La vente des immeubles Osiris M. Osiris avait, on le sait, légué à l'Institut Pasteur, en même temps que sa fortune, les immeubles qu'il possédait rue La Bruyère. Ces immeubles, sis aux numéros d, 11, 15 et 17 de la dite rue, seront vendus le 19 janvier prochain, en l'audience des criées du Tribunal de la Seine, aux » requête, poursuite et diligence, dit » l'acte, de M. Denys Cochin, député de » Paris, agissant au nom et comme tré» sorier de l'Institut Pasteur ». M.' Denys Coehin avait été, en effet, nommé à cette fonction par délibération du conseil de l'Institut Pasteur. et il a ̃été autorise par décret du Président de la République, en date du 24 mai dernier, à ces fins. L'immeuble portant le numéro 9 de la rue ïia Bruyère n'est autre que l'ancien hôtel qu'habitait M. Osiris. Sa mise à prix est de 70,000 francs. Les trois autres immeubles sont mis à prix le numéro 11, soixante-dix mille -francs le numéro 15, trois cent cinquante mille francs et le numéro 17,. deux cent mille francs. Total des mises,- à prix pour les quatre immeubles 690 mille francs. -,• Juges consulaires Hier ont eu lieu les élections pô'trr le renouvellement du Tribunal de eoM- i. La cloche est, Je monoplan Blfrriot, loi-gant' qui connhahde à la fuis, par deux ïiiouv,-iii€-nts loi-t simples et aecoutilés, la haute"ur et PeuHibiv. ̃̃ merce de la Seine. Les électeurs se sont présentés en très petit nombre pour prendre part au scrutin, et dans certaines mairies la formation du bureau électoral a été^ faute d'électeurs particulièrement laborieuse. Les électrices consulaires, qui au début mettaient une certaine coquetterie à venir exercer leurs droits électoraux, ont montré la même indifférence que les électeurs et se sont pour la plupart abstenues. Ont-été' élus Onze juges titulaires pour deux ans MM. Petit, appareils pour la. marine; Douin, lithographie; Anthoine, poterie d'étâin; Cor- mier, grains et farines Maufroy, chemise- rie; Rosenbaum, chiffons en gros; Marlaud, travaux publics Gallin, papeterie-registres Carre, bijouterie-orfèvrerie Israël, couverture et plomberie Lecreux, marbrerie. Un juge suppléant pour un an M. Holzsehueh", industrie hôtelière. Dix juges suppléants pour deux ans MM. ̃"Vignaï, lithographie; Troullier, lingerie en gros; Ressiga, fumisterie Carpentier, banquier Jahan constructions mécaniques » Ménétrier, produits chimiques L. Chevreau, caoutchouc; G. Berger, négociant-commissionnaire E. Bert, agents de brevets d'invention E. Besson, laines en gros. Nominations Par arrêté ministériel M. Victor Mil,let, architecte diplômé, est nommé architecte de la maison centrale de Melun. Le duel Maurras-Canillo M. Gomez Cahillo, dans le Liberal, de Madrid, avait articulé que dans une précédente rencontre notre confrère, M. Charles Maurras, avait fait choix d'un adversaire, inférieur. ̃ Notre confrère de l'Action française, juger offensé par cette accusation, mais désireux de rétablir la vérité, opposa un démenti formel à cette allé- gation. M. Gomez Canillo, jugeant injurieux les termes du démenti, constitua comme témoins MM. d'Albuquerque et Marinftlli. Ceux de M.. Maurras, MM. Henry de Bruehard et Lucien Moreau, se refusérent a les atténuer. Une rencontre, jugée inévitable a eu lieu hier matin, à l'épée, à la Grande Roue.. ̃ Des amis de. M. Charles Maurras et des a,mis de M. Gomez Canillo assistaient au duel. M. Gomez Canillo est un escrimeur distingué. Dès l' allez messieurs,» prononcé par. notre distingué confrère, M. llouzier-Dorcières, directeur du combat, sa supériorité se manifesta. Maurras, beaucoup moins expérimenté, se montra fort courageux. A la deuxième reprise, après un engagement des plus vit's, il fut atteint au bras, après battement, par M. Gomez Canillo à deux centimètres environ de la hlessure qu'il reçut dans sa récente rencontre. Sur l'avis-des médecins, MM. les docteurs Vivier et Gottschalk, déclarant que M. Maurras se trouvait en état d'infériorité manifeste, les témoins mirent fin au combat. Pour le cheval > La Ligue de protection du cheval informe tous ses souscripteurs qu'elle tient à leur disposition des cartes de membres. Envoyer- les* noms' et adresses nécessaires à M. A. Falize, trésorier, 0, rue d'Antin. Exposition Aujourd'hui a eu lieu a la galerie Bernlieim Jeune l'inauguration de l'exposition de la Soc-iété coloniale des artistes français, par M. Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'Etat aux beauxarts. Ce dernier a été reçu par MM. Louis Dumoulin, Jean Béraùd, Léon Ruffe et Gaston Bernheim jeunè, trésorier de la Société. Ccl'.e jeune Société compte déjà cent ,quarante membres, et elle a été dotée d'un prix annuel de mille francs, par M. Merlaud-Ponty, gouverneur général de l'Afrique occidentale. Des dons ont été reçus, entre autres de M. le résident général de la Tunisie, et M. le gouverneur général de la Martinique. Parmi les artistes, on remarque une série d'œuvres des peintres A. Besnard, Chudant, Cormon, Rousseau, etc. Le Président de la République, qui devait inaugurer cette exposition, s'est fait excuser en raison de la mort du roi des ̃"Belges. ̃ La haine des arbres Il y a quelques jours il était question de déboiser la forêt de Saint-Germain. Ceux qui ont gardé le culte des bois s'en émurent. Leurs craintes eurent leurs échos jusqu'à la tribune de la Chambre. M. le ministre de l'agriculture apaisa toutes les. inquiétudes en déclarant qu'il ne serait pas touché à un seul des beaux arbres de cette- forêt. Aujourd'hui, plusieurs propriétaires songent il vendre une partie de la forêt de Montmorency. Déjà des hectares de terrain ont été déboisés et les effets ne se sont pas fait attendre. Partout, le génie militaire et l'administration des ponts et chaussées ont constaté que des éboulements s'étaient produits, transformant fâcheusement les plus beaux sites de la forêt. Aussi ont-ils décidé de s'opposer désormais à toute vente qui serait faite en vue du déboisement. Il est, en effet, désastreux que l'on abatte de vieux arbres séculaires. Le génie militaire invoque des raisons stratégiques qu'il nous soit permis d'invoquer des raisons d'esthétique et d'hygiène. A la Société de géographie commerciale La dixième assemblée générale de la Société de géographie commerciale a eu lieu ce soir, dans l'hôtel de la Société de géographie, sous la présidence de M. Charles Legrand, président de la Chambre de commerce, assisté de MM. Lahovary, ministre de Roumanie des généraux Dodds et Lasserre, du colonel Detrie, de MM. de Leymarie, Aspe-Keurimont, Tignole, etc. Au cours de dette réunion, M. Paul Labbé a fait une fort intéressante conférenée sur le développement économique de la Roumanie, où il vient de faire un voyage récemment. Jean de Paris. AVIS DIVEES Enlevez naturellement les points noirs de votre l'AXTI-BuLBOS de la. ParJ'umei' ie e xotif%-e,Q'ô,v. du 4~>Septembre, qui res- serre répiéeriaeetluÎEendblaneheuret netteté. LES COLONIES Dans l'Êxtrônhe-Sud ôrahâis Colomb-Béchar, 21 décembre. C'est à 68 kilomètres de Ghemiles, entre le Soudan, le Tafilalet et le Touat que s'engagea le 9 décembre le combat entre les méharistes du capitaine Cancel et un important rezzou, comprenant les gens des tribus nomades des OuladDjerir et des Ouibénia, qui se dirigeait vers Taoudenib, .où il devait opérer sa jonctionavec le marabout Si-Abidin. La rencontre fut acharnée et ne se termina qu'à la nuit close par la déroute du rezzou. Malheureusement on. confirme la mort d'un officier, le lieutenant Lapeyre, quia été tué après avoir vaillamment combattu. A L'HOTEL DE VILLE LES TRANSPORTS EN COMMUN Le Conseil municipal, réuni en comité de budget et présidé par M. Chassaigno-Goyon, a décidé hier que 1 exploitation des tramways municipaux rétrocédes par la Ville de Paris et celle des omnibus concédée par elle, devront être assurées par une seule et même société. La motion, après un brillant discours de M. Duval-Arnould, rapporteur, et de nombrenses interventions de conseillers, a été adoptée à là-presque unanimité des votants. La jonction est faite. Un nouveau concours va .avoir lieu, Janville. ^^vy^.jf– La Mort de Mme Goûin M. Albanel, juge d'instruction, a mande hier M. Bertillon et le docteur Balthazard. Il leur a remis, aux fins d'examen, le rideau arraché du compartiment où se trouvait Mme Goiiin, le chapeau et Je voile de la victime. Il est probable que les experts feront connaître dès aujourd'hui le résultat de leurs recherches. Mais déjà on affirme que le rideau porte la trace d'une large main sanglante. Il est sage d'attendre pendant vinet-quatre heures les précisions qu'apportera M. Berlillon. Disons toutefois que l'hypothèse du crime, qui semblait abandonnée, paraît réprise par les magistrats et les agents. M. Pailliet, chef de la brigade mobile, a conféré hier avec MM. Bertillon et Balthazard. Il va s'occuper de rechercher ceux des voyageurs qui, s'étant trouvés dans le wagon où était Mme Goiiin, ne se sont pasfait connaître. On raconte qu'à plusieurs reprises, Mme Goliin et sa fille, revenant de Fontainebleau oit elles allaient fréquemment, avaient remarqué des individus suspects, pénétrant dans le wagon à contre-voie. Gazette des Tribunaux COUR D'ASSISES DE LA SEINE Un assassinat en \vagon,_ Si jamais un assassin paraissait n'avoir aucune excuse, ne mériter aucune circonstance atténuante, aucune pitié, c'est bien Abel Leblanc qui semblait avoir longuement prémédité son abominable forfait. Les jurés lui ont pourtant accordé des circonstances atténuantes et ils ont déclaré qu'il avait agi sans préméditation. Son avocat, M" Gliâtenet, avait avec talent présenté pour lui une pathétique défense qui entraîna la pitié du jury, et ce n'était point facile. Il représenta son client comme une victime d'une éducation trop faible, comme un fils dévoué, assassinant et volant pour envoyer de l'argent àsa mère pauvre. C'était peutêtre un bon fils, mais c'était en tout cas un redoutable compagnon de voyage. La plaidoirie émut cependant le jury qui ne voulut pas prononcer la peine capitale. Et s'il faut en croire les bruits de couloirs, les jurés auraient même désiré ne prononcer qu'une condamnation assez légère. Trois fois ils firent appeler en Chambre du conseil le président, l'avocat général et le défenseur trois fois cela semble être aujourd'hui le nombre ordinaire de ces petites visites de magistrats que réclament les jurés. Ils auraient mûme demandé au président quel-moyen employer pour ne prononcer contre Leblanc qu'une peine de quelques années de réclusion. Ils auraient pu, pour cela, répondre non à la question aggravante de vol ayant suivi le crime; ils ne l'ont point fait cependant; c'eût été par trop paradoxal ils n'ont écarté que la préméditation et ils ont accordé des circonstances atté- nuantes. M°Châtenet nous apporte à l'audience un écho de ces hésitations des jurés; prenant la parole sur l'application de la peine, il demande à la Cour de ne pas prononcer de peine perpétuelle, le jury ayant semblé, dit-il, ne désirer qu'une peine temporaire. La Cour se retire pour délibérer. Abel Leblanc paraît tout heureux d'avoir échappé à la peine de mort. 11 sourit. Il s'entretient avec son défenseur, avec M. Desmoulins. Le public, les avocats s'approchent de lui, essayent d'écouter ses dernières paroles. Que dit-il ? Il parle de médecins légistes, dit à côté de moi un avocat en robe. 11 les juge et il les blâme. Et savez-vous même ce que j'ai entendu, c'est à peine crqyabl3? II parlait du docteur Roubinowitch qui l'avait déclaré responsable, et il disait de lui en souriant Cet homme-la est plus dangereux que moi » Leblanc ne se doute pas que le jury a été fort indulgent. La Cour rentre en séance et, comme on pouvait s'y attendre, condamne Leblanc aux travaux forcés à perpétuité. M° Willard, avocat de la partie civile, obtient la restitution des 7,000 francs dérobés qu'il réclamait au nom des héritiers de la victime.. ̃•̃•̃••;̃ COUR D'APPEL Chambre des appels correc- tionnels L'affaire Marix.' Hier ont continué, toute l'audience, les débats de l'affaire Marix devant la Cour. Autant le capitaine Marix était sombre. silencieux, déprimé devant le Tribunal, autant il était hier alerte, jovial nu-me. protestait de. son innocence. en roulant de grosses larmes dans ses yeux; maintenant, il crie, clame son innocence, émaillant sa défense pour lut 'i donner sans doute doute plus de vigueur de noms d'un chien » tout,à fait pittoresques. L'accusation lui reproche d'avoir, par l'intermédiaire d'un coureur cycliste, nommé Sérès, obtenu de-l'argent en faisant croire qu'il pouvait faire accorder des faveurs, grâces, remises de peine ou dispenses pour le service militaire. La défense de Marix est bien simple Sérès est un escroc peut-être, il a d'ailleurs été condamné et n'a point fait appel, mais jamais il n'a été le rabatteur » de Marix. Mais vous le voyiez souvent ? demande le président M. Courot. Certes, mais Sérès était' des plus inintelligents. Dire qu'il était mon racoleur c'est puéril. Moi, qui ai connu des escrocs de haute volée, j'aurais pu avoir des racoleurs splendidés. et je serais allé prendre cet individu au bas de l'échelle sociale, dans la boue, dans la fange. Sérès, on le sait, avait fait valoir auprès de M. Sierra de Luna les hautes relations du capitaine Marix, capables de faire obtenir la grâce de Mme de Luna et celles de bien d'autres personnes, Manœuvre d'escroquerie de la part de Sérès, répond Marix, auxquelles il serait, lui, resté tout à fait étranger. Avec Sérès un œuf devient un boeuf, et un bœuf une montagne. C'est ainsi qu'il a rencontré dans mon bureau mon ami, M. Tattegrain, chef du cabinet de la commission des grâces. Et le lendemain, Sérès disait Tissier » totit court. Moi, je n'ai jamais voulu voir, jamais connaître M. Tissier, président de la commission des grâces. Mon ami Fernand, fils de M. Gervais, sénateur, voulait me présenter à lui, j'ai toujours re- fus'1, car il était mon chef, et je ne voulais pas avoir de bonnes notes grâce à la protection de mes chefs. Et Marix s'anime, s'agite, gesticule, s'irrite, il lance au hasard des débats des noms d'hommes politiques Si j'avais voulu trafiquer, j'aurais corn1 meuce par me mettre en rapport avec M. Tissior. Si j'avais voulu obtenir des grâces, des faveurs, j'y serais arrivé. Je connaissais tant de gens, ai obligé tant de monde, connu tant d'hommes politiques. Et, connaissant tout cela, Sérès se serait servi du nom de Marix pour faire des dupes. La thèse du capitaine est fort simple le premier coupable aurait été M. Sierra de Luna qui, avec Sérès, aurait abusé de son nom, et lorsqu'il fut soupçonné, il accusa Marix. -Il fallait l'arrêter, l'enserrer dans les Mets s do la justice, et quand on est dans ses mailles, fait Marix avec un sourire, on y est bien, je vous assure, monsieur le président. M. de Luna, au contraire, prétend que, dans votre bureau, il vous a entendu lui demander de l'argent pour obtenir une grâce? Je ne sais même pas s'il est venu dans mon bureau. Il y venait un monde énorme, car j'appartiens'à dix ateliers maçonniques. Ce n'est pas mon bureau, nom d'un chien que j'aurais choisi pour tenir de pareils propos Et le débat devient très vif. Marix attaque avec la dernière violence le témoignage de M. Sierra de Luna, dont la .femme a été condamnée pour escroquerie au mariage. Accusé, président, -conseiller -rapporteur; ̃ avocat- général; défenseur, tout le monde parle en même temps. Intarissable, Marix continue toujours si on oppose a ses dires la déclaration écrite d'un témoin devant le juged'instruction, ila, lui, ancien conseiller rapporteur près le Conseil de guerre, cette réponse pittoresque '̃ Je suis juge d'instruction depuis huit ans, je sais très bien que ce qu'on écrit n'est pas ce qui se passe. Ce qui se passe n'est pas fixable. Et pour finir, il a un mot qui pour lui résume toute sa défense et qu'il adresse presque familièrement au président, eu souriant Vous m'écoutez bien, vous me suivez bien, n'est-ce pas, monsieur le président Si j'avais agi comme, on me le reproche, je serais un imbécile, et vous savez que je ne le suis pas précisément. La Cour avait fait citer des témoins. Leurs dépositions n'apportèrent pas grands éclaircissements aux débats, mais donnèrent lieu a quelques confronta- tions assez'orageuses. Tout d'abord une dame Bonne'fain, originaire de l'île Maurice, et qui fut un certain temps pensionnaire des époux Sierra de Luna, vient dire qu'elle fut leur victime. On l'avait attirée pour un mariage* Mais vous étiez déjà mariée, lui dit le président. Oh! religieusement; cela n'empêche pas le mariage civil. Et elle aurait remis des fonds aux époux de Luna, qui en auraient aussi soutiré à un certain de Fly pour lui faire obtenir une grâce. Immédiatement, Me de Moro-Giafferi se lève, et, au nom des époux Sierra de Luna, demande qu'on lui donne acte de la déposition de Mme Bonnefain. Puis M. Sierra de Luna s'avance à la barre. Il proteste contre la déposition du témoin avec une énergie que souligne encore son accent castillan Jamais je n'ai reçu d'argent de cette dame. Si ̃ -r- Non Jamais je n'ai reçu d'argent de de Fly. Si • Non A quelle date? En janvier, répond Mme Bonnefain. En janvier, je ne voyais pas de Fly. Quand on ment, il faut savoir mentir l M. Sierra de Luna s'anime, On m'attaque, je veux me disculper. Faites une enquête, une instruction; et si j'ai commis un faux témoignage, arrêtezmoi On n'arrêtera personne, on ne fera point d'enquête. Les confrontatiens en justice ne donnent d'ailleurs presque jamais de résultai. On s'attaque, on s'insulte, on se traite réciproquement de menteur, de faux témoins, et finalement chacun va s'asseoir. Vous n'êtes pas d'accord », disait jadis un président d'Assises à deux témoins qui s'étaient tous deux dit Vous mentez ». Après l'audition de Mlle Chauvet et de M. Roger qui viennent témoigner au sujet dés faits reprochés à l'agent d'affaires Grenier, Me de Monzie commence sa plaidoirie pour le capitaine Marix. Les débats continueront t huitaine. ">̃ ̃ Geôles Claratie. Nouve1les^JiveP8e& AU BA2AR DÉ L'HOTEL-bÈ-\ÏIXÉ Les manifestants commencent à se lasser. Ils se sont réunis et ont décidé qu'il fallait que l'agitation* prît fin, ou que de rigoureuses représailles soient organisées. Mais avant d'ouvrir les vraie$ hostilités, ils ont envoyé à M. Ruel la lettre suivante Monsieur, Nous vous informons qu'une délégation de notre syndicat se présentera aujourd'hui, à Votre bureau, 1">, rue la Verrerie, h trois heures de l'après-midi, pour vous entretenir du conflit qui existe entre vous et votre personnel. Il nous est apparu que, dans les circonstances présentes, il est nécessaire de tenter une suprême démarche pour vous demander d'accorder satisfaction aux desiderata qui vous ont été exposés antérieurement. Nous appelons votre attention sur ce fait, qu'un refus de votre part le nous entendre ne pourrait que faire assumer à la direction du bazar de l'Hôtel-de-Ville la responsabilité des événements qui pourront s'ensuivre. Veuillez agréer, monsieur, l'expression de nos sentiments distingues. Lcs secsvtavres Les secrétaires Bopkciion-, Gogumus, Renaudel. M. Ruel, obéissant en cela aux décisions du conseil d'administration, ne s'est pas laissé intimider et a refusé de recevoir la délégation. Dans les milieux syndicalistes, on annonce pour vendredi soir une grande manifesta- tion ». DU DOCTEUR M. BoUcard avait convoqué hier à son cabinet le docteur Ratel, contre qui Mlle Hélène B. a porté l'accusation qu'on connaît. Jl lui a communiqué le rapport des docteurs Ballot, Vallon et Brissand, déclarant que Mlle B. peut être très facilement hypnotisée. Le docteur Ratel a répondu en protestant de nouveau de son innocence. TENTATIVE DE SUICIDE DE GUBATA Le pseudo- comte de Gubàla, condamné récemment pour escroquerie, a tenté hier de' se suicider dans sa prison. 11 s'était pendu à l'aide de ses bretelles. On est intérvenu à temps et il est maintenant l'objet d'une surveillance spéciale. EXCAVATION BOULEVARD MONTMARTRE Un omnibus de la ligne Madeleine-Bastille avait accroché hier matin et culbuté un candélabre à gaz au coin du boulevard Montmartre. Dans l'après-midi la Compagnie du gaz, prévenue, envoya une équipe pour réparer le dégât. Mais, au premier coup de pioche, les ouvriers eurent la surprise de voir l'asphalte s'effondrer sur une surface de deux mètres et demi et se creuser un trou profond de trois mètres. Aucuns travaux de voirie ne se faisant dans le voisinage immédiat, on ne s'explique pas d'où provient cette brusque excavation autour de laquelle se sont arrêtés toute lajournée une foule de curieug. 300,000 -FRANCS DE PERLES VOLÉES Il v a quelque temps, Mme S. courtière en diamants, très connue et très estimée sur la place de Paris, montait dans le tramway Ouamp-de-Mars Place Pcreire. Près d'elle vint s'asseoir une dame en deuil, d'aspect sympathique, qui causa avec elle et descendit avant la station terminus, Peu après, Mme S. s'apercevait qu'on avait fendu sa robe et qu'on lui avait volé pour 300,00p francs de perles qu'elle portait dans une poche de dessous. Elle déposa une plainte, naturellement. Ces jours-ci plusieurs négociants furent étonnés de se voir offrir à des prix très minimes de fort belles perles qui valaient beaucoup plus. M. Hamard, chef de là Sûreté, informé ̃ do "eetto- particularité, ouvrit une enquête et sut que ces perles provenaient d'une veuve Germain, née Cécile Delaplace, âgée de cinquaute ans, demeurant à Neuilly. Une perquisition opérée cher cette femme a fait découvrir un stock do perles cachées dans un bréviaire, transformé en boite en creusant le milieu des pages. Arrêtée, elle a prétendu qu'elle était, la lille d'un président sud-américain et que ces perles lui avaient été offertes jadis par un prince indien, son fiancé, Elle a été envoyée au Dépôt. POUR NOËL ET LE NOUVEL AN Les personnes en qvuUo de cadeaux de Noël et de nouvel an trouveront aux Grands Magasins Dufayel le plus grand choix d'articles de bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, horlogerie, bronzes, marbrés, petits meubles, tableaux, gravures, porcelaines et cristaux, maroquinerie, gainerie, éventails, sachets à mouchoirs, voitures d'enfants, chevaux mécaniques, jouets scientifiques, etc. Tous les jours, sauf les dimanches, concert, cinématographe et five o'clock tea. UNE PLAINTE Le comte Mattalchieh était en relations d'affaires avec un banquier parisien qu'il avait chargé de diverses spéculations. Hier, ce banquier était convoqué au cabinet de M. Ducasse, juge d'instruction, qui lui annonçait que M-'Sekendorf, se disant fondé de pouvoir du comte Mattatchich, avait déposé contre lui un plainte en abus de confiance. Le banquier a répliqué que toutes ses opérations avaient été faites régulièrement pt qu'au surplus, M. Sekendorf n'avait aucune qualité réelle pour agir an nom du comte. L'affaire en est la. Une enquête va être faite. ENCORE DES TABLEAUX TROUVÉS M. le docteur Pitois, rue Gay-Lussae, a trouvé hier soir, à six heures, dans une vespasienne du jardin des Tuileries, en face du pavillon de Marsan, un rouleau contenant deux petits tableaux et deux de 1 mètre sur 1H0, Les deux tableautins représentent des vaches à la mare », signé Martinet, et les Offrandes » signé Coureaumon. Les deux plus grands, une marine et une scène champêtre, sans signature. Ces deux tableaux semblent anciens. DÉPARTEMENTS î,' ATTESTAT DE Bourges. A la suite du coup de pistolet, chargé de chevrotines, tiré sur un groupe d'élèves de l'Ecole normale d'instituteurs, la police a arrêté un jeune ouvrier tailleur, âgé de dix-huit ans, nommé Marcel jusqu'ici les charges relevées contre lui ne semblent pas être très sérieuses. j. M! LE CRIME DE JUIXY Tonnerre. Aujourd'hui a eu lieu, à la mairie de Ravières, la remise solennelle des médailles d'honneur du jeune Imbert, le rescapé du massacre de Jully, et de M. Lechthaler, qui arrêta les assassins. La cérémonie a été présidée par le préfet de l'Yonne. On s'est, d'autre part, aperçu qu'après le crime le livre de comptabilité du fermier 'Verrières avait disparu. Or, sur ce livre était noté un prêt de deuxrhille francs fait par la victime. Plainte a été portée à ce sujet, par le tuteur des enfants Verrières. Au Parquet de Tonnerre qui a fait aujourd'hui une enquête à la ferme du château et à Jully, on croit que non seulement le livre mais encore des_ lettres ont été brûlés par une personne qui aurait pénétré dans la ferme après le crime. ARRESTATION DIFFICILE Evreux. Hier matin. les gendarmes se présentaient chez un nommé Georges Pottier, journalier aux. Minières, pour l'arrêter, à la suite de plusieurs vois Je. .tira sur eux un coii}*> de fusil, qui blessa grièvement à la cuisse le gendarme Leroux et atteignit également le brigadier Foucher et un autre gendarme. Aidés par des habitants de l'endroit, ils se jetèrent sur le forcené et s'en rendirent maîtres. Le gendarma Leroux sera proposé au ministre de la guerre pour une récompense. Argus. LES THÉÂTRES ̃Â la Por4e-Saint [ Quel duo. tendre et magnifique nous ̃jouoroiit ces doux admirables âî'tisfcs M. Jules Leitner fera valoir sa diction si pure, sa composition si nette, dans'le rôle de Merculio. M. Penoux ne peut "manquer d'être un Tybalt fougueux et superbe. Et M. sera un Frère Laurent très impressionnant. Les autres rôles seront tenus par MM Albert Lambert père, .Volny et Mme Jeanne Brin- deau. •'̃ ̃̃ Le drame de Shakespeare sera, pour la première fois », accompagné et, on ̃peut le dire, embelli par des fragments de la symphonie Roméo' et Juliette, d'Hector Berlioz le prologue et les entr'actes,' orchestre etchœurs, et c'est j là une très neuve, une très belle, une très grande tentative, où se trouveront unis, 'dans un fraternel élan de beauté, ces deux immenses génies, si souvent égaux, Shakespeare et Berlioz Pour clore cette belle série de spectacles d'art,. on montera. Patrie, le chefd'œuvre du regretté maître Victorien Sardou,' dont, il n'y a pas trois de Monte-Carlo a créé, avec un succès immense, Thêodora, musique de M. Xavier Leroux. Patrie est non seulement un drame puissant, le plus noble et le plus émouvant à côté de la [}aine de Victorien Sardou c'est aussi une reconstitution d'histoire qui-exige, à la fois, une mise en scène somptueuse et scrupuleusement documentée. Le prestigieux décorateur, M. Visconti, qui, d ailleurs, a brossé pour tous ces spectacles des décors nouveaux, s'est attaché avec 1 passion à interpréter Patrie le plus ma- l gnifiquement possible il s'y est surpassé. Les sept décors qu'il a imaginés sont sept merveilles, j'allais dire les sept merveilles du monde. Je ne crains guère do m'aventurer en affirmant, d ores et déjà, que Patrie n'a jamais, nulle part, rencontré des décors qui l'encadrent aussi exactement, aussi splendidement. Les principaux rôles seront tenus par MM. Albert Lambert fils, Paul Mounet, Jules Loitner, Jacques Fenoux, Ravet, Mmes Delvair, Géniat, et par MM. Albert Lambert père, 'Volny, et Mme Jeanne Brindeau. , ,Jf, Un tel programme n'a besoin de nul commentaire Par le choix des œuvres et des interprètes, par la beauté des décors et des costumes, tous réalisés spécialement pour ces représentations, et avec le plus artistique souci de reconstitutions fidèles et totales, par l'indiscutable perfection des exécutions symphoniques qui, sous la, direction de M. Léon Jehin, enlumineront la plupart de ces pièces, il est évident, d'avance, qu'il y a là une suite de soirées d'art les plus rares qu'on puisse souhaiter, non seulement pour le plaisir des spectateurs, mais aussi pour la plus parfaite traduction scénique des œuvres. Les artistes de la Comédie-Française ne s'absentent de Paris qu'avec des congés réguliers, et selon les exigences et la marche des spectacles de leur théâtre. Il est heureux que ces exigences leur permettent toutefois devenir augmenter de leur talent et de leur renommée la beauté des manifestations artistiques qui se préparent. Lorsqu'il s'agit, comme c'est ici le cas, de représentations les plus belles du monde, et comme le théâtre de Monte-Carlo a coutume d'en donner, l'éclat en rejaillit sur; l'illustre Maison de Molière qui perpétue -sa noble tradition de faire triompher les plus beaux cliefs-d'œuvre, son patrimoine sans égal. Elle sert leur gloire et sa gloire s'en accroît. J. Darthenay. COURRIER DES THÉÂTRES Aujourd'hui A la Renaissance, à- 4 h. 1/2 7e Matinée de' la Parisienne, Variations sur la Mode », causerie de Mme Marthe Régnier les derniers modèles de la Mode parisienne seront présentés par de jolies Parisiennes. Auditions de Mme Laute-Brun, do. l'Opéra; Mlle Maille, de la Comédie-Française M. Henri Albers, Mlle Lucy Vauthrïn, de FOpéra-Comique.; Mlles Félyne, Ariette Dorgère, Augusta Pouget, H. Grenct-Dancourt, M. Pierre Juvenet et la belle Isis dans ses danses antiques. Première représentation de la Robe, saynète de M. Auguste Germain, jouée par M. Baillet, de la Comédie-Française, et Mlle Mireille Corbé. -.•••• Prix des places 0 fr. 50 à 3 francs. Ce soir Au théâtre Réjane, à 8 h. 1/2, répétition générale de Madame Margot, pièce en cinq actes dont un prologue de MM. Emile Moreau et Charles Glairville. N. II. Vu. l'importance du spectacle, Mme Réjanrt prie vivement ses invités de vouloir bien être très exacts, car après le lever du rideau sur le prologue, les retardataires seront priés d'attendre l'êntr'acte dans le hall du théâtre. Au théâtre Femina, à 8 h. 3/4 Théâtre Shakespeare;. Premier spectacle de là saison ot représentation unique Causerie de M. Camille de Sainte-Croix sur la Jeunesse de Shakespeare » représentation unique de Conte d'hiver, comédie féerique eh cinq actes de W. Shakesp eare. Distribution MM. Gavarry Charpenel. Léonte A. Luitz ,Morat, Camille Roger Lévy, le Clovra Paul Baumé, Antigono René Rocher, Florizel Decaye, Autolycas Dhurtal, Polyxène; Vidal, Cléomèno Saint-Mars, Dion' Roubaud, lo Berr ger; Finaly, le Temps Martial, le Gardien. Mmes Olga DémidoiT, Hermione Yvontro Ducos, Perditâ Guyta Dauzon, Carmen Silvat, le Page; Roselli, Emilia; Rivonne, le Pâtre Capazz'a, Dorcas Jeanne; Mil. Mopsa Duhqn, Reinbaw, demoiselle d'hon-r neur; Sudroud, dame d'honneur Maurice, une Bergère. Musique de scène de Linley, Louis Heyzer, avec le quatuor Krettly; Yves ,Katt, à'i'orgue. Pastorale du 4"' acte réglée par Mlle Théodore, de l'Opéra.' Au théâtre des Arts, à 8 h.. 3/4 précises, Un Cœur d'homme, pièce en 4 actes, do Mme Sarah Distribution Nh£n° ̃ } Mmes Blanche Dufrène Sabine Kmmy Lynn • Muu; îe Gerfaut ̃ Jane Méa Berthp Laui'iao- Soylor. Mine Dubois d'Auge ville B. Boulanger Vauxionno Pascal La bohémienne Lysia Eléonore d'Onteuil Thomas Julietta H. Boulanger Paul Sarnoia MM. Henry Roussoll Jules Pigru J. Normand TimurLaurino Doneubourg De Gerfaut Bol ou Pierre Pourié Lagacho Prince Darnidoff Kirman; Toussaint 1 Bellucci L'imprésario américain' Piernet Le caricaturiste Catricns Un directeur do théâtre Moulin Mmes Clarcns, Mme Simpson; Angolo, vuiq Pierrette; Lugaud, uno Merveilleuse; Siivaire, nue marchande d'oranges; Géo Dielly, uiu 'chatte; Lacroix, une paysuVrnc petite 'Naulot, la petite Désirée; Lesseigno, une gouvernante; I. Offenbach, le propre petit-fils, du. grand compositeur, .a écrite spécialement pour les Matinées pour la Jeunesse du théâtre Femina. La Revue de Noël sera jouée en matinée pendant de longs mois,'les jeudis et dimanches et tous les jours pendant les fêtes du jeudi 23 décembre au lundi 3 janvier inclus. Le prix dos places est des plus modérés, malgré la somptuosité du spectacle. Tout-Paris va défiler pendant les fêtes au théâtre Femina pour y applaudir les petits prodiges de la Revue de Noël. al' A peine rentre de la tournée des Grands, où il tenait avec un très gros succès le le rôle de l'économe Bron, M. Champagne va repartir pour deux mois dans les départements, sous l'habile direction de M.' Charles Barot, avec Théodore et Cie, la pièce actuellement eu vogue aux Nouveautés. Le très amusant comédien y sera aussi applaudi que dans les Grands. A son retour, il entrera au Palais-Royal pour lequel il vient de signer un bel engagement. y De Berlin z A la Comédie-Royale, le succès de la Greva de Sudermann, très grand après le deuxième acte, s'est amoindri après le troisième, et il est demeuré indécis après le quatrième. Serge Basset. SPECTACÏÊUCONCERTS " Fivc o'clock artistique », au- ̃l'-1' ̃ étage du Cal'é Ainéricâiii, '1, boulevard des Capucines. Entrée par l'escalier do marbre. 'Ce soir Ala Gaité-Rocliochouart, première représentation de l'vl 7i. O. Chechouart, revue- en 15 tableaux de MM. Yalentin Tari-ault et Abadiç, musi[ue nouvelle arrangée par Ch. Bourgeois, costumes de Landolfï, dé- cors do Flcury, Prpyut. et.. Saint-Aubin, ate- lier Meuessicr. Mise en scène de Paul Fub- vre, chorégraphie dePaulo. Cliquito, le Chemiucau, le. Compère MM. Zaïque Fricandeau, Mariette, Aris- ̃ tide Serjius Georges, Policemau, I,éta- Ion, Gronouillot Boucot- La gosse, le Lapon, Ma- i-iana Mmes Marie ifak Le Passant, l'Aviatrice Heine' Aymnrd >, La Basquaise, ta Lapone Pompbnètte Miss Martinguall Lina Traversi Le Petit Sou, le Guide, la Giiscttc Suzan. Chevallier Madame Polichinelle la Commère sim. Valéry autres roies, par .Mansuciie, Fallières, César, lo Flic, .Homanos; Démanche, Rostand, Polyto, Doyen Delamane, l'Agent, Tristan, Louis XI, lo Cipal, Polletan; Carjol, Le Haridot, Anatolo, Coûtant, Favoritos; Bazin, Picquart, lo Navet. Tantinos.. Mmes Dhartigny, Lavallière, Estrellita; Mvriame, la Directrice, la Présidente, 'la grosso Mëlje, Courtisane; DoyS'riel, Promeneuse. B. Cerny, le Chovallier, Courtisane; Myalis, la Mère, la Tomate, Casque d'Or, Mme Grenoùillot; Odette, Pelotari, Mmo'.Delavouno, Tyrolien, Une'clieute Vialys, Jane Derval, la Pensionnaire, la Limieiiso Montcillc, Roporiorcsso, Cécile Sorel, Général, Américaine, Arthéniiso, don Juan Sini.. May, Promenedso, Simonne, Parisienne, Ligueuse, Prêtresse; Dcrblay, Reporleresse, Emilieniie, Général, Américaine, Spectatrice, Courtisane. Tableaux 1", Une revue à Guignol 2», La réception du prince do Cauibo 3e Le vrai Ch'anteclcr; -1° L'Académie des i'ommos; 5" Les héros de la route; 6", La route sous Louis "XI; 7% I,a route sous Louis XIII 8", La route sous Louis XV; 9', La route glorieuse, Bonaparte aux Pyramides 10% La route d'aujourd'hui, le départ des- joyeux.; 11% 'La route do 'dômaiu, les nations au" polo Nord; 12", L'a éro-pe sage de Port- Aviation 13% Le cabaret politique; ii", Maison de danses; 15\ Lo triomphe de don Juan l'Apothéose. Aux Folies-Bergère, la Revue des FoliesBergère, le clou de la saison », trente et un tableaux, de Fiers et Eugène Héros, 900 costumes de Landolif Miss Campton, Claudius, Maurel,Chc valier. Yma, Merville, etc., Jaxon troupe, Lôonette Roberty et ses danseurs, les Harwey Boys, les 16 Pomé Girls, etc. Pougaud ot Jana; Marnac. Chez la Grande Atelier des Grands Maîtres. Le Cirque.. A l'Olympia Sam Mac Voa, lo rHÎo- table boxeur nègre, et débuts de Pilara-a, troupo aragonaise, dans la Grand» Revm tts ÏOlympid, le plus grand spectacle do Paris Germaine Charley, Léoni, Morton, Girier, etc..– Le Triomphe do l'aviation, 150 person- nes en scène; Daphnis et Chloé; Théoda»\* Girard dans The Vampire danoo- » j l'Affaire sensasteinhelle », et la M$i~! son où l'on danse », tableau nouveau. ° -Ala Scala, Afgar, le plus joyeux soir, .donnera, ̃ à l'occasion des Mtes de, Noël, des matinées à 2 h. 1/2, aux dates suivantes. ̃ ̃ Samedi 2o., jour de Noël, dimanche 26, lundi 27, mardi 28, mercredi 29, jeudi 30, programme que .le,,sojr et son immense succès de Deux lions amis, pantomime Ji grand' spectacle, en quatre tableaux. La feuille de location pour la soirée du réveillon est déjà très" couverte.. Hâtez-vous d'aller retenir vos places pour cette brillante .soirée., > Lé grand succès de l'inauguration, de Bullier Nouveau et l'af iluence des visiteurs n'avaient pas permis p. tous les invités de profiter de leurs cartes. La direction, désireuse de ne faire aucun mécontent, informe le public que ces. cartes non utilisées .seront valable^ pour là grande fête de l'arbre de' ̃Noël de Bàlii'eï'cfui aura lieu' le" soir du réveillon. En cas de perteyjécrire au secrétaire général. Toutes mesures seront -prises-peur- éviter l'encombrement.. Prière de retenir des tables pour le souper. Téléphone. 829t10.'. ;̃, Inélégante ivresse;- Pour éprouver les fortes joies, la fièvre, l'élégante ivresse du patinage, le nouveau sport à la mode, il Ue faut pas employer des patins quelconques, peu sûrs, durs de roulement, et;qui chahutent dans les pieds il faut chausser les élégants patins Winslow, qui, par l'élasticité de leur métal, leur sûreté, la qualité de leur roulement, leur rapidité, ont valu au célèbre Winslow. le titre si en- Petites Annonces La Ligne. 6 francs Par Dix insertions ou Cinquante lignes 5 francs Les Annonces à 3 francs la ligns concernent i"LTndustriè et les Fonds de -ccinmercèt i'Les Oecàsîons, l'Enseignement, les Emplois et lés Gens ds maison; ̃̃̃̃• t" Lejs ̃Locations; 4° Les Pensions bourgeoises. .PLàlSIRS PARISIEHS Programme des Théâtres MATINÉES H ENAlSSANCE h. 1/2. 7' Vendredi de la Parisienne » Variations sur la Mode », causerie de Mme Marche Régnier. Auditions de Mme Laute^Brun. Mlle Maille, M. Henri Atbers, Mlles Lucy Vautlmn,.Pélyne, Ariette Dorgère, etc. La Robe M. Baillet, Mlle Mireille Corbé. ̃“̃ SOIREE OPERA Tel, 8 h. 1/4. Aida. U Demain; Relâche. ̃Vendredi- Faust. FRANÇAIS Tél. 8 h. 1/4. Les Plaideurs Les larmes de Racine Andfpmaque. Jeudi- Le Mariage de Figaro. Vendredi, samedi Sire. OPERà-COMIQUE Tél. 8 h. 0/0. U Chiquito ;Cavallerià rusticana. Jeudi, samedi Carmen. Vendredi M'adame Butterfly. Dimanche Manon. ̃ ̃ ODEON Tél. 811,42. 8 h. 1/2. Phèdre les Plaideurs A Port-Royal des Champs. Jeudi, vendredi, samedi et dimanche Comme les feuilles. 1HEATRE SARAH-BERNHARDT Tél. 274.?3. I 8 h. '1/2. Le Procès de Jeanne d'Arc, VAUDEVILLE Tél. 9 h. 0/0. Maison de danses. Ï7ARIETES {Tél. 8 h. 1/2 Une Affaire f est arrangée à' 9 h. 1/4, Un Ange. THEATRE REJANE Tél. 8 h. 1/2. Répétition générale de Madame Margot. RENAISSANCE 9 h. 0/0. r- La Petite chocolatière. NOUVEAUTES Tel. 8 h. 1/2. II Théodope et CiB-. IttlEATRE' LYRIQUE MUNICIPAL GAITE Tél. –7 h. 3/4. r- Quo vadjs ? flYMNASE'Téi. 8 h. i/2. Pierre et II Thérèse. V PORTE SAINT-MARTIN Tél. 8 h. 1/2. La Massîère. iTHENEE Tél. 8 h. 1/2. Sophie A o» le désirdô contenter r 9 S h. 10 Page blanche. nnHEATRB APOLLO Tél. '8 h. 1/2. Jl La \reuve joyeuse.. fTHEÀTRE. ANTOINE Tél. 8 h. 3/4. I Le Roi s'ennuie; à 9 h., 1/4 i Papillon, dit. Lyonnais le Juste. pALAIS-ROYAL –.8 h. 3 .'4. La Valse des PALA. ŒRo,rAL 1;1/.4. La Valse des I rosés là, Revanche d'Eve. vie de roi du patin ». L'Hippodrome n'emploie que les w inslow. La semaine prochaine, ouveytyre du rink Saint'Didier, avec les Winslow. Hippodrome! à 40 h. 1/2, à 3 heures mat. élégantes-familles et 8 h. 1/2, COURRIER MUSICAL "Concerts du Conservatoire, dimanche 26 décembre, à deux heures un- quart. Programme Symphonie en ré- mineur R. Schdmann cette Symphonie se joue sans interruption. L'Enfance du Christ, trilogie sacrée Hector Berlioz le récitant, M. Muratore, de l'Opéra sainte Marie, Mme Auguez de Montalant saint Joseph, M. Duclos, de l'Opéra Hérode, M. Journet, de l'Opéra; le Père de famille, \l. Narçon D'elniont; un Centurion, flûtes, -MM. Hennebains et Lafleurance -harpe,M. Martenot. I/e concert sera dirigé par "M. André Messager. r ̃ Soirées d'art 8,, rue d'Athènes, vendredi veille de Noël, à 9 heures très- précises du soiri festival Beethoven-Berlioz Trio à VÂrcldâuc, pour piano, violon et cello Beethoven, MM. A. Chevillon, Lederer et ,P. Salîiazeuilli Sonate n° en la majeur, op. 09 pour cello et piano Beethoven, MM. P. Sama- zeuilh, et A. Chevillon Ronjange en fa majeuï' pour violon -et piano Beethoven, MM. Ledorer .et A; Chevillon La Damnation, de Faust do H. Berlioz importants frap-ments Mlle Nobya Marguerite M. Fernand Latour Faiistj M. Fpurhets Méphistophelès au piano Mlle Marguerite Legras; cor anglais M. Andraud. Prix les places 8 fr., 6 fr. et 3 fr. Location chez Durand Grus agence des théâtres, 38, avenue de l'Opéra Steinway Salle des Concerts, 8, rue. d'Athènes Hamelle. Au moment des étrennes, l'éditeur de musique J. Armand, 3, rue du Havre, Paris, offre à sa nombreuse et élégante clientèle, au prix do 5 fr. 50 franco, la collection des cinq morceaux à succès qu'il a édités et dont nous rappelons les titres J'Implore, la valse triomphante de Lerichomme Au gré du rêve, valse acclamée cet été à Trouville Cfépusrcute, méditation pour piano et sans paroles. Pàcholo, habanera de Trousset. Frisson d'aurore, aubade de Trousset. Quatre des couvertures sont illustrées de pointes sèches du maîtreRapha. Alfred Delilja. LES GRANDES VENTES Aujourd'hui, à l'Hôtel Drouot Ventes .p. Salle 1. Objets'd'art et d'ameublement anciens et de style tableaux, meubles et sièges, ameublement de salon en tapisserie, armes, brpnzes, etc. Me Emm.. Ohigèt; MM. Duchesne etDuplan. Salle'2. Succession de M. B. Beau mobilier ancien et moderne tapis4' tableaux anciensjet modernes Mc F. LAïu-DuBREUiii MM- Paulme et Lasquin. Salle A. Bibliothèque de feu le marquis E. de Salvcrt-Bellenave Troisième partie troisième/vacation,' n?s 689-804, 330-357. W Axdkê DÉsvouqes M. A. Durel. Salle 9. Tableaux, aquarelles, pastels par'Delacroix, Fantin, Millet, Puvis de Chavannes', et quarante-six aquarelles et dessins très remarquables de Constantin Guys. Mc G. François M. G..Çamentron. • UVRES DE- BIBUOPHILES .o^ 1. .̃ Suite. La vente de la bibliothèque de feule marquis E. de Salvert-Bellenave_, dirigée par xMe Desvouges, s'est poursuivie hier avec un plein succès. Continuons la liste des prix importants Livres môdernesen èditionsde grand-luxe. N° 4T9, Balzac, La Femme de trente ans, 35 compositions par A. Robaudi, Paris, L. Carteret et Cic, suce., 1902 Mercier, suce, de ,Cuzin, 810 fr,; n° ^27, Théodore de Banville, Gringoire, compositions de J. Wagrez, L. Carteret et Cie, suce, 1899 M. Lortic, 300 fr.; n° i. NOUVEAU-CIRQUE. Vendredi 2i décembre, soirée de galaà l'occasion du réveillon de Noël. CIRQUE IÉDËMMbW^ At1ractIOBSnouvl. Mat. à 2'» 1/2, jeudis, dini. et fêtes. Attract~op~nourn~ WABAR1N BAL. Tél. Samedi pro1 chain Fête à Pliryné. MTT5TTï?r1 PT? \rTAT Palais cles Mii'5.'cs }o Tem- "kkkyJaCJ V UN PÀLÂIb Dfcj uLÀCej nage s'vmte g-lacè, T. tous tes, jours de2ilà7tletde9hàminuit. ORQUE DE PARIS feST^ J5ea'fcOîisa»!i6',g'. TATTD FTOUDT Saison d'hiver\ de midiàla IULJli rjlrr GlL nuit, jusqu'au 2» étage et par escalier seulem1. Bar au i" étage. Prix d'ent. 1 fr. JARDIN D'ACCLIMATATION. Ouvert t> les jours. r Porte D~aütot. Sr.~rtsc Riw. I TTAT k D k DT7" Porte Maillot. Skatixg Rixk. LUlNâ'r AKJi 3 séances t» les j" de 10M/2à à midi,2hl/2à0hl'2,8''l/2; ENGHIEN, U min. de Paris. 1S2. trains par jour. Etabjiss' thermal. Casino, Théâtre, Concerï. ABU^EinENTS A CÉDER ADT^T> h A 15 K Tf AT°5RK bjen située, UriJjKâ LOUER DAIvJIN lundi quinzaine, année 1910. S'adresser 12, rue Leroux, Mmo DU G. AVIS HONDMUS"" Déplacements et Villégiatures des Abonnés du k Figaro » EN FRANCE M. Antoine Aillet, à Sainte-Livrade. Mme Emilie Broisat, à Hyères. M. Louis Brertaueiy à 'Cannes. M. Cha-uva,.à Pau. M. de Castellan. à Jours. M. Roger de Cormenin, au château dePuy d'Auzon, par Cluis. Mme Charles Corbin, à Cannes. M. Em. Dietze, à Nice. Mme la baronne Double de Saint-Lambert, à Marseille. Mme Godde, à la Grisolette, à Bléré. Mme la comtesse de GallitTet, îi Pau. M. le comte Louis de Montesquiou, au château de la Breteschê, par Missillac. Mme la marquise ctu Vivier, au château de '̃̃̃ nés à l'or, 375 fr. n° 45, Bataille, emmargement d'or, arabesques et animaux, dos, ara» besques et animaux; dessinés à l'or, 320 fr. h° 46, Soène d'histoire naturelle, emmargement d'or, arabesques et animaux, dos, arabesques et animaux dessinés -à l'or, 300 fr. n° 47, Bataille, emmargement d'or, arabesques et animaux dos, arabesques et animaux dessines à l'or, 370 fr; n° 5r, La légende du feu, 300 fr.; n° 67, Portrait et page de garde, au dos double page de garde, fond' bleu, 720 fr.; n° 72, Çcénes d'histoire naturelle et de la vie des champs, 400 fr.; n 73, Scènes de chasse, 360 fr. n° 91, Grisaille, Nativité du Christ, 380 fr. n° 92, Grisaille, Derviches, 300 francs. Miniatures indo-persanes. NOlo,4, Prince recevant.. des présents emmargemént d'or dos semblable, 360 fr. no 96, La Collation, 450 fr. n° 97, Portrait d'un prince hindou, 26p., fr. n.° 100, Scène de chasse indoue, 35b francs. SUCCESSION DE M. B. A la sal^e 2, M° Lair-Dubreuil et MM. Paulme et Lasquin continuaient la vente B. Voici les quelques prix intéressants de la vacation d'aujourd'hui 1 tableau attribué à Terburg, 1,600 fr, Meuble de salon, couvert en ancienne tapisserie, commencement du dix-neuvième siècle, 18,220 fr. Meuble à deux corps, bois sculpté, fin du seizième siècle, 540 francs. La vacation a produit environ 33,000 francs. Valemont. lia Vie Sportive YACHTING La traversée de l'Atlantique Le Yacht-Club de Philadelphie et le YachtClub de la Havane organisent de concert, pour mai 1910, une course de 2,000 kilomètres à travers l'Atlantique. Le départ sera donné du quai Market street, à Philadelphie, le 21 mai à midi et demi. L'arrivée se fera entre les phares de Morro et de la Pounta, à l'entrée du port de la Havane. v La, course lest réservée aux yachts automobiles ne dépassant pas 30 mètres de long. Le seul passage difficile de l'épreuve sera la traversea entre les îles Bahamas et de la Floride, ou les concurrents auront à. lutter contre le courant du' Gulf-Stream. AUTOMOBILISME Pour nos poids lourds de ravitaillenant Silence, souplesse et régularité sont les trois grandes qualités requises en automobile. La prise directe est le grand facteur de ces trois avantages. Les Lorraine-Dietrich ayant deux vitesses 'en prise directe, la troisième et la quatrième, réalisent donc mieux que toutes autres le problème, et ce sont de ce fait les meilleures voitures de tourisme comme les plus agréables voitures de ville. ** Faudra-t-il renoncer à voir notre armée profiter des progrès qui sont dus au génie de nos inventeurs et de nos industriels! On n'a demandé que 500,000 francs, pour. l'aéronautique do guerre et l'on se contente de 300,000 francs pour être affectés en primes aux propriétaires d'automobiles poids lourds destinés au ravitaillement de nos armées en campagne Nous voulons dépenser 300,000 francs. bien mais l'Allemagne, en 1910, dépensera pour le même objet trois millions. ;• '̃' Nous rappelons que MM. Gomes et Cio, 63, boulevard Haussmann, ont ajouté à leur commerce d'aéroplanes la vente sur une grande échelle des cerfs-volants scientifiques et sportifs. En ce moment est ouverte à la maison Outhenin-Chalandrc-, 24, avenue de la GrandeArmée, une exposition des nouveaux moteurs et châssis sans soupapes» brevet Knight. C'est une révolution dans l'automobile, à en juger par le nombre des connaisseurs qui affirment, le succès définitif de ce nouveau moteur. Nous engageons tous A L'ÉTRANGER Mme Lucien De'roda, à M. le vicomte de Kontarce, à Armant. Mme Giovanelli, ù Milan. M. Herbert L. llunt, à Saanen. Mme la baronne de Heeckeren Molecaten, à Montreux. Mme L. Koenig Wuster, h Elberfeld. Mme la comtesse Lanza di Mazzarino, à Rome. Mme Lisi, à Bologne. Mme la marquise Lilla Maglioni Cambiaso, a Gênes. Mmo .Ormond, à San-Remo. Mme la. princesse Edmond de Polignac, à Paignton. M. Alfred R. Pick, à, Francfort-sur-Mein. M. Parembli, à Leipzig-. M. Rodi-ïguez Larreta. a M. le capitaine Algei-non Sartoris, il Serravezza. Mme la princesse D. à Vienne. M. le duc Leopoldo Torloni'a, à Rome. ARRIVEES .4 PARIS Lady "Avery, M. Edouard André. M. Georges Bousquet, Mme la comtesse de Bérulle, Mme Demaehy, M. le duc de Gramont, Mme L. Lozt-t, M. Lozouet, M. Isidore Leroy, M, Louis Melizet, Mme Kernand Mahler, Mme Mormon, Mme la comtesse de Pimodau, Mme Alfred Plocque, M. le général Rau, M. le baron Gustave de Rothschild, M. et Mme Thélem. SPORTS Divers •• 1 ITïP'lVTÏÏDl? PETITS CHIENS PAPILLON blanc A f CaNJJllli et orange,3 m. et 1 a. 27. COaiISSAIRES-PBISEURS A ces annonces est appliqué un Tarif dégressif, dont les A'J^ prix diminuent en raison de l'importance des ordres. Expositions et Ventes ARTtJTTR ET fifllti1 Altlll Uli nLUUlllli dir^deven'Mpubhq. 21, boulevard -Hausstnann, à Paris. Télép. ACHETE A L'AMIABLE pour collect. paHiculr. JOYAUX, QBJE£W TABLEAUX OFFICIERS MINISTÉRIELS A ces Annonces est apirtiquê AVIS vn Tarif dégressif, dont les A prias diminuent en raison de l'importance des ordres. ADJUDICATIONS Paris VENTE au Palais, le 29 décembre 1909, à 2 heures. PROPRIÉTÉ A MONTROUGE rue Perler, n' 29. Contenance 321 m. env. Mise à prix 73,000 francs. S'adresser 1° à Me Lestiboudois, avoué 2" à M' Houdart, notaire à Paris. VENTE au Palais, le 13 janvier 1910, en l lot, MAIi°fU RUE LAUaiER, W 34 Rev. brut env. 63,900 fr. M. à pr. 500,000 fr. 0'adr'sse['aM'MESsELET,deLaumois, S 'adresser à M*" Messelet, de Laumois, li Burkhan et Audouin, avoués. nos lecteurs à aller voir et essayer ces nou velles -sans soupapes. ». Les Reliability Trials ont confirmé Tendu?rance et la vitesse des Gregoire qui, toutes trois, ont parcouru les 3;wO kilomètres à plus de -45 de moyenne, ̃• Mine-Darblay, très satisfaite de l'éclairage électrique alimenté par la dynamo Phi » que la Société Blériot a posée sur la voiture de M. Darblay fils, vient de commandeï une installation semblable pour sa voiture Charron carrossée par Keilner. L'électricité, si luxueuse et si commode, est en effet devenue le complément indispensable de toute voiture confortable. Notice F spéciale. Société des établissements Blériot, 16, rue Duret. AÈRONAUTIQUE Une sortie du Zodlao-III » Le Zodiac-III parti hier de Saint-Cyr à trois heures moins un quart a encore fait sa promenade quotidienne au-dessus de Paris, piloté" par le le comte de La Vaulx accompagné du mécanicien Legall. Le dirigeable a remonté l'avenue du Bois et l'avenue des Champ-Elysées, montrant aux. milliers do Parisiens arrêtés pour regarder ses évolutions, ses remarquables qualités le vitesse et de maniabilité. On a pu le voir luttant victorieusement contre le vent, puis après, revenant avec le vent, filer à la vitesse de 70 kilomètres à l'heure. Le Zodiac-III a mis en effet a peine 15 minutes pour franchir les 20 kilomètres qui séparent à vol d'oiseau la place de la Concorde de l'aérodrome de Saint-Cyr. AVIATION A la Ligue nationale aérienne. Un 'nouvel aviateur. A Mourmelon Le comité militaire de la Ligue nationale aérienne s'est réuni hier sous la présidence de M. le général de Lacroix, ancien généralissime, et la vice-présidence de M. le général Langlois, sénateur. Au cours de cette séance, le comité a entendu M. H. Deutsch de la Meurthe, viceprésident de la Ligue, et M. Capazza, ingénieur aéronaute, qui lui ont apporté des renseignements précis sur les ressources dont la France pourra disposer, au printemps prochain, tant en ballons dirigeables qu'en hangars et matériel de toute sorte. Le comité a discuté les conditions'auxquelles devraient satisfaire les dirigeables pour rendre aux commandants d'ai'mée les s services qu'ils en attendent. En particulier, il a étudié quel devrait être leur rayon d'acfion et à quelle hauteur il leur faudrait s'élever pour échapper au projectiles ennemis des expériences fort intéressantes ont été faites à ce sujet en Allemagne elles ont donné des résultats tout à l'avantage des dirigeables. Sur un aérostat, près de 5,000 coups ont été tirés ramené à terre, l'aérostat- qui n'avait pas ni crevé portait 76 atteintes. Elles n'avaient eu aucun effet. Cela tient à la tension du gaz qui aux hautes altitudes transforme en un mur quasi invulnérable l'enveloppe du ballon. 11 a également cherché à déterminer les points stratégiques qui devraient servir de g~ 1 1, ^BnfF^^âm^n^p^éèle^ LE PARFUM de u DAME EN NOI R uWnI LlïïÔOERSANE Infaillible pour faire disparaître les rides du visage. En vente à Paris dans les g'ls magasins. LE PARFUM ÎDEAL-S^S^?^ VENTES ET LDCfeTIONS VENTES DE PROPRIÉTÉS Paris Affi A CT,0tiU m. Loy. l,000f. Prix à débattre. 1 iSCXJ PETITJEAN, 9, R. DES HALLES DISONS RECOBUUNDÉES Médecine, Pharmacie Le Meilleur tonique est le VIN COCA MARIANI Alimentation MENU Potage Fonlange Carpe à la Pompadour Poulets sautes Drouot Selle de sauce Cumbefland Salade de saison Choux-fleurs à la Polonaise Mousse rï l'orange Fruits Café Ayiselle Wynand Fockink d'Amsterdam "•••. VINS Saint-Marceoux sein -brut 1909 centre d'évolution à nos flottes aériennes. et ou; la création de hangars spéciaux est indispensable pour les abriter. Le champion cycliste américain Nat Butler se destine a l'aviation. Il travaille en ce moment-ci aux environs de Paris et de Vinçennes à la mise au point d'un aéroplane de son invention. Hier à Mourmelon, l'aviateur Mortimer Singer a effectué, sur biplan, un vol qui a duré 1 h. 1' 23" à une altitude moyenne de jJO mètres par un vent de 6 mètres. , Les constatations radiographiques faites sur l'aviateur Blériot. confirment le diagnostic des médecins l'état du malade a été jugé suffisamment grave pour motiver une consultation de deux médecins éminents avec le professeur Hochenegg. Blériot souffre beaucoup.. •* M. Crozier, ambassadeur de France, est venu rendre, à nouveau, visite ù l'aviateur aujourd'hui. ̃•̃ Le plus joli catalogue d'aéroplanes, comme aussi le plus complet, est assurément celui qu'a fait paraître la Compagnie aérienne, 15, rue de Presbourg, qui a le monopolè de vente des monoplans Antoinette et des biplans Voisin. La Compagnie aérienne se fera un plaisir d'envoyer ce catalogue franco à tous les sportsmen qui en feront la demande. Demander le catalogue F. BOXE Tom Thomas bat Chàrlie Wilson Au National Sporting-Club de Londres, le champion d'Angleterre poids moyen Tom. Thomas, défié pour le titre par Charlie Wilson, a mis celui-ci knock-out au second round d'un combat eh vingt reprises. 'La bourse était de 25,000 francs, et lord Lonsdalc avait, en outre, offert une ceinture d'or enrichie de diamants, dont Tom Thomas. devient le détenteur. Frantz-Reichel. BULLETIN COMMERCIAL -21- dèeembtre. VINS. Les affaires semblent se !-{ilentrir, aux vignobles. On n'y constate plus lu grande vité du mois dernier. Néanmoins les cours restent fermes et, en beaucoup d'endroits, conservent une tendance h la hausse. Dans le midi, oit ]es stocks sont maintenant assez réduits, les ordinaires rouges vont de 16 à 19 .francs l'hectolitre, les blancs font jusqu'à »3 francs. Dans le Bordelais, après l'effervescence des deux derniers mois, le stock est très réduit. Cependant l'activité persiste et les cours restent soutenus. En Bourgogne, c'est généralement sur les vins vieux que portent les demandes. Pourtant les trois quarts de la nouvelle récolte sont déjà partis. La fermeté des cours persiste. Les ordinaires font toujours de 50 à 55 francs. Les bons ordinaires sont à 80 francs. En. Algérie, la hausse persiste. A Paris, à l'entrepôt de Bercy, les affaires sont un peu moins intenses, mais gardent une bonne allure. ËRMII 1 ÎMC-I^OECCC nouveaux dentiers EmAILynlt UKCrrC résumant Jos plus grands progrès do l'Art dentaire. Succès consacré. 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L., New- York-Brème, de Cherbourg, 20 déc. LIGNES BÙ CENTRE AMÉRIQUE "̃ La-Champagne C. G. T., de Saint-Nazaire pour Vera-Cruz, 2i déc. Pérou C. G. T., de Colon pour Bordeaux, 20 déc. Caraïbe fi. G. T. de Bordeaux pour Guadeloupe, 2t déc, 11 h. matin. Versailles C. G. T., ven. Saint-Nazaire, à Pointe- à-Pitre, 20 déc;, 10 h. soir. INTI~ 'm~ mf~ .;1 Jattm ~!~ L~>jce.T. M,,- Marseille 23 décembre, pour les départs .qui auront le 24> pour Marseille, mettre les lettres le matin ̃Dà Marseille, par VilU-de-Barcelone G; G. T., pour'Bizerte, Tunis, Sfax et Sousse De -Marseille, par C. G. T, • pour Alger 'iBe1£. par Tijuca H., pour"MàdC'r • ̃ • ̃ p'àris,- 21 'dèeenibr'e.' /̃ "Nous sommes obligés de nous répéter et de Qonâtûter que les dispositions généralésdu marflbé né b-utaissenf pas, d'une seancc à l'autere, de cliangcment. appréciable. Les causes nui ont -entretenu la fermeté n'ont pas cessé L'exister, 'et les motifs invoqués par les acheteurs, pour expliquer leur attitude réservée, $'ont. les moines aujourd'hui qu'hier.' Il ''côñyient. d'observer toutefois que la physionojcjio' dé'notre 'Bourse paraît présenter' chaque 'joÙT-uh\peu plus d'animation". "Il que, maigre l'approche des fêtes, et malgré le. ralentissement que la perspective ,' sérié do chômages impose forcé- menj négociations, le public se montre f' is' disposé., à s'employer. La situation po- qùe extérieure est. actuellement telle, il est vrrfi, qu'il n'a .pas ù craindre- de lâcheuses surprises ;pendant les journées où la Bpurse; \ralot de çhamb.'frânçais;35 ans, pari, l'anglais et l'allemand, très- aai- cour, de-son servi, dem. pi. références, de Ie' ordre. –-Ecrire Figaro, S. I. 4. Ma!t. d' Si a., 1°'75, b ara'cnlier,' 6 a. réf. M ait. d' 34 a., 1»75, b. argentier,- 6 a. réf. verbales,1 désire place. Ecrire G. D. 24, Figaro, Femmes de chambre Mme èi¡3S a~ coût., Mng., d. Fme ch'3S a' sachlcoiff., coutl, liiig-, d. pi. Quitte c. déc. r. verb/Mlle N, V., 9, bd Malcsherbes. JBanfc of Egypt, 220; Banque centrale mexiàamè, ̃'¥!&. ̃•̃̃̃"̃̃ • ̃̃̃ ̃̃'̃ ̃̃-̃"̃ •̃' Le liio clôture à 1,909. après 1,970 au plus haut et contre 1,971 hier la_ Centrai -tyĩniny. efet ferme à. 425.. i i • Les valeurs industrielles indécises Briamk, 28^ Sb'snô'wïce-i,WQ Niphks de Bçilïou,. 818. Les chemins espagnols sont, aux environs, de leu r's cours"' d'h ier Saràijossç' '418"; A ndalous, 213 Nord 'de l'Espagne,. 863. Les obligations 5 0,0 du chemin de fer de Roscirïoà'Puerto-Biilgrano finissent à 492. Les obligations 5 0/0 du Chemin de fer de Goyaz terminent à 460. Bourses étrangères Londres, .si, décembre, 5 h. 15. Marché indécis/ Consolidés calmes. Sur ̃ les Chemins anglais, quelques achats, au comptant. Fonds étrangers calmes. Steel Common plus mou. Valeurs cuprifères sans grandes variations au reste, elles ont un marché très limité. Chemins américains lourds; on a offert l'Union Pacific, le Canadian Pacific, TAtchison, le Baltimore, le Louisville.. Berlin,' sr dêcembrel 3 h. 15. Bourse calme. Fonds allemands et prussiens ,peu traités. Fonds étrangers généralement-peu-demandés. Groupe américain offert, mais sans'affaires suivies. Valeurs de banqueè un peu; hésitantes quelques' offres en". Dîscorifo, en Drësdner et en Handéls.' Chemins ̃ lombards fermes, .mais' autrichiens 'm"6us. 'Valeurs de. charbonnages .irrégiiliéres on a demandé la Harpéner,ila offert la. Làura et'la-Bochumèr. ,»->̃̃ COMPAGNIE* DES mHWAYS,' ÉCLAIRAGE ET FORCE DE,8IODE-JANEIRO. Les-, roçette" c^el cëtte'Cpmpagnie, pour la 49" somdinode' seront élevées à,73"8,33'» -francs; .Contre • 69O;48O francs poufla période corr'pspon1dànte_de"'1908,' soit- une augmentation' dis"' 47,85ï 'f faiicsV Lès, recettes ̃ dgs i'aveur;'de cette •année *̃̃ CANISSE DES OÉPOTS ET CONSIGNATIÇHS.–i Opérations des caisses d'épargne ordinaires avec la' caisse des dépôts et consignations,. du 10 au 20 décembre 1!W •̃"̃ ̃̃̃̃• Dëpôts.'de tôrids C . 03 'Retraits de fonds. 3. 291 42 '-̃ Excédèrit"de dépôts. 064.^37 61~ ̃ EScédf-ht de dépôts du 1" jan vier, au 20 décembre 1909, 33, 16. Capitaux employés en achats" de rentes,, du 11 au 20 décembre 1W50 l°Pour le compte des ̃ déposants dés caisses d'épargne ordinaires, 297,430 .2" Pour placement des exc,édents;de'dé' en outre, des arrérages capitaux. encaisses sur -les .valeurs composant le portefeuille provenant des caisses d'épargne ordinaires, 5 mil- lions 570,657 23. ̃̃'• DETTE PUBUQUE-OTTfllUlAHE. D'après le rapport annuel de sir Adam Biock, réprësèntanî. des bondholders anglais et hollandais,, à l'administration de la dette. publique ottomane,a les,, recette, de l'administration pendant l'année fiscale 19081909 se. sont élevées à 4,191,689 livres coateje 3,919,002 pour l'exercice précèdent. Cette aug-'mentation est duo au produit des doiianes, la taxe supplémentaire- de 30/0 ayant fourni t9î8,'i37 livres turques contre 544,987 précédemment. Le fonds de réserve ayant atteint 1,868,618, livres turques, les affectations pour l'amortissement de l'édifice de .l'administratration centrale .,cesseraient et la sommeainsi économisée serait' dorénavant consacrée aux amortissenïents de la Dette unifiée et des iots turcs, ̃. x fme ch..3O a. 5 a* réf..v. habit..voj'.couch. app. désire place ou extra. Écrire J. À., 03, Figaro. Jne fi lie 22 a., débutante, sach. tr. bien coudre, J`dcin pl fme de clinnab. Eci G Mi,B, Figaro. dein. pi. fme de Ecr. G. M., 8, Figaro. 2 f7chI,"2Ô^a. dem, pl. r. v~lCi397â>vMalakoff. Ïjime de chamb., 25 a, pari, angl., un peu franc. 'bnes réf., dés. place. Ecrire B. V. S., Figaro., fme de ch., 45 a., cap. coi et repass, pl. i Paris ou campagne.. Ecrire- G. R., 2, Figaro. '• ̃ •; Ménages M énagesér.. 35 a.; et bne cuisinière, pi. François, 61, av. La Bourdonnais. Ménage, valetTinaître d'hôtel et cuisinière, dem. pi,, tr. bnos référ. L. H., 3, boulevard Çorthior. Ménage, 28-26,a.; dés. pl. valet- d!hôt. et femme cuisinière, bnes réf. A. G., 7, r. Brey. Ménage, valet 1 m. 75. et cuisinière, exe, référ. verb., dem. pl. Manson, 242 bis, bd St-Germain. Cours de cuisine Cours'de CUISINE ET PATISSERIE, au journal le' Cwdon-i?feîlt». §_ "BERGÉRETTES" BONBONS EXTRA-RICHES M EA Choooitt et fondants fourrés. Ltbtlll ^iQU ralICECTTCC Oriihê lltUrrCI ICO eu bsurnchocolttu A ta boit» i de 500 gr. 4'. AT • & Cabolta'da~250~q~ 1 MARRONS GLACES O très moêl!eax, AU MARRO.'IS extra-choisis. 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O T 'M 77 82 +. 05 '̃» -5-O,O AmdrtissaWoOi "i 1" 'J3 il +- 10 3 » • 3 T s 00 'JO 1 ̃ I ̃ ̃ • 15 » Oblig-ation Tunis n y, C 4W ̃ • i 438 .!+• 50 Annam-TqnJdn 2t,~ 21, so ,10' Sa II "2 &0'Ma'dagascar2'v.'1897..» 80 55 80 50 •"• 05 S ̃»• 19OVO5. » 'Jl 50 0» t*0 +•̃ 40 15 » 190 !•» H>1 îj 455 50 -r- "5 15 Algérie 1902 ̃̃> vo'-i ̃ \i5V, 17 £0 Indo-Chine a^lS'J'J.» -i ..I- 15 » ;i"M002.» 416 50, 415 25,– .1 25 20 » Ville de Paris lser>4-{..» 5î; ,.i 54s ..j'+'.l 12 » ̃ 18'jfi f » .j fi'. ̃ ̃ lS-713% 411 410 1 •• 20 i». • 427 50 427 50 ̃ "• 10 .» $99lctr.» 416 50 415.. 12 50 "̃ l!!0t'2>» 455 '153 25– 1 ?" 11 » ~â l!05S*i'» SW 39 50 –.1 50 12 » Ville de -Marseille 187 7.» 415.. 415. li » do n ti i^-o;c •• ins 50 10s –M SOCIÉTÉS DE CRÉDIT w ET OBLIGATIONS DU CRÉDIT FONCIER irOG-; Banque de France 4ïbp •• -t;iU0 •• +.23, 52 12 d'Algérie.» lli 0 ̃• 1615 •• -25. 50 '» delindo-Chine^ IMO .• 1570 •̃ +10. 8 35 d'Ataènes T 122.. ïii ̃̃ 51 17 • N'-du Mexique» 1134 •• –.4 23 10 Centr11 Mexîc'.» 47t .47U •• -2 22 50 Ottomane »' 731 •• ~C ̃• -t .• 15 p. Esp11 de Crédite 201 •• TM ̃̃ +.2 18 p. Hyp d'Espagne'. "57 U5 » Paris-Pay-BasT'l7M 1701 ••I-2. 40 » Union Paris1..C' 'J-~> ̃• 931- ••̃• • 12 50 ̃̃ ' 2»p 281 •- +.1 25 2* desPa-^s 5i8 ,"SS ̃• U'sVtand Bank ot Egypt. = 221 220 ̃̃ .1 ̃• A-] 5i. Comp1" Algérienne i" 1!25 il 15 .• -^10* » », SB •̃ M. S0 »'Comptrnat' d'Escompte» 7!ii ïili K » Crédit Lyonnais î.'iîS .]37S- 15 .» Indust' & Com!v 7M 7W" '+'.2' » Mobilier Franc, l" li 015 •• 2, >. Foncier 777 ..j 776 •̃ 1 13 Association riiiniere..T 257 X93 "+"G 1C Central Mtnlnjr. ïii. 425 -f- 'i.. 505 50 DOS •• -f 50, 1- .¡.1& ., ~~tE9 /l~ -1.. 1;ii-, -•̃ ̃/2K0%' 475 l't' » • '280% .1^5.» 482 ̃ t 50 +.2'F,0 15 j "̃– ̃ aji.. l'JO.'i.» 50i 5P'8 •• +.2.. » 3%- 11100.» 25! HO OIJ9 50 » Bons âlots lQOfr. 1SS7.» co ;j fia 25 15 •» 582 .530 25'– .1 75 ACTIONS CHEMINS DE FER '•0 » sisi dit 30 +.1 ^! Midi.; 1174 11?5 .+ -U. 25 » .. jouissance.»j 584 50 585 .+• 50 72 "Nord .-11752. ,!?55-kj 53 •̃» ..Action . 59 Orléans »14i-i ijt » Action de 0S3 ̃ 38 50 Ouest; r.» -S0 ».rii 31 » Action de jouissance.» 515 5lS -l 2Î 75 Ouest-A gérienriàtiOOf» 605.. ISiil .1.. 58 » Paris-i-yon-Médlterr. T 1320 11 Andalous. » 211 211 , 211, 21,1 oo. Si » Autrichiens-Hongrois 80O 10 » Congo SUprâUïg*iac's.» 2;S 2S0 +.150 » » Sud-Autrich"Lomb»r-.» 12J Méridionaux d'Italie..» 6S 14 p. Nord de l'Espagne 1 SG5 » Portugais 3JÏ 372 –.3.. 17 p. Saràgosse 421.. 418 .3 OBLIGATIONS CHEMINS DE FER a; ~~n"nk. x n 15 » iép»rteitte'1taiPc 3 433. 20..JEStDi-ùirSù^r. •' BS3 50 Cil 50 15. > –'3?. » 4i'i 445 +.1 15 »l ?i% nouvelles = 4-*4 50 445 75 +125 12 50 '̃̃ ̃ .•! 41S 416 3 15 » Est-Algérien o' » m 50 43a + i AT, » MmU3> nouvelles -» 4W 4-ii. lïCO! t% » 3U675+..75' 13 n~0üest-AigéPi9Rd" J~,h .1 u +. 15 »Ouest-Aigérien3;j,» 1; 4î3 .– .3.. 15 » Daupaine^/i .» -446 50 445 .1 50 15 » 3%.» 416 50 447 30 +.1 15 » Sv .442 43 75 -j- I 75 ïi » 610 50 •'G>» 1 àQ" 1D-»iJ} 'i% » 445., 443 50 .î 50 i5 'Paris-Lyon3% 1Ï55..» 4il i .1 Ï5 54 ̃lï 10 B Vnffr-ff' 26lusru'&10h*u rsriii ioïr. ^k^awÊe^k^m^k^k^a^a^a^a^k^a^^k^a^k^k^k^k\^mmr ^a^HHi^HI^BV SHBHHBBEBHiBfl^B ^VHHmJVavDB B^BBflBUafivHBBl ^^bI^B^BBBBBB SbI^SSbW b^bSIIBBH It^BB^aHBHflfiB' Dern. DÉSIGNATION Cours de clôture f Disér. ven DES VALEURS l'wôTTST"!6»" OBLIGATIONS CHEMINS DE FER y 15 » Andaious 3%-lra Seri3.» Ui'J 50 .+.i0 m i~ Andatous3'l" »̃ 3% 2' » 332 Mil 50 » 15 » Asturiesl 'hypothèque. o 36rr.n-3Uij 50 –.1.. •15 » l!»nyp.». ̃ ,• i. 14 p Damas-Hamah » 3W 50 ."Ui- –.2 50 25 » Goyaz Brésil 5 ? i 1 400 ¡;Ú 2, Goyaz BresiH j ,} 110, 15 »[ iud-'Auti'.am» '2tlO' H6'J Ml 50 .15 »' ̃ nouY. 2SJ 50 285 50 15 »Madrid-Sàragi3%l"liyp.» 3Hi 3'JO +.2 li» » 3%2°liyp.» .3 50 fitl 50 15 iSaragosse-Cuenca^'a. » 387 50 38. 00 l,,» a 3~ Ïroù p..° 3sD ~Vl"O ,1 15 » Kord-Espag. 3% f"liyp..» iffO 3S1 +.1 15 » 3%2'ùyp..» 371.{71 50 +.. 50. 1~» 3 1. 2' l1yp. m.¡ i 1 50 +.. ¡-,o. 15 » Portugais 3 %pnv'.l'- ranj » & 3Ũ 482 M81 -t 2 20» 1S'J5..»\,i3 ..Lrfj. +.1 25 » Victoria à Minas 5 'i ..» -468 25 4ÛS .25 ACTIONS INDUSTRIELLES & DIVERSES Util UUJ –.O 50 » 1252 ..il2W +17 50. » deMicheville» 1JS5 j f>s i .l 75 » At.& Chant, de la Loire» I6i>5 = –10 à. » Cu.& 1014 .IlOH. 40 » Agence Havas » o!5 o!Hj .5' ». » Butoaux Parisiens » 2»S 208 2 u, Bnansk .I 2M5 2S4 –.2. 151*2 Canal de Suez » 4Si0- –13. 71 45 Part de fondat'O 22 10 2-ia ..i-10 J2iS2 Société civile..» 310 ..i-t-15 25 36 3ô 5". -> U83. 83. ;;5 » Comp' >!r, SIS ̃lî .-• " brd. 377.. 37» +'.2 1" » pr'iv.» 390, -3'JO ..I 115 Contin1" Edison G i;is8 .. -t- 4 16 50 In"" Téléphones» 3i5 i 3 12 50 .'i 50 20 » Docks de Marseille. H'J7 I 3W; 501- 50 HO Eaux trierai"- de Vichy» 22sS .I 40 • ttabiissem ' ii.'U ..I + .9 .> » DecaùVine l'ir. 115 ..I Î0 ̃» B.'ival. l.-0 131i .+. Figaroex-c-15,l 57; -5'73- "0 ~igar~e~. oet,,Q9> J ..î » EiViej-^ilie' » 745 71! -i- '̃'> 5. • Forgi& 1-lîc. v. 1150 5 ?."> » duif.& de l'Est» 'CJS ïo?S m 55 » F"&Çh'dBla'Méditerr.» U;i4 123 1 -14 15 » Grand-Hotei 2S5 1- .7 50 Cad Moulins de Cbrbeil» 152 2."i 5i , 73 S0 BJSenueider&C'Çreusot' 18'H'. r,0jls-i2 .4' ¡,' 15 »!&0C'. li\. il'S 50 '0 00 » Gaz-Central .̃ » 1520 .+.1' 0 » !.i%! 50 ii-TJ +.2 f-0 » i, m; 839.. 50 »]M^kta-el-Hadid500p..» ,,0 a M ~ 500 p. L,.S' » » Messageries. Marltim.» 18i..isi. -» » M 075 ..] 07o !+. 0- .¡SOClétéC ,deDyn",mlte, Ui" ¡.o "1+,1.. li" .» Jli2' 2lJ0 –.2 10 • ï-77, ..I 272 ,J– .5 12 50 Société du. CiaïdeParis 305.] '.{' D5 » Susuowioe.. 1 îrmr, 5 2; 50 Thomson-Housfon » "Cs; ,77i-i 4-. u 30 » Tramways* Français. GOû .v 45" » ciu Nord.. a 79M ?'jl - » iuoh aes'Oraz i"sèfii .» SS7 8S8 +.1 ̃ i0 J UJ. Argentin i% lb'jB Kesci.l' 1 us 60 i 4 » ̃– '4' '1300. » 85 4 » Brésil 4% ISSU §s"'8O S8 »5 ̃+. 15 25 » S o-Pàulo 5 ',l 517 5li 75 +.. 75 25- » BulBarie lSiM» M4 .3 tJ ", 5t~ ¡.t4.. 25 » â%lWit 512 i •> » Congo Bons à lots ̃ y;- 50 »7 75'+.. 25 15 » Doman"-Autrioneisso.» 50 4 » Emp. Chinois 4% Ub. .101 C0 101-55 05- 4 ..Egypte UJiaée. » lOi 103 4. +.. 40 00 -Privilégiée.» yu C0 lJ'J 75 + 15 4 ..Espagne Extérieure* %-ï -97-621- 97 55- or 25 » Ibspiritû-Santo O 507 75 505 ,-j .2 75 30" » HaltiB! lsito » 512 50 ïii +.1 50 » » Hellénique li>sl.= I 251 4. » Italien34i5i ̃••• 104 80 4 » Japonais 4% rJOâ.» -98-30 +'10' A » Koumain47. loy».. » 9205x92 95 5-'» Busse 5% If22 •» }17 117 4 "'Russe 51. I~~2. H7;, 5J ;O i~ `. °U 4 -> 4% 1S80 93. 93 30 +..30 4 » 4% lot>9 s 2 90 02 85 05 .4 » 1"&2"S".T t 95 ;o; UiaO' + .lfO 4 » i% lyyl » 91 f,i ! 40 35 3 » •̃= 3g ibyi-jbs* pr. ̃̃? so 20- suoû +.. 10 i,* '-̃ ÏJilWOf. » Tô-7âl ..19'+̃ '-2j Bonnes àtoiit faire ̃ Dame,32 a.;g'~f, Ch."t,cap" b..l'M, ,con, t, b. c~is. ,dem. Wdttnïcn Jeune chauffeur ay. permis pour tous -systèmes et J.. e,.un, e él1auffellr 3.'Y,' permispollr et certifie. de. mécanic. de/n. pi. mais..bourg-. Paris où prov. pas oxig.. Ec. L. Chaligny, 11,- Paris. Chauffeur 25' a;, tous systèmes, connaît b. Paris, ;dem. place. Réf. 1er ordre. Kc. V. H., 8, Figaro. /'haufleur, 30 ans, bonnes références-, demande %j place. Voyagerait.. Ecrire E. C., Figaro. ne homme 28 a., sortant écolo chauffeur, .désire place. Bonnes réfçrejaces. Ecr. Jt. B. M. Figaro. Mécanicien,31a., bnes 30 a., tous',syst.,dem. pi. ou Vi extra. Bonnes références.' Ecr. F. A. Valets de pied, Grooms Jne homme, 1 ans, demande place valet de J deYerneuil. GIGOTS de CHEVREUIL1 11 »̃ ta. c/C.D-wi I VI H Marinéi sur cûmmtrid». Uni autmtnttiton tit t,nx Km HUITRES MARENNESf I Arrivage journalier. I 111 ̃̃ tarfou.' lalU H PUABI Ifi PHcllIÈRE, oour t\ ~H unftDLU>ÈO/rtarèovei/iu»rs. H La 6oirearedlatAuftred. » La il B CHAMPAGNE ''P&éniX" O >, I La bouteille. 6',4'itUl ! H CHAMPAQNE'HabkPlt" a 1 CART£,VERTE, la bout. S Cil H CARTE BLEUE La bouteille, %M,QU H LIQUEURS SURFINES a 1 ANISETTE, CURAÇAO, CASSIS Y Cfl H Le litre UlDU M RHUM S' AUGUSTIN Â i Ditlil'àtion de canne» fraîche». Am. "7C H LetOUTEILLE 0 il PUNCH AU RHUM Ô ̃ BJ CaUVENTINE,,^S;.O 7, 1 uu LiqueurJeune 'J~ Ll bouteille B tr. U f l2'boueille- Lmt I O SE POUR ET ^V LES £$> '^>' oh^* c»^ se^9 Prix ctu Flacon *J s n I DÉSIGNATION Cour! dll OlttllTe [ OltKu ni 'Ù'È'S VÀ'LÈtJRS 7hiïrî~ïâ^[ constat. FONDS D'ÉTAT ÉTRANGERS RusSse'S&tflyji. T 87 ÛO 87-90+.. 10 i » -4x lnt?r' 89 00 SU 5i 5 »̃ ̃• 'T lOf'CO '103 65'- + i'Yi%' "•iJÎ%'1909.» 100"55 100 70'J- 15 i. ,» Serbie i% JS' -S7-17 ̃ 87'07 •*• 10 25 » ̃– -5X MOi-Monopol.» 50175. .'ï DO SUisse ;V, % 99 50 "J9 60+.. 10 4 » nette Turque 9175 9tSD+..ll> '0 n -î'i .'0 » Ottom. priorité i »! 450 20 ottom, , », 4~ ..1. ;'O .VOblig. Douanes i% » 50-i 50S. U up Uruguay S'A Y. IS'Jl C '75 M >. OBLIGATIONS DIVERSES • Panama Bons â lots, l,îs .. 137 +.1 » Suez » cl? 50; ° ~ V- » SiT> 50 1-75 .50 10 » Port du Hosai-io ̃̃> ,017 510. –.1 .'0 » C • des Métaux '.» DiiS 25 âofi +..75 11 » ̃ Ti' aOl 50 WJi 50 15 » Geaér11 des Eaux ̃> Hil.. 4;'j –.1 j0 ̃> i-y, 52; 525.. -i .5 20 » Fives-Lille 490 m 75 l S5 i 20 »Gtt2&Eau? » 501.. 500 50– Cû 20 » Français et Etrange 000.. 5uû ,.i -'9 '• CeatraU% 1, 20 5!2' .1 23 2* Lits militaires » 005 i'Ô5 17 50 Messageries Maritim'.» 407 00 407 00- ̃0» OmuibusiS ,000 00 00775 +.1 25 17 iiO Voitures .» a'Ji I 303. 17. 00 LdBanliofEgypteSJâ'i» 425 50' 425 50 20 • Wajons-I its 4 •; » 505 50 OOG 50 + 1 12 > ÏSi'J 00 ifi •. -3 50 q' MARCHÉ EN BANQUE 21 déc. I'. Hier lAujourdll lir Auioard Argentin i ;;Ti 92 27 1 .t [ uu.. wo Brésil»;; 1895! 100 50 100 47 jThàraS. i 15ii 150 00 -5 1 903 101-ïOr 101 15 ;Flain3. ,C .530 029 4r. ftesci 90 17. 90 1 42. ',3%. "36'27 "JG*42 Oia. Neosss.> "12?,5' 1258 Rouen. 5;03 ̃] lfll'SO lui ao OUOO ritçô LctsTurcs..T; 2i> î;> 218 75. lus. ios .Ce Beçrs ord "478 5O.'479\. Obi 4 » 3û9'j 309 Harosnep. 1017 ̃ 1030 41t.. 44S 505' • 5SB Tav. Pousse!. > 120.. J18- Harpener. Plaq,Lumièro!¡¡.. !¡4S. Huanchaca.» 78 78 Zitnrnsr. > 11! liauriiimgrso M 25! 05 75 Soie 283.. ïS2. S'LorCietricS -279-l-2î9-l- ̃ parts» C'.1.. 60 Bien que les échanges soient demeures restreints,, la. tendance "du. marché. -en banque est ..demeurée' satisfaisante. darfs-l-Vrisémblè. Dans le groupe des Fends d'Etat, c'est la- Rente intérieure espagnole 4 0/0-qui a'été 'demandée aujoiird'hui. ̃ ̃ ̃ Xa De- Beers ordinaire est. ;V 479 eon'lre -57/8 "0. \&préfèi;e;.iec, en recul ;"de..2"fr..50..à par cpfitre, la Jagersfontein ordinaire, en avance de i'fr.'f>O-;V2O9'-francs- Le Cape ̃̃Copper;Mphit-âe 1 franc, et la Tharsis finit à 155- contre ISO. ̃ ̃Les valeurs-métallurgiques- russes sont mieux la. AfaJtso/' regagne 11. francs, \aJIaut-Voiçi_a, 2 'françs'la llârlhïânn,' 1 franc cependant la Toula est hésitante à 841- contre 3ii 50. • •' La1 Balia-Keraïdin,- qui-restaithier à-'i06, pas?e à iÈ? Plathia, 526,. contre 525; Harpèneï, en'm6,ins-valûe -de '3 francs; ïiuanchàca, 78 au -̃̃• v MINES D!ÔR A PARIS 21 déc. ..Brakpan ..75. > ,[[Modiièrfont- 6. 09-75 -70 CSartsred. 1150 'iHlliB mmmmmmtmiusmmmBim] a. i» ̃̃MilmUUUaHBaBi [tins gtéatle et 1» ptacflieacs des Laistifi. 11m. de S fl doses fi. SAGE-FfîlWI1WIIDiscpétian,42. R. CADET Imprimeur-Gérant QUINTARD. Paris. Imprimerie du Figaro, 25, riiô Dfoùot. doit 425 0/0 do soft capital la Mè. Charlton. 875,308 liv. -st. 21 millions fr.,' ou 9*i5 0 O do son. capital la Now Kleinfontfin, liv. st. 21 millions"403,125 fr. soit 122 1/2 0/0 de son capital la Van Rvri, ' liv v st. 22 millions 37o,000 ft, . 1/2 0,0 d. son capital, etc., etc. Aprfrs de tels .chiffres ie n'est pas besoin d'appuyer sur la"îkKessa dul sous-sol dû Rand. • ̃ '• Bourses étrangères -ONDRES, 21 déc. H'w I H'W 1 HHrii-1. ConsoNdès. 82 7'8 77 7/8 Ext r. Esp. 05 3/4 Tûariis. C-l.'S li 1/8 Italiens1;. lO.'i i/2 101! 1/2 C&ani;s Pr ̃ 2542 'l'2 25 !••' 1/2 Portugais. fii 1/S GC> 4 157 ii 3-78 Russ 3 Jo s 10 ~.f Cil~n 1. t 2H21!2 2 ¡Zli2 Pa 9~ C. *,1 i 1.~ GC~ i îsc. rgont 1. Ba 11. '1..~5/ 1,' li ~21 l, -7 16 8 Russs4%J U3 7,'S. . Arjont m'jl. 2t'l!l 2 i 1*- 10 BtKLIN, 21 ÇICC. Allemand 3%. i S5 85 ..] DresJn 31- Biak 151 iO 10123 Prussien. 3%. 80 85. 191150 l'jii 10 Extérieure Deutsoia aank 2iii 20 2i. iû RusseOJHsi% 90 50 90 70 Berlin Hanj.. ist 50 lst 00 Uon;rpJs !5 20 U5 25 251 7i 22 10 Italien A1, lût 11 !0t lu Laura. M;i;70 lsi-l 5i Turcilnine. 91- 0.. Rail .vays. elsj. L» >• lij'j •. LotsCgnja. U0 75. 91 50] Parisien éleatri 292 201 1 VIENNE, 2idéc. uiricaien oc • ii?-so 117 50 L»ndcroani.. i 506" '> 505 20 Gouron 95 20 95 15. Alpines i 7i> ->-j Hoajrois Or.. 11,'i 75 lli 70 TaoDcs Ottcim. i 3-JJ .̃ ."lia i Couron 92 45 ̃ 92 45 Çlie.' Tili'.j 715"^J B* 17? Lomoards. Zii 1" Crédit' AUtribft 072 70 072 70 Lots Turc; 222 •>•'̃̃ CrJ\ ' 0, 0 tfits TurC]", 222 22~ lliS- 11W Il Change s Paris 95 70 95 o MADRÏD, 21 doc. neiiieiidi a;, wj ou ivj tu içierjeurs 4-; ovb^ bu 45 35i. 7175 7175 9. BanqKatfonals 'lSjrr. l!S5 Amortisse V. H'I'0TT35' "100" 70 fi'Jii ii» 50 . 4lifl- 13. 408-50-407 I Oéd Sypota t I Cn".t,IJQlterran. 40~ ..0 100 J 1 Ced hYPJtJ 11. J C SJ Gaannèsl'Paris; 100 52 100 Sîi ChanwsïParisr -G'SO e S0 1 ̃•̃. NEW- YORK,. 21 déc ..̃̃̃ icaison Top. 122 121 fi/8 !»a*-T-Bntar. 49 l'i J0 l;S Baltim.& Oùio 118 1/S 117 -US IPûnsylvanie H5 • 7-8- ijj 1;2 Canada Pacific 179 14 179 jUnion Pacific. 202 7 8 202 5/8 CiioagoS Pdul 157-4'! 7712 77 1/4 52 51 5/8 lArjent-aétâil. 52 ",l 4 -52.;/8 trié '31' 7 'S tii lAiiïà'gâm. Cop. S7 'i'i't 88 l'i 70 7/8 7ed.. 1 9rlii 1 -9,li Modderf. B. 2 i'4 2 ll'io CindereLO..2. 3/S- .2 'S/S 'NcwGoch. 1 15 16 1.' lô/ÏC City an J Su J 2 2MG NiwPriniros' 2 lit- 2 St/i OeBoers D. W-iiVIG 1S lù/lli New Steyn. T I'25fa2 -1- 25/1O CityaolOuJ 2 1 ,2 1 `t N,wPI~imros' 2 Ii >1' 2 ;J¡ DurnanDp. j 2 ,1/lii S 1S ourse Mine i 1S- t 3/10 Dura'.Rjod. ;i 1/S ;i 1/S Rand Collier 1 '3'SI 1 .3/8 Et-st Ràni.. 5,7/16 RjndMines. .' ï?î0 i 'a 1/4 Ferreira, 1! ,1/2 10, ;'4 Rouinson D. ,s li/10 ferreira D. 5 .'i /'S D'3/8 8 M R S 3 '4 • î i/4,"Geduld. 2 15/32 215/33 i 4 13 '10 Geldsnh. Dp •!̃ 4 Simm&Jack 1 îrifi l,U/lft -2 '3/16 2 '3/10 Trans. 2 7/8- 2 ?;S Gen.'lI\inf; .2l1G '2' 3 ,2 7 S Goerz 2 1/S 2-3-32 1 3,8 1 i;S s 7 1/2 -7 9/1G 2 31/32 2 Hi'.12 Goldfîelds.. 5 3/4 5 27/32 ̃ Treasury.. t H/3 H/S Jagersfont. 8 5/16 8 5/16 Van Dyk I 1 7;8, 1 7'8 Joiiilee 2 • 2 Van Ryn. 4 13/1G iî,.S Jumpers. 1 11/ If 1 Uiït, .Village 4-R 4 1/2 t 12 2 Kleinfontein 2 U/1G 2 H/16 1 1/4 1 1/4 Knight's. 3 13/10 3 7/8 jWitwatDeep 5 3/1C 5 316 1night's 2 111,IG¡ 2 ° rb [ 1 11,411 t'4 2-Ï/8 2 7/8 Woliuter. 4 1/8' 4 l<8 frooiiaine -ré^aa tlH'pfims 22 dis. R3,]i?i}2î Jii Londres, 21 décembre, 5 h. 20 soir. Le; compartiment sud-africain est reste très ferme,' mais sans entrain. 11' semble que la réponse -des primes de demain soit déjà faite à l'heuro- actuelle. La Premier Diamond, ordinaire finit à 8 15/i6* DERNIERS COURS ÉTRANGERS • met i AQjoara. Barcelone ̃ Changs sur Paris. 7 75 fi 90' Gênes 100 50 Vaiparaiso • eup Londres. 113/16 11 3./1R Gênes 100,[,6 l005G VaLparaiso. sur Londres. 11 3/1611' ~l, l~ 16 ïio-de- Janeiro j. Métaux sur Londres uuivra. comptant. uu m contra w s?, ̃ a trois mois. 61-2/0 cl 2/6 Plomb anglais. 13 10/. espagaol Vi-iii Regarder Cauchemar à l'hôtel streaming - toutes les offres VoD, SVoD et ReplayNous ajoutons régulièrement de nouveaux services de VOD et SVOD mais nous n`avons pas trouvé d`offre pour "Cauchemar à l'hôtel" en streaming. Veuillez revenir plus tard pour voir si une offre a été ajoutée.. 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Lire la suite Voir en replay sur Paris Première Gordon Ramsay veut sauver le River Rock Inn, en Pennsylvanie, une auberge peu accueillante, à la décoration vieillissante et peuplée de cafards. Ce programme ne peut pas être ajouté pour le moment Divertissement Cauchemar à l'hôtel Keating Hotel Le Keating est un hôtel boutique de 35 chambres, né de l'imagination débordante d'un promoteur immobilier féru de design automobile. Il a déboursé des millions pour la décoration de son établissement, qui n'atteint pourtant pas le luxe auquel il prétend. De l'avis des clients, il ressemble plus à un hôpital ou à une cellule de prison. Dès son arrivée, Gordon est sidéré par ce qu'il découvre. Lire la suite Voir en replay sur Paris Première Le Keating est un hôtel boutique de 35 chambres, né de l'imagination débordante d'un promoteur immobilier féru de design automobile. Il a déboursé des millions pour la décoration de son établissement, qui n'atteint pourtant pas le luxe auquel il prétend. De l'avis des clients, il ressemble plus à un hôpital ou à une cellule de prison. Dès son arrivée, Gordon est sidéré par ce qu'il découvre. Ce programme ne peut pas être ajouté pour le moment Divertissement Cauchemar à l'hôtel Hôtel Cambridge L'hôtel Cambridge, dans l'Etat de New York, est un établissement historique de seize chambres, dirigé par un ancien militaire aux tendances dictatoriales. Lire la suite Voir en replay sur Paris Première L'hôtel Cambridge, dans l'Etat de New York, est un établissement historique de seize chambres, dirigé par un ancien militaire aux tendances dictatoriales. Ce programme ne peut pas être ajouté pour le moment Divertissement Cauchemar à l'hôtel Juniper Hill Gordon Ramsay continue de prodiguer ses conseils aux propriétaires du Juniper Hill Inn, un couple particulièrement arrogant qui sous-paye ses employés. Lire la suite Voir en replay sur Paris Première Gordon Ramsay continue de prodiguer ses conseils aux propriétaires du Juniper Hill Inn, un couple particulièrement arrogant qui sous-paye ses employés. Ce programme ne peut pas être ajouté pour le moment Divertissement Cauchemar à l'hôtel Juniper Gordon Ramsay tente de sauver le Juniper Hill Inn, une demeure historique située dans un village pittoresque du Vermont. Cette luxueuse résidence de 28 chambres est à la dérive. Les propriétaires ont dépensé une fortune pour en faire un musée d'art. Robert Dean II et son compagnon, Ari Nikki, mènent la vie de château, snobent la population locale et traitent les employés avec un royal mépris. Lire la suite Voir en replay sur Paris Première Gordon Ramsay tente de sauver le Juniper Hill Inn, une demeure historique située dans un village pittoresque du Vermont. Cette luxueuse résidence de 28 chambres est à la dérive. Les propriétaires ont dépensé une fortune pour en faire un musée d'art. Robert Dean II et son compagnon, Ari Nikki, mènent la vie de château, snobent la population locale et traitent les employés avec un royal mépris. Ce programme ne peut pas être ajouté pour le moment Rejoignez TV Replay sur

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